Texte du 27 novembre 2008
1) Quel nom de parti pour quel but ?
2) Gauche : un nom générique hérité de l’histoire pour un parti creuset...
3) 3) Gauche afin de poursuivre et conforter un long combat pour la République sociale, laïque et démocratique
4) Gauche car beaucoup de Français s’en reconnaissent acteurs...
5) Parti de gauche pour construire la force motrice d’une gauche antilibérale autonome et rassembleuse
Sitôt choisi le nom envisagé pour notre nouveau parti, les critiques ont plu, de la part de l’extrême gauche en particulier pour qui ce nom serait source de confusion. Je voudrais leur proposer de nous comprendre.
Je respecte le point de vue de celles et ceux qui estiment prioritaire d’assurer la continuité théorique du meilleur du socialisme et du communisme dans le passé. Je respecte le point de vue des puristes en vocabulaire marxiste révolutionnaire mais j’ai, semble-t-il, un désaccord sur la façon de mettre la théorie en pratique. Je conviens de l’importance de la théorie héritée de deux cents ans de combats et de réflexion. Cependant, elle ne plane pas dans une quelconque stratosphère ; elle demande à être sans cesse revivifiée ; elle doit prendre en compte :
d’une part les grandes caractéristiques de la période politique,
d’autre part le niveau de conscience politique, au moins par exemple aujourd’hui du large courant qui a voté avec le NON DE GAUCHE en 2005
enfin des forces effectivement disponibles
Le problème est ancien et Friedrich Engels le pointait déjà concernant les immigrés d’origine allemande aux USA « Aux Etats-Unis, les Allemands ne savent pas comment utiliser leur théorie comme un levier pour mettre les masses américaines en mouvement ; la plupart d’entre eux ne comprennent pas la théorie eux-mêmes et la traitent de manière doctrinaire et dogmatique comme quelque chose qui doit être appris par cœur et qui satisfera alors toutes les exigences sans plus de peine. Pour eux, c’est un credo et non un guide pour l’action. »
Notre but n’est pas de nous positionner comme les "vrais de vrai" d’une "continuité idéologique". Notre but n’est pas d’organiser les meilleurs des convaincus. Notre but, c’est de passer à l’action avec tous les antilibéraux, toute la classe ouvrière, tous les opprimés du capitalisme, toute la gauche sur l’essentiel, parce que sur cet essentiel, aujourd’hui, seule la victoire compte et cette victoire urge. Nous serons à notre seule place si ce projet unitaire se construit. Nous sommes également disponibles pour prendre la direction de la gauche, la direction de la mouvance politique héritée du combat biséculaire républicain, laïque et démocratique, de Jaurès, du mouvement ouvrier et de la Résistance anti-nazie, hérité aussi des nouveaux mouvements apparus depuis 1968 (écologie, féminisme, altermondialisme anticapitaliste...). Face à la droite et à l’extrême droite, face au grands patrons et aux nantis, face aux USA et à l’Europe libérale, face au social-libéralisme, nous voulons construire une gauche claire, unitaire et combattante.
Le Parti de Gauche se constitue comme organisation essayant de rassembler des socialistes se réclamant de Jaurès, des républicains se réclamant de Robespierre, des communistes, des humanistes effrayés par le capitalisme financier transnational, des trotskistes en recherche d’efficacité, des anarchistes en recherche d’action collective utile...
Dans quel but ? encore une fois un but politique à assez court terme : réussir à bloquer le rouleau compresseur du capitalisme, réussir à sortir par le haut en internationalistes du moule mortifère de l’Union Européenne, regagner une majorité des électeurs de gauche sur une vraie politique de gauche, aider le syndicalisme à inverser le rapport de forces face au MEDEF.
Nous ne gagnerons pas l’assentiment d’un très grand nombre de travailleurs et citoyens, si possible une majorité d’électeurs sans rassembler bien plus largement encore que les courants d’idées actuels du Parti de Gauche naissant.
Les premières phrases du texte d’orientation soumis au débat des adhérents et aux amendements des comités du PG vont clairement dans ce sens ; c’est la raison de ma participation à ce processus, à partir de mes propres bases, évidemment, comme pour tout militant.
