Guerre sainte et judaïsme, christianisme, islam

lundi 8 mai 2023.
 

Généralités sur les religions

-> Les religions ont constitué durant des millénaires l’expression culturelle des sociétés (dont leurs aspirations morales) et un instrument de domination des classes dominantes. Les Egyptiens divinisaient le Nil (Hapi) qui leur apportait du limon ; les Inuits divinisaient le maître des ours (Tekkeitsertok) et le maître des loups (Amarok). Les Grecs divinisaient "leur" mont (Olympe) ; les populations du Proche-Orient, les "leurs" (Ararat, Sinaï, Tabor, Saphon...). Les Aztèques priaient une divinité du maïs (Chicomecoatl) alors que les habitants de Bali en Indonésie construisaient leur mythologie autour du riz.

- > Durant de nombreux siècles, chaque civilisation a juxtaposé des textes d’origine et de nature différentes : divinités mythologiques archaïques, héros déifiés, récits et légendes reçus de peuples proches... Expression d’une histoire collective parfois réelle, souvent mythique, il serait vain de chercher une unité idéologique dans ces compilations : elles traduisent les heurs et malheurs, les ombres et lumières de chaque société. De plus, les pouvoirs politiques ont évidemment pesé sur le corpus religieux pour valoriser l’histoire de leur communauté, en déformant souvent considérablement la vérité. Tel est le cas par exemple pour la Chine, l’Inde, la Mésopotamie antiques. Tel est le cas aussi pour la Bible, reconnue comme inspirée par Dieu pour les trois religions qui nous intéressent dans cet article : judaïsme, christianisme et islam.

- > Parmi les trois grandes religions se réclamant de la Bible (judaïsme, christianisme, islam), aucune n’est plus réactionnaire ou plus progressiste que les autres. Chacune a connu ses périodes d’ombres et celles de lumière ; chacune a vu ses textes d’origine utilisés à des fins communautaires réactionnaires.

A) Bible et guerre sainte

A1) La Bible est une compilation hétérogène

- > de textes rédigés à différentes époques de l’histoire ; ceci dit, les Hébreux étant devenus monothéistes sous le règne de Josias (639 à 609 avant notre ère), l’essentiel de la rédaction ne peut être très antérieur. Selon le grand philosophe Baruch Spinoza, les cinq livres historiques (de Josué aux Rois) contant l’histoire du peuple israélite auraient été rédigés par le prêtre Esdras durant le 5ème siècle avant notre ère.

- > de documents d’époque (surtout 3ème siècle) nous donnant des informations passionnantes sur la Palestine

- > de récits importants provenant des grandes civilisations antiques du Moyen-Orient, particulièrement l’Egypte où naît le monothéisme avec Akhenaton (vers - 1360)

Akhenaton, Moïse et la naissance du monothéisme

- la Mésopotamie

A2) La Bible peut-elle servir de prétexte pour justifier la guerre sainte ? sans aucun doute. Plusieurs génocides sont clairement énoncés

-> Génocide des Amalécites (nomades vivant dans le Sud de la Judée et l’Idumée) :

- « Le Seigneur dit à Moïse... J’exterminerai les Amalécites, de telle sorte que personne sur terre ne se souviendra d’eux. Alors Moïse construisit un autel, auquel il donna un nom signifiant Le Seigneur est mon étendard. Et il déclara : Puisque les Amalécites ont osé lever la main contre le trône du Seigneur, le Seigneur sera toujours en guerre contre eux. » (Exode 17:14-16)

- « Le Seigneur votre Dieu va vous installer à l’abri de tous les ennemis qui vous entourent, dans le pays qu’il vous donne en possession ; vous exterminerez alors les Amalécites, de telle sorte que personne sur terre ne se souvienne d’eux. » (Deutéronome 25:17-19)

- « Voici ce que déclare le Seigneur, le Dieu de l’univers : va les attaquer maintenant, détruis complètement tout ce qui leur appartient, sans pitié. Mets à mort tous les êtres vivants, hommes et femmes, enfants et bébés, boeufs et moutons, chameaux et ânes. » (1 Samuel 15:2-9)

