Les Evangiles : un religiosité humaniste, morale, égalitaire, révolutionnaire

mardi 4 avril 2023.
 

Notre lecteur peut être surpris de la présence d’un tel article sur un site politique.

- Qu’il tienne compte du fait que chaque période historique de montée internationale de la combativité se traduit par l’émergence significative de courants religieux progressistes (par exemple théologie de la libération dans les années 1960 et 1970).

- Qu’il prenne en considération la référence à l’évangile pour des personnalités et courants qui ont porté la montée des forums altermondialistes en Amérique latine puis apporté une représentation politique à la poussée populaire des aspirations sociales, démocratiques, anti-impérialistes.

- Qu’il sache d’autre part que l’analyse des textes religieux fondateurs revient souvent sur notre site par des forums contradictoires.

Plan :

- A) Un débat sur notre site concernant l’analyse des grands textes religieux

- B) Les évangiles, des textes essentiellement religieux

- C) Les évangiles, un humanisme universaliste

- D) Les évangiles, un humanisme moral

- E) Un humanisme égalitaire

- F) Un humanisme révolutionnaire dans le contexte de l’époque

A) Un débat sur notre site concernant l’analyse des grands textes religieux

Notre site reçoit fréquemment des forums postés par des personnes pour qui la croyance en un dieu a occupé ou occupe encore une place centrale dans leur vie. Ainsi, des textes sur le fait religieux se complètent ou se contredisent au fil des mois et des années.

Nous avions par exemple reçu en septembre 2006 le message d’un musulman analysant la présence réelle du devoir de guerre sainte dans des textes classiques de l’islam et la nécessité aujourd’hui d’enterrer ce "sabre du djihad".

Islam et guerre sainte : bonne question et réponses de mauvaise foi

En février 2007, le même internaute complétait son argumentation par un nouveau texte :

Lettre d’un musulman rationaliste au pape Benoît XVI

En juin 2008, une autre personne donnait un point de vue différent. Pour elle, les textes fondateurs du christianisme présentent la même valorisation de la violence et de la guerre sainte que ceux de l’islam :

Violence, Bible, Evangile et Coran

Dans le contexte des assassinats au local de Charlie hebdo, ce dernier article a été visité par un nombre significatif d’internautes et reste très bien référencé par les moteurs de recherche.

Je suis d’accord avec le fait que les textes classiques du judaïsme, du christianisme comme de l’islam recèlent des passages violents et même génocidaires "au nom de Dieu" :

Guerre sainte et judaïsme, christianisme, islam

Les évangiles, expression culturelle (d’une partie) de la société juive et du christianisme primitif des deux premiers siècles, peuvent-ils être comptés parmi les textes marqués par une logique de guerre sainte ? Ma réponse est non.

Avant d’aller plus loin, j’insiste sur le fait que je n’aborde absolument pas ici les questions de la réalité historique de Jésus, ni de savoir si celui-ci s’est présenté à ses contemporains comme fils de Dieu, ni de la réalité historique des faits contés dans les évangiles. Je m’en tiens au fait que ces textes ont été rédigés durant les deux premiers siècles de notre ère et sont donc analysables en tant que tels dans le contexte de l’époque.

Par ailleurs, dans l’immédiat, je laisse de côté les contradictions du texte, en particulier en ce qui concerne les paraboles.

B) Les évangiles, des textes essentiellement religieux

Quatre évangiles (Marc, Mathieu, Luc et Jean) sont reconnus comme canoniques par les églises chrétiennes. Il s’agit de textes rédigés directement en grec entre les années 70 et 120 de notre ère pour la diaspora juive hellénophone alors que Jésus comme les apôtres, comme la population de Palestine à l’époque parlaient araméen.

Aucun des quatre évangélistes n’a connu Jésus. Marc serait un disciple de Pierre ; son écrit serait le plus ancien (vers 70). Mathieu puis Luc (disciple de Paul) ont travaillé sur le même corpus vers 80 à 90, lui donnant par exemple une dimension philosophique de tradition grecque pour Luc. L’évangile de Jean (en fait auteur anonyme dont l’écrit également en grec a été attribué à un Jean bien plus tard), est postérieur (peut-être 100 à 110), probablement rédigé par un membre de la communauté johannique de même que les épitres et l’Apocalypse de Jean.

