Liberté, Egalité, Fraternité Une devise d’inspiration républicaine et socialiste revendiquée par le Français d’aujourd’hui

vendredi 30 décembre 2022.
 

5 décembre 1790 Liberté, Egalité, Fraternité. La trilogie républicaine est évoquée pour la première fois par Robespierre
- A) Sur les origines de la devise Liberté Egalité Fraternité
- B) L’importance du mouvement socialiste dans la popularisation de la devise
- C) Liberté Egalité Fraternité contre Autorité, Inégalité, Humilité
- D) Liberté, égalité, fraternité (formel, réel, enjeu, limites...)
- E) Résultats de l’enquête SOFRES pour Télérama sur la devise

Des millions d’élèves français ont appris l’histoire et l’importance de cette trilogie . Parmi eux, le poète Robert Desnos, mort en camp de concentration en 1945 :

Sur mon tombeau un phonographe

récitera cette épitaphe

LIBERTE EGALITE FRATERNITE ( p.20, Œuvres)

Il est vrai que cette devise a été utilisée comme symbole français nationaliste, par exemple durant la colonisation.

Nous, nous valorisons le contenu. Un jour, une véritable république démocratique, sociale et laïque saura mettre en pratique cette proclamation ; d’ici là, ce n’est qu’un début, poursuivons le combat.

A) Sur les origines de la devise Liberté Egalité Fraternité

Mona Ozouf prétend que « la naissance de la devise manque d’éclat et de netteté ». Je ne suis pas d’accord !

La devise Liberté Egalité Fraternité émane de quatre sources :

- de Robespierre qui l’a employée le premier en 1790

- du courant républicain pré-socialiste de la révolution française, en particulier de Momoro

- de la Déclaration des droits de l’homme et Constitution de 1793 qui la concrétisent politiquement

- Fondamentalement du mouvement populaire lui-même par ses révolutions de 1789 1793, 1830, 1848

Reprenons ces quatre origines de départ.

A1 Robespierre

Philosophe novateur et de grande rigueur, Robespierre est le premier à l’utiliser dans son Discours sur l’organisation des gardes nationales, publié et diffusé dans toute la France fin 1790 parmi les innombrables sociétés populaires qui la diffusent elles-mêmes parmi les citoyens. Ne sous-estimons pas la réflexion qui sous-tend l’invention de cette devise par l’Incorruptible qui pratiquait une "politique de la philosophie" comme le disait fort bien Georges Labica, . "Toute l’ampleur de la Révolution est en lui" précise Jean Jaurès.

Quiconque parcourt ce Discours sur l’organisation des gardes nationales, peut constater que Robespierre résume par Liberté Egalité Fraternité sa conception de la révolution citoyenne, d’une société citoyenne, d’une véritable démocratie (exercice du pouvoir par le peuple).

« Elles porteront sur leur poitrine ces mots gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation. »

A2) Momoro, les Jacobins, la Commune de Paris de 1792 1793

La même devise est employée par d’autres révolutionnaires. Dans sa diffusion publique, notons le rôle d’Antoine-François Momoro, citoyen français d’origine espagnole, imprimeur, opposé à la monarchie et à l’Eglise dès le début de la révolution, secrétaire de la Société des droits de l’homme, personnalité importante du mouvement révolutionnaire parisien, éditeur du journal du Club des Cordeliers puis du Père Duchesne (Hébert).

En juin 1791, la fuite du roi jusqu’à Varennes discrédite la monarchie. Momoro fait partie des initiateurs de la pétition et du rassemblement au Champ de mars du 17 juillet pour ne plus reconnaître Louis XVI comme roi. Les révolutionnaires modérés (Bailly, Lafayette) font tirer sur la foule (cinquantaine de morts, centaine de blessés, nombreux emprisonnements dont celui de Momoro).

17 juillet 1791 La fusillade du Champ de Mars

Très engagé sur le terrain démocratique, il contribue à la suppression de la différence entre citoyen passif et citoyen actif dans sa section. Très engagé sur le terrain idéologique, il joue un rôle important dans le processus de déchristianisation.

