Nos réponses aux explications du MRC sur son refus du Front de Gauche

jeudi 2 avril 2009.
 

Dans la résolution de son CN du 23 mars puis dans un argumentaire publié par Sami Nair cette semaine, la direction du MRC donne sa version de l’échec des négociations sur le Front de Gauche. Nous ne voulons pas entamer une polémique avec ce mouvement et son Président dont nous respectons les convictions et partageons nombre de références républicaines mais, afin que chacun puisse se faire une opinion, nous jugeons utile de rendre publique notre vision de ces discussions et de rectifier précisément plusieurs éléments avancés qui ne correspondent pas à la réalité du texte de résolution du Front de Gauche issu des négociations avec le MRC.

Mais pour comprendre le cadre et sans doute la conclusion de ces discussions, il est utile de repartir de la première réunion entre le MRC et le Parti de gauche fin janvier. Jean-Pierre Chevènement y avait rappelé la volonté du MRC de travailler à un parti unique de toute la gauche intégrant les socialistes mais aussi des courants historiques comme le PCF ou les Républicains de gauche. L’objectif étant de refonder la gauche sur des bases antilibérales. Dans l’esprit du Président du MRC, l’alliance aux Européennes que comptait alors proposer son parti à toute la gauche, PS compris, s’inscrivait dans cette stratégie. Le texte du MRC qui servait de base à cette proposition était certes porteur d’une vision sociale de l’Europe mais faisait du coup l’impasse sur l’embarrassant Traité de Lisbonne, point qui aurait rendu évidemment impossible tout accord avec le PS... Lors de cette réunion, le Parti de Gauche avait pointé une différence stratégique en expliquant que si notre but était également de refonder la gauche sur des bases transformatrices, cela passait par la construction d’un regroupement à gauche capable de mettre à mal l’hégémonie des socio-libéraux. Ce qui commençait par l’affirmation d’une alliance aux européennes clairement axée sur le refus du Traité de Lisbonne. Avec la conséquence assumée et voulue d’en exclure le PS.

Les discussions du MRC avec le Parti Socialiste ont manifestement vite achoppé - la résolution du CN du MRC se contente d’en donner une explication rapide et un peu obscure en affirmant que le PS s’est « montré d’abord préoccupé de surmonter ses propres divisions intérieures » (dixit) - mais Jean-Pierre Chevènement n’a, pour autant, jamais abandonné cette stratégie d’un grand parti unique de la gauche la rappelant sur France Inter mi mars, en pleine négociation avec le Front de Gauche, au point même de supposer possible l’entrée de François Bayrou dans ce grand parti ! Un projet évidemment très différent du notre. On peut dès lors se demander si ce n’est pas cette approche stratégique de Jean-Pierre Chevènement qui, explique finalement, le refus du MRC bien davantage que les explications avancées par ses dirigeants depuis leur CN.

Regardons en effet les arguments avancés depuis dimanche pour expliquer l’impossibilité de l’accord.

A commencer par le principal : la question de la souveraineté nationale

La résolution du CN du MRC nous impute un « rejet de la souveraineté nationale et particulièrement d’un amendement MRC indiquant qu’« on ne fera pas l’Europe sans et à plus forte raison contre les nations qui sont le lieu privilégié de l’expression démocratique et de la solidarité (...). Les organisations du « Front de Gauche » partagent en fait, à travers des expressions comme « souveraineté européenne », « assemblée constituante européenne », les mêmes postulats illusoires que ceux qui ont conduit les sociaux-libéraux à accepter, au nom de la supranationalité, la prise en otage de la construction européenne par le capitalisme financier mondialisé.

Ce que nous répondons :

Laissons de côté l’exagération manifeste de ce paragraphe - qui peut croire que comme les socio-libéraux, les partis du front de Gauche contribueraient à « la prise en otage de la construction européenne par le capitalisme financier mondialisé » ? - mais les contre-vérités sont par contre plus ennuyeuses : dans la résolution du Front de Gauche on ne trouve par exemple aucune trace d’une « assemblée constituante européenne » ou équivalent ni de « souveraineté européenne ». Illustration du proverbe : « quand on veut tuer son cheval, on dit qu’il est malade » ? Mieux, dans le texte, rien ne contredit l’idée que les nations restent aujourd’hui des cadres de la souveraineté populaire. Il est même écrit : « Ce que nous voulons, c’est affirmer une vision nouvelle de la société et de l’Europe fondée sur l’intérêt général et la souveraineté populaire à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne ».

