Histoire, oppression et lutte du peuple kurde

jeudi 19 janvier 2023.
 

Notre lecteur trouvera ci-dessous une présentation générale de la "question kurde" en bas de page. Des liens vers des articles plus récents sont ajoutés au fur et à mesure de l’actualité en haut de page.

Après avoir subi une répression totalitaire durant des décennies, les Kurdes pensaient voir le bout du tunnel en 2013 par des discussions ouvertes avec le gouvernement d’Ankara. Malheureusement 2014 ruine cet espoir avec l’expansion d’un Etat islamique particulièrement assassin vis à vis des populations civiles kurdes et la complicité du gouvernement turc qui laisse passer la frontière à des milliers d’islamistes et les aide.

- A) Les Kurdes, peuple très anciennement attesté au Kurdistan
- B) Le peuple kurde n’a pas réussi le tournant d’un Etat national
- C) 20ème siècle : Long combat pour la reconnaissance de l’identité kurde
- D) Oppression et luttes des Kurdes aujourd’hui (liens)

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D) Oppression et luttes des Kurdes aujourd’hui (liens)

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D) Les Kurdes en Irak

16 mars 1988 à Halabja Acte de génocide contre les Kurdes d’Irak

C) 20ème siècle : Long combat pour la reconnaissance de l’identité kurde

1925-1930-1937 : Révoltes kurdes en Turquie, impitoyablement mâtées.

8 juillet 1937 : Pacte de Saadabad entre la Turquie, l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan. Il prévoit entre autres une coordination de la lutte contre la « subversion » kurde.

Janvier 1946 : Avec l’appui de l’URSS, naissance en Iran de la République kurde de Mahabad.

Décembre 1946 : Les troupes iraniennes mettent fin à cette expérience.

Septembre 1961 : Déclenchement d’une rébellion dans le nord de l’Irak menée par Moustapha al Barzani avec pour slogan : « autonomie pour le Kurdistan, démocratie pour l’Irak ». Jusqu’à la fin des années 70, l’essentiel de la rébellion kurde se concentre en Irak.

17 juillet 1968 : Le Baas s’empare du pouvoir en Irak. Consécration de la participation des Kurdes à la vie politique irakienne.

1970 : Le Baas concède la création d’une région kurde autonome et leur accorde certains droits : la langue kurde devient la seconde langue du pays.

Mars 1974 : Bagdad décide l’application unilatérale de l’autonomie. Poussé par les Etats-Unis et l’Iran, Mustapha al Barzani reprend l’insurrection.

6 mars 1975 : L’Accord d’Alger entre Bagdad et Téhéran met fin à leur différent frontalier et entraîne l’arrêt de toute aide iranienne à la rébellion kurde qui s’effondre.

Septembre 1980 : Le déclenchement de la guerre irano-irakienne relance l’agitation kurde. En Iran, le Parti démocratique kurde iranien (PDKI) du Dr Abdoul Rahman Ghassemlou a pris le contrôle du Kurdistan et le conflit l’amène à s’allier avec M. Saddam Hussein.

En Irak, alliances et divorces se succèdent entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) dirigé par M. Massoud al Barzani, l’Union Patriotique du Kurdistan de M. Jalal Talabani et le Parti communiste irakien.

1984 : Déclenchement des opérations de guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan dans l’est de la Turquie.

1988 : Répression contre les Kurdes à la fin de la guerre Irak-Iran. En mars, Bagdad utilise des gaz chimiques contre le village de Halabja. 100 000 Kurdes fuient vers la Turquie

Juillet 1989 : Assassinat à Vienne du Dr Abdoul Rahman Ghassemlou, secrétaire général du PDKI en Iran, par des agents du régime de Téhéran.

5 mars 1991 : Début de la rébellion kurde dans le nord de l’Irak.

2 avril 1991 : L’ONU est saisie par la France sur la situation des Kurdes au nom du devoir d’« ingérence humanitaire ». Deux millions de Kurdes fuient vers l’Iran et la Turquie

5 avril 1991 : L’Onu adopte la résolution 688 exigeant la fin de la répression contre les Kurdes et demandant à Bagdad de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Seuls 300 observateurs humanitaires sont déployés dans la région. Leur mandat ne sera pas renouvelé par la suite.

7 avril 1991 :Les alliés lancent l’opération Provide comfort de secours aux Kurdes. Ils exercent une surveillance aérienne de la région située au nord du 36eme parallèle, interdite aux avions irakiens.

