La Turquie ne veut pas d’une société démocratique. SOUTIEN AU PEUPLE KURDE (2009)

mercredi 4 mars 2020.
 

La cour constitutionnelle turque a interdit, le 11 décembre 2009, le principal parti pro-kurde du pays, le DTP " Parti pour une société démocratique". Ce parti compte 21 députés au Parlement. Dans toutes les villes, les manifestants Kurdes sont arrêtés, passés à tabac, tués.

25 millions de Kurdes de Turquie attendent qu’on leur reconnaisse ce dont bénéficie n’importe quel citoyen Turc : le droit de vivre en citoyens libres, sous la protection des Droits de l’Homme et le droit d’être eux-mêmes, un Peuple avec ses traditions, sa culture et sa langue. Ils demandent une certaine autonomie au sein d’un état fédéral démocratique et la reconnaissance de leur identité, afin de vivre en paix avec tous les autres citoyens turcs. Il n’y a, dans ces revendications, rien qui ne menace l’Etat Turc.

Le gouvernement Turc réagit avec sa police et son armée. Il considère toute représentation politique des Kurdes comme du terrorisme, pour mieux justifier sa répression et ses crimes.

L’usage de la violence est depuis quelques années officiellement abandonnée par le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) par la voix de son Secrétaire Général, Abdullah ÖCALAN, emprisonné dans les pires conditions depuis plusieurs années. Pourtant quand l’armée Turque incendie, bombarde les villages Kurdes (3800 villages détruits et l’exode de 3 millions de Kurdes), comment ne pas reconnaitre un Droit à l’autodéfense ?

Malgré cet appel au dialogue d’Abdullah ÔCALAN, pour régler la question Kurde d’une manière pacifique et démocratique, la Turquie fait pression pour maintenir le PKK dans la liste des organisations terroristes, avec la complicité des Etats occidentaux qui vendent à la Turquie les armes utilisées contre les Kurdes.

Alors, où est le terrorisme ? A la moindre manifestation d’un Kurde, ne serait ce que linguistique, la Turquie réprime, emprisonne, torture et assassine. Elle fait même pourchasser les militants associatifs Kurdes en Europe par les pays " démocratiques".

Nous devons accentuer la pression sur le gouvernement Turc pour simplement lui rappeler qu’il n’est pas dispensé de mettre en pratique les Droits de l’Homme.

2) La décision de la Cour constitutionnelle de dissoudre le Parti pour une société démocratique (DTP, kurde) vise à torpiller les efforts effectués pour régler la question kurde et à entraver la candidature de la Turquie à l’UE

Article de L’Humanité

Plusieurs villes et localités du Kurdistan turc (15 millions d’habitants) ainsi qu’Istanbul ont été le théâtre de violentes manifestations en signe de protestation contre la dissolution du parti kurde DTP (Parti pour une société démocratique) par la Cour constitutionnelle turque, le 12 décembre. « La fermeture du DTP est décidée en raison de ses liens avec l’organisation terroriste et parce qu’il est devenu le point central d’activités dirigées contre l’intégrité du pays », a expliqué le président de la Cour, Hasim Kilic. L’interdiction d’activité s’étend également à 37 dirigeants et cadres du parti, dont Ahmet Türk, le président du parti. Les 21 députés du DTP ont alors décidé de quitter le Parlement.

« Comme vous le savez, nous avons déjà dit que nous n’avions aucune raison de continuer à siéger au Parlement si notre lutte pour la démocratie n’est pas prise en considération. Nous remettrons nos démissions au président du Parlement dans les plus brefs délais », a estimé Ahmet Türk. S’attendant à cette interdiction, les dirigeants de l’ex-DTP n’ont pas perdu de temps  : ils ont aussitôt annoncé la poursuite de leurs activités politiques au sein d’un nouveau parti, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP).

La dissolution du DTP fait suite à une procédure lancée en 2007 par le procureur de la Cour de cassation, Abdurrahman Yalçinkaya, qui accuse le DTP d’être la vitrine légale du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée contre Ankara. Ce procureur est connu pour être proche des militaires et des milieux nationalistes turcs. En 2008, il avait tenté d’obtenir l’interdiction du parti AKP (Parti de la justice et du développement, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir, en invoquant le fait qu’il violait la Constitution laïque de la Turquie. Le moins que l’on puisse dire , c’est que cette mesure extrême a pris au dépourvu le gouvernement du premier ministre, Tayyip Erdogan. Elle est intervenue au moment où il venait de lancer son initiative d’ « ouverture démocratique », visant à accorder de nouveaux droits aux Kurdes et, à moyen terme, à mettre fin à la guérilla menée par le PKK qui, en vingt ans, a fait plus de 40 000 morts. Une initiative qui s’était d’ailleurs heurtée à l’hostilité des milieux kémalistes et ultranationalistes, notamment le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste) et le MHP (Parti de l’action nationaliste, droite nationaliste), deux partis siégeant au Parlement. En outre, ce torpillage en règle de l’ouverture initiée par le gouvernement de l’AKP, qui ne va pas manquer de nourrir avec plus d’intensité le désespoir et la frustration des 15 millions de kurdes, est aussi un coup sévère porté à la candidature de la Turquie à l’Union européenne. Et ce, bien que le premier ministre Tayyip Erdogan ait critiqué la dissolution du DTP.