Elu par la section du Théâtre-Français au Directoire du département de Paris, il donne une importance institutionnelle à la devise Liberté, Égalité, Fraternité.

A3) La Déclaration et la Constitution de 1793, références essentielles pour comprendre le sens donné à la devise par ses premiers initiateurs

Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 23 juin 1793, un document d’importance historique universelle

24 juin 1793 Constitution de l’An 1

Pour défendre ses acquis de la révolution et même pour défendre le pays, le peuple se voit obligé de se mobiliser, de peser directement sur les grands choix politiques. Ainsi, en 1793, le pouvoir d’Etat échappe pour l’essentiel aux classes féodales comme à la bourgeoisie.

La république établie au cours de ce processus de radicalisation est un système politique fondé sur une souveraineté populaire implicative, des droits démocratiques et sociaux constitutionnalisés, des élus locaux et nationaux actifs, contrôlés.

La Constitution et la Déclaration de 1793, constituent effectivement des références essentielles pour comprendre le sens donné à la devise par ses premiers initiateurs, malgré le contexte difficile de guerre extérieure et civile.

" L’objectif de l’action politique, c’est le bonheur commun" proclame cette constitution. Pour des socialistes anticapitalistes, voici une base partagée de départ.

* L’égalité est posée comme le premier droit naturel de l’homme avant la liberté, la sûreté et la propriété.

Cette égalité se voit déclinée théoriquement dans la constitution sous forme de droits comme le droit de tout citoyen à l’assistance publique (article 21), le droit au travail, le droit à l’instruction par un système éducatif pris en charge par l’Etat.

Cette égalité se voit déclinée politiquement et pratiquement par des décisions fondamentales, dont :

- L’instauration du "suffrage universel", pour la première fois dans l’histoire humaine

- L’abolition de l’esclavage, pour la première fois dans l’histoire humaine

4 février 1794 Abolition de l’esclavage par la Révolution française

- La création d’un organisme public prenant en charge l’aide sociale, pour la première fois dans l’histoire humaine

11 mai 1794 : La Révolution française crée un embryon de sécurité sociale

- 13 août 1793 La Convention décrète l’éducation obligatoire, publique et gratuite de 5 à 12 ans, pour la première fois dans l’histoire humaine

La Révolution française et l’émancipation par l’éducation : Talleyrand, Condorcet, Danton, Lepeletier et Robespierre

* La liberté est bien mieux définie que dans la Déclaration des droits américaine (contradictoire avec l’esclavage), bien mieux que dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

- liberté individuelle avec en particulier la liberté de culte et celle de commerce et d’industrie

- libertés fondamentales d’une société démocratique comme la liberté de la presse (pareillement illimitée), la liberté de se réunir en sociétés populaires (article 122) et enfin le droit de pétition (article 32).

- liberté de résistance à l’oppression posé comme un droit à titre individuel, comme un devoir à titre collectif jusqu’à l’insurrection populaire.

- La Convention institue une fête de la Liberté qui se déroule chaque année les 9 et 10 thermidor.

A4) Fondamentalement la devise Liberté Egalité Fraternité naît du mouvement populaire lui-même par ses révolutions de 1792 1793, 1830, 1848

Le 15 avril 1792, la Fête de la liberté en l’honneur des soldats mutinés du régiment suisse de Châteauvieux (5 au 31 août 1790) se déroule sous les trois mots mis en exergue Liberté Egalité Fraternité.

Le 21 juin 1793, Momoro et Pache (maire de la commune de Paris) font peindre sur les murs des édifices publics de la capitale : La République une et indivisible - Liberté, Egalité, Fraternité ou la mort..

Durant la Convention montagnarde la devise est employée fréquemment comme en-tête de lettre (voir http://ahrf.revues.org/1846).

Vouée aux gémonies sous l’Empire et la Restauration, la devise préservée dans le coeur du peuple réapparaît lors de la révolution de 1830.

