14 décembre 1789 : Création des communes par la Révolution française

vendredi 29 mars 2024.
 

De tous temps et en tous lieux, les groupes humains ont ressenti l’utilité et même la nécessité de s’organiser. Depuis l’Antiquité, en Chine comme dans les Andes, en Europe comme en Afrique, le niveau du village est celui qui bénéficie de la plus forte vitalité démocratique directe. Dans le même temps, les villes ont vu fleurir des progrès de civilisation dont la Cité antique représente un exemple éclairant.

Retour sur les origines de la démocratie, Athènes

Cette réalité est particulièrement forte en France où les communautés d’habitants du Moyen Age ont maintenu ce cadre politique de la cité, généralement contre la féodalité et contre l’Eglise. En créant les Communes dans les frontières de ces anciennes communautés, la Révolution française s’est dotée d’un ancrage local puissant.

En effet, l’Assemblée constituante crée par ce décret les conditions d’une vie municipale démocratique qui va largement contribuer à sa solidité institutionnelle et à la réalité populaire massive du processus révolutionnaire.

L’exemple le plus frappant est celui de la fuite de Louis XVI, arrêté par le village de Varennes alors que le convoi royal est en lien avec des chefs de l’armée française et avec l’empereur d’Autriche dont les troupes sont proches.

21 juin 1791 La fuite de Louis XVI s’arrête à Varennes

De façon importante, la commune française actuelle est l’héritière de ce décret du 14 décembre 1789 trop peu connu.

1) Communautés et Communes de la Gaule à la Révolution française

La création des communes par l’ Assemblée constituante, le 14 décembre 1789, ne constitue en rien une lubie de révolutionnaire. En effet, la Commune représente un degré institutionnel dont les racines sont anciennes.

1a) Epoque gallo-romaine

Chaque province gallo-romaine est divisée en plusieurs cités (civitates). En 212 (Édit de Caracalla), le droit de citoyenneté (membre d’une cité) est accordé à tous les hommes libres de l’empire romain ; il donne les droits de vote, d’élection comme magistrat, de propriété, de participation aux sacerdoces, de mariage, de legs de ses biens à ses héritiers, d’acheter et de vendre, d’intenter une action judiciaire, de conclure des actes juridiques...

Notre lecteur peut imaginer à cette énumération l’importance de la structure urbaine sur la vie quotidienne des dix millions de gallo-romains dont environ deux millions bénéficiant du statut d’Homme libre. Dans chaque chef-lieu de cité siège un Sénat comprenant par exemple deux duumvirs (magistrats supérieurs).

Chaque cité est divisée en pays (pagi) correspondant à plusieurs cantons ruraux actuels, chaque pays en parties (partes) correspondant en gros à la surface de nos communes. Chaque niveau institutionnel disposait de biens collectifs et d’une structure municipale gérant en particulier son budget ; cependant, le gouverneur surveillait la bonne utilisation des ressources financières par ses comtes délégués dans les cités et pays.

1b) Moyen Age

Pour cette longue période, globalement, les livres scolaires d’histoire ont trop mis en avant le château et son seigneur, le christianisme et ses cathédrales, les rois et leurs guerres. Dans la vie quotidienne réelle d’une grande majorité d’habitants, la Communauté d’habitants joue un rôle décisif. Elles gèrent généralement, par exemple, les écoles, l’urbanisme et la salubrité, les marchés... Elles nous ont transmis un principe qui ne manque pas d’intérêt "Ce qui concerne tout le monde, doit être décidé par tout le monde." Or, ce sont presque toujours ces structures territoriales qui donneront naissance aux communes. Reprenons à présent un ordre chronologique.

La structure urbaine s’affaiblit beaucoup durant le Bas-empire romain et encore plus sous les souverains francs ; la diminution des impôts demandée par l’Eglise et les nobles amène une privatisation de la société et un appauvrissement général ; les familles fuient les villes où même l’eau ne passe plus dans les aqueducs publics non entretenus. Ceci dit, la tradition élective et municipale ne disparaît pas complètement, loin de là.

