1871-2021 : la Commune de Paris, une mémoire capitale

mercredi 21 juin 2017.
 

Un siècle et demi après le début du soulèvement parisien, un livre-somme retrace minutieusement la réalité de l’événement et les controverses politiques et historiographiques qu’il continue d’irriguer jusqu’à nos jours.

1 442 pages, 35 chercheurs, 500 notices biographiques, des centaines de documents iconographiques et des articles sur l’ensemble des éléments historiques et politiques soulevés par l’insurrection parisienne du 16 mars 1871, il y aura bientôt 150 ans…

Si l’aspect massif de l’ouvrage intitulé La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux, que viennent de publier les éditions de l’Atelier, en impose, il serait toutefois dommage de la réduire à une somme commémorative de référence, tant il explore à la fois ce qu’a été la réalité de la Commune de Paris, dont l’historien Michel Cordillot, son coordinateur, rappelle qu’elle n’a « à aucun moment cessé de faire l’objet de nouvelles recherches et de débats passionnés », et les façons dont cet événement résonne encore aujourd’hui.

Les usages politiques de cet événement « inapte à produire du consensus » sont, en effet, multiples depuis un siècle et demi. La Commune de Paris a notamment été enrôlée au service du Front populaire, avant de revenir spectaculairement sur le devant de la scène à partir de mai 1968, « en opposition à un PCF jugé fossilisé », et, ces dernières années, d’irriguer la gauche radicale comme « questionnement libertaire de la démocratie », selon les termes de l’historien Jacques Rougerie, ou comme modèle de défense d’un espace autonome, présent dans les ZAD ou la prose du Comité invisible.

De manière plus inattendue, « une partie de l’extrême droite subversive – des boulangistes aux identitaires, en passant par les fascistes français – s’est efforcée de s’approprier la Commune ». Au point que Jacques Doriot (1898-1945) monta avec ses troupes, en 1944, au mur des Fédérés pour honorer les morts de la Commune en même temps que ceux de la division SS Charlemagne, construisant, ce faisant, « une chimère mémorielle, un assemblage improbable et monstrueux ».

Ces appropriations politiques successives se sont ajoutées à la persistance d’une légende rouge comme d’une légende noire de l’événement, sensible jusqu’à nos jours, par exemple dans le Métronome de Lorant Deutsch qui, au prétexte d’une flânerie dans Paris, assimile en réalité la Commune au vandalisme, selon les cadres d’une vulgate réactionnaire ancienne.

Tout cela a contribué à ensevelir la séquence historique sous des mythes et des « fantasmes se rapportant à ce qu’était et ce que voulait être la Commune » qui font que, paradoxalement au regard des milliers de références bibliographiques la concernant, « la Commune de Paris reste assez mal connue ».

Pour pallier cela, l’ouvrage puise au fort renouvellement historiographique qui a eu lieu depuis le centenaire de l’événement et entrelace trois modes d’écriture pour saisir un événement dont la désignation même n’est pas consensuelle puisque le mot « commune » demeure un fourre-tout.

Même si, rappelle le coordinateur de l’ouvrage, l’idée communaliste a « mûri lentement depuis la chute de l’Empire autour de plusieurs idées-forces : la levée en masse pour défendre la patrie envahie – avec le rappel du glorieux précédent de l’an II –, la mise en place d’institutions républicaines capables de promouvoir des mesures authentiquement démocratiques et sociales dont la nature reste encore à définir, la restitution aux Parisiens de leurs libertés municipales ».

Le premier type d’écriture est constitué par les biographies d’environ 500 acteurs du soulèvement, en continuité avec l’œuvre pluri-décennale entreprise par le Maitron, ce Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, aujourd’hui accessible en ligne. Les notices ont été choisies parce que les vies qu’elles retracent ont été profondément marquées par la Commune, comme aboutissement, épisode central ou point de départ de leur existence et de leur engagement. Elles permettent d’appréhender concrètement la grande diversité des parcours idéologiques qui ont pu mener à la foi communarde.