27, 28 et 29 juillet 1830 : les "3 glorieuses" d’une révolution réussie puis confisquée

Trois jours après la victoire de la Révolution de 1848, la IIème république adopte Liberté Egalité Fraternité comme devise nationale.

Révolution française de 1848 "C’était beau" (22, 23, 24 février)

Mise au rencart par le Second empire, elle réapparaît sur les pièces de monnaie en 1871 avant de redevenir devise nationale inscrite sur tous les frontons publics à partir du 14 juillet 1880.

Détestée et écartée par la droite des années 1930 puis par le régime fasciste de Pétain, elle renaît logiquement avec la Résistance et la Libération.

B) L’importance de la gauche et du mouvement socialiste dans la popularisation de la devise Liberté Egalité Fraternité

Il faudrait ici apporter des informations sur le rôle de la devise :

- pour Louis Blanc, membre du gouvernement provisoire de 1848 grâce à qui elle devient devise officielle de la 2ème république

- pour les communistes précurseurs réunis en 1840 autour de Théodore Dézamy et de Jean-Jacques Pillot

- pour Lamennais et Philippe Buchez

- pour Raspail candidat socialiste aux élections présidentielles de 1848...

Raspail, passeur de la révolution française au socialisme, candidat à la présidence de la république le 11 décembre 1848

Dans l’immédiat, voici seulement quelques réflexions d’Auguste Blanqui, considéré comme un communiste, ensuite de Pierre Leroux plus revendiqué par la social-démocratie.

B1) Liberté Egalité Fraternité d’après Auguste Blanqui

« Citoyens, la Montagne a eu des inspirations sublimes... l’élan du coeur a suffi pour lui dicter l’immortelle formule de l’avenir : Liberté, Egalité, Fraternité ! et cet admirable symbole, la déclaration des droits, qui largement interprété contient en germe tous les développements de la Société future... La vie militante de la Montagne a été courte, et s’est terminée comme celle du Christ sur le Golgotha. Mais ses actes sont un éclatant commentaire de ses paroles et donnent le sens véritable des enseignements qu’elle a répandus sur le monde... Oui, ce beau nom de républicain, proscrit et bafoué jadis par la contre-révolution, elle nous l’a imprudemment volé, pour parer son front de ce laurier de notre victoire ! Elle nous a volé, avec la même audace, notre sublime devise Liberté, Égalité, Fraternité, si longtemps outragée par elle et couverte de boue, comme un symbole de sang et de mort ! Citoyens la Montagne est morte ! Au socialisme, son unique héritier ! »

Auguste Blanqui, républicain socialiste, héritier des Jacobins de 1793 et des babouvistes

A la Montagne de 93 ! Aux Socialistes purs, ses véritables héritiers ! (Blanqui)

B2) Liberté Egalité Fraternité d’après Pierre Leroux

« Nos pères avaient mis sur leur drapeau : Liberté Egalité Fraternité. Que leur devise soit encore la nôtre ! Ils n’avaient pas conclu de je ne sais quel système social à l’individu ; ils n’avaient pas dit " La société doit être organisée nécessairement de telle ou telle façon, et nous allons enchaîner le citoyen à cette organisation". Ils avaient dit "La société doit satisfaction à l’individualité de tous, elle est le moyen de la liberté de tous". » (1834, De l’individualisme et du socialisme).

Comme l’analyse parfaitement Pierre Leroux, cette liberté n’a rien à voir « avec l’individualisme actuel, l’individualisme de l’économie politique anglaise qui, au nom de la liberté, fait des hommes entre eux des loups rapaces et réduit la société en atomes », avec le libéralisme bourgeois qui fait de l’égalité "une chimère sans importance" et crée dans les faits "la plus infâme inégalité". « Dès lors leur liberté est un mensonge, car il n’y a que le très petit nombre qui en jouisse. »

L’égalité est la condition de la liberté et de la fraternité « En effet, si les hommes ne sont pas égaux, comment voulez-vous les proclamer tous libres ; et s’ils ne sont ni égaux, ni libres, comment voulez-vous qu’ils s’aiment d’un fraternel amour ? » « L’origine et le but de la société sont cachés dans ce mot (Egalité), comme l’énigme du Sphinx : mais cela n’empêche pas que ce mot ne soit, dans la formule politique, la raison des deux autres termes. »