19 mai 1992 : Elections libres au Kurdistan irakien mais aucune autorité stable ne s’installe. Le PDK contrôle le nord de la région (jusqu’à la frontière avec la Turquie), l’UPK le sud (jusqu’à la frontière avec l’Iran).

20 juin 1992 : L’opposition chiite, kurde et démocratique réunie à Vienne (Autriche) ne parvient pas à s’entendre sur un programme commun.

17 septembre 1992 : Assassinats à Berlin de quatre importants dirigeants du PDK iranien.

Septembre 1996 : Après de violentes confrontations avec l’UPK, le PDK lance un appel à l’aide aux troupe du président Saddam Hussein.

Septembre 1998 : Accord de Washington entre le PDK et l’UPK sur la formation d’un gouvernement et d’un Parlement intérimaire au Kurdistan irakien.

Octobre 1998 : L’Iraq Liberation Act américain prévoit un soutien accru à l’opposition irakienne, dont les partis kurdes, en vue de déstabiliser le président Saddam Hussein.

Janvier 1999 : Arrestation du chef du PKK, M. Abdullah Öcalan, au Kenya et remis aux autorités turques.

8 septembre 2002 : Les dirigeants du PDK et de l’UPK signent un accord de paix, réactivant le ’Parlement unifié’. Cette unification intervient alors que Washington se prépare à frapper le gouvernement irakien pour le renverser.

B) Le peuple kurde n’a pas réussi le tournant d’un Etat national

La naissance des Etats nationaux, définis par "un seul peuple parlant une seule langue sur un seul territoire" date surtout du 19ème siècle et début 20ème. L’empire ottoman souvent conseillé par des militaires et diplomates allemands intègre leur vision très nationaliste de la nation d’où l’écrasement de toutes les principautés kurdes et leur passage sous domination totale de l’Etat turc.

Le sentiment national kurde s’affirme dès ce moment-là avec :

- le prince de Rewanduz, Mîr Mohammed, qui lutte de 1830 à 1839 pour la création d’un Kurdistan unifié

- plusieurs révoltes kurdes non généralisées de 1847 à 1881, sous la conduite de chefs traditionnels, pour la création d’un Etat kurde. Elle sont toutes durement réprimées par le pouvoir central

- le morcellement géographique du Kurdistan, la capacité de l’empire ottoman à intégrer les élites féodales kurdes et à accepter l’autonomie culturelle kurde expliquent en partie l’isolement de chaque insurrection locale

En 1915, les accords impérialistes franco-britanniques dits de Sykes-Picot prévoient le démembrement du Kurdistan.

Durant la Première guerre mondiale, le génocide des Arméniens par l’Etat ottoman montre jusqu’où le nationalisme turc peut aller pour défendre une Turquie sans droits collectifs des minorités. Au lendemain de la guerre, ce sont les Grecs qui font les frais du même totalitarisme d’unification culturelle nationale.

En 1918, les indépendantistes forment une délégation dépêchée à la Conférence de Versailles pour présenter "les revendications de la nation kurde". Le Traité International de Sèvres conclu le 10 août 1920 entre les Alliés (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis...) et l’Empire Ottoman prévoit la création sur une partie du territoire du Kurdistan d’un Etat kurde.

En fait, les capitalismes occidentaux (Grande-Bretagne surtout mais aussi les Etats Unis, la France) et les nationalistes turcs agissent au Proche-Orient en fonction de leurs seuls intérêts. Exemples :

- Le 25 avril 1920, le Royaume-Uni se fait confier par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) un mandat pour administrer la Mésopotamie et en fait profiter de son pétrole. Comme une partie significative de cet or noir se trouve dans la zone kurde, les Anglais ne veulent plus entendre parler d’Etat kurde. Ils fusionnent les trois provinces de Mésopotamie en un royaume d’Irak qu’ils offrent à l’émir Faysal. Ils écrasent la révolte anti-coloniale des Kurdes et de chiites, installent un Etat capitaliste anglo-sunnite à caractéristiques féodalo-religieuses .

- par l’accord franco -turc du 20 octobre 1921 la France annexe à la Syrie placée sous son mandat les provinces kurdes de la Djezireh et de Kurd-Dagh.

- De 1919 à 1922, les nationalistes turcs ont besoin des Kurdes pour écraser les Grecs d’Asie mineure. Aussi, ils se présentent comme porteurs du projet d’"un Etat des Turcs et des Kurdes" de religion musulmane pour "libérer le sultan-calife virtuellement prisonnier des chrétiens". Lors de la Conférence de paix réunie à Lausanne, les délégués turcs affirment parler au nom des nations soeurs kurde et turque.