Premièrement, lors de ses conquêtes, Clovis accepte de nombreuses "capitulations" qui prévoient le maintien de la structure municipale et de ses fonctions. Tel est le cas par exemple pour Bordeaux, Marseille, Toulouse...

La structure administrative de base durant ce haut Moyen-âge s’appelle la centainie, comprenant environ cent familles. Cette centainie est dirigée par un centenier entouré d’échevins, tous relevant de l’élection par le peuple (même si le comte joue un rôle important dans le processus).

C’est seulement au 9ème siècle (après Charlemagne) que la féodalité s’ impose avec en particulier l’héritage personnel de chaque duc, comte ou marquis et leur réseau de vassaux, avec la seigneurie rurale locale.

Les historiens sont certains de l’existence de communes urbaines vivantes, (parfois soutenues par le souverain contre un féodal peu fidèle) en Italie, Allemagne, Pays Bas, Midi occitan, Picardie durant le 10è siècle et début 11è.

En 1066, par exemple, la commune du Mans se dégage des contraintes féodales, pour le bonheur du roi de France. Louis VI a à coeur de ménager ces précieux auxiliaires pour diminuer les marges de manoeuvre de ses vassaux. Ce qui le conduit à encourager l’émergence des communes en les dotant d’un maire, d’échevins et d’une milice bourgeoise. Laon, Soissons et Reims profitent de l’aubaine, en revendiquant à leur tour leur part d’autonomie.

Un certain nombre de villes et bourgs ont conservé du 8ème au 12ème 13ème siècles, des structures municipales globalement héritées de la citoyenneté gallo-romaine. Le midi occitan élit des consuls aux fonctions très larges jusqu’au 16ème siècle.

Lorsque les communautés urbaines luttent contre leurs seigneurs pour obtenir des chartes communales, elles se réclament fréquemment de privilèges dont elles auraient joui depuis l’empire romain et ces chartes se présentent comme une confirmation de droits antiques.

Au XIIe siècle, le maire apparaît parfois au Nord de la Loire. Au gré de l’époque et des circonstances, on parle d’ailleurs au sujet de la fonction qui le désigne de pair, d’échevin ou de conseiller. Le terme lui-même trouve son origine dans le Polyptique d’Irminon, ouvrage de droit d’un abbé de Saint-Germain des- Prés du IXe siècle, qui emploie le mot « maior » en référence au représentant du domaine : celui qui administre le village pour le compte du seigneur.

Apparues au XIe siècle, les Communes s’instituent en se dotant de règles autonomes visant à servir de contrepoids à l’autorité seigneuriale. Elles furent en mesure d’élire leurs magistrats, de définir des règlements propres à la cité et de déterminer le niveau de charge fiscale. Des prérogatives jamais remises en cause depuis.

1c) Communautés, communes et paroisses sous l’Ancien régime

Pour comprendre la vitalité des structures collectives, il suffit de jeter un coup d’oeil :

- sur l’histoire des hôpitaux qui relèvent majoritairement et de plus en plus souvent de la Communauté d’habitants

- sur l’histoire des écoles qui relèvent aussi majoritairement et de plus en plus souvent de la Communauté d’habitants, même dans un secteur où l’Eglise est extrêmement forte comme le Rouergue (Aveyron actuel).

Dans les villages, les Communautés d’habitants vivent parfois en concurrence, parfois en complémentarité avec les paroisses qui prennent en charge la vie religieuse mais aussi la gestion des importants biens de l’Eglise.

Les Communes urbaines perdent leur vitalité démocratique du Moyen Age, en particulier à partir de l’année 1692, où Louis XIV crée des "offices" achetés au Trésor royal et donnant un statut de "maire permanent" pour une ville. Les consuls perdent leur rôle majeur. Des critiques de plus en plus fortes qui montent de la population contre les titulaires de ces offices qui empochent des profits sans se considérer toujours comme responsables du bien public. Deux autres édits, adoptés en 1764 et 1765, tentent de limiter l’arbitraire de ce système en proposant la désignation du maire par le roi sur proposition de trois candidats. L’administration municipale n’en reste pas moins sous le contrôle de l’Intendant général, jusqu’à la Révolution française.