En 1845, Leroux donne une définition sur laquelle nous conclurons : « Nous sommes socialistes si l’on veut entendre par socialisme la doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule liberté, fraternité, égalité, unité, mais qui les conciliera tous »

B3) Le courant républicain lui-même, y compris opportunistes et radicaux

C’est le courant républicain qui a imposé en 1879 Liberté Egalité Fraternité comme devise nationale lors de la révision constitutionnelle. A l’époque, Jules Grévy est président de la république, Gambetta président de la Chambre, Jules Ferry ministre de l’Instruction publique... Il s’agit sans aucun doute d’un républicanisme bourgeois, fort colonialiste par exemple ; cependant son oeuvre institutionnelle (dont devise nationale et Marseillaise) et scolaire (9 août : loi Paul Bert obligeant les départements à avoir une École Normale de garçons et une École Normale de filles) est très importante.

B4) La gauche donne un contenu plus concret à la devise

Il est clair que diverses lois proposées par des gouvernements de gauche et (ou) votées par les parlementaires de gauche majoritaires ont permis de donner une certaine réalité à cette devise même si nous aurions souhaité plus. Citons par exemple le droit du travail, les congés payés, les retraites par répartition, le droit de vote des femmes, la Sécurité sociale...

La Sécurité sociale, acquis social majeur

5 juin 1936 L’épopée du Front populaire et des premiers congés payés

Les réalisations du Conseil national de la Résistance : Des conquêtes historiques

Préambule de la constitution de 1946

C) Liberté Egalité Fraternité contre Autorité, Inégalité, Humilité

Le philosophe Henri Pena Ruiz insiste à juste titre sur le rôle positif de la devise Liberté Egalité Fraternité, "héritée des Lumières" face à l’Eglise catholique qui voulait imposer depuis au moins 15 siècles une autre devise : Autorité, Inégalité, Humilité.

« Pendant près de quinze siècles de domination temporelle, et pas seulement spirituelle, de l’Eglise catholique en Occident - en gros de la conversion de Constantin en 312 à la Révolution de 1789 -, jamais le christianisme institutionnalisé n’a pensé ni promu les trois valeurs en question. Il les a bien plutôt bafouées copieusement et ces valeurs sont à l’inverse nées d’une résistance à l’oppression théologico-politique. Qu’on en juge.

Liberté ? Le droit canon de l’Eglise n’a jamais fait figurer la liberté de conscience (être athée, pouvoir apostasier une religion, en changer, etc.) dans ses principes essentiels. Tout au contraire. La répression des hérétiques (les cathares, par exemple), des autres religions (protestante, juive, puis musulmane), de la science (Giordano Bruno, Galilée), de la culture (l’index des livres interdits supprimé seulement en 1962) ne procède pas d’une philosophie de la liberté, mais d’une théologie de la contrainte. En 1864 encore, un syllabus de Pie IX (encyclique Quanta cura) jette l’anathème sur la liberté de conscience.

Egalité ? L’Eglise a toujours considéré que l’inégalité était inscrite dans l’ordre des choses et voulue par Dieu. Elle a entériné et sacralisé le servage de l’ordre féodal, la monarchie absolue dite de droit divin, et même, avec le pape Léon XIII à la fin du XIXe siècle, la domination capitaliste. La répression des jacqueries paysannes se fit le plus souvent avec sa bénédiction. La seule égalité qu’elle a affirmée est celle des hommes prisonniers de leur finitude et de leur tendance au péché, et jamais elle n’en a fait la matrice d’une émancipation sociale ou politique.

Ceux qui le tentèrent furent réprimés. La théologie de la libération, en Amérique latine, fut condamnée par Jean Paul II. La collusion du politique et du religieux fut aussi celle de l’ordre social et du religieux, si bien représenté par les soldats du Christ d’une noblesse peu soucieuse de ses serfs, à l’époque des croisades. Lors de l’affaire Dreyfus, l’Eglise n’a pas brillé dans la défense de la liberté et de l’égalité, et n’a guère mis en garde contre l’abjection de l’antisémitisme.