25 mars 1871 : arrivée d’un bataillon de gardes nationaux de Belleville devant la mairie du IIe arrondissement. © Gravure de Frédéric Lix pour Le Monde illustré du 1er avril 1871 25 mars 1871 : arrivée d’un bataillon de gardes nationaux de Belleville devant la mairie du IIe arrondissement. © Gravure de Frédéric Lix pour Le Monde illustré du 1er avril 1871 Le second est formé de synthèses à la fois concises, problématisées et documentées sur quasiment tous les aspects historiques de l’événement. On voit comment la Garde nationale, avec son fonctionnement démocratique lui permettant de révoquer ses officiers, ne facilita pas toujours l’efficacité militaire, sans lui nuire systématiquement.

On comprend pourquoi la marche sur Versailles des 3 et 4 avril fut trop tardive et sans succès, parce que de nombreux acteurs du soulèvement ne voulurent pas accentuer le risque de guerre civile et tinrent à doter la Commune d’une légitimité incontestable en organisant des élections avant de pousser l’avantage militaire offert par le soulèvement du 18 mars 1871.

On cherche les causes du soulèvement à la jonction de trois dynamiques « distinctes mais confluentes » qui entrèrent en résonance à ce moment précis : le processus politique de républicanisation de la France sur le long terme, le contexte économique et politique ayant favorisé le développement d’organisations ouvrières et la montée de l’action revendicative, mais aussi la dynamique patriotique dans la cadre du conflit franco-prussien et dans une capitale assiégée par les troupes allemandes depuis le mois de septembre 1870.

On analyse « la morale de la Commune ». Ou comment le discours anticommunard des années 1870 imposa une lecture morale, ou plutôt immorale, de la Commune, lui refusant un quelconque projet politique et social et mettant en scène des insurgés fondamentalement immoraux dans un désordre général.

Cela recouvrit ce fait que les communards insistèrent constamment « sur la rupture morale qui caractérisait le monde nouveau fondé sur la révolution politique et sociale » et sur une « nécessaire morale citoyenne », stigmatisant les « voleurs » et encourageant les comportements vertueux, même si « sa morale n’était pas forcément celle du camp adverse ».

On découvre aussi « les oppositions à la Commune dans Paris ». En effet, au-delà de la lutte entre « Paris » et « Versailles », et si la Commune a joui d’un indéniable soutien populaire, elle « n’a à aucun moment fait l’unanimité au sein de la population parisienne et son action a été entravée par des oppositions plus ou moins vives » : les « Amis de l’ordre », les « francs-fileurs » qui s’opposèrent par inertie en fuyant la capitale ou encore les conspirations et tentatives de sabotage.

La chute de la Commune fut d’ailleurs saluée par plusieurs manifestations de joie, sans même parler des 400 000 dénonciations, le plus souvent anonymes, qui affluèrent après la reddition de la Commune.

La Commune fut-elle une « révolution socialiste » ?

On en apprend également davantage sur le rôle des femmes dans la Commune et leur remise en cause du modèle social existant, qui n’était pas du goût de la plupart des leaders masculins du monde ouvrier, dont beaucoup étaient proches, à cet égard, des conceptions rétrogrades de Proudhon.

Aucune femme ne participe ainsi au pouvoir politique de la Commune, qui se préoccupe peu de leurs revendications, même si des comités de femmes s’organisent et si certaines prennent part, sur les barricades ou ailleurs, à la lutte contre les versaillais. Un bataillon de femmes, la « légion des fédérées », fut même organisé dans le XIIe arrondissement.

Du côté des versaillais s’enracine alors un imaginaire particulièrement négatif vis-vis de celles qui avaient transgressé les normes sociales, qui se cristallise dans l’image des « pétroleuses » censées parcourir les rues de Paris pour les détruire avec des bidons de lait remplis d’essence, subterfuge « symbolisant la transgression absolue de l’identité féminine », de mère nourricière à criminelle incendiaire.