- > A3) Génocide des Madianites (Moabites :

peuple antique habitant l’actuelle Jordanie)

« Le Seigneur donna cet ordre à Moïse : Va punir les Madianites... Ils attaquèrent le pays de Madian, comme le Seigneur en avait donné l’ordre par l’intermédiaire de Moïse, et y massacrèrent tous les hommes... Ils firent prisonniers les femmes et les enfants des Madianites, et s’approprièrent leurs bêtes de somme, leurs troupeaux et tous leurs biens. Ils incendièrent leurs villes et leurs campements, puis s’en allèrent avec le butin, les gens et les bêtes dont ils s’étaient emparés. Moïse se mit en colère... Il leur dit : Quoi ! vous avez laissé la vie aux femmes ! Eh bien maintenant, tuez tous les garçons, de même que toutes les femmes qui ont été mariées. Mais vous pouvez garder pour vous toutes les filles encore vierges. » (Nombres 31:1-30)

- > A4) Génocide des Cananéens (qui habitaient depuis un millénaire et demi dans les actuels Israël et Palestine) pour qu’ils laissent la Terre promise aux seuls Hébreux. Reviennent sans cesse des expressions comme « ils les passèrent au fil de l’épée », ou « il ne resta rien de ce qui respirait », avec la précision habituelle « hommes, femmes et enfants » (Dt 2:34, 3:6 ; Jos 6:21, 10:40, 11:11, 14, 12:40). Les sept nations cananéennes sont "effacées" (khd Ex 23:23), "chassées" (grs Ex 23:28-31 ; Dt 7:1), "expulsées" (nsl Dt 7:1), "repoussées" (hdp Dt 9:4), "retranchées" (krt Dt 12:29), "détruites" (smd Dt 12:29), ou "dépossédées" (yrs Dt 9:5, 12:29). Notons par exemple le récit de la prise d’Aï par l’armée hébraïque de Josué « Les Israélites massacrèrent leurs ennemis en pleine campagne... lorsqu’il n’en resta plus un seul en vie, ils regagnèrent la ville où ils exterminèrent le reste de la population. Tous les habitants d’Aï, douze mille hommes et femmes, furent tués ce jour–là... Josué brûla Aï ; il en fit pour toujours un monceau de ruines, un lieu désert, ce qu’elle est encore aujourd’hui. »

- > contre les Philistins par l’intermédiaire du légendaire Samson

- > plus généralement, la Bible peut servir de référence quant à la volonté de Dieu de refuser et même de faire disparaître toute autre croyance, d’aider ses croyants à dominer tous les peuples en son nom « Lorsque mon ange vous précédera pour vous conduire chez les Amorites, les Hittites, les Perizites, les Cananéens, les Hivites et les Jébusites, je détruirai ces peuples. Mais vous ne devrez pas vous incliner devant leurs dieux pour les adorer, ni imiter leurs cérémonies. Au contraire vous détruirez les statues de ces dieux et vous briserez leurs pierres dressées ; et c’est moi seul, le Seigneur votre Dieu, que vous adorerez. » (Exode 23:23-33)

Le récit des campagnes militaires victorieuses du roi David est également l’occasion de raconter des massacres aux dépens des vaincus « David... les obligea à s’étendre par terre et fit mourir les deux tiers d’entre eux, ne laissant en vie qu’un homme sur trois. » (Samuel 8:1-14)

- > A5) Les saillies réactionnaires sont fréquentes dans la Bible :

- MASSACRE ET ESCLAVAGE SEXUEL DES FEMMES « Maintenant tuez tout mâle parmi les petits enfants et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui, mais laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche d’un homme ». (Nombres XXXI 17 - 18)

- CANNIBALISME « Tu prendras pour toi les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que l’Eternel, ton Dieu, t’aura livré ». (Deutéronome XX/14)

- RACISME « Tu ne contracteras point de mariage avec ces peuples, tu ne donneras point tes filles à leurs fils, et tu ne prendras point leurs filles pour tes fils ». (Deutéronome VII)

B) Judaïsme et guerre sainte

B1) Torah et guerre sainte

D’après la religion juive, la Torah contient la parole littérale de Dieu, dictée à Moïse sur le mont Sinaï pour instruire les Hébreux. Aussi, la vie religieuse des croyants s’articule autour de ce texte sacré, source de tous les commandements bibliques : lecture d’une section dans la synagogue lors de chaque shabbat...