Le Congrès fondateur du Parti de Gauche doit répondre à un état d’urgence. La crise écologique n’est plus seulement un pronostic visionnaire, elle produit ses premiers effets. La crise du capitalisme n’est pas uniquement annoncée dans les livres, elle se déroule sous nos yeux. La guerre n’est pas une menace rendue lointaine par la mondialisation, elle fait au contraire son grand retour. Le vieux cadre de pensée, de production et de consommation tourné vers le profit capitaliste qui mène le monde le conduit à des désastres imminents. Pourtant d’autres choix sont possibles. Une autre histoire peut être écrite. Une bifurcation se présente à nous. Le changement est possible. C’est une question de volonté et d’action. En fondant le Parti de Gauche, nous avons cette volonté d’agir pour un autre avenir. Pas dans cent ans, pas dans dix ans, pas dans cinq ans. Certes le chantier est immense et tout ne sera pas fait tout de suite. Mais nous n’avons pas le temps d’attendre. C’est tout de suite qu’il faut dessiner un nouvel horizon et enclencher les premières ruptures.
N’étant pas né politiquement de la dernière lutte, je sais très bien que nous allons être confrontés rapidement à la contradiction habituelle entre porter un programme à la hauteur de notre projet et pousser à l’unité nécessaire avec des forces qui cherchent seulement à occuper des positions électorales. Mais, mieux vaut devoir résoudre en tension cette question qu’ergoter un siècle sur les responsabilités d’un nouvel échec.
Or, la Gauche française a rassemblé plusieurs fois utilement les progressistes ainsi que les milieux ouvriers et populairesdans l’histoire de notre pays, dans le même type de situation critique, pour s’adresser de façon crédible aux citoyens.
Je voudrais ici prendre l’exemple de la première apparition électorale d’une gauche à vocation majoritaire par les démocrates-socialistes (également nommés "les rouges" à l’époque) après la révolution de février et le massacre de juin 1848.
Cette longue épopée est tellement riche en actions et en idées que nous proposons ici seulement à notre lecteur des liens permettant de lire quelques articles de notre site correspondant à plusieurs moments importants sur un siècle et demi, même s’ils traitent d’acteurs aux orientations diverses, tout comme cela a été le cas à gauche de tout temps, l’unité se réalisant surtout face au danger, par exemple face au royalisme autocratique puis clérical, au bonapartisme policier, au fascisme.
Cette liste de liens s’arrête immédiatement après la Seconde guerre mondiale pour ne pas être trop long.
27, 28 août 1789 Naissance du clivage droite gauche
Gracchus Babeuf, Conjuration des Egaux, socialisme et communisme
Robespierre, Incorruptible philosophe de la Révolution française
Robespierre, penseur politique de la révolution française
1793 : Les Jacobins, mouvement révolutionnaire massif
22 mai 1795 Les martyrs de prairial
Gauche parlementaire française aux côtés des démocrates espagnols le 4 mars 1823
27, 28 et 29 juillet 1830 : les "3 glorieuses" d’une révolution réussie puis confisquée
Les canuts de Lyon, première grande insurrection ouvrière, du 21 novembre au 3 décembre 1831
5 juin 1832 : Funérailles du général Lamarque. Une insurrection républicaine et révolutionnaire
6 juin 1832 La dernière barricade (Les Misérables, roman de la fraternité humaine 3) par Victor Hugo
Raspail, passeur de la Révolution française au socialisme
Le socialisme dans la première moitié du 19ème siècle
25 février 1848 : Première proclamation du droit au travail
À propos des valeurs et du programme des Démocrates Socialistes (1849-1851) René Merle
La Commune de Rome du 9 février au 3 juillet 1849
Auguste Blanqui, républicain socialiste, héritier des Jacobins de 1793 et des babouvistes
La grève d’Aubin (6 octobre 1869) qui inspira l’Ode à la misère de Victor Hugo
1871-2021 : la Commune de Paris, une mémoire capitale
Il y a 140 ans : La Commune de Paris
Louise Michel. Féministe et révolutionnaire :« Révolution, mes amours ! »
Jules Guesde, un fondateur du socialisme français
Gouvernement Combes de Bloc des gauches
Jean Jaurès, idéal, république, socialisme (citations)
L’émancipation sociale des travailleurs (Jean Jaurès)
Mai à juillet 1917 La grève des midinettes déclenche une mobilisation ouvrière
Du 6 au 12 février 1934, la France ouvrière et républicaine stoppe le fascisme
1936 Front Populaire, grève générale et conquêtes sociales
Résistance : L’appel de Charles Tillon du 17 juin 1940
18 juin 1940 Georges Guingouin commence la résistance
Marseille : les entreprises sans patron de 1944 à 1948
Maurice Audin : La torture, l’Algérie et la République : la vérité, enfin (Edwy PLENEL)
En cette année 2008, plus de 40% des citoyens de notre pays se considèrent de gauche et déclinent fort bien les fondements de ce marqueur politique, y compris lors d’enquêtes biaisées :
contre le capitalisme, contre les "gros" qui accaparent les richesses, pour une république démocratique et sociale (institutions, médias, droit du travail...). Contre la hausse permanente des revenus du capital, pour la hausse des salaires et retraites...