Ces pétroleuses étaient pourtant, comme finit par le reconnaître l’écrivain versaillais Maxime Du Camp, « des êtres chimériques, analogues aux salamandres et aux elfes. Les conseils de guerre ne parvinrent pas à en exhiber une ». Bien que cette figure se soit avérée totalement fantasmatique, elle demeure un pilier des clichés du soulèvement parisien, au point qu’au printemps 2018, lors de l’occupation de l’université de Tolbiac, autoproclamée « Commune de Tolbiac », une banderole déployée à l’entrée du site avertissait : « Si les flics entrent… les pétroleuses ! »

On examine aussi le Comité de salut public, mis en place fin avril. Les auteurs jugent que, « loin de sauver la révolution communaliste en s’en remettant à la dictature de quelques-uns, le remplacement d’un organe de gouvernement brouillon, mais démocratique, par un organisme centralisateur, va en fait s’avérer une erreur tragique en brisant l’unité des communeux. Pire, en niant l’idée même de démocratie directe, ce “pastiche révolutionnaire” va contribuer à dénaturer une expérience sociale inédite ».

On remarque encore que la Commune s’est déroulée « à une période charnière où la photographie était en passe de supplanter la gravure et la lithographie comme support de diffusion ». Et a donné lieu à beaucoup de photomontages cherchant à illustrer les « crimes de la Commune », souvent mis en scène par Eugène Appert, un photographe judiciaire dont les images retouchées contribuèrent à discréditer les fédérés aux yeux de l’opinion et de la postérité, en particulier à travers les images des bâtiments emblématiques de Paris en feu.

Pourtant, rappelle l’ouvrage, derrière ces vues emblématiques du palais des Tuileries ou de l’Hôtel de Ville ravagés par les flammes, ce sont les versaillais qui ont pris l’initiative des destructions, « animés par une conception moderne, sinon novatrice, de la guerre urbaine ».

En effet, note le chercheur Éric Fournier, « ordre est donné de ne jamais attaquer les barricades de front mais de les encercler soit en passant par les rues adjacentes, soit en “cheminant” à travers les immeubles, c’est-à-dire en perçant les murs et les cloisons, pour établir des positions de tir surplombantes ».

Selon une tactique qui résonne à distance avec ce que repérait Eyal Weizman, le fondateur du collectif Forensic Architecture, au sujet de la stratégie de l’armée israélienne dans le camp palestinien de Jénine en 2002, dans son ouvrage À travers les murs. L’architecture de la nouvelle guerre urbaine.

Il ne manque ainsi guère d’aspects que l’ouvrage n’explore pas, même s’il fait le choix géographique de ne s’intéresser qu’à Paris, alors qu’une grande partie du renouvellement historiographique de l’événement des dernières années porte sur la résonance de celui-ci dans d’autres villes de France ou à l’étranger : une absence assumée, mais que les auteurs reconnaissent « critiquable ».

À l’exception de quelques « mouvements communalistes de province », notamment à Lyon et Marseille, les régions furent en majorité hostiles ou indifférentes aux revendications des insurgés, sans pour autant se ranger franchement dans le camp versaillais, « comme le démontre le peu de succès des levées de volontaires ».

Au-delà de ces synthèses réalisées à partir des dernières recherches, l’aspect le plus original, qui constitue le troisième mode d’écriture de l’ouvrage collectif publié par les éditions de l’Atelier, est celui consacré aux nombreux « débats et controverses » qui continuent de travailler l’interprétation de l’événement.

Celles-ci portent aussi bien sur les influences respectives de Proudhon, Marx, Bakounine ou Louis Blanc, que sur les rapports que la Commune entretint avec la « démocratie directe » ou la question de savoir si la Commune fut une « révolution socialiste ».

Cette dernière interrogation en amène d’autres, autour notamment du rôle de l’Internationale dans la Commune. Longtemps, celle-ci fut considérée comme ayant eu une importance décisive dans le surgissement comme dans la nature supposée du soulèvement parisien. Ce rôle fut souligné autant par les versaillais, entendant ainsi « alimenter l’idée d’un complot socialiste et cosmopolite » contre la civilisation, que, plus tard, par les intellectuels marxistes « soucieux de détecter dans l’événement parisien les prodromes d’une révolution pour la première fois structurée par une organisation ouvrière ».

En réalité, ses membres ne jouèrent en tant que tels « aucun rôle structurant dans l’événement du 18 mars, qui est un mouvement populaire et spontané », même si les membres de l’Association internationale des travailleurs (AIT) s’impliquent ensuite dans certains comités parisiens et si, après l’écrasement de la Commune, les réseaux de l’AIT permirent l’accueil de nombre communards en exil.