Or, cette Torah contient évidemment les prescriptions militaires que Yahveh aurait données à Moïse quant au traitement des populations civiles des pays conquis croyant en d’autres dieux : « ... Vous assiégerez la ville. Quand le Seigneur votre Dieu la livrera en votre pouvoir, vous y tuerez tous les hommes ; vous pourrez garder comme butin les femmes, les enfants, le bétail et tout ce que vous trouverez dans la ville. Vous disposerez librement des biens de vos ennemis, puisque le Seigneur votre Dieu vous les aura donnés. Vous agirez ainsi envers les villes très éloignées, qui n’appartiennent pas au pays où vous vous installerez. Quant aux villes du pays que le Seigneur votre Dieu vous donnera en possession, vous n’y laisserez personne en vie. Vous exterminerez totalement les Hittites, Amorites, Cananéens, Perizites, Hivites et Jébusites, comme vous l’a ordonné le Seigneur votre Dieu, afin qu’ils ne vous enseignent pas à imiter les actions abominables qu’ils commettent pour plaire à leurs dieux. »

Pour un juif abandonnant la religion hébraïque, la Torah impose la lapidation comme sanction, ce qui constitue évidemment une forme de guerre sainte (Deutéronome chapitre 17 versets 2 à 7) : « Un jour peut-être, dans l’une des villes où le Seigneur votre Dieu vous aura permis d’habiter, un homme ou une femme fera ce qui déplaît au Seigneur et sera infidèle aux engagements pris envers Dieu : il ira servir et adorer des dieux étrangers, ou même le soleil, la lune et la multitude des astres. -Jamais le Seigneur ne vous a ordonné d’agir ainsi ! - Si vous entendez parler d’un cas de ce genre, vous mènerez une enquête minutieuse ; si l’on découvre que cette chose abominable s’est réellement produite en Israël, vous conduirez le coupable, homme ou femme, à la porte de la ville et vous le mettrez à mort en lui jetant des pierres. Un accusé ne pourra être condamné à mort que sur le témoignage de deux ou trois personnes ; le témoignage d’une seule personne ne suffira pas. Les témoins seront les premiers à lui jeter des pierres pour le faire mourir, et le reste du peuple interviendra ensuite. Vous ferez ainsi disparaître le mal du milieu de vous. »

Lorsque l’armée hébraïque fait des prisonniers, une partie est consacrée au Seigneur, donc à l’institution religieuse (particulièrement des filles encore vierges). Ces humains ne peuvent être vendus ou rachetés, seulement sacrifiés selon la Torah « Rien de ce qu’un homme consacre au Seigneur de manière irrévocable ne peut être vendu ou racheté ; que ce soit un être humain, un animal, ou encore un champ hérité, tout ce qui est consacré de cette manière–là devient très saint, réservé exclusivement au Seigneur. Même s’il s’agit d’un être humain, on ne peut pas le racheter : il doit être mis à mort. »

La Torah cite un autre exemple de sacrifice humain, celui de la fille de Jefté « Il fit cette promesse solennelle au Seigneur : Si tu livres les Ammonites en mon pouvoir, je te consacrerai et t’offrirai en sacrifice complet la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre... Lorsque Jefté revint chez lui à Mispa, ce fut sa fille qui sortit à sa rencontre, en dansant au rythme des tambourins. Elle était sa fille unique, il n’avait pas d’autre enfant... Au bout des deux mois, elle retourna auprès de son père qui accomplit à son égard ce qu’il avait promis. Elle mourut alors qu’elle était encore vierge. »

B2) De la Torah à une guerre sans retenue contre les Palestiniens ?

