22 septembre 1792 : fondation de la Société des Jacobins, amis de la liberté et de l’égalité.
12 novembre 1794, le club des jacobins est fermé par les thermidoriens
Le royaume de France connaît dans les années 1781 à 1789 plusieurs crises concomitantes : financière, économique, politique, idéologique, sociale.
De 1773 à 1802, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
Sur les causes structurelles de la Révolution française
Acculé, le pouvoir ne voit d’échappatoire que dans la convocation d’Etats Généraux, composé de députés des provinces, élus par chacun des 3 ordres (noblesse, clergé, Tiers-Etat) pour résoudre la crise financière.
Crise de l’Ancien régime en 1787 1789... vers les Etats Généraux
Ce processus d’élections sur la base de cahiers de doléances va mobiliser puissamment la population au point d’enclencher un processus de radicalisation sociale et politique sans lequel on ne peut comprendre la Révolution française.
Cahiers de doléances de 1789 (tiers-état, clergé, noblesse, Etats généraux)
Printemps 1789 : émeutes de Marseille, Aix, Besançon et Amiens, émeute Réveillon
Début mai 1789, les députés élus aux Etats Généraux se retrouvent à Versailles pour les premières sessions.
4 et 5 mai 1789 : Ouverture des Etats généraux, future Constituante, à Versailles
Rapidement, des députés constatent la volonté du pouvoir de limiter les Etats Généraux au vote par ordre sur la question financière. Ils commencent à se réunir au café Amaury (Versailles). Le réseau des députés breton du Tiers Etat constituent le socle et le liant de départ de ce groupe ; aussi, il prend le nom de "Club breton". Il faut dire que les élus de cette province ont déjà une riche expérience du combat démocratique face à la royauté, face aux nobles et à l’épiscopat de leur province.
27 janvier 1789 Soulèvement à Rennes des jeunes Bretons du Tiers-état face aux ratonnades nobles
Dans le courant du mois de juin, le rapport de forces se tend à Versailles. Le club breton se réunit de plus en plus souvent. Des élus d’autres provinces les rejoignent analyser la situation politique, tirer le bilan des débats de la journée et préparer ceux du lendemain à l’Assemblée nationale.
20 juin 1789 Serment du Jeu de Paume, symbole du combat pour la souveraineté populaire
Le club breton se réunit fréquemment, agit, accueille de nouvelles recrues comme les députés bretons du bas-clergé mais surtout la gauche de l’Assemblée constituante autour de Robespierre et des personnalités de premier plan comme Mirabeau, l’abbé Grégoire, Barnave, Alexandre et Théodore de Lameth, Bailly, Pétion, Adrien Duport, l’abbé Siéyès...
Durant les mois de juillet, août et septembre 1789, le club joue un rôle important :
dans l’action pour certaines journées comme le 14 juillet
dans l’information des Français sur ce qui se déroule à Paris,
dans la mise en place des nouvelles municipalités,
dans les décisions historiques de l’Assemblée constituante (par exemple lors de la nuit du 4 août et lors des débats sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), .
4 août 1789 Abolition des droits seigneuriaux par l’Assemblée nationale
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (votée le 26 août 1789)
Après les journées des 5 et 6 octobre 1789, la famille royale se voit obligée de venir s’installer à Paris (au Palais des Tuileries). L’Assemblée fait de même, se réunissant dans la Salle du Manège.
5 octobre 1789 Quand la masse des femmes entre en révolution
6 octobre 1789 Rien ne résiste aux femmes en révolution
Le club breton prend conscience de l’ampleur du mouvement et des tâches à accomplir. Il loue alors la bibliothèque du couvent des jacobins (Rue saint Honoré) pour les réunions d’un nouveau club élargi qui prend un nom symbolique de sa politisation Société de la Révolution.
Le groupe comprend alors environ 200 députés siégeant à huis clos et pesant lourdement sur les décisions majoritaires de l’Assemblée constituante. L’objet du club est à l’origine de préparer les séances à l’Assemblée, en discutant d’avance les textes qui doivent y être débattus. Mais il devient aussi un lieu de débats sur la politique révolutionnaire ; ainsi, il deviendra un temps le siège du conflit entre Montagnards et Girondins.
Dès l’été 1789, plusieurs intellectuels comme Condorcet ont été invités à participer aux débats du club. D’autres non députés s’adjoignent peu à peu au club, payant une cotisation élevée qui traduit la composition sociale bourgeoise du club.
Cette base sociale va avoir une importance, par exemple lors des débats constitutionnels de 1790 1791 quant au droit de vote. Le club prend position pour réserver la citoyenneté aux seuls "actifs" payant des impôts, c’est à dire les bourgeois.
Cependant, au fil des mois, des combats difficiles et des débats qu’ils suscitent, le mouvement jacobin change de nature, groupant de plus en plus l’aile active et radicale de la Révolution dans les quartiers parisiens comme dans d’autres villes. Par exemple, la position du mouvement jacobin se prononçait pour le suffrage censitaire avant la tentative de fuite du roi, pour le suffrage universel ensuite, la preuve ayant été faite que la révolution ne pouvait être sauvée que par la mobilisation du peuple dans son ensemble.
