Ce débat vital qui débute à gauche (par Christian Picquet, Gauche Unitaire)

mercredi 15 août 2012.
 

Une dernière note avant de prendre un peu de repos... Pour traiter de deux faits politiques qui peuvent, demain, revêtir une grande importance, bien que la saturation présente de l’espace médiatique par les Jeux olympiques ait pu les reléguer au second plan.

Le premier nous ramène, encore et toujours, à l’Europe. Les plus sombres pronostics déjà énoncés ici s’avèrent, hélas, en passe de se réaliser. Alors que l’Espagne et l’Italie sont plongées dans une tourmente financière et bancaire qui les amène au seuil d’une authentique catastrophe, la Banque centrale européenne vient de décider… de ne rien faire dans l’immédiat. Ouvrant elle-même, ce faisant, la brèche par laquelle se prépare à s’engouffrer une nouvelle offensive spéculative sur les marchés. C’est Le Monde daté de ce jour qui, s’échappant pour une fois de son européisme libéral béat, résume la perversité des mécanismes censés garantir la stabilité de la zone euro : « Concrètement, l’institution se dit prête à reprendre ses achats de dette publique, mais cette fois uniquement si les États concernés – Espagne et Italie en tête – ont au préalable demandé l’aide des fonds de secours européens (le Fonds européen de stabilité financière, FESF et/ou son successeur, le MES). Autrement dit, si les gouvernements acceptent les contreparties en termes de réformes structurelles et d’ajustement budgétaire exigées en cas d’utilisation des fonds européens. »

Comment mieux rendre compte de l’inutilité des décisions du sommet européen des 28 et 29 juin, dont François Hollande avait pourtant expliqué qu’elles replaçaient l’édification communautaire sur de bons rails ? Comment ne pas voir, dans le comportement aventurier et cynique d’un cénacle de gouverneurs, rendu indépendant par la volonté des gouvernements, je veux parler de ceux qui président aux destinées de la BCE, la nouvelle preuve que le continent est condamné à toujours davantage d’austérité s’il demeure dans les clous des traités actuels et, tout particulièrement, dans ceux du Pacte de stabilité budgétaire ? Comment ignorer qu’à vouloir sans cesse « rassurer » les investisseurs par des postures rigoureusement obéissante au dogme libéral, celles qui exigent des peuples toujours plus de sacrifices, on ne fait que laisser libre cours au fonctionnement erratique des marchés ?

Voilà une nouvelle confirmation que seule une ligne de conduite courageuse peut apporter une solution à une crise systémique devenue hors de contrôle, et qu’il devient à chaque instant plus impératif de redresser la construction européenne si l’on veut conjurer le spectre d’une dislocation de la monnaie unique. Cela fixe, d’ores et déjà, « l’agenda » de la gauche pour la rentrée toute proche.

Je lis, à cet égard, toujours dans Le Monde, qu’une partie significative des parlementaires d’Europe Écologie-Les Verts pourrait se prononcer contre le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de la zone euro. Excellente nouvelle, en ce qu’elle traduit la prise de conscience salutaire qui est en train de s’opérer au cœur de la gauche ! Je dis bien au cœur de la gauche, car le phénomène ne concerne plus uniquement le Front de gauche. Il dépasse même les seuls écologistes. Au Parti socialiste lui-même, le débat se fait jour.

FORCES DISPONIBLES DANS TOUTE LA GAUCHE

Parmi les contributions ouvrant la discussion du prochain congrès du parti qui détient aujourd’hui la quasi-totalité des leviers de commande, trois au moins affichent leur refus de l’« ordolibéralisme », cette doctrine mettant les moyens coercitifs des États au service de la libre concurrence et de la dérégulation généralisée, qui régit présentement la conduite des affaires de l’Europe sous l’égide des conservateurs allemands. Celle intitulée « Le Temps de la gauche » (signée, entre autres, par Marie-Noëlle Lienemann) relève à juste titre : « Le divorce entre notre parti et le peuple de gauche peut venir de l’Europe : l’orientation actuelle de la construction européenne, consistant à accompagner la mondialisation libérale, ne saurait satisfaire nos concitoyens. » Celle d’Un Monde d’avance (le courant dont Benoît Hamon était le chef de file officiel jusqu’à son entrée au gouvernement) n’est pas en reste : « Le fédéralisme ‘’merkozy’’, c’est le désarmement de la puissance publique face à la crise, l’austérité, la récession et la dégradation des conditions de vie de l’immense majorité des citoyens européens. La fin de l’autonomie budgétaire est également, clairement, un recul démocratique au profit d’une technostructure qui détourne les citoyens de l’idée de l’Europe fédérale. Dans un contexte de crise, le carcan de la ‘’règle d’or’’ que voudraient nous imposer les libéraux n’est pas simplement une aberration économique, c’est aussi le ferment de potentiels troubles politiques majeurs. De fait, le gouvernement actuel a bien une responsabilité immense. » Celle de Gérard Filoche et de ses amis est de la même veine : « Le TSCG serait un pas supplémentaire dans la perte de souveraineté budgétaire des États de l’Union, au profit de deux institutions qui n’ont pas de compte à rendre au suffrage universel : la Commission européenne et la Cour de justice. »

Potentiellement, face aux terribles secousses qui pointent à l’horizon, il existe donc à gauche des forces suffisantes, si elles savent conjuguer leurs efforts, pour permettre qu’un coup d’arrêt soit mis à des mécanismes qui broient les peuples, que puisse s’amorcer la contre-offensive qu’impose un libéralisme mortifère, que le cap soit mis sur un changement profond qui délivrerait un message d’espoir à l’ensemble de notre continent.

Le nouveau président de la République a beau avoir inscrit son quinquennat sous le signe de ce fameux « chemin d’équilibre » entre rigueur budgétaire et justice, qu’il évoquait à peine élu sur une chaîne de télévision, la dynamique de son succès face à Nicolas Sarkozy se sera cristallisée sur autre chose : ses tirades contre la dictature de la finance, ses appels au retour à l’égalité républicaine, sa promesse de favoriser la réorientation de l’Europe.

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