Par contre il est vrai que nous avons refusé à Jean-Pierre Chevènement et aux négociateurs du MRC d’intégrer l’amendement : « on ne fera pas l’Europe sans et à plus forte raison contre les nations qui sont le lieu privilégié de l’expression démocratique ». Elle a été refusée mais comme ont été refusées toutes autres références aux contours institutionnels et politiques à venir de Union européenne telle que nous pourrions la souhaiter (on l’a dit le texte ne parle ni de « constituante », ni même de « pouvoir accru au parlement européen » ce que des composantes du Front de Gauche auraient pourtant pu souhaiter). Nous savons en effet les désaccords des partis de la gauche de transformation sur ces questions (confédération/fédération, traité/traité constitutionnel, assemblé constituante/rôle des Etats nations, etc..). Les débats devront se poursuivre à l’avenir sur ces questions mais à ce stade nous estimons que cela n’empêche pas une campagne commune, quitte à ce que chacun dans son propre matériel décline le modèle proposé pour la construction européenne. Or en conditionnant sa participation à cet amendement, le MRC aurait imposé en réalité aux partenaires du Front de Gauche sa vision unilatérale de la construction future de Europe, celle d’une Europe des Nations. Alors que l’inverse n’était pas vrai : nul ne demandait au MRC de signer un texte contredisant cette vision. Il laissait seulement ouvert la question.

De faux procès

La résolution du MRC a été appuyée quelques jours après d’un argumentaire. Celui-ci mélange quelques vrais désaccords, la citation de positions du MRC n’ayant effectivement pas été intégrés mais surtout des raccourcis et pas mal de contre-vérité. Au final un tableau qui exagère l’étendue des désaccords alors que bon nombre des propositions du MRC (une douzaine) ont finalement été intégrées, même si parfois modifiées mais toujours avec la validation des négociateurs. Il y a donc eu une vraie volonté de trouver un accord. On veut cependant croire que ces distorsions sont davantage dues à la déception de l’auteur de ce texte, Sami Nair, qui souhaitait sincèrement l’accord.

Quelques exemples de ces « approximations » :

L’argumentaire du MRC dit :

« Sur la mondialisation régulée : nous avons plaidé pour une analyse sérieuse de la crise mondiale dont les Etats-Unis constituent l’épicentre et la principale cause. Nos interlocuteurs ont d’abord refusé de mentionner les Etats-Unis puis ils ne l’ont accepté qu’au détour d’une formule vague. »

Nous répondons :

En réalité avant même l’arrivée du MRC dans les négociations, la résolution consacrait une partie importante du texte à la critique de « la politique militariste des Etats-Unis ». Précisant même que « l’Europe doit rompre avec l’atlantisme et l’alignement sur les Etats-Unis notamment dans le cadre de l’OTAN ». Il est vrai que le MRC a voulu pointer dès l’introduction du texte la seule responsabilité des Etats-Unis dans la mondialisation libérale en expliquant que « Cette dérégulation portée par les Etats-Unis, a conduit à la fuite dans l’endettement intérieur, à la faiblesse du dollar et aux interventions militaires à l’extérieur, comme en Irak et au Moyen Orient ». Les autres forces du non de gauche ne souhaitaient pas exonérer totalement d’autres puissances de cette responsabilité - l’Union Européenne en premier lieu - ni introduire des notions trop précises qui, vu la nature d’un texte de quelques pages empêchant inévitablement de longues analyses, pouvaient laisser à interprétation : condamner l’endettement intérieur des Etats-Unis et la politique d’un dollar faible pouvait en effet paraître justifier a contrario les politiques monétaristes ! D’où l’ajout final de la condamnation d’une « dérégulation principalement portée par les Etats-Unis, (qui) a été accompagnée par des interventions militaires à l’étranger, comme en Irak et au Moyen-Orient ». On voit qu’à l’arrivée on est loin de formules vagues sur la politique des Etats-Unis...

L’argumentaire du MRC dit :

« Ils n’ont pas non plus accepté d’intégrer la notion de régulation, arguant que leur objectif n’était pas de réguler le capitalisme. « 

Nous répondons :

C’est vrai que l’idée de réguler, donc de réformer, le capitalisme et non le dépasser ne faisait pas consensus.... Nous assumons.

L’argumentaire du MRC dit :

« Sur une Europe sociale qui protège : nous avons été très vivement contesté au nom de l’« identité européenne » conçue comme espace de libre échange ouvert. La critique du « protectionnisme » a été faite au nom du refus du « repli national ». Nous avons essayé de porter le débat sur le fond, mais cela fût impossible : le Parti de Gauche excipant de son fédéralisme européen (« nous sommes pour une Assemblée Constituante Européenne »), le Parti communiste au nom du refus d’un espace européen qui serait fermé au « reste du monde ». Il nous a été impossible d’ouvrir une discussion théorique sur la question.

