Front de gauche et front durable : entretien avec Christian Picquet

mardi 10 mars 2009.
 

Européennes. Christian Picquet, militant du NPA, animateur de l’association Unir, qui défend des listes unitaires aux européennes, met en garde son parti contre une attitude étroite au scrutin du 7 juin prochain. .

Ancien membre du bureau politique de l’ex-LCR, Christian Picquet a été « éliminé », ainsi que d’autres militants, de la direction du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Il est l’un des animateurs de l’association Unir, qui a toujours défendu l’idée d’un large rassemblement de la « gauche de la gauche » afin de rompre l’hégémonie de la social-démocratie au sein de la gauche française. En ce sens, le militant du NPA appelle son parti à accepter la proposition d’entrer au Front de gauche en vue des élections européennes du 7 juin prochain. Une main tendue pour l’instant refusée.

Une majorité des participants au congrès fondateur du NPA, les 6, 7 et 8 février 2009, ont rejeté le texte présenté par la sensibilité se déclarant en faveur des listes unitaires. Mais 16 % des délégués, soit un sur six, l’avaient voté. Dans l’entretien que nous publions, Christian Picquet soutient que rien n’est joué au sein de sa formation Il se dit prêt à prendre ses responsabilités si le NPA persiste à commettre « un faux pas irrémédiable ». Entretien.

Pourquoi êtes-vous favorable à l’engagement dans le Front de gauche ?

Christian Picquet. L’unité des forces de la gauche de la gauche est indispensable au moment où le capitalisme connaît une crise historique et où nous subissons une offensive sans précédent de la droite sarkozyenne et du patronat pour détruire un siècle de conquêtes sociales et démocratiques. Parallèlement, nous sommes confrontés à une colère sociale qui met la société française au bord de l’explosion, on en voit les prémices en Guadeloupe et en Martinique. Nous sommes enfin devant une crise majeure de la construction libérale de l’Europe au sein de laquelle plus personne ne peut prétendre que l’autorégulation des marchés, la « concurrence non faussée » ou l’indépendance de la Banque centrale peuvent apporter quoi que ce soit aux peuples. Cette situation appelle une réponse politique audible et crédible, à travers laquelle des millions de citoyens pourront à la fois sanctionner la droite autant que les politiques libérales, et exprimer leur aspiration à une autre politique, anticapitaliste. Je constate qu’il n’existe qu’une seule proposition répondant à cette exigence : le Front de gauche. Lui seul peut rassembler, sans exclusive et à égalité, toutes les forces pouvant se retrouver sur un contenu de rupture.

Cet engagement est-il aussi celui d’autres militants du NPA ?

Christian Picquet. Au-delà de l’association Unir existe une sensibilité de militants du NPA qui se sont prononcés pour l’unité de la gauche de transformation aux élections européennes. Un délégué sur six a opté, lors du congrès fondateur de février, pour l’unité des forces de la gauche de gauche au scrutin européen. Dans cette sensibilité se retrouvent des adhérents appartenant au courant minoritaire Unir de l’ex-LCR comme des militants provenant d’autres traditions qui se sont engagés dans le NPA en prenant au sérieux la promesse d’un renouvellement des pratiques politiques et la volonté d’ouverture. Le NPA étant une formation jeune, au sein de laquelle n’existe pas encore de tendance déclarée, je ne peux parler au nom de tous ceux qui ont voté la proposition favorable à l’unité. Mais, si la majorité de la direction du parti persistait dans une orientation de fermeture, chacun devra en tirer les conséquences et prendre ses responsabilités. Je veux redire ici que le NPA ne doit pas commettre un faux pas irrémédiable consistant à refuser la main tendue par le Parti communiste et le Parti de gauche. L’unité est parfaitement possible aujourd’hui, dans un Front de gauche où chacun, sans renier ses propositions et ses spécificités, pourrait défendre une plate-forme commune de nature à offrir un début de réponse politique à des défis véritablement historiques.

Pourquoi, selon vous, le NPA est-il tenté de faire cavalier seul ?

Christian Picquet. La sortie du nucléaire et la durabilité du Front de gauche sont les deux points conditionnant officiellement la participation du NPA. Or, en son temps, la LCR n’a jamais demandé à Lutte ouvrière de revenir sur ses positions concernant le nucléaire pour conclure avec elle des alliances électorales. Cet argument me semble donc de pure circonstance. Le second, plus substantiel, consiste à exiger un front durable pour toutes les échéances jusqu’en 2012. Moi aussi je souhaite un front durable, dans les mobilisations comme dans les élections. Mais pour qu’il devienne possible il vaut mieux ne pas louper la première marche. C’est pourquoi cette exigence me paraît relever d’un mauvais prétexte. Je crains, en réalité, que mes camarades ne s’enferment dans une illusion calamiteuse leur laissant croire que l’écho dont dispose actuellement le NPA comme la popularité d’Olivier Besancenot suffisent à faire une alternative politique.

Vous estimez que cette stratégie n’infléchira pas le rapport de forces au sein de la gauche ?

Christian Picquet. Le Nouveau Parti anticapitaliste a certes triplé ses effectifs par rapport à l’ex-LCR. Mais, avec 9 000 adhérents, nous sommes encore loin d’une formation de masse. Et même si, en juin, le NPA devançait les autres listes de la gauche de gauche, pronostic des plus aléatoires, en quoi cela changerait-il la donne en France ? Nous en resterions à une compétition de nains politiques, à la gauche d’un Parti socialiste irréversiblement enfermé dans son orientation sociale-libérale. Si l’on veut redistribuer fondamentalement les cartes au sein de la gauche, permettre à une politique antilibérale et anticapitaliste d’y devenir majoritaire, par conséquent changer en son sein les termes du débat sur la stratégie, on ne peut passer à côté de la question des alliances avec d’autres traditions, d’autres cultures qui refusent de s’accommoder de la domination destructrice du capital et de se contenter de l’accompagner, comme le fait le PS.

Vous dites que rien n’est joué au sein du NPA ?

Christian Picquet. Jusqu’au dernier moment, au dépôt officiel des listes, il ne faudra pas renoncer à la possibilité que tout le monde se retrouve dans le front. Tout va dépendre de la dynamique populaire et militante qui se construira autour de la proposition d’un Front de gauche. Plus elle sera forte et pluraliste, plus l’aspiration à l’unité grandira dans le NPA. Je ne désespère pas que mes camarades réalisent alors qu’ils sont en train de se mettre en travers d’une possibilité, qui ne se rééditera pas de sitôt, de relever les défis de la situation, et que cela les amène à « changer de braquet ».

Entretien réalisé par Mina Kaci


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