La croyance dans le caractère divin de tels textes présents dans la Torah ne serait pas trop grave si des rabbins influents n’en tiraient pas prétexte pour justifier la tuerie de Palestiniens. Ainsi, le Jérusalem Post du 30 mai 2007 a publié l’information selon laquelle l’ancien Grand Rabbin Sépharade (1983 1993) Mordechai Eliyahu « a décrété qu’il n’y avait absolument aucune interdiction morale contre le massacre indiscriminé de civils lors d’une offensive massive militaire potentielle à Gaza ayant pour but d’arrêter les lancements de roquettes » ( lettre au premier ministre Ehud Olmert , ensuite lue dans des synagogues). « Eliyahu a écrit que selon l’éthique juive de guerre, une ville entière est tenue collectivement responsable pour la conduite immorale d’individus. A Gaza, l’ensemble de la populace est responsable parce qu’elle ne fait rien pour arrêter le tir de roquettes Quassams. » Le fils de Mordechai, Schmuel Shapira, lui-même Grand Rabbin, a surenchéri sur les dires de son père « S’ils n’arrêtent pas après que nous en ayons tué 100, alors nous devons en tuer un millier. » Il a ajouté : « et s’ils n’arrêtent pas, nous devons en tuer 100 000, même un million. Ce qu’il faut pour qu’ils arrêtent. »

Notons que le même Mordechai Eliyahu donne de la shoah une explication tout aussi imprégnée par le monde mental de la Bible « Ces gens étaient innocents, mais les réformateurs de la religion ont commencé en Allemagne, et parce qu’il est dit que la colère de Dieu ne fait pas de distinction entre les justes et les méchants, ce qui fut fait. »

Dans la même veine de textes religieux génocidaires antiques pris au pied de la lettre, nous pouvons également signaler « La Torah du Roi » rédigée par deux rabbins ; pour eux la vie des Palestiniens et autres non-juifs « n’a pas essentiellement de légitimité en tant que telle ». Aussi, il est juste de tuer des enfants innocents non juifs en cas de guerre, "puisque, dans le cas contraire, ils grandiraient et nous porteraient préjudice". Ils utilisent les règles religieuses qui auraient été prescrites aux Hébreux en vue de la conquête d’Israël aux temps antiques "Dès lors que les gentils (les non-juifs) menacent l’existence d’Israël, il est permis de les tuer".

Le plus grave, c’est qu’un grand nombre de rabbins israéliens ont soutenu leurs collègues de la Torah du roi contre les accusations de racisme, y compris de grands rabbins très influents comme Yithak Ginzburg et Yaakov Yosef qui ont recommandé la lecture de l’ouvrage, par ailleurs inscrit officiellement au programme des « yeshivot » de Cisjordanie.

Signalons d’autres écrits de rabbins fondamentalistes juifs de la même veine comme Shlomo Aviner qui appelle « à ne montrer aucune pitié » face aux Palestiniens et à provoquer le plus possible de destructions (extraits d’une brochure distribuée aux soldats participant à l’opération Plomb durci contre Gaza. « Si nous tuons un païen qui a péché ou violé l’un des sept commandements il n’y a rien de mal à l’assassiner » (rabbin Yitzhak Shapiro).

Selon les statistiques de l’armée israélienne, 40 à 50% des candidats aux fonctions d’officiers et de sous-officiers proviennent des écoles fondamentalistes juives de Cisjordanie, les yeshivot, alors que les colons ne représentent que 5% de la population israélienne.

C) Christianisme et croisades

La notion de guerre pour la foi est totalement absente des évangiles canoniques comme apocryphes. Jésus y est fréquemment présenté comme accueillant vis à vis des autres communautés religieuses et ethniques. La Bible (Ancien testament) ne paraît pas avoir joué un rôle décisif pour les croyants du christianisme primitif. Durant trois siècles, celui-ci fut profondément humaniste, particulièrement non-violent, refusant de porter les armes. Au début du IVe siècle encore, Lactante, le futur précepteur des enfants de Constantin, peut écrire que "si un catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, il faut le renvoyer, car il a méprisé Dieu".