2) Le décret du 14 décembre 1789 fait table rase de toutes les structures anciennes pour créer les communes

Article premier. Les municipalités actuellement existantes en chaque ville, bourg, paroisse et communauté, sous le nom d’hôtel de ville, mairie, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et dénomination que ce soit, sont supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuellement en service, continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés.

Article 3. Les droits de présentation, nomination ou confirmation et le droit de présidence ou de présence aux assemblées municipales, prétendus ou exercés comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de province ou de ville, aux évêchés ou archevêchés, et généralement à tel autre titre que ce puisse être, sont abolis.

Comme l’unification des poids et mesures, le mode d’administration des municipalités se voie unifié tout en créant les conditions d’une démocratie locale beaucoup plus active.

L’analyse de Jaurès sur ce sujet est éclairante :

« Ainsi, en ce qui touche l’origine du pouvoir municipal, tout ce qui reste de pouvoir féodal ou corporatif est aboli. Ni les seigneurs, ni les évêques, ni les chefs de corporation ne peuvent plus désigner les officiers municipaux, ou assister de droit aux assemblées municipales. L’oligarchie bourgeoise municipale est supprimée aussi. Les institutions traditionnelles comme la jurade de Bordeaux, le consulat de Lyon disparaissent.

A Lyon, par exemple, il y avait 19 notables pris : 1 dans le chapitre de Saint-Jean, 1 dans le reste du clergé, 1 dans la noblesse, 1 dans le présidial, 1 parmi les trésoriers de France, 1 dans le siège de l’élection, 1 dans la communauté des notaires, 1 dans celle des procureurs, 5 parmi les commerçants, 4 dans la communauté d’arts et métiers ; ces 19 notables élisaient les 4 échevins et dressaient la liste des trois candidats nobles parmi lesquels le roi choisissait le prévôt des marchands. Des combinaisons analogues régissaient la plupart des villes importantes.

Tout cet échafaudage mêlé d’ancien régime et de bourgeoisie s’effondra sous les premiers coups de la Révolution, et quand on dit que celle-ci a été une Révolution « bourgeoise », il faut s’entendre. Elle n’a pas été faite par une oligarchie bourgeoise : elle a été faite, au contraire, contre l’oligarchie bourgeoise qui s’était incorporée à l’ancien régime : et la bourgeoisie révolutionnaire avait assez de confiance en la force de ses richesses, de ses lumières, de son grand esprit d’entreprise, pour se confondre, sans peur, dans la grande masse du Tiers-Etat. »

3) Le décret du 14 décembre 1789 et l’élection des municipalités

Article 2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d’élection.

Article 4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.

3a) Le corps électoral

Article 5. Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l’élection du corps municipal.

Pour être citoyen actif et électeur, il fallait payer un impôt au moins égal à la valeur locale de trois journées de travail. Tous les historiens ayant étudié le sujet constatent qu’un taux bas a été fixé pour permettre une large participation aux élections (10 sous à Lyon par exemple).

3b) Le mode d’élection

Article 6. Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée dans les communautés où il y a moins de 4,000 habitants, et en deux assemblées de 4,000 à 8,000 habitants, en trois assemblées dans les communes de 8,000 à 12,000 habitants, et ainsi de suite.

Article 7. Les assemblées ne peuvent se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.

Le vote ne se déroule donc pas selon la formule actuelle d’une urne mise à disposition de chaque électeur isolé mais dans le cadre d’assemblées correspondant au maximum à 4000 habitants et dont la tenue est bien encadrée légalement.

3c) Le déroulement du vote

Article 8. Les assemblées de citoyens actifs seront convoquées par le corps municipal huit jours avant celui où elles devront avoir lieu. La séance sera ouverte en présence d’un citoyen chargé par le corps municipal d’expliquer l’objet de la convocation.

Article 9. Toutes les assemblées particulières dans la même ville ou communauté, seront indiquées pour le même jour et à la même heure.