Tous les spécialistes s’accordent sur le fait que les évangiles tirent leurs sources d’inspiration de formules traduites de l’araméen, de traditions religieuses, de faits antérieurs à la chute de Jérusalem en 70. A cette époque (en gros première moitié du 1er siècle), dans un contexte de mobilisation populaire presque permanente, la population de Palestine se reconnaît dans des courants politico-religieux, des plus hostiles aux Romains (les Zélotes) aux plus liés aux Romains (Sadducéens).

Contrairement à Reza Aslan, je ne pense pas que Jésus ait été Zélote. Sa pratique et son enseignement me paraissent plus proches des baptistes (dont sans doute les esséniens), même si son groupe était probablement autonome. Mathieu, Luc et plusieurs évangiles apocryphes décrivent la proximité entre Jean le baptiste et Jésus Cet homme-là est beaucoup plus qu’un prophète. Il est celui dont on a dit "J’ai envoyé mon messager en éclaireur pour qu’il t’ouvre le chemin" (Mathieu)

Ceci dit, il est vrai que les évangiles posent comme adversaires les pharisiens et sadducéens, jamais les Zélotes ; d’autre part, Pierre est appelé le Zélote...

Le peuple hébreu de ce premier siècle de notre ère était particulièrement religieux. Les évangiles sont imprégnés de cet univers mental, par exemple l’importance des fêtes religieuses juives, l’insistance mise sur la nécessité de croire en Dieu, sur l’efficacité de la prière. Notons aussi les fréquents exorcismes - exorcisme dans la synagogue de Capharnaüm, exorcisme auprès des Géraséniens (les démons quittent les humains pour le corps de porcs qui se jettent à la mer), autre exorcisme un jour de sabbat au profit d’une dame, exorcisme devant les lettrés venus de Jérusalem.

L’aspect progressiste principal des évangiles, c’est leur caractère universaliste. Ce ne sont ni les seuls, ni les premiers textes religieux universalistes mais ils ont obtenu un écho historique plus important. Reconnaître ce caractère progressiste est nécessaire pour bien marquer leur contradiction avec les textes théologiques de nature restrictive, qui voient seulement en Dieu, le protecteur d’une communauté élue.

C) Les évangiles, un humanisme universaliste

Contrairement à d’autres textes religieux appelant à la guerre sainte, les évangiles insistent sur le respect dû à tout humain, même s’il fait partie d’une ethnie différente, même s’il compte parmi les ennemis de sa propre religion, même s’il compte parmi les ennemis de son propre peuple. Pour les évangiles Dieu est le père de tous les hommes ; Dieu aime tous les humains et les appelle à s’aimer les uns les autres.

Ainsi, les évangiles présentent Jésus comme attentif aux peines de tous les hommes, qu’il soit de Sidon ou de Tyr, un Gérasénien ou habitant de Césarée, gentil de l’autre côté de la rive du lac de Galilée...

- centurion romain (Evangile selon St Luc, chapitre 7, 1-10)

- samaritain. Un hébreu blessé git au bord de la route battu et dépouillé par des brigands ; un prêtre et un lévite (membre de la tribu sacerdotale de Lévi voué au service du temple) passent sans s’occuper de lui. Un étranger, samaritain (ennemi historique), « le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui » (Luc 10,25-37).

Notons cependant que les évangiles canoniques et les Actes des apôtres tels que nous les connaissons, font de l’Eglise chrétienne le nouvel Israël avec lequel Dieu a passé Alliance. Le communautarisme ethnico-religieux restrictiviste du judaïsme conceptualisé en terme d’Election divine reste donc au coeur de la croyance avec ses conséquences sectaires, oppressives et souvent meurtrières.

L’ universalisme religieux des évangiles est issu de la longue évolution culturelle des peuples antiques du Moyen-Orient. Notons l’importance en ce sens :

- de l’Egypte antique :

Akhenaton, Moïse et la naissance du monothéisme

- de la Perse antique (le Manuel de discipline du zoroastrisme a été trouvé parmi les « rouleaux de la mer Morte »).

- de la Mésopotamie antique, origine des textes bibliques de la Genèse et de ses personnages universels comme Noé.

- du peuple hébreu antique, par exemple dans les livres de l’Ecclésiaste, Esaïe et celui de Jonas. Notons en particulier le commandement de Dieu à Moïse (Lévitique) « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » souvent appelée "règle d’or" dans la tradition juive.

Cet universalisme ne constitue pas un monopole idéologique du christianisme primitif.