Hassane Zerrouky

3) En Turquie, batailles de rue après l’interdiction du principal parti kurde

Article du Monde

Au milieu de ses piles de pains fumants, le boulanger montre sa vitrine criblée d’impacts. "Dimanche, les pierres ont volé, raconte Cahit. Les Kurdes visaient la police, le commissariat est de l’autre côté de la rue... Tout le quartier est sens dessus dessous et j’ai peur que ça continue. On risque d’aller droit vers la guerre civile !" Le quartier de Dolapdere, au coeur d’Istanbul, porte encore quelques traces des violences qui ont éclaté dimanche 13 décembre. Comme dans de nombreuses villes à travers le pays ces derniers jours, les supporteurs du Parti pour une société démocratique (DTP), qui venait d’être dissous, sont descendus dans la rue pour crier leur colère, dans ce quartier délabré, peuplé surtout de Kurdes.

Le Parti pour une société démocratique (DTP). Il a été dissous, vendredi 11 décembre, par la Cour constitutionnelle turque. C’est la cinquième fois en un quart de siècle qu’est interdit le principal parti pro-kurde, accusé d’être la vitrine de la guérilla du PKK. Il disposait de 21 sièges au Parlement (sur 550).

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Formé en 1978 par Abdullah Ocalan, le PKK est une organisation armée revendiquant un statut d’autonomie des territoires à population majoritairement kurde, l’amnistie pour les rebelles et la libération de leur chef.

L’"ouverture" kurde. Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a lancé, en novembre, une série de mesures visant à renforcer l’identité culturelle des Kurdes et à défendre les droits de l’homme dans la région. Selon un sondage, publié mardi 15 décembre, 70 % des Turcs sont opposés aux réformes.

Aux affrontements avec la police, se sont ajoutées des violences intercommunautaires entre radicaux kurdes et turcs. Depuis cette dissolution, vendredi, par la Cour constitutionnelle d’Ankara, pour ses liens avec la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l’"intifada kurde" (soulèvement) a resurgi dans les provinces de l’est de la Turquie et dans les quartiers populaires d’Istanbul. Mettant ainsi fin aux quelques mois de répit entraînés par l’espoir d’une "ouverture démocratique" de la part du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Une série de provocations fait désormais craindre une escalade.

A Dolapdere, plusieurs dizaines de jeunes ont affronté un bataillon de policiers, à coups de pierres, dans la rue du commissariat. Plus bas, les émeutiers s’en sont pris aux commerces qui avaient refusé de baisser leur rideau. Les vitres de quelques échoppes ont explosé. Mais un groupe de Turcs armés de couteaux, de bâtons et d’armes à feu, scandant des slogans nationalistes, a violemment riposté.

La bataille a été rude devant le café Kemal Pacha, fréquenté par les sympathisants du Parti de l’action nationaliste (extrême droite, MHP). "Ils (les émeutiers kurdes) ont attaqué vendredi et sont revenus dimanche. Ils ont même arraché le drapeau turc devant le café. On a dû se défendre", justifie Zafer Siler, à l’intérieur du local, tapissé de portraits d’Atatürk. "Ils veulent diviser le pays mais nous sommes prêts à nous battre. Les Kurdes ont déjà une télévision, des cours de langue, ils ont tous les droits ! Que veulent-ils encore ?" proteste-t-il. Le patron du café, Yusuf, a sorti une arme et a tiré, avec quelques autres, en direction des manifestants kurdes. Arrêté par la police, il a été rapidement relâché. L’une des victimes des coups de feu a été maintenue en détention.

Une rue plus loin, l’épicier kurde livre une autre version des faits. "Ces gens, on les connaît bien dans le quartier. La police était parmi eux et ils ont tiré en pleine rue. J’ai vraiment peur que la situation ne dégénère dans ce quartier. Ce n’est pas un endroit où élever une famille", soupire Botan.

"C’est l’Etat qui a fait ça"

Un chiffonnier qui faisait partie des tireurs, dimanche, a avoué avoir reçu 500 livres turques (225 euros) pour faire feu sur les manifestants, de quoi nourrir la thèse d’une manipulation, pour attiser les violences. "Pour nous, c’est l’Etat qui a fait ça, affirme Cemalettin Gördegir, un militant kurde. Il paye des gens pour provoquer des affrontements. Ce n’est pas la première fois." Lors d’un autre incident, mardi, à Mus, dans l’Est, un gardien de village, membre de la milice armée par l’Etat, a tiré à la kalachnikov sur la manifestation du parti kurde, tuant deux personnes. En pleine période de tensions, les discours antikurdes des leaders nationalistes finissent aussi par trouver un écho. "Désormais, l’homme de la rue évoque ouvertement la possibilité que l’on commence à s’entre-tuer, écrit Ece Temelkuran, éditorialiste au journal Milliyet. Des gens parlent de la façon dont ils vont attaquer la famille de l’épicier kurde. (...) Ils expliquent comment ils vont nettoyer les bidonvilles de la périphérie devenus des quartiers kurdes. Il ne manque plus qu’une étincelle."

Devant le bureau du parti kurde, à Dolapdere, à 50 mètres du commissariat gardé par un véhicule blindé, l’enseigne DTP a été décrochée, mercredi matin, et aussitôt remplacée par le nom du nouveau parti appelé à prendre la succession : le Parti pour la paix et la démocratie (BDP). Pour la sixième fois en moins de vingt ans et après plusieurs interdictions par la justice turque pour des liens trop visibles avec les rebelles du PKK, le mouvement politique renaît déjà sous un autre nom. Sans changer de ligne. "S’il le faut, on en fera un huitième et un neuvième", clame Turan, un jeune du parti.

Guillaume Perrier


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