Plus l’empire romain va tolérer, soutenir, rendre obligatoire la religion chrétienne, plus l’Eglise va évoluer en faveur du combat militaire au service d’elle-même et de l’empire romain.

Ainsi, Saint Augustin se fonde sur les passages génocidaires de la Bible dans lesquels Dieu lui-même a voulu, ordonné, dirigé certaines guerres (les "guerres de l’Eternel") pour châtier les Cananéens impies et idolâtres et réaliser du même coup la promesse faite à Abraham de donner à sa postérité la terre de Canaan. Pour lui, l’empereur romain (chrétien) représente ici bas l’autorité légitime voulue par Dieu, d’où la nécessité de porter les armes à son service.

Les textes de l’Ancien testament comme de Saint Augustin vont servir de référence pour justifier le soutien de l’Eglise aux guerres de rapine menées par Clovis puis surtout au Moyen Age à la constitution de troupes de guerriers (milites ecclesiae) chargés de la défense militaire des intérêts matériels des abbayes et évêchés. Pour la région que je connais (Rouergue), peu de troupes ont été aussi inhumaines sur deux millénaires.

La sacralisation de la guerre contre les Infidèles fait partie des fondamentaux du christianisme après le concile de Nicée. Signalons par exemple :

- en 847, le pape Léon IV promet l’entrée au Paradis pour tous ceux qui viendraient à mourir "pour la défense de la foi, le salut de la Patrie et la défense des chrétiens"

- à partir du 11ème siècle, l’aspiration théocratique de la papauté va de pair avec la sacralisation de plus en plus fréquente des guerres au service de la seigneurie papale, y compris contre des chrétiens. En 1053 le pape Léon IX recrute dans toute la chrétienté des guerriers dont il fait des soldats de saint Pierre (milites sancti Petri) pour affronter d’autres troupes chrétiennes ; avant le combat, il les absout de leurs péchés et leur promet le Paradis s’ils viennent à mourir. Vingt ans plus tard, le pape Grégoire VII équipe le chevalier Erlembaud de sa bannière pontificale pour combattre les soldats du clergé de Milan ; tué, il est béatifié.

- Les croisades représentent évidemment un modèle de guerre sainte face aux infidèles. L’Eglise accorde des privilèges religieux aux combattants (indulgences, protection des familles...) et les valorise comme "soldats de Dieu". Saint Bernard assure aux Templiers qu’ils gagnent le Paradis s’ils sont tués au combat car ils meurent pour Dieu ; lorsqu’ils tuent en combattant l’infidèle, ils n’encourent aucun risque pour le salut de leur âme car, ce faisant, ils ne commettent pas un homicide, mais un "malicide".

Première croisade et prise de Jéusalem (15 et 16 juillet 1099)

Lorsque l’on répertorie les différentes guerres prétendues divines engagées par la papauté, on se rend compte de la volonté pontificale d’une part de conserver le monopole idéologique en Europe, d’autre part de défendre les hiérarchies féodales au nom de Dieu (par exemple contre les Communes bourgeoises), enfin d’accroître les terres seigneuriales papales. Ces trois objectifs pèsent dans la fameuse croisade contre les Albigeois qui s’étale sur une quarantaine d’années.

Génocide des cathares et crimes contre l’humanité perpétrés dans le Languedoc au 13ème siècle ? Pourquoi ? Qui en porte la responsabilité ? Quelques pistes

Toutes les entreprises politiques de la papauté sont à présent définies comme des guerres sacrées récompensées par des privilèges spirituels : croisades contre les païens de Baltique, guerre de longue haleine contre les empereurs allemands, des guerres pour la Sicile etc.

Rome ne disposant pas de ressources et de troupes suffisantes pour mener ses guerres saintes cherche sans cesse à s’appuyer sur le royaume européen le plus puissant valorisé comme instrument militaire pour coucher toutes les populations aux pieds du "vrai Dieu".