Il irrigue nettement la pensée chinoise classique, particulièrement le confucianisme " Tout homme est mon frère, tout être mon compagnon… Tous ceux dans le monde qui sont las, infirmes, mutilés, malades, ceux qui sont esseulés après avoir perdu frères, enfants, épouse, mari, tous sont mes frères, eux qui, dans l’adversité, ne savent vers qui se tourner... (Zhang Zai)

Il va de pair dans l’islam avec un monothéisme strict « Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (Coran 2 : 115)

D) Les évangiles, un humanisme moral

Au croisement de l’universalisme et de la morale, terminons par la parabole éclairante de Mathieu (5, 43-48) Vous avez entendu qu’on a dit "Aime ton prochain et hais ton ennemi." Et bien moi je vous dis : Aimez vos ennemis ; priez pour ceux qui vous pourchassent. Ainsi, deviendrez-vous les enfants de votre Père qui est dans les cieux. Il fait lever le soleil pour les bons comme pour les méchants... Soyez aussi accomplis que votre Père dans les cieux.

La Commission Biblique Pontificale vient de publier un rapport dans lequel je note cette phrase « la Bible reflète une évolution morale considérable, qui trouve son achèvement dans le Nouveau Testament ». L’évolution morale est effectivement évidente de l’Ancien au Nouveau Testament ; par contre, je laisse à la Commission biblique la caractérisation de ce dernier comme un achèvement.

La pensée morale ne naît pas chez les hébreux en la personne d’Abraham, elle évolue favorablement au travers par exemple :

- de la longue révolution sociale égyptienne de la fin du 3ème millénaire avant notre ère

Egypte antique : Révolution sociale au 3ème millénaire avant notre ère

- de pratiques observées en Mésopotamie, par exemple quand Cyrus le Grand décrète lors de la prise de Babylone au 6ème siècle avant notre ère : « Je n’ai autorisé personne à malmener le peuple et détruire la ville. J’ai ordonné que toute maison reste indemne, que les biens de personne ne soient pillés. J’ai ordonné que quiconque reste libre dans l’adoration de ses dieux. J’ai ordonné que chacun soit libre dans sa pensée, son lieu de résidence, sa religion et ses déplacements, que personne ne doit persécuter autrui ». Ce décret impliquait pour les Juifs la liberté de retour en Palestine (537 av. J.-C.).

Dans le Proche-Orient antique, les Sages sont porteurs du message moral. Les paroles de Jésus comme "maître de sagesse" sont souvent reprises du corpus juif et moyen-oriental.

Nous trouvons par exemple :

- Faites aux autres ce que vous attendez d’eux : l’Enseignement et les Prophètes tiennent en ces mots. (Mathieu)

- Vous avez entendu qu’on a dit "Oeil pour oeil, dent pour dent". Et bien moi, je vous dis : ... On te frappe sur la joue droite ? Présente l’autre...

- pourquoi vois-tu la paille dans l’oeil de ton frère et ne vois-tu pas le morceau de bois dans le tien... Comédien ! Enlève d’abord le morceau de bois de ton oeil. Tu sauras ensuite comment enlever la paille dans l’oeil de ton frère. (Mathieu)

- Vous êtes comme des brebis que j’envoie au milieu des loups... Prenez garde ! de faux prophètes viennent à vous déguisés en agneaux ; au fond, ce sont des loups voraces. (Mathieu)

- Rien ne se fait en secret que pour être produit au grand jour (Marc)

- Ne jugez pas. Ainsi, vous ne serez pas jugés (Mathieu)

- Quel intérêt de gagner l’univers tout entier, si on y perd la vie(Marc)

- Vivez en paix, les uns avec les autres (Marc)

Parmi les paraboles construites sur une morale de justice, notons celle du juge et de la veuve persévérante.

Je compte également comme humaniste :

- la priorité donnée par Jésus aux besoins humains (manger) au détriment des règles et rites religieux. Tous les évangiles synoptiques comptent l’histoire des épis arrachés (et même volés) qui se termine par la maxime « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat... »

- la valorisation des justes comme étant ceux qui mériteront le paradis Dans le règne de leur Père, les justes seront des astres resplendissants (Mathieu 13, 41-43)

- l’insistance mise sur le commandement "Tu ne tueras pas" (Mathieu 5, 21-23)

- la glorification d’une attitude compréhensive, non répressive vis à vis des infidélités aux règles religieuses et séculières Si vous pardonnez à vos semblables leurs manquements, votre Père dans les cieux en fera autant pour vous. Mais si vous ne le faites pas, votre Père ne vous pardonnera pas les vôtres (Mathieu 6, 14)

- l’opposition au serment que les cathares ont utilisé contre les hiérarchies féodales (par exemple Mathieu 5, 33-37 Garde-toi de tout serment...