Cette controverse est prise dans la discussion qui a longtemps structuré la grille de lecture de l’événement parisien. La Commune fut-elle le crépuscule des révolutions du XIXe siècle, ouverte par la Révolution française, ou l’aurore du mouvement ouvrier moderne ?

L’historien Jacques Rougerie tranchait, dans Procès des communards, en faveur du crépuscule, contre toute une partie de l’historiographie marxiste. Les auteurs de cet ouvrage collectif jugent aussi que l’événement relève moins d’une « lutte des classes » que d’une cristallisation d’« antagonismes sociaux » et s’avère avant tout républicain et socialiste, mais au sens que ce mot possède au XIXe siècle et non au XXe.

Les rapports entre la République et la Commune constituent l’un des autres sujets fondamentaux des sections de l’ouvrage consacrées à mettre à plat l’état des controverses sur le sujet. Comment, déjà, expliquer ce paradoxe : « La Commune fut républicaine et pourtant, dans leur majorité, les républicains condamnèrent l’insurrection. »

Au-delà de la diversité des républicains, dont la majorité considérait que la Commune allait à l’encontre de la légalité et conduisait au désordre, beaucoup œuvrèrent pour une conciliation avec l’Assemblée nationale réfugiée à Versailles. Mais une fraction non négligeable d’entre eux jugeait que la Commune pouvait « favoriser la restauration de la monarchie, alors que la République était fragile », après sa proclamation toute récente dans un contexte d’occupation prussienne, après la défaite de Napoléon III et la fin du second Empire.

Le nœud du débat porte alors sur la question de savoir s’il est possible d’affirmer, comme l’ont fait les partisans de la Commune et leurs descendants, que celle-ci a sauvé la République, en ce sens que le sacrifice des combattants parisiens aurait interdit tout retour au passé monarchiste. Une question longtemps débattue, à laquelle il n’existe toujours « pas de réponse consensuelle ». Certains jugent que, même si les royalistes étaient majoritaires au sein de l’Assemblée élue en février 1871, leurs désaccords étaient trop nombreux pour imposer une restauration.

En réalité, jugent les auteurs de cette somme collective, « la Commune constitue bel et bien le moment où un basculement, à la fois politique et psychologique, s’opère » vers l’acception d’un régime républicain, même si l’on continuera longtemps à discuter dans quelle mesure cette République fut sauvée par le sacrifice des communards montés « à l’assaut du ciel », selon les termes célèbres de Karl Marx.

« Un moment charnière »

Ce ne sont pas seulement les grandes querelles d’interprétation que déplie l’ouvrage, mais aussi, dans une démarche allant davantage du micro au macro, ce que permet l’attention fine à certains débats en apparence techniques, comme l’attitude de la Commune vis-à-vis de la Banque de France. Dans la mémoire militante s’est imposée l’idée que le refus de prendre le contrôle des ressources de la Banque de France « avait été une erreur majeure, voire une faute commise par des esprits bien trop modérés ».

© Éditions sociales © Éditions sociales Une conviction alimentée notamment par Marx dans sa relecture, dix ans après, de l’événement parisien mais qu’on ne trouvait pas dans son positionnement à chaud, tel qu’il est exprimé dans La Guerre civile en France.

Les auteurs constatent que la Commune fit effectivement preuve « d’un assez grand respect pour la propriété privée et pour tout ce qui ne relevait pas directement du gouvernement municipal », porté notamment par l’idée d’une nécessaire séparation entre le local et le national. En avril 1871, très peu de communards s’opposèrent à une politique « qui correspondait aux idées d’une large partie du mouvement ouvrier parisien, soucieux de défendre le crédit et de ne pas outrepasser les prérogatives communales qu’il s’était arrogées ».

Un autre exemple porte sur l’analyse précise des élections du 26 mars et du 16 avril et de ce que ces scrutins racontent de la « légitimité » de la Commune. Les premières tractations menées entre le comité central de la Garde nationale et les maires et députés de Paris débouchèrent, en effet, sur la tenue d’élections pour désigner les représentants du peuple parisien.