Article 10. Chaque assemblée procédera, dès qu’elle sera formée, à la nomination d’un président et d’un secrétaire ; il ne faudra pour cette nomination que la simple pluralité relative des suffrages en un seul scrutin, recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d’âge.

Article 11. Chaque assemblée nommera ensuite, à la pluralité relative des suffrages, trois scrutateurs, qui seront chargés d’ouvrir les scrutins subséquents, de les dépouiller, de compter les voix, de proclamer les résultats. Ces trois scrutateurs seront nommés par un seul scrutin recueilli et dépouillé, comme le précédent, par les trois plus anciens d’âge.

Article 18. Dans les villes ou communautés où il y aura plusieurs assemblées particulières des citoyens actifs, ces assemblées ne seront regardées que comme des sections de l’assemblée générale de la ville ou communauté.

Article 19. En conséquence, chaque section de l’assemblée générale des citoyens actifs fera parvenir à la maison commune ou maison de ville, le recensement de son scrutin particulier, contenant la mention du nombre des suffrages que chaque citoyen nommé aura réunis en sa faveur ; et le résultat général de tous ces recensements sera formé dans la maison commune.

Article 20. Chaque section particulière de l’assemblée générale des citoyens actifs pourra envoyer à la maison commune un commissaire pour assister au recensement du scrutin.

3d) Les conditions d’éligibilité

Article 12. Les conditions d’éligibilité pour les administrations municipales, seront les mêmes que pour les administrations de département et de district ; néanmoins les parents et alliés aux degrés de père et de fils, de beau-père et de gendre, de frère et de beau-frère, d’oncle et de neveu, ne pourront être en même temps membres du même corps municipal.

Article 13. Les officiers municipaux, et les notables dont il sera parlé ci-après, ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune.

Article 14. Les citoyens qui occupent des places de judicature ne peuvent être en même temps membres des corps municipaux.

Article 15. Ceux qui sont chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impôts subsisteront, ne peuvent être admis en même temps aux fonctions municipales.

4) Un système électoral répondant au souci de la meilleure vie démocratique possible

Tout le monde sait que les femmes n’étaient pas électrices, conséquence évidente de la société patriarcale de cette époque.

Ceci dit, la structure communale mise en place par la révolution française est soucieuse de la souveraineté populaire, soucieuse d’une participation large à la vie municipale, soucieuse d’éviter une coupure entre élus et électeurs, soucieuse du non cumul des mandats

4a) Le maire est élu pour deux ans directement par les électeurs et non par les conseillers municipaux

Article 16. Les maires seront toujours élus à la pluralité absolue des voix. Si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second ; si celui-ci ne la donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu’entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix aux scrutins précédents ; enfin, s’il y avait égalité de suffrages entre eux à ce troisième scrutin, le plus âgé serait préféré.

Article 46. Si la place de maire ou de procureur de la commune, ou de son substitut, devient vacante par mort, démission, ou autrement, il sera convoqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs pour procéder à une nouvelle élection.

4b) Le bureau municipal (correspondant au maire plus adjoints) est réélu tous les ans parmi les conseillers municipaux

Article 35. Le bureau sera composé du tiers des officiers municipaux, y compris le maire, qui en fera toujours partie : les deux autres tiers formeront le conseil.

Article 36. Les membres du bureau seront choisis par le corps municipal, tous les ans, et pourront être réélus pour une seconde année.

Article 37. Le bureau sera chargé de tous les soins de l’exécution, et borné à la simple régie.

4c) Le conseil (corps) municipal se réunit au moins une fois par mois. Il contrôle le maire et le bureau de la municipalité en validant ou pas les comptes de la commune au début de chaque réunion sans la présence du maire et des adjoints

Article 38. Le conseil municipal s’assemblera au moins une fois par mois ; il commencera par arrêter les comptes du bureau, lorsqu’il y aura lieu ; et après cette opération faite, les membres du bureau auront séance et voix délibérative avec ceux du conseil.