Par contre, je ne compte évidemment pas comme humaniste l’opposition de Jésus au divorce, même s’il était permis aux seuls hommes dans le peuple juif de l’époque.

E) Un humanisme égalitaire

Quelques citations

- Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu (Marc)

- Vous ne pouvez à la fois être l’esclave de Dieu et de l’Argent. (Mathieu)

- Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes mais les réprouvés (opprimés) (Marc)

- N’amassez pas de fortune durant votre séjour sur terre... (Mathieu)

- Car le haussé sera abaissé Et l’abaissé sera haussé (Mathieu)

- Un homme riche possède un champ dont la récolte a été bonne... (Il veut agrandir ses greniers pour ensuite ne pas avoir à travailler et en profiter)... Mais Dieu lui dit "Idiot, cette nuit même on te réclamera ta vie. Alors, qui sera propriétaire de toutes ces choses que tu as préparées." (Luc)

- Les anges de Dieu seront joyeux pour un hors-la loi qui se repent. (Luc)

Parmi les paraboles, méritent lecture celle de la récompense due aux "serviteurs" qui demande aux maîtres de servir à table ou ailleurs leurs employés lorsque ceux-ci finissent, fatigués, leur travail.

Les extraits de la Bible mis en exergue

Et Jésus vint à Nazareth, où il avait été élevé, et il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue, et il se leva pour lire. Et on lui présenta le livre du prophète Ésaïe, et ayant déroulé le livre, il trouva l’endroit où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi, c’est pourquoi il m’a oint pour annoncer l’Évangile aux pauvres ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé ; Pour publier la liberté aux captifs, et le recouvrement de la vue aux aveugles ; pour renvoyer libres ceux qui sont dans l’oppression, et pour publier l’année favorable du Seigneur. Et ayant replié le livre, et l’ayant rendu au ministre, il s’assit ; et les yeux de tous, dans la synagogue, étaient arrêtés sur lui. Alors il commença à leur dire... (Luc 4, 16-21)

L’homme riche et le pauvre Lazare

Cette parabole ( Luc, 16, 19-31) est intéressante car elle correspond bien à l’attente sociale millénariste qui souffle parmi le peuple juif du 1er siècle de notre ère.

Jésus disait cette parabole : « Il y avait un homme riche, qui portait des vêtements de luxe et faisait chaque jour des festins somptueux. Un pauvre, nommé Lazare, était couché devant le portail, couvert de plaies.

Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c’étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies.

Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra.

Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui.

Alors il cria : ’Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. -

Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur. Maintenant il trouve ici la consolation, et toi, c’est ton tour de souffrir...

F) Un évangile révolutionnaire

L’annulation des dettes, une question centrale pour le peuple juif du 1er siècle

La société rurale traditionnelle se délite depuis 2 siècles sous l’effet de mauvaises conditions climatiques, de lourds tributs payés à l’aristocratie théocratique et terrienne juive liée aux intérêts romains. Les paysans qui ne peuvent régler leur dû sont dépossédés de leurs terres " pour non-paiement de leurs dettes". Ainsi, des dizaines de milliers de familles réduites à la misère sont contraintes de rejoindre les villes.

Or, le Notre Père d’origine comprend une prière au "Notre Père qui es aux cieux" présentant un caractère fort contemporain Remets nos dettes comme nous remettons à qui nous doit.

La Palestine du 1er siècle jusqu’en 70 : un climat de mobilisation révolutionnaire permanent

Cet appel, dans une prière, à l’annulation des dettes a d’autant plus d’importance qu’il répond à une revendication essentielle d’une forte mobilisation sociale et révolutionnaire que les Romains comme la classe dominante juive n’arrivent pas à écraser.

Des groupes armés naissent sans cesse dans les campagnes, menant des opérations de guerilla ou même des actions militaires significatives. Ces mouvements, plus ou moins importants mais renaissant sans cesse malgré les répressions sanguinaires massives, se donnent généralement un chef considéré comme le Messie et appelé le Messie (descendant de David, oint pour rétablir le royaume juif ancestral).