Ainsi, le moine Guibert de Nogent (1055-1125) écrit une histoire de la première croisade qu’il intitule "Gesta Dei per Francos" : "L’action de Dieu passe par les Francs". Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II prêche la croisade lors du concile de Clermont : "Français qui m’écoutez, rappelez-vous les vertus de vos ancêtres. Plus qu’à toute autre nation, Dieu vous a donné la gloire des armes. C’est de vous, surtout, que Jérusalem attend le secours dont elle a besoin... Armez-vous du glaive des Macchabées et allez défendre la maison d’Israël, Dieu le veut ! (...) Je vous avertis et vous conjure non en mon nom mais au nom du Seigneur, vous les hérauts du Christ, d’engager par de fréquentes proclamations les Francs de tout rang, gens de pieds et chevaliers, pauvres et riches, à s’empresser de secourir les adorateurs du Christ et de chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs….. C’est le Christ qui l’ordonne…..A tous ceux qui partiront là-bas…. Une rémission immédiate de leurs péchés leur sera faite ; je l’accorde à tous ceux qui vont partir, investis par Dieu d’un si grand don….."

Ainsi, 21 octobre 1239 Le pape Grégoire IX fait de la France "le royaume de Dieu même", l’armée des guerres saintes du christianisme

Le royaume de France fut donc désigné à plusieurs époques par la papauté comme bras armé de Dieu ( sur la fin du règne de Louis XIV par exemple) ; ce fut le cas à d’autres périodes pour l’empire romain germanique, l’empire d’Autriche Hongrie... Le même type d’argumentation servira aussi pour soutenir Mussolini puis Hitler, au moment des Concordats en particulier.

D) Islam et djihad

L’islam naît en Arabie ; les armées musulmanes répandent leur religion aux 7ème et 8ème siècles sur les territoires actuels de Perse, Irak, Haute Mésopotamie, Syrie, Palestine, Egypte, Afrique du Nord, Andalousie, Caucase, Asie centrale, Afghanistan, Pakistan...

Le judaïsme comme le christianisme ne comptent pas la guerre sainte comme concept essentiel de leur doctrine au moment de leur première expansion, l’islam si !

Il est vrai que les dogmes religieux évoluent tous sans cesse pour prendre en compte l’évolution sociétale de leurs fidèles. Ainsi, le sens du concept de djihad (« faites un effort dans le chemin de Dieu », par un comportement humain, par une pratique religieuse continue...) a beaucoup changé au cours des siècles. Ceci dit, son sens de guerre sainte peut difficilement être contesté. Dès la fin du 8ème siècle al-Shâfi’î théorise le jihâd comme une guerre permanente contre les non-croyants en se fondant sur un verset du Coran : " Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la Salat et acquittent la Zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux." (9,5).

D1) Coran et djihad

Le Coran comprend 41 occurrences pour le mot djihad dont six au moins avec le sens de combat religieux armé :

« Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah seul » (Sourate Al-Baqara : La Vache :193)

Pour le Coran comme pour le christianisme médiéval, mourir pendant la guerre sainte donne la vie éternelle « ne dites pas de ceux qui sont tués dans le sentier d’Allah qu’ils sont morts. Au contraire ils sont vivants » (Sourate : Al-Baqara : La Vache :154)

« Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d’Allah : ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même dans la Thora, l’Evangile et le Coran. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là le très grand succès » (Sourate : At-Tawba : Le Désaveu ou Le Repentir : 111)

« Allah a mis les combattants au-dessus des non combattants en leur accordant une rétribution immense » (Sourate An-Nissa : Les Femmes : 95)

Ceci dit, durant les siècles d’islam conquérant, les minorités religieuses ne sont pas obligées de renier leurs croyances religieuses, subissent encore moins de génocides. La révélation coranique interdit l’usage de la contrainte en matière de religion. Il ne s’agit donc pas de vaincre pour convertir de force les infidèles, mais de gagner à l’islam la souveraineté sur les terres qui doivent lui revenir. Aussi, juifs et chrétiens bénéficient d’une sécurité importante, moyennent tribut raisonnable ; par contre les "païens" peuvent être contraints à la conversion.