Nous répondons :

On a dit plus haut que le texte ne contient pas la revendication « d’assemblée constituante », on ajoutera qu’aucun des négociateurs du PG ne l’a proposé puisque nous savons qu’elle fait débat dans nos rangs. Et si le protectionnisme fait effectivement débat entre les partenaires du Front de gauche ce n’est pas seulement avec le MRC (le Parti de gauche s’est par exemple prononcé pour un bouclier douanier). C’est un débat qui doit se poursuivre mais en rien un argument qui puisse laisser penser que le Front de gauche serait contre une « Europe sociale qui protège » ! D’ailleurs plus loin l’argumentaire du MRC se contredit en trouvant trop vague l’expression « boucler social » qui est dans le texte. Un bouclier n’est-il pas déjà une arme de protection ?

L’argumentaire du MRC dit :

Sur la Banque centrale : nous voulions une réforme de ses statuts et de ses missions afin de mettre l’Euro au service des européens et non comme c’est le cas actuellement au service du capitalisme financier. Refus de nos partenaires de prendre en considération cette proposition.

Nous répondons :

En réalité à trois reprises le texte d’origine critiquait amplement le statut et les missions de la BCE ! Qu’on en juge.

- La résolution condamne : « une banque centrale européenne (BCE) échappant à la souveraineté populaire et totalement dévouée aux marchés financiers »

- Elle réclame : ‘la maîtrise du crédit pour orienter la gestion des entreprises dans le sens de ces nouvelles priorités, et ce depuis les régions jusqu’à la BCE. Elle doit également tendre vers une maîtrise publique du système bancaire pour parvenir à une politique européenne coordonnée en matière monétaire qui mette au centre de la construction européenne une stratégie de l’emploi et de lutte contre le chômage. »

- Et conclue « A cette fin la BCE doit être transformée dans ses missions pour être mise au service des populations et soumise à un contrôle démocratique. »

Nous avions en effet trouvé l’amendement du MRC redondant avec ce qui était déjà dans le texte. Le lecteur jugera et estimera si la critique du MRC n’est pas du coup quelque peu fallacieuse...

L’argumentaire du MRC dit :

Sur une Europe acteur stratégique et solidaire dans un monde multipolaire : nous avons proposé l’idée d’une Europe indépendante, comme acteur stratégique dans la formation d’un monde multipolaire. L’idée a été rejetée au nom du refus de l’Europe « puissance ».

Nous répondons :

En réalité un paragraphe entier est consacré à cette question. Il ne reprend pas le vocabulaire du MRC mais n’est pas en reste sur l’indépendance de l’Europe. Qu’on juge une fois de plus à partir de ce qui est écrit :

- « L’Europe doit rompre avec l’atlantisme et l’alignement sur les Etats-Unis notamment dans le cadre de l’OTAN. Une politique extérieure européenne indépendante doit se fonder sur le droit international.. »

Plus loin :

- « En tant que représentants de la France au parlement européen, nous ferons entendre - à l’opposé de la politique de Nicolas Sarkozy - le projet d’une Europe indépendante, récusant les logiques de mise en concurrence des peuples et au service de la paix et du désarmement »

L’argumentaire du MRC dit :

« Nous avons proposé un partenariat stratégique avec la Russie, l’idée a été rejetée. Vis-à-vis de l’Afrique, nous avons proposé la remise en question des accords de Cotonou : l’idée a été abandonnée. »

Nous répondons :

S’il y a bien eu refus du partenariat stratégique avec la Russie qui ne faisait pas consensus, la deuxième affirmation procède une fois de plus du procès d’intention. La citation des accords de Cotonou n’a pas été retenue car faute d’informations suffisamment précise au moment de la discussion nous ne savions pas s’il fallait limiter la critique de fond aux seuls accords de Cotonou. Ce n’était nullement un désaccord sur la dénonciation de ces traités. D’ailleurs le texte a intégrée l’amendement suivant avec le plein accord du MRC : « Nous défendrons, au parlement européen, un vrai projet de coopération et de solidarité avec les peuples de la Méditerranée et avec l’Afrique. ». L’idée de fond n’a donc évidemment pas été abandonnée !

L’argumentaire du MRC dit :

Sur la question des migrations, nous avons proposé une gestion des flux migratoires conforme au droit et respectueuse de la dignité des personnes, ce qui signifie en France l’abrogation des lois Sarkozy sur l’immigration. Notre proposition a été rejetée au prétexte qu’il fallait se contenter de la notion de « régularisation des sans-papiers avec une stratégie de co-développement ».