Se donner un Messie autre que celui choisi par les Romains et la classe sacerdotale représente évidemment un acte révolutionnaire de refus des institutions en place. Or, Jésus choisit ce nom.

L’opposition aux sadducéens

La Palestine du 1er siècle connaît une guerre sociale presque permanente ainsi décrite par Reza Aslan :

« Depuis les repaires et les grottes où ils se cachaient dans la campagne galiléenne, ces paysans guerriers lancèrent une vague de coups de main contre l’aristocratie juive et les agents de la République romaine. Ils écumaient les provinces, ralliant à leurs côtés les malheureux en détresse, dépossédés et endettés jusqu’au cou.

Robin des bois juifs, ils détroussaient les riches et, à l’occasion, ils donnaient leur butin aux pauvres. Pour les croyants, ces bandes représentaient rien moins que l’incarnation physique de la colère et des souffrances des pauvres. Ils étaient des héros, symboles d’un zèle vertueux contre l’agresseur romain, dispensateurs de la justice divine aux Juifs qui étaient passés à l’ennemi. Les Romains leur appliquait un autre vocable ; ils les appelaient des lestaï, des brigands... »

Dans un tel contexte, l’opposition systématique des évangiles au courant politique et religieux conservateur (nommé sadducéen) lié aux institutions juives, aux Romains et aux intérêts commerciaux du Temple de Jérusalem présente une grande importance car cela indique le positionnement politique du courant pré-chrétien primitif.

Le rôle religieux du temple de Jérusalem

La non reconnaissance du Temple comme seul lieu sacré assurant le lien entre les croyants juifs et Dieu, constitue une autre preuve du choix oppositionnel public effectué par le courant d’où vont naître les évangiles.

Les béatitudes

Le texte des évangiles correspondant le plus au climat de révolution sociale permanente que vivait le peuple juif du 1er siècle se nomme Les béatitudes (Matthieu 5, 3-12).

Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux.

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

Heureux les affligés, car ils seront consolés.

Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux.

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on vous calomnie de toutes manières à cause de moi.

Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux.

G) Conclusion

Pour l’essentiel, je partage l’affirmation de Jean Jaurès lors de son discours à Buenos Aires le 2 octobre 1911 "Le christianisme proclama le rêve de la fraternité universelle mais sur le rêve du galiléen passèrent durant des années, des nuages sanglants." En effet, du 4ème au 20ème siècle, l’Eglise institutionnalisée n’a absolument pas poursuivi la démarche du christianisme primitif ; l’ont réussi, tout au plus, des religieux à titre individuel et sur le plan des relations individuelles.

Sur le fond, à mon avis, les évangiles portent la marque d’un courant juif révolutionnaire opposé aux Romains et à la théocratie oligarchique juive, à tonalité essentiellement humaniste, sur laquelle ont été plus tard ajoutés des miracles et superposée une cohérence théologique (Nativité, Pâques) pour faire de Jésus le Rédempteur.

L’article ci-dessus concernant les évangiles n’invalide absolument pas d’autres textes que j’ai mis en ligne sur ce site, comme :

20 mai 325 Au Concile de Nicée, l’empereur romain Constantin institutionnalise l’Eglise chrétienne

Innocent III, pape et dictateur théocratique

Génocide des cathares et crimes contre l’humanité perpétrés dans le Languedoc au 13ème siècle ? Pourquoi ? Qui en porte la responsabilité ? Quelques pistes

5 décembre 1484 : Le pape Innocent 8 lance la chasse aux sorcières

11 février 1929 : la papauté signe les Accords du Latran avec le gouvernement fasciste de Mussolini

Concordat entre Hitler et Eglise catholique allemande 20 juillet 1933

Pie XII allié du fascisme et d’Hitler

Par contre, Vatican 2 a peut-être ouvert une période plus ouverte malgré ombres et lumières, quant à l’avenir possible du catholicisme

11 octobre 1962 Le concile Vatican 2 s’ouvre...

15 février 1966 Mort de Camilo Torres, prêtre guerrillero colombien

Les Légionnaires du Christ, ordre d’extrême droite ?

Honte à Benoît XVI qui niait la responsabilité de l’Eglise en Amérique latine dans le soutien aux dictatures militaires et dans l’ethnocide des Indiens

Evangelii Gaudium : le Vatican se démarque du libéralisme et de l’austérité

Jacques Serieys


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