Fraternité ? Si théoriquement les hommes sont frères comme fils du Dieu chrétien, ils ne le sont que dans la soumission et non dans l’accomplissement, toujours stigmatisé comme "péché d’orgueil". La transposition de la fraternité issue de la condition commune des êtres humains tant qu’ils sont mortels en fraternité sociale et politique est l’invention d’un concept tout nouveau, qui doit bien plus au droit romain d’une humanitas que Cicéron tenait pour source de la République qu’au décalque d’une fraternité de finitude. »

D) Liberté, égalité, fraternité : un combat d’actualité. Réponse aux articles sur ce thème (Debonrivage)

1 - Liberté – égalité – fraternité : Le formel et le réel.

2 - Autonomisme et solidarisme. L’enjeu de la fraternité.

3 - Un problème actuel : l’ identité contre l’égalité.

4 - Le triangle d’or de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

4.1 Une première sur ce site : Un petit problème de géométrie pour les républicains jeunes ou vieux : des sciences exactes aux sciences politiques !

4.2 Interprétation symbolico -politique de ce résultat

4.3 Les limites de cette représentation républicaine et libérale.

E) Résultats de l’enquête SOFRES pour Télérama sur la devise Liberté Egalité Fraternité (extraits)

La SOFRES a réalisé une enquête sur notre devise nationale pour l’hebdomadaire Télérama. Premier constat : les Français y restent très attachés. " Lessivée à force d’avoir servi. Triple erreur ! Héritée des Lumières, inscrite dans notre constitution, la trilogie républicaine fait partie intégrale de notre patrimoine national".

E 1) Entre ces trois mots de la devise française, liberté, égalité, fraternité, lequel est le plus important à vos yeux ? (s’il vous fallait choisir lequel garderiez-vous ?)

- 52 % des Français répondent la liberté (69% à l’extrême droite), 30 % l’égalité (49% à l’extrême gauche), 16 % la fraternité (25 % chez les Verts).

E 2) Si on devait ajouter un quatrième mot à cette devise, parmi les mots suivants, lequel aurait votre préférence ?

- respect : 68 %

E 3) Parmi les possibilités suivantes, quelle forme de liberté est la plus importante ?

- liberté d’expression : 66 %

E 4) Pensez-vous qu’en France :

- l’égalité est menacée ( 80 % de oui)

- la fraternité est menacée ( 69 % de oui)

- la liberté est menacée ( 59 % de oui)

E 5) Pour les dix années à venir, si vous aviez à choisir, préfèreriez-vous une politique fondée sur la liberté ou une politique fondée sur la liberté ?

- fondée sur l’égalité : 55 %

- fondée sur la liberté : 38 %

- ne se prononcent pas : 7 %

F) Quelques remarques sur cette enquête et ses résultats

Je constate tout d’abord l’intelligence politique des réponses

Dans la tradition républicaine française, les trois mots de la devise sont inséparables et complémentaires. En demandant " entre les 3 mots de la devise française, s’il vous fallait choisir, lequel garderiez-vous ?" la SOFRES fait l’inverse.

Entre ces trois mots de la devise française, liberté, égalité, fraternité, lequel est le plus important à vos yeux ?

* F1) 52 % des sondés répondent "la liberté". Cette réponse est logique :

- dans un continent européen qui a surtout connu le cléricalisme totalitaire, le fascisme et le stalinisme depuis deux siècles

- dans un monde qui a connu depuis 50 ans beaucoup de dictatures militaires imposées par les USA et les multinationales et qui en subit encore (Honduras)

- dans un monde où beaucoup de peuples sont aujourd’hui privés de liberté, y compris près de nous, au Maghreb par exemple.

La réponse à la troisième question montre à quel point les Français ( 66 %) sont attachés à la liberté d’expression. A l’heure où des intégristes veulent interdire telles caricatures, tel film ou telle pièce de théâtre, c’est une bonne chose.