- Dès que les Arméniens et les Grecs ont été écrasés, l’Etat kémaliste nie tout droit aux Kurdes.

Globalement, après la Première guerre mondiale, quelques 30 millions de Kurdes réprimés sont enfermés, dans les frontières artificielles de plusieurs Etats (Turquie, Syrie, Irak, Iran).

A) Les Kurdes, peuple très anciennement attesté au Kurdistan

Leur langue fait partie d’une grande branche indo-européenne : l’indo-iranien. Les recherches les plus sérieuses et les plus récentes valident l’affirmation de Wikipedia, à savoir « la présence, au moins depuis 2000 av. J.-C., de populations proto-kurdes ou fortement apparentées, non seulement dans le Zagros, mais encore au nord de la Mésopotamie (Djézireh syrienne) et jusqu’en Crète (Zakros) », de même que dans l’ancienne Cilicie.

A1) De la protohistoire à l’Antiquité

La région du Kurdistan est connue par plusieurs termes apparentés au mot Kurde au cours de l’Antiquité. Les Sumériens l’appelaient Kur-a, Gutium ou encore le pays de Karda, les Élamites Kurdasu, les Akkadiens Kurtei, les Assyriens Kurti, les Babyloniens Qardu, les Grecs Carduchoi et les Romains Corduene (pays des Cordueni). Ce radical Kar, Kor, Kur vient très probablement de la racine pré-indo-européenne Kar, Kor, Kur (=pierre, montagne), une des plus anciennes de la préhistoire.

Les spécialistes avancent également l’existence d’une proximité linguistique et historique des peuples issus des mêmes territoires montagneux comme les Mèdes, le Mittani, les Kassites et Hourites. Les Kurdes étaient donc présents sur leur territoire actuel au moins 3000 ans avant l’arrivée des envahisseurs turcs venus d’Asie.

La terminaison en -stan dans le mot Kurdistan est un suffixe utilisé par les langues iraniennes signifiant « pays de ». L’équivalent en kurde pour désigner la région est le terme Kurdewarî.

A2) Localisation géographique

Le Kurdistan est une région montagneuse et de hauts plateaux d’Asie centrale entre l’Iran, l’Irak et la Turquie. Les estimations de la superficie du Kurdistan sont variées : l’Encyclopædia Britannica cite 191 660 km², Jacques Leclerc parle de 350 000 km² et l’observatoire franco-kurde de 500 000 km².

A3) Antiquité

La région montagneuse au sud et au sud-est du lac de Van, entre Perse et Mésopotamie, était en possession des Kurdes avant l’époque de Xénophon, et était connue sous le nom de « pays des Carduchi » par les Grecs (en grec Καρδούχοι), Cardyène ou Cordyène[12].

Au maximum de leur avancée au Proche-Orient, les Romains dominèrent des régions habitées par des Kurdes, particulièrement à l’ouest et au nord de ce qui deviendra le Kurdistan. Le royaume de Corduène était par exemple vassal de l’Empire romain entre 66 av. J.-C. et 384.

A4) De 1150 au 19ème siècle

Le sultan Sandjar, dernier grand souverain seldjoukide, crée en 1150 une province appelée Kurdistan, dont la capitale est Bahār, près de Hamedan. Cette province est située plutôt au sud du Kurdistan puisqu’elle englobe les territoires de Sindjar et Chehrizor à l’ouest des Zagros et d’Hamedan, Dinaver et Kermanshah à l’est de cette chaîne montagneuse.

Quelques années après la fondation de cette province, en 1171, Saladin, issu de la dynastie des Ayyoubides, d’origine kurde, renverse les califes fatimides et prend le pouvoir avec le titre de Sultan. Le Kurdistan perd alors toute particularité et est intégré au califat, englobant l’Égypte, la Syrie, le Kurdistan et le Yémen.

Après les invasions turco-mongoles, le Kurdistan retrouve une partie de son autonomie, mais n’est cependant pas un territoire uni. Le territoire habité par les kurdes est morcelé en une série de petits états appelés émirats. Une histoire de ces états, de leurs relations entre eux et avec leurs voisins persans et turcs est donnée dans le Sharafnāma du prince Charaf ad-Din Bitlisi, qui est considéré comme un travail historique de référence sur les kurdes.

Jacques Serieys

Sources essentielles des informations

Monde diplomatique et Wikipedia

http://www.institutkurde.org/instit...


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