contre une société fondée sur l’autoritarisme et l’ordre moral, pour la liberté, l’égalité et la fraternité
contre l’extrême droite, maladie mortelle de l’histoire humaine, pour maintenir vivante la tradition républicaine française : le fascisme s’écrase dans l’oeuf.
contre le nationalisme, pour la protection de notre peuple contre les dégâts du capitalisme mondialisé
contre le racisme et la xénophobie, pour la fraternité universelle et internationaliste
contre l’intégrisme religieux, pour la laïcité et la liberté de conscience
pour la protection de l’environnement face au productivisme irresponsable
pour la défense des services publics, moyen de l’égalité citoyenne
pour la défense des retraites par répartition et de la sécurité sociale
pour l’émancipation humaine dans toutes ses composantes (éducation, égalité homme femme, droit des enfants...)
Il serait ridicule de gaspiller un tel héritage politique de notre peuple ; mieux vaut le valoriser, le défendre, le renforcer.
Ce nom de gauche n’est d’ailleurs pas si pourri que ça pour que des listes d’extrême gauche se soient présentées sous des étiquettes comme : 100% à gauche, A gauche vraiment !...
En prenant pour nom Parti de Gauche, nous souhaitons prouver que nos luttes, nos campagnes, notre programme... sont héritiers des grands jours de la gauche lorsque son action a correspondu aux aspirations majoritaires de notre peuple (réduction du temps de travail, congés payés, protection sociale...). Le préambule constitutionnel hérité de 1946 n’est applicable aujourd’hui que sur une cohérence anticapitaliste.
Préambule de la constitution de 1946
Les critiques contre le nom de notre nouveau parti émanent généralement de militants expérimentés qui craignent de voir la nouvelle génération perdre son temps, se méséduquer dans un parti fourre-tout, semeur de confusion.
Ils peuvent craindre aussi que nos grands discours se perdent rapidement dans de petits arrangements sordides avec les caciques de la social-démocratie municipale.
Je partage leurs craintes ayant connu dans les années 1960 à 1980 toute la trajectoire du PSU qui comptait au départ des adhérents remarquables. J’essaie, de ma place, de prémunir mon parti contre des erreurs passées. Cependant :
ayant participé aux mêmes courants de la gauche du PS que Jean-Luc Mélenchon depuis 20 ans, je ne sous-estime ni la qualité militante de la majorité des acteurs, ni la capacité de celui-ci à en être le porte-parole expérimenté
le principal danger aujourd’hui, ce n’est pas de construire un nouveau parti et de tenter la construction d’un front de "l’autre gauche". Le principal danger aujourd’hui, c’est le repli sectaire et propagandiste, l’absence de projet progressiste crédible proposé à tout notre peuple, l’absence de soutien efficace aux luttes.
Sur ce point, les statuts ont une importance mais la volonté politique de construire un rapport de force politique central face au capital, face à la droite et à l’extrême droite, face au social-libéralisme en a encore plus. De ce point de vue, je tiens à insister sur l’importance des directions politiques tant départementales que régionales et nationales. C’est seulement au prix d’une construction pensée de ces équipes que nous serons capables de faire émerger une gauche anticapitaliste autonome vis à vis du social-libéralisme et rassembleuse de la gauche pour avancer le plus vite possible vers la révolution citoyenne.
Je ne prétends absolument pas que ce soit "la seule ligne juste" ; c’est une orientation politique difficile mais pouvant se rendre utile aujourd’hui plus que d’autres.
El pueblo unido, jamàs serà vencido !
Hasta la victoria siempre !
Jacques Serieys le 27 novembre 2008
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