Article 39. Toutes les délibérations nécessaires à l’exercice des fonctions du corps municipal, seront prises dans l’assemblée des membres du conseil et du bureau réunis, à l’exception des délibérations relatives à l’arrêté des comptes, qui, comme il vient d’être dit, seront prises par le conseil seul.

Article 40. La présence de deux tiers au moins des membres du conseil, sera nécessaire pour recevoir les comptes du bureau ; et celle de la moitié plus un, des membres du corps municipal, pour prendre les autres délibérations.

4d) Chaque commune élit au scrutin de liste (d’où représentation de toute minorité) un conseil général de la commune comprenant un tiers de conseillers municipaux et deux tiers de "notables" choisis parmi les électeurs

Article 30. Les citoyen actifs de chaque communauté nommeront, par un seul scrutin de liste et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal.

Article 31. Ces notables formeront, avec les membres du corps municipal, le conseil général de la commune, et ne seront appelés que pour les affaires importantes, ainsi qu’il sera dit ci-après.

4e) Le Conseil général de la commune joue un rôle décisif de contrôle de la municipalité

En effet, c’est lui qui choisit :

- le secrétaire-greffier de la commune qui tient, sous serment, le registre des délibérations

- le trésorier (responsable des finances)

Les titulaires de ces deux fonctions peuvent être changés à tout moment par ce conseil général de la commune.

Article 32. Il y aura, en chaque municipalité, un secrétaire-greffier, nommé par le conseil général de la commune. Il prêtera serment de remplir fidèlement ses fonctions, et pourra être changé, lorsque le conseil général, convoqué à cet effet, l’aura jugé convenable, à la majorité des voix.

Article 33. Le conseil général de la commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Ce trésorier pourra être changé comme le secrétaire-greffier.

4f) Chaque commune forme une garde nationale dont les officiers sont élus. Ni le maire, ni les conseillers municipaux ne peuvent s’y présenter

Article 53. Le maire et les autres membres du corps municipal, le procureur de la commune et son substitut ne pourront exercer en même temps ces fonction, et celles de la garde nationale.

4g) Le souci de rotation des responsables, de non cumul des mandats

Les conseillers municipaux et notables sont élus pour deux ans et réélus par moitié chaque année (après tirage au sort de ceux qui se retirent)

Article 42. Les officiers municipaux et les notables seront élus pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année : le sort déterminera ceux qui devront sortir à l’époque de l’élection qui suivra la première. Quand le nombre sera impair, il sortira alternativement un membre de plus ou un membre de moins.

Article 43. Le maire restera en exercice pendant deux ans ; il pourra être réélu pour deux autres années, mais ensuite il ne sera permis de l’élire de nouveau qu’après un intervalle de deux ans.

Même la fonction de procureur de la commune ne peut être assumée plus de quatre ans.

Article 44. Le procureur de la commune et son substitut conserveront leurs places pendant deux ans, et pourront également être réélus pour deux autres années ; néanmoins, à la suite de la première élection, le substitut du procureur de la commune n’exercera ses fonctions qu’une année ; et dans toutes les élections suivantes, le procureur de la commune et son substitut seront remplacés ou réélus alternativement chaque année.

4h) Les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste pour toutes les communes, y compris les plus petites

Article 17. La nomination des autres membres (que le maire) du corps municipal sera faite au scrutin de liste double.

Article 21. Ceux qui dès le premier scrutin réuniront la pluralité absolue, c’est-à-dire la moitié des suffrages et un en sus, seront définitivement élus.

Si au premier tour de scrutin il n’y a pas un nombre suffisant de citoyens élus à la pluralité absolue des voix, on procédera à un second scrutin, et ceux qui obtiendront cette seconde fois la pluralité absolue, seront de même élus définitivement.

Enfin, si le nombre nécessaire n’est pas rempli par les deux premiers scrutins, il en sera fait un troisième et dernier ; et à celui-ci il suffira, pour être élu, d’obtenir la pluralité relative des suffrages.