21 juin 1791 La fuite de Louis XVI s’arrête à Varennes
De nombreuses sociétés provinciales s’affilient aux Jacobins et se développent ( 90 en août 1790, entre 600 et 800 à la fin mai 1793) qui interviennent activement sur l’ensemble du territoire face aux sociétés de même type opposées au processus révolutionnaire :
groupes monarchistes et cléricaux
groupes "modérés" comme celui des Feuillants sur Paris, scission droite des jacobins.
Se réunissant presque chaque jour entre 18 heures (après la séance de l’Assemblée) et 22 heures c’est en sein qu’apparaissent les débats essentiels entre ceux qui considèrent la Révolution terminée et ceux qui veulent la renforcer, ne serait-ce que pour lui permettre de vaincre face aux royalistes et face aux armées étrangères. Dès 1790 1791, des personnalités comme Mirabeau et Lafayette, campent l’aile droite et se voient dépassés par la radicalisation due aux tâches à accomplir pour sauver le processus révolutionnaire et ses acquis.
En 1792 puis 1793, les clubs jacobins bénéficient de la poussée populaire qui gonfle leurs effectifs, crédibilise leur action, concrétise leur orientation. La démocratie directe fonctionnant dans chaque assemblée ainsi que la démocratie représentative décentralisée permettent l’éclosion de nombreux cadres locaux.
Les réunions fréquentes, les journaux jacobins, la publication des discours (en particulier de Robespierre) contribuent à la maturation d’un mouvement politique
Lors du tournant décisif entre août et octobre 1792, la gauche de la Convention se renforce en raison de la clarté des perspectives qu’elle avance pour sauver la Révolution française, ses acquis sociaux et démocratiques.
Minoritaires lors des débuts de la Convention, cette gauche va s’opposer à la majorité (modérés, Girondins...) pour finalement la supplanter.
Le 22 septembre 1792, surlendemain de Valmy, lendemain de l’abolition de la royauté, la Société des Amis de la Constitution change son nom pour celui, encore plus symbolique du processus permanent de radicalisation de la révolution française Société des Jacobins, amis de la liberté et de l’égalité.
L’abolition de la royauté par la Convention (21 septembre 1792)
En octobre 1792, Robespierre s’impose par la qualité de ses discours comme le principal dirigeant politique des jacobins.
Au printemps 1793, la Révolution française est en danger, suite aux défaites militaires aux frontières face à la 1ère coalition mais aussi suite à des soulèvements intérieurs dont celui de Vendée.
La majorité de l’Assemblée refusant de prendre les mesures d’urgence, sociales, démocratiques et militaires nécessaires, les Montagnards préparent une insurrection populaire de masse. Elle éclate le 2 juin 1793.
2 juin 1793 Arrêter la Révolution française avec les Girondins ou vaincre avec les Montagnards
Sous la pression des sections de sans-culottes parisiens et de la garde nationale, les dirigeants girondins sont arrêtés. Les Montagnards vont être confrontés à l’exercice du pouvoir.
Du 2 juin 1793 au 27 juillet 1794, les Montagnards assument la responsabilité du pouvoir politique. La Société des jacobins constitue le point d’appui essentiel de leurs choix d’orientation et de leurs actions. Nous allons reprendre sur ce point l’excellente analyse d’Albert Soboul.
Le grand organisme des 5332 communes françaises ayant possédé une société populaire, sans même tenir compte de Paris avec ses "sociétés fraternelles des deux sexes" puis, au coeur de l’an II, ses 48 "sociétés sectionnaires" ou d’autres villes qui abritèrent plusieurs clubs affiliés aux jacobins ou sociétés sans affiliation tolérés par des autorités très révolutionnaires, assurait à la direction jacobine de l’Etat, l’appui d’une structure de sociabilité politique d’une rare cohérence.
13% des communes de France avaient une société populaire ; cela représentait 98% des 561 chefs-lieux de districts et 59% des 4816 chefs-lieux de canton ; c’est dire la très forte implantation du jacobinisme populaire, avec sans doute près de 6000 sociétés.
Organisée en réseau, anastomosée localement et régionalement, hiérarchisée autour de la société mère de Paris, grâce à des sociétés relais installées dans les grandes villes où, depuis 1790, fonctionne souvent un club prestigieux, la structure politique du jacobinisme était à la fois, instance d’opinion, réceptacle plus ou moins sensible des tensions de la société et instrument de mobilisation.
Formation para-étatique, elle contrôlait ou impulsait l’action de nombreux organismes de pouvoir, composait et dynamisait les appareils délibératifs et exécutifs chargés de faire fonctionner l’administration révolutionnaire : conseils et directoires de districts, municipalités, comités révolutionnaires (ou de surveillance), comités civils etc.
Ce sont les sociétés populaires qui ont donné en profondeur au pouvoir jacobin, depuis la Convention jusqu’au plus lointain district, sa force, sa cohérence, son autorité au cours des quatorze mois de son exercice.