Entre ces trois mots de la devise française, liberté, égalité, fraternité, lequel est le plus important à vos yeux ?

* F2) 30 % des sondés répondent "l’égalité".

Les Français sont conscients du fait qu’actuellement l’importance des inégalités sociales mine la liberté et le lien social.

Aussi, en réponse à la quatrième question (est-ce la liberté, l’égalité ou la fraternité qui est la plus menacée ?), c’est l’égalité qui est considérée comme la plus menacée (80 %).

La réponse à la 5 ème question confirme la quatrième : 55 % des Français veulent "fonder la politique du pays pour les dix années à venir sur l’égalité".

F3) La devise correspond à un ensemble de valeurs républicaines validées par les Français

Pour la seconde question, il est agréable de constater que les 7 mots choisis par Télérama ( journal lié au milieu catholique) comme pouvant être ajoutés à la devise, sont complémentaires de celle-ci. Le respect n’est qu’un élément de la fraternité. L’éducation, la laïcité, le progrès font partie du panthéon républicain. L’écologie relève de l’intérêt public, valeur éminemment républicaine.

Quant au bonheur, Saint Just l’avait défini comme "une idée neuve en Europe" introduite par la Révolution. Plus tard, Victor Hugo, dans son poème "Liberté, Egalité, Fraternité" avait donné à ces trois mots un sens non littéral mais historique, synonyme d’ universalité, de paix, d’amour, de bonheur. Cette définition hédoniste et utopique de la devise me convient parfaitement.

G) L’intérêt d’une devise nationale porteuse d’un projet politique progressiste

Remercions les deux révolutions de 1789 et de 1848 qui ont ancré ce slogan "liberté, égalité, fraternité" dans l’identité collective française à l’heure où, par exemple, le symbole de la monarchie autrichienne était encore A E I O U "Austria est imperare orbi universi" ( il appartient à l’Autriche de commander l’univers).

Encore aujourd’hui, certaines devises ne sont guère motivantes politiquement :

- Belize : "je prospère à l’ombre"

- Arabie Saoudite : " Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mahomet est son prophète"

- Canada : D’un océan à l’autre

- Etats Unis : En Dieu, notre confiance...

André Malraux avait remarqué " La vie est comme un marché où l’on achète des valeurs, non avec de l’argent mais avec des actes... La plupart des hommes n’achètent rien" d’où l’importance d’actes fondateurs collectifs comme les deux révolutions de 89 et 48 et leur devise. D’autant plus que pour les Montagnards la devise va de pair avec la constitution de 93 et des décisions politiques concrètes.

H) Les valeurs changent selon les périodes historiques

En 1526, Charles Quint fait réaliser et achète neuf grandes tapisseries représentant les valeurs de l’époque : l’Honneur est entouré par la Fortune, la Prudence, la Vertu, la Foi, la Renommée, la Justice, la Noblesse.

Jusqu’en 1944, les journaux aveyronnais ( mais aussi franquistes, vaticanesques ...) mettaient en avant le Sacrifice, la Force, la Foi, l’Ordre, le Travail, la Patrie, la Providence, la Gloire, la Famille, l’Humilité...

Pour le moment, le rapport de force construit par une lutte permanente des républicains et de la gauche a installé les valeurs républicaines au coeur des Français.

Prenons garde à ne pas les laisser dénaturer ; prenons garde à faire appliquer celles de la République sociale "liberté, égalité, fraternité, respect, laïcité, sécurité, éducation, bonheur, intérêt public, connaissance, droits de l’homme, progrès... " afin qu’elles aient un sens concret auprès de nos concitoyens.

La fonction publique et les services publics font partie intégrale de ce patrimoine national, démocratique et social. En ce jour de grève de la fonction publique, essayons de faire passer le message largement autour de nous.

Jacques Serieys

* Enquête SOFRES de 2007

REPUBLIQUE ET DEMOCRATIE (Par Marc Mangenot, Gauche cactus)


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message