4i) L’ensemble des électeurs d’une commune est appelé "corps de commune" et a un statut légal. Sa réunion peut être décidée par le conseil général de la commune, par un sixième des électeurs ou par 150 citoyens actifs dans les villes de plus de 4000 habitants

Article 24. Après les élections, les citoyens actifs de la communauté ne pourront ni rester assemblés ni s’assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, dont il va être parlé ci-après ; ce conseil ne pourra la refuser, si elle est requise par le sixième des citoyens actifs, dans les communautés au-dessous de 4,000 âmes, et par 150 citoyens actifs dans toutes les autres communautés.

5) Une structure municipale répondant à un souci d’efficacité, de bien public, de transparence

5a) Election d’un procureur pour chaque commune

La Révolution française donne un rôle central au droit. Tel est le cas pour la mise en place des communes avec l’élection par chaque corps électoral municipal d’un procureur de la commune :

Article 26. Il y aura, dans chaque municipalité un procureur de la commune, sans voix délibérative. Il sera chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la commune.

Article 27. Dans les villes au-dessus de 10,000 âmes, il y aura en outre un substitut du procureur de la commune, lequel, à défaut de celui-ci, exercera ses fonctions.

Article 28. Le procureur de la commune sera nommé par les citoyens actifs au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans la forme et selon les règles prescrites par l’article 16 ci-dessus pour l’élection du maire.

Article 29. Le substitut du procureur de la commune, lorsqu’il y aura lieu d’en nommer un, sera élu de la même manière.

5b) Fonctions locales du corps (conseil) municipal

Article 50. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l’inspection des assemblées administratives, sont :

- De régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés ;

- De régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ;

- De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ;

- D’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée ;

- De faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.

5c) Fonctions du corps municipal au nom de l’administration générale

Article 51. Les fonctions propres à l’administration générale qui peuvent être déléguées aux corps municipaux, pour les exercer sous l’autorité des assemblées administratives, sont :

- La répartition des contributions directes entre les citoyens dont la communauté est composée ;

- La perception de ces contributions ;

- Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département ;

- La direction immédiate des travaux publics dans le ressort de la municipalité ;

- La régie immédiate des établissements publics destinés à l’utilité générale ;

- La surveillance et l’agence nécessaire à la conservation des propriétés publiques ;

- L’inspection directe des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères, et autres objets relatifs au service du culte religieux,

5d) Le Conseil général de la commune est nécessairement convoqué pour les votes importants

Article 54 Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des notables, sera convoqué toutes les fois que l’administration municipale le jugera convenable ; elle ne pourra se dispenser de le convoquer, lorsqu’il s’agira de délibérer :

Article 54. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des notables, sera convoqué toutes les fois que l’administration municipale le jugera convenable, et elle ne pourra se dispenser de le convoquer lorsqu’il s’agira de délibérer ;

Sur des acquisitions ou aliénations d’immeubles ;

Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales ;

Sur des emprunts ;

Sur des travaux à entreprendre ;

Sur l’emploi du prix des ventes, des remboursements ou des recouvrements ;

Sur les procès à intenter ;

Même sur les procès à soutenir dans le cas où le fond du droit serait contesté.

5e) Les prérogatives des élus municipaux sont importantes mais l’intégration des politiques communales dans la vie publique nationale est bien prévu

Article 55. Les corps municipaux seront régulièrement subordonnés aux administrations de département et de district pour tout ce qui concernera les fonctions qu’ils auront à exercer par délégation de l’administration générale.

Article 56. Quant à l’exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la convocation du conseil général de la commune est nécessaire, suivant l’article 54 ci-dessus, ne pourront être exécutées qu’avec l’approbation de l’administration ou du directoire de département, qui sera donnée, s’il y a lieu, sur l’avis de l’administration ou du directoire de district.

Article 57. Tous les comptes de la régie des bureaux municipaux, après qu’ils auraient été reçus par le conseil municipal, seront vérifiés par l’administration ou le directoire du district, arrêtés définitivement par l’administration ou le directoire de département, sur l’avis de celle du district ou de son directoire.

