Les oiseaux disparaissent et les éoliennes ne sont pas le premier coupable

mardi 8 juin 2021.
 

Près de 40% des espèces étudiées sont en déclin et les scientifiques alertent particulièrement sur « une hécatombe » dans le milieu agricole.

Les éoliennes, “coupables d’atteintes à la biodiversité” selon Stéphane Bern, ont-elles un impact sur la disparition des oiseaux ? Oui, sans aucun doute, mais elles ne sont pas les premières en cause, exposent les scientifiques qui alertent sur “le déclin implacable” des populations d’oiseaux, dans un rapport publié ce lundi 31 mai.

Entre 1989 et 2019, des ornithologues bénévoles ont suivi l’évolution des 123 espèces d’oiseaux les plus communes en France via le programme de Suivi temporel des oiseaux Communs (STOC). Les oiseaux servent d’indicateurs pour suivre l’état de la biodiversité en Europe.

En 2018 déjà, le Muséum national d’histoire naturel (MNHN) et le CNRS s’alarmaient d’un déclin à “un niveau proche de la catastrophe écologique”.

Trois ans plus tard, le MNHN, l’Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue de protection des oiseaux (LPO) sont sur la même ligne. “Le STOC dresse un constat relativement implacable en matière de déclin des populations d’oiseaux”, a constaté Bruno David, président du muséum, lors d’une conférence de presse.

Le bilan n’est pas homogène. Quarante-trois espèces sont en déclin, comme le chardonneret élégant, la tourterelle des bois ou l’hirondelle des fenêtres. Les espèces qui souffrent le plus sont celles vivant en milieu urbain (28% d’oiseaux en moins depuis 1989) et celles vivant dans des milieux agricoles (-30% depuis 1989).

“36% des espèces évaluées sont en déclin”, a détaillé Caroline Moussy de la LPO, dont beaucoup d’espèces communes, “35% sont stables mais c’est une stabilité relativement fragile, et on a 26% d’espèces en augmentation”, des espèces généralistes ou forestières ou encore des espèces emblématiques comme la cigogne blanche.

En forêt, la situation est moins mauvaise avec une baisse des effectifs de 10% en 30 ans.

Destruction d’habitat naturel et chasse

Alors à qui la faute ? À l’homme, certes, et plus précisément à l’activité humaine. Parmi lesquelles se trouve la construction d’éoliennes, mais pas uniquement et surtout pas comme la cause principale : les pratiques agricoles ou encore la destruction des habitats naturels sont bien plus mises en avant par les scientifiques que les éoliennes.

En ville, la disparition des oiseaux résulte de “la transformation des bâtiments et la rénovation des façades, qui détruisent les cavités dans lesquelles certaines espèces nichent”, de “l’artificialisation toujours plus forte”, de “l’intensification de l’agriculture à proximité des zones urbanisées”, ou encore de la pollution due aux transports et aux activités industrielles.

Les oiseaux doivent aussi composer avec le réchauffement climatique, qui conduit certaines espèces à migrer plus au Nord mais pas assez vite, et aussi avec le braconnage ou la chasse.

La France, qui accueillera en septembre le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), autorise la chasse d’oiseaux classés sur sa Liste rouge des espèces menacées comme la tourterelle des bois (chasse finalement suspendue par le Conseil d’État pour 2020-2021), s’est étonné Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Il faut mettre fin à “des pratiques cynégétiques d’un autre âge”, a complété Bruno David en évoquant les chasses dites traditionnelles comme la chasse à la glu.

“Hécatombe” en milieu agricole

En milieu agricole, “c’est une hécatombe”, dénonce Benoit Fontaine, scientifique au MNHN. En cause, l’intensification de l’agriculture et l’usage de pesticides, “en particulier les néonicotinoïdes”, les grandes parcelles et la disparition des haies, ou encore la mécanisation. Le gouvernement a autorisé en 2020 une réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, dont l’effet néfaste sur les abeilles est documenté.

“Les associations demandent la prise en compte de la biodiversité dans la prochaine Politique agricole commune (PAC)” dont les discussions sont en cours, a rappelé Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. “Les perspectives françaises ne sont pas satisfaisantes”, a-t-il poursuivi. “Si on ne change pas assez fondamentalement les pratiques, on n’en sortira pas.”

Les négociations sur la prochaine PAC ont achoppé sur les règles environnementales destinées à “verdir” l’agriculture européenne et reprendront en juin.

Mieux placer les parcs éoliens

Quid des éoliennes ? Leur responsabilité dans la disparition des espèces de volatiles est un argument régulièrement utilisé par les détracteurs de cette énergie renouvelable. Dernier exemple en date dans une tribune de Stépahne Bern qui évoque “les oiseaux migrateurs décapités dans les pales de vos machines infernales.”

Cette affirmation est loin d’être fausse. Ces dernières années, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’Office national de la Chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont fait état de plusieurs collisions d’oiseaux avec les pales, de pertes d’habitats ou encore de perturbations comportementales.

Mais les défenseurs des oiseaux ne réclament pas pour autant une interdiction pure et simple des parcs éoliens : Allain Bougrain-Dubourg a demandé au gouvernement français, “porté par des ambitions louables en matière de transition écologique”, d’exclure des zones de développement éolien les zones Natura 2000 classées. “Une planification à large échelle prenant en compte les enjeux de biodiversité est la mesure la plus efficace pour sélectionner les sites et éviter des impacts”, selon eux.

Dans ce triste constat sur l’état de la biodiversité de nos ciels, les scientifiques mettent en garde contre la “fausse bonne nouvelle” de l’augmentation de populations de certaines espèces plus adaptables, comme le pigeon ramier ou la mésange bleue : elle “révèle en fait une uniformisation de la faune sauvage”.

“Cette biodiversité ordinaire tend à disparaître et il faut absolument faire quelque chose pour la restaurer. Si la connaissance, l’expertise, le suivi ne servent pas à protéger derrière, ça ne sert à rien !” a alerté Pierre Dubreuil, directeur général de l’OFB.

Le HuffPost avec AFP


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