Si l’intelligence se mesure à la capacité à trouver des solutions, la mésange doit arriver parmi les espèces animales performantes.
J’habite la même maison depuis un quart de siècle. Les mésanges charbonnières m’y apportent la compagnie de leurs couleurs splendides, de leurs sons variés et de leur bon caractère ; jamais, elles ne se disputent même lorsqu’elles patientent à une dizaine pour accéder à la mangeoire. D’ailleurs, celle qui prend une graine s’en va précipitamment la manger un peu plus loin pour laisser la place aux autres avant de revenir. L’hiver dernier, l’idée me prit de tourner la mangeoire à l’envers, avec un passage d’environ 5 centimètres pour longer un mur puis tournant à angle droit enfin passage aussi réduit entre les graines et la porte fenêtre de la cuisine. Les moineaux furent décontenancés, les sittelles aussi ; par contre, les mésanges trouvèrent rapidement la solution.
La vie de ces mésanges serait plus tranquille si un faucon crècerelle ne venait pas régulièrement prendre son poste de chasse au sommet du lampadaire voisin du jardin. Il paraît sommeiller mais soudain fond sur la moindre petite proie à sa portée. Je l’ai vu ainsi se nourrir de passereaux, surtout en hiver. Malgré ses efforts plusieurs fois renouvelés, il est toujours revenu bredouille de sa chasse à la mésange. Cet oiseau a un caractère grégaire ; il suffit du petit signal de l’une d’elles pour que tout le groupe adopte la méthode du combat à cache cache. Elles choisissent des endroits touffus où le faucon sera obligé de zigzaguer entre des branches, aura du mal à battre des ailes pour relancer son vol, ne pourra utiliser sa vitesse. Dans mon jardin, les deux positions de défense préférées des mésanges sont d’une part la treille qui occupe une douzaine de mètres carrés sur une tonnelle, d’autre part la bignone (trompette de Virginie) contigüe, vieille d’environ 25 ans, au maquis inextricable de branchettes. J’ai vu un faucon s’acharner jusqu’à épuisement à essayer d’attraper une jeune mésange sans y parvenir.
Une autre espèce d’oiseaux, particulièrement intéressante, échappe moins facilement au faucon, c’est l’étourneau sansonnet. Une colonie d’environ 15 milliers occupe la belle place devant ma maison, dormant dans les platanes. J’aime les regarder le soir réaliser leurs magnifiques shows aériens, donnant raison aux spécialistes qui utilisent deux concepts pour les caractériser : auto-organisation (principe régulateur sans intervention extérieure, sans leader, sans centre organisateur, sans programmation au niveau individuel d’un projet global...) et criticalité (capacité à changer de système). Leurs vols groupés sont légendaires, leur vitesse aussi.
Dans ces conditions, quelle tactique utilise le rapace pour en attraper un.
Il commence toujours par observer le nuage en vol ;
soudain, il s’élance et parvient sur le nuage en vol au moment où il effectue un tournant, certains éléments le réalisant de façon moins rapide, moins groupée que les autres
son but consiste à isoler un oiseau du reste de la colonie
systématiquement, l’étourneau ainsi séparé de ses congénères descend vers le sol essayant de prendre le rapace de vitesse. Le faucon le poursuit en zigzaguant légèrement, probablement pour lui donner l’impression qu’il ne peut tourner ni à droite, ni à gauche.
l’étourneau prend de plus en plus peur et finit souvent sa course contre une vitre de magasin, contre un arbre ou simplement dans les griffes du rapace.
Jacques Serieys
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