L’unité politique et morale de la nation en guerre résulta pour une grande part de l’action de ce demi-million d’adhérents des sociétés populaires, de cette centaine de milliers d’activistes, chargés de "mission" ou de "mandats" par les assemblées générales et qui s’évertuèrent à être présents sur tous les terrains :
collectant des fonds et des fusils
veillant aux fabrications de guerre,
plaidant pour la culture de la pomme de terre et l’utilisation d’engrais
cherchant à ouvrir des écoles, pourchassant "aristocrates" et suspects
répondant inlassablement aux questions des autorités centrales...
Les conservateurs ont toujours caractérisé la Convention montagnarde comme marquée par une "dictature jacobine" qui préfigurerait le "totalitarisme" : parti omniprésent, confusion entre parti et Etat, hégémonie idéologique... Il s’agit là d’une tartufferie grotesque :
dans quel Etat fasciste installé (entre autres) par des libéraux, l’Assemblée des députés a-t-elle débattu avec une telle vigueur, jour après jour, a-t-elle disposé d’autant de pouvoir, a-t-elle autant voté ? Jamais.
un seul Etat libéral ou fasciste a-t-il autant promu la démocratie directe et la souveraineté populaire dans les assemblées délibératives que les Montagnards ? Non.
La domination politique des jacobins sur le pays est réelle durant la Convention montagnarde. Tous les membres du gouvernement et du comité de salut public par exemple en font partie. Ceci dit, le mouvement des jacobins n’est en rien une organisation pyramidale totalitaire ; les contradictions de la société civile s’expriment en son sein et les divisions internes finissent par le faire tomber.
L’hégémonie idéologique des jacobins sur la France républicaine est également réelle. Elle n’est pas le fruit d’un coup d’état quelconque mais de la maturation politique du peuple français depuis plusieurs années. Cette hégémonie perd de sa force suite aux victoires militaires qui rendent l’effort de guerre moins nécessaire et suite à la crise économique du printemps 1794 qui exacerbe les tensions sociales.
Par leurs décisions politiques et leur intense activité, les jacobins ont permis à la Révolution de mobiliser les milieux populaires, de vaincre militairement face à la Première coalition et face aux insurrections contre-révolutionnaires comme celle des Vendéens.
Par les droits sociaux proclamés et quelques conquêtes sociales, par la vitalité démocratique des assemblées générales de village (lors desquelles les femmes votent), par les victoires militaires, les jacobins génèrent un processus de radicalisation qui leur échappe partiellement et qu’ils tiennent à distance (déchristianisation, partage des terres...). Ils sont alors stoppés par un putsch de politiciens qui réorientent la révolution au service des milieux aisés.
8, 9, 10 thermidor Robespierre abattu, Révolution française terminée
Un décret du 16 octobre 1794, défend déjà aux sociétés populaires de « s’affilier et de correspondre en nom collectif ». Armée de ce décret, la « jeunesse dorée de Fréron », bandes de jeunes muscadins réactionnaires, ne limite plus ses agressions contre les jacobins. Des affrontements ont lieu au Palais-Royal, dans les Tuileries et sur la place du Carrousel, où, les Jacobins et le peuple des faubourgs d’un côté, les « jeunes gens dorés » et les marchands de l’autre, se battent avec fureur.
Le 12 novembre, la Convention approuve la fermeture du club au nom de l’ordre. Les associations populaires sont ainsi dissoutes de fait. Empressés d’en détruire le symbole les thermidoriens transforment l’immeuble des jacobins en marché « du 9 thermidor ».
Depuis sa fermeture, quelques tentatives de renaissance du club ont eut lieu notamment après la seconde guerre mondiale, autour de Charles Hernu. Mais le projet d’éducation populaire et républicaine s’est vite transformé en un groupuscule de radicaux plus ou moins contrôlé par le PS, loin de l’idéal politique et social de la période révolutionnaire.
La question de l’héritage politique des jacobins est importante.
Je partage totalement le point de vue d’Albert Soboul. Aussi, il m’apporte une conclusion.
Après le 9 Thermidor, le jacobinisme comme structure organisée s’effondra...
Mais l’esprit du jacobinisme, la tradition du radicalisme républicain et patriotique qu’il incarnait survécurent de manière durable. Assez vite, la fusion s’opéra entre la tradition du sans-culottisme égalitaire, celle du communautarisme... et la tradition du robespierrisme.
Manifeste des Egaux (Sylvain Maréchal, début janvier 1796)
Ainsi se constitua, avec des nuances de "gauche" et de "droite", un néo-jacobinisme auquel la répression anti-royaliste du 18 fructidor an V donna un nouvel élan...
Ni le régime plébiscitaire, consulaire et impérial, ni la restauration ne purent venir à bout de cette tradition jacobine radicale dont la longue survie de 1800 à 1830 dut beaucoup à l’action de conservation, conduite par des sociétés secrètes d’inspiration buonarrotistes.
La génération des révolutionnaires romantiques de 1830, puis celle de 1848, enfin les républicains victorieux de 1880, entreprirent tour à tour de faciliter l’appropriation par la nation française, de la vision particulière qu’ils avaient de leur histoire commune.
Jacques Serieys le 14 septembre 2008
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