Lorsque les croisades pour "reconquérir" les lieux saints commencent sur la fin du 12ème siècle début 13è, la volonté de guerre sainte musulmane (djihad) est largement affaiblie par rapport aux grands siècles de conquête (7ème et 8ème siècles). aussi, c’est l’irruption des armées de chevaliers chrétiens au coeur du monde arabo-musulman qui redonne de la vigueur au djihad.

D2) Les conditions du djihad

Le fait que la guerre sainte ait été définie dans les textes fondateurs de l’islam ne doit pas être considéré comme seulement négatif. En effet, ceux-ci fixent des interdits importants en comparaison des tueries ignobles perpétrées au nom de la Croix :

- Les prisonniers de guerre doivent être bien traités

- « Épargner les enfants, les fous, les femmes, les prêtres, les vieillards et les infirmes, sauf s’ils ont pris part au combat »

- interdiction des actes de vandalisme (vols, destruction des biens, etc.) et de violence (violence physique, viol, etc.) envers les civils

D3) Le djihad au début du 21ème siècle

Les appels au djihad aujourd’hui ne peuvent absolument pas être analysés comme dans la continuité du djihad médiéval et de l’islam en tant que tel. Les talibans passant de classe en classe à Peshawar pour abattre à la chaîne 132 enfants et 12 adultes ne peuvent pas se revendiquer des traditions coraniques. Les fous de Boko Haram enlevant 276 jeunes filles à Chibok (Est du Nigeria) et leur faisant subir diverses violences (viols, mariages forcés, participation contrainte aux combats...) ne peuvent pas non plus se présenter comme respectant la religion pour laquelle ils prétendent mener leur guerre sainte.

14 avril 2014 : 237 lycéennes enlevées par le groupe islamiste Boko Haram

Cependant, de nombreux imams et muftis développent des positions très conservatrices qui concourent à créer un environnement mental favorables aux intégristes parmi une partie des musulmans.

Fatwa à mourir, de rire ou assassiné : de Mickey condamné à mort à la têtée entre collègues

Sur la fin du 20ème siècle, début 21ème, plusieurs faits pèsent lourdement dans la radicalité fondamentaliste et guerrière des courants dits islamistes, souvent fort autonomes vis à vis des autorités religieuses de l’islam :

- les conquêtes coloniales européennes avec leur noria de vols de terres, de massacres d’indigènes...

- les erreurs considérables commises par les puissances impérialistes, par exemple la conquête de l’Irak, le long soutien aux talibans face à la gauche afghane...

- le deux poids deux mesures permanent des organisations internationales et des pays atlantistes protégeant systématiquement Israël même lorsqu’il viole totalement le droit international.

- de même que les courants intégristes catholiques ont bénéficié de soutiens politiques, les islamistes actuels reçoivent une aide de la part d’Etats ou institutions protégées par des Etats. Le cas du rôle de la Turquie dans l’aide aux islamistes face aux Kurdes de Kobané est connu, celui de l’Arabie saoudite vis à vis des talibans l’est tout autant.

Conclusion

Il faut bien comprendre qu’aucun appareil religieux n’accepte d’être relégué dans la seule sphère des croyances individuelles sans un combat à mort pour défendre son rôle temporel historique. En Europe, le christianisme a lutté cinq siècles contre la sécularisation de la société, contre la laïcité, contre les droits de l’homme, contre les institutions républicaines. Seule, la déroute des puissances fascistes (précédemment alliées à l’Eglise) en 1945 a permis le tournant de Vatican 2, lui-même souvent remis en cause depuis. De même, la civilisation juive a été historiquement plus progressiste que le christianisme et l’islam depuis cinq siècles mais cela n’empêche absolument pas la montée en puissance des courants sionistes fondamentalistes fascisants farouchement adversaires de logiques politiques républicaines et émancipatrices.

Jacques Serieys

Sitographie

http://larevuereformee.net/articler...

http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A...

http://www.morim.com/judaisme.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bible

http://www.cairn.info/revue-outre-t...

http://www.utl-essonne.org/diaconf/...


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