Le 26 mars 1871, 230 000 votants pour 475 000 inscrits donnèrent un rapport de force sans appel pour les candidats communeux contre les tenants de l’ordre, tout en montrant un net décalage entre les arrondissements populaires et les quartiers plus bourgeois. L’abstention considérable pouvait s’expliquer par le départ de la capitale de nombreux Parisiens, dont beaucoup d’hommes craignant l’incorporation de tous les citoyens adultes dans les compagnies de guerre de la Garde nationale.

Les élections complémentaires du 16 avril montrèrent toutefois une réelle désaffection des électeurs, avec près de 70 % d’abstention. Un chiffre qui alimenta jusqu’à nos jours un procès en illégitimité, mais à propos duquel les auteurs rappellent que la situation opposait, en fait, une légitimité discutable à une autre, puisque l’Assemblée nationale avait été élue alors qu’une large partie nord-est du pays était sous occupation prussienne et sans aucune campagne électorale.

Mais la controverse historiographique soulevant des divergences politiques la plus sensible est sans doute celle portant sur le nombre de morts de la Semaine sanglante, que certains chercheurs et militants estiment à plus de 40 000, tandis que l’historien britannique Robert Tombs a récemment proposé, dans un article intitulé « How Bloody Was la Semaine Sanglante of 1871 ? A Revision », une estimation nettement plus basse, d’environ 6 000 morts.

Pour l’historien Quentin Deluermoz, qui retrace les débats, cette bataille de chiffres n’est pas vaine. Pour l’histoire de la Révolution française, des travaux récents ont ainsi montré le surinvestissement historique de certains événements plutôt que d’autres, dont l’ampleur meurtrière était pourtant tout aussi importante, à l’instar de la bataille rarement mentionnée de Montréjeau, non loin de Toulouse, qui fit pourtant près de 5 000 morts en 1799.

Mais cette bataille vaut surtout pour les interprétations sous-jacentes qu’elle suppose. Robert Tombs, qui s’est intéressé « au grand oublié de cette histoire, le camp versaillais et les soldats de la Semaine sanglante », juge que cette révision n’enlève rien au fait que cette semaine fut « l’un des plus terribles massacres de civils de l’histoire européenne du XIXe siècle ».

Mais cela lui permet de souligner qu’en « dépit de ses évidentes exactions l’armée de Versailles est restée relativement tenue par son organisation et son commandement ». Au risque de normaliser un massacre au caractère exceptionnel qui constitue un jalon dans l’anthropologie de la violence d’État.

Ce qui reste surprenant une fois cette somme refermée, c’est tout ce qu’a produit et qu’irrigue encore une séquence historique aussi brève. Commencée le 18 mars 1871, la Commune n’est installée que le 29 mars et doit interrompre ses séances le 21 mai, ce qui lui donna seulement 54 jours d’existence. Dans ces conditions, surtout en menant une guerre, « les communards pouvaient-ils durablement changer la vie ? Non, sans doute. Mais ils firent pourtant plus et mieux que les gouvernements qui les avaient précédés », estime Michel Cordillot.

Que ce soit « en matière sociale » : moratoire des loyers et des dettes, suspension des ventes d’objets déposés au Mont-de-Piété puis leur reprise gratuite à concurrence de 20 F, réquisition des logements vacants, interdiction du travail de nuit dans les boulangeries, possibilité des associations ouvrières de reprendre la gestion des ateliers abandonnés, interdiction des retenues sur salaire…

Mais aussi sur le « plan politique » : levée de l’état de siège, annulation des mesures frappant la presse populaire, séparation de l’Église et de l’État… Ou encore, pour ce qui concerne la dimension « sociétale » : laïcisation des écoles, égalité salariale des instituteurs et des institutrices, reconnaissance de l’union libre et de l’égalité des droits entre tous les enfants, légitimes et illégitimes des gardes nationaux morts au combat.

En tout état de cause, la Commune fut ainsi « un moment charnière, à la fois dans le mouvement de républicanisation de la France sur la longue durée et dans la prise de conscience que l’accession au pouvoir des représentants des classes populaires n’était plus du domaine de l’impensable, ouvrant ainsi la voie aux luttes sociales et politiques à venir ». Ce qui explique pourquoi elle continue d’alimenter et de diviser les mémoires qui s’en emparent.

24 janvier 2021 Par Joseph Confavreux


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