Ces 23 et 24 novembre, est né « Ensemble-Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire », constitué de quatre formations entrées dans le Front de gauche à l’occasion de l’élection présidentielle : la Gauche anticapitaliste, la Fase, Convergences et alternative, les Alternatifs. Ses initiateurs ont tenu à souligner la cohérence du processus d’unification auquel ils participent en se dotant d’un logo, de textes de référence et d’orientation, d’un collectif de porte-parole, de règles de fonctionnement applicables de l’échelon territorial au plan national, d’une représentation unifiée au sein des instances du Front de gauche. Pour compléter l’édifice, il a été décidé de créer une association de financement et des modalités de désignation des candidats aux élections ont été définies. Ce qui signe la naissance d’un nouveau parti politique.
Gauche unitaire n’est pas de ce processus. Elle ne pouvait en être. Non par conservatisme ou par « patriotisme d’organisation », puisqu’elle avait été à l’initiative de la constitution du « courant d’idées » baptisé « Trait d’union », dont l’objectif était de « travailler à surmonter la dispersion des forces » à l’intérieur du Front de gauche. Mais parce qu’elle porte une autre démarche, que son II° Congrès, en avril dernier, voici à peine plus de six mois, avait précisément exposée : « Aujourd’hui, Gauche unitaire propose de s’engager dans une nouvelle étape pour vérifier s’il est possible de réunir les conditions d’un rapprochement organisationnel et- de surmonter les désaccords. Un tel rapprochement demandera certainement du temps et des débats approfondis. » Et de suggérer, à cette fin, l’ouverture d’une phase de vérification du degré d’accord qui permettrait « de surmonter les divisions organisationnelles si les accords politiques constatés au terme des discussions rendent cela possible ». Quatre grands thèmes de débat avaient même été avancés : sur l’analyse des enjeux de la période politique, sur la conception du Front de gauche dans l’objectif de faire bouger les lignes dans toute la gauche, sur la stratégie de transformation sociale, sur la conception même de l’organisation à construire.
Cette conception s’inscrivait dans la continuité de la démarche qui avait, auparavant et au terme de plusieurs mois de travail, permis d’aboutir à la signature de textes de référence communs avec Convergence et alternative ou République et socialisme. Ces textes avaient permis de mettre en évidence des convergences fortes, à partir d’une appréciation partagée du moment politique et des objectifs en découlant.
Cette fois, nos quatre partenaires de « Trait d’union » ont préféré accélérer le mouvement menant à la proclamation d’un nouveau parti. En lieu et place de l’étape de vérification approfondie que nous préconisions, des textes ont donc vu le jour, qui évacuent les principaux débats de fond, à commencer par celui qui a trait au rapport à entretenir avec le reste de la gauche, débats sans lesquels une construction politique court l’inévitable risque de ne pas trouver de stabilité dans la durée.
C’est ce que pointait le congrès de Gauche unitaire, dans sa résolution sur « les relations avec les organisations du Front de gauche », adoptée à l’unanimité : « Sa conviction est que les rapprochements qu’elle appelle de ses vœux ne peuvent s’opérer que sur la base d’un débat soigneusement mené, d’un dépassement réel de ce qui fait divergence, de convergences politiques vérifiées par l’écrit mais aussi par la pratique, d’une cohérence d’ensemble véritablement partagée. Ce qui constitue la condition pour qu’une convergence, qui apparaîtrait dans un premier temps positive et source d’espoir pour de nombreux secteurs militants, ne laisse ensuite place à des éclatements préjudiciables à l’ensemble du Front de gauche. »
En une période où la gauche traverse une crise profonde, où le camp des salariés est menacé d’une authentique déroute du fait de la politique conduite par le gouvernement, on voit déjà se dessiner les problèmes d’orientation soulevés par la création d’« Ensemble-Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire ». Alors qu’il conviendrait de travailler avec détermination à ce que le Front de gauche sache porter en direction de toute la gauche une offre de rassemblement sur une politique de rupture avec le libéralisme et le productivisme, seul moyen de conjurer la catastrophe qui guette et de faire se lever un grand mouvement populaire, c’est un pôle d’extrême gauche qui s’affirme désormais au sein du Front de gauche.
Ainsi, lorsque certaines des composantes de la nouvelle organisation en appellent depuis des mois, telle la Gauche anticapitaliste, « à retricoter ce qui s’était détruit dans le processus d’éclatement et de dissolution de la LCR puis du NPA » (sans que le bilan soit seulement esquissé des raisons qui ont conduit à l’échec desdites organisations). Ainsi, lorsque d’autres, dans la Fase, se fixent pour objectif premier de réaliser la synthèse des « cultures issues de la LCR, du courant autogestionnaire et du PCF » (ce qui est une curieuse manière de relever les défis d’un nouveau siècle). Ainsi, lorsque d’autres voix encore, celle des Alternatifs par exemple, évoquent la « construction d’un pôle de la gauche alternative » (ce fameux « troisième pôle » dont la seule raison d’être apparaît de se positionner face au PCF et au PG, et non d’œuvrer à une nouvelle synthèse politique entre toutes les forces partie prenante du Front de gauche). Ainsi aussi, lorsque la nouvelle formation est définie, dans le rapport d’introduction de la rencontre des 23 et 24 novembre, comme se plaçant « du côté de la radicalité et de la rupture » (ce qui laisse supposer que les autres composantes du Front de gauche ne le seraient pas…)
Nous sommes, par conséquent, fort loin du projet que porte Gauche unitaire. Depuis qu’elle est devenue la troisième composante fondatrice du Front de gauche, aux côtés du Parti communiste et du Parti de gauche, en 2009, notre organisation affiche en effet sa volonté de faire de cette construction commune un levier au service d’une refondation d’ensemble de la gauche sur une nouvelle ligne directrice. Elle ne cesse, dans ce but, de proposer que le Front de gauche porte son combat au « cœur de la gauche » pour mieux y battre les tenants du social-libéralisme. Cette ambition était d’ailleurs réaffirmée par son II° Congrès : « L’objectif (…) n’est pas d’affirmer au sein du Front de gauche une configuration plus radicale ou d’extrême gauche, ni d’opposer un « troisième pôle » au Parti communiste et au Parti de gauche, ou de privilégier l’unité avec l’une de ces deux forces contre l’autre. Il n’est pas non plus d’affirmer un regroupement porteur d’une identité idéologique du type « rouge-verte » comme l’envisagent les Alternatifs ».
Nous n’avons pas été entendus. C’est donc avec un vif regret que nous avons assisté au gâchis des potentialités du courant d’idées « Trait d’union », au profit de la création d’un nouveau parti politique qui, d’évidence, apparaît avoir d’abord pour objectif de jouer sur les contradictions qui traversent aujourd’hui le Front de gauche, avec les vifs débats opposant notamment le PCF et le PG à propos des élections municipales dans diverses villes. Telle n’a jamais été notre conception de l’engagement au sein du Front de gauche. Elle l’est moins que jamais face aux chocs qui s’annoncent dans la situation française et aux dangers qu’ils recèlent pour le peuple et la gauche.
Nous comptons à présent entretenir des relations fraternelles avec le nouveau parti né en cette fin novembre. Nous poursuivrons avec lui les débats d’ores et déjà engagés. Avec la volonté, toujours, d’avancer. Comme nous le faisons, déjà, avec nos camarades du Parti communiste français et du Parti de gauche, comme avec nos camarades du PCOF ou de République et socialisme.
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