5f) Les possibilités de contrôle des décisions municipales par tout habitant

Article 58. Dans toutes les villes au dessus de 4,000 âmes, les comptes de l’administration municipale en recette et dépense, seront imprimés chaque année.

Article 59. Dans toutes les communautés, sans distinction, les citoyens actifs pourront prendre au greffe de la municipalité, sans déplacer et sans frais, communication des comptes, des pièces justificatives et des délibérations du corps municipal, toutes les fois qu’ils le requerront.

Article 60. Si un citoyen croit être personnellement lésé par quelque acte du corps municipal, il pourra exposer ses sujets de plainte à l’administration ou au directoire de département, qui y fera droit, sur l’avis de l’administration de district, qui sera chargée de vérifier les faits.

Article 61. Tout citoyen actif pourra signer et présenter, contre les officiers municipaux, la dénonciation des délits d’administration dont il prétendra qu’ils se seraient rendus coupables ; mais, avant de porter cette dénonciation dans les tribunaux, il sera tenu de la soumettre à l’administration ou au directoire du département, qui, après avoir pris l’avis de l’administration de district ou de son directoire, renverra la dénonciation, s’il y a lieu, à ceux qui en devront connaître.

Article 62. Les citoyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes en assemblées particulières pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au Corps législatif, soit au Roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées, et de ne pouvoir députer que dix citoyens pour apporter et présenter des adresses ou pétitions. »

Décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités

Les municipalités ne sont pas une création de la Constituante. Celle-ci se borna à donner un statut à des échelons locaux issus de l’histoire en organisant, par le décret du 14 décembre 1789, "une municipalité à chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne". Puis la Constituante prend la loi du 22 juillet 1791 relative à l’organisation d’une police municipale. Cette loi (encore non entièrement abrogée !) constitue un fichier de population, centralisé annuellement au chef-lieu du canton, et servira (jusqu’en 1941) de fondement juridique pour le recensement général de la population.

Art. 49.

Les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir ; les unes, propres au pouvoir municipal ; les autres, propres à l’administration générale de l’Etat, et déléguées par elle aux municipalités.

Art. 50.

Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l’inspection des assemblées administratives, sont :

- de régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés ;

- de régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ;

- de diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ;

- d’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée ;

- de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.

6) De 1789 à aujourd’hui

Le décret du 10 brumaire an II (31 octobre 1793) unifie le statut des communes et leur donne leur actuelle dénomination. Leur délimitation s’inspire très largement de celle des 44 000 paroisses constituées au Moyen-Âge. Le décret précise que « les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir ; les unes propres au pouvoir municipal ; les autres propres à l’administration générale de l’État et déléguées par elles aux municipalités ». Les membres du conseil municipal sont élus au suffrage censitaire. Le maire est nommé par le préfet ou le pouvoir central, pour les villes les plus peuplées. Élu par les citoyens actifs (sujets payant une contribution au moins égale à trois journées de travail) au suffrage direct pour deux ans et rééligible, il doit s’acquitter d’un impôt au moins équivalent à dix journées de labeur.

La loi du 5 avril 1884 affirme le principe de l’élection du maire par le conseil municipal et reconnaît l’autonomie communale. Ce conseil siège dans l’enceinte même de l’hôtel de ville, sous l’autorité du premier édile, qui est désigné par ses pairs. Au terme de l’article 61, « le conseilmunicipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ».

Municipalités et départements acquièrent ainsi le statut de collectivité territoriale. Il faut attendre ensuite l’adoption, par le gouvernement Mauroy, de la loi du 2 mars 1982 « relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions » pour voir la situation évoluer.

Le principe de « répartition des compétences » entre collectivités et État est acté, ainsi que la répartition des ressources publiques résultant de nouvelles règles de fiscalité locale et de transferts de crédits. L’entrée dans une nouvelle ère…

Point de vue de Jaurès sur cette loi portant création des Communes :

Jaurès (à propos de la mise en place des communes, décret du 14 décembre 1789)

Jacques Serieys

Sources :

http://books.google.fr/books?id=2f3...

http://fr.wikisource.org/wiki/Page :...


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