Nous répondons :

Il y a effectivement un large débat sur cette question et pas seulement entre le MRC et les forces du Non de gauche. Il se poursuivra sans aucun doute. Entre la notion « brute » de « régularisation de tous les sans papiers » qui aurait pu effectivement laisser penser que nous résumions la politique de l’immigration à cette revendication et la « régularisation sur critères » que proposait le MRC, le compromis de « régularisation des « sans papiers » (4) avec la mise en place d’une stratégie de Co-développement » a finalement été trouvée. Le MRC demandait que cette régularisation soit « dans le cadre d’une stratégie de co-développement ». La différence valait-elle rupture ?

Enfin l’argumentaire du MRC conclue :

« En réalité, nos interlocuteurs ne voulaient pas d’un accord, comme en témoigne la parution dans L’Humanité du 19 mars (date de notre dernier sommet) de la liste quasi complète des candidats ».

Nous répondons :

La parution de ces listes s’est faite dans le cadre du supplément « Communistes » intégré dans l’Humanité car le PCF estimait nécessaire de les porter à la connaissance de ses militants avant leur vote du 25 mars. Un chapeau introduisait ces listes en expliquant qu’elles étaient provisoires. Une précaution effectivement utile car le Parti de Gauche lui-même n’avait pas validé la composition de ces listes qui reflétaient les propositions du PCF à ce stade et non des listes acceptées par les partenaires du Front de Gauche. Depuis, elles ont d’ailleurs évolué au fil des négociations. Nous avons également regretté cette parution publique de nature à laisser libres toutes les interprétations. Mais en réalité jusqu’au vote du MRC et des Alternatifs, les propositions qui avaient été faites à ces partis restaient concrètes. A savoir une tête de liste pour une candidate MRC dans le Sud-est (une des quatre régions considérée comme pouvant élire un député du FDG) ou dans l’Est (si les Alternatifs à qui elle était réservée avait finalement refusé l’accord ce qui a été le cas) et 9 candidats sur les 7 listes de la métropole alors que le MRC en réclamait deux par liste (soit 14 au total). En parti habitué aux négociations, le MRC pouvait donc supposer que l’écart entre ses demandes et les propositions faites pouvait sensiblement se combler. Il n’a manifestement pas souhaité en vérifier la possibilité en demandant la réouverture des discussions sur ce point...

En conclusion

Tous les Républicains de gauche devraient constater avec nous l’essentiel : les références à la « souveraineté populaire » reviennent sans cesse dans le texte. Elles sont devenues aujourd’hui une référence commune de la plupart des textes unitaires de la gauche critique lorsqu’il est question de démocratie. Les négociateurs du MRC ont paru trouver cela « naturel ». Les différentes composantes fondatrices du Parti de gauche qui ont œuvré en ce sens depuis plusieurs années se souviennent pourtant que cela n’avait rien d’une évidence au début de la campagne contre le TCE par exemple, à une époque où à la simple évocation de la « souveraineté populaire » vous assimilait facilement à un « souverainiste ». A force d’arguments échangés dans des combats unitaires, les choses ont évolué. Ce constat ramène à une approche différente entre les forces républicaines que nous sommes : la meilleure façon de faire avancer la République sociale et de la replacer au centre de la gravité de la gauche de transformation n’est pas de s’isoler et se retirer sur son Aventin.

C’est pourquoi la méthode pour construire le Front de Gauche interdit d’imposer une vision politique aux autres partenaires. Avec cet amendement sur une souveraineté nationale présentée de fait comme incontournable, la direction du MRC savait ne pouvoir trouver un consensus. Jean-Pierre Chevènement et la majorité de la direction du MRC ont donc préféré une fois de plus l’isolement et proposer de travailler à un débouché politique en... 2012. Curieuse leçon donnée ainsi par des républicains à des « mouvementistes », pour reprendre la terminologie de la résolution du MRC, que de faire l’impasse sur des élections. Nous pensons à l’inverse que dans la situation de crise que nous connaissons, face à la dramatique situation dans lequel peut se retrouver le peuple français comme tous les peuples d’Europe, les républicains de gauche se doivent de construire un débouché politique devant le suffrage universel. Quitte à faire de compromis tant qu’ils ne vous contraignent pas à vous renuier. Nous sommes certains que notre parti qui se revendique de la république sociale sera compris en ce sens par un grand nombre de républicains de gauche. Le Front de gauche est leur outil.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message