Jaroslaw Dombrowski est un symbole magnifique de la Commune :
Impressionnant par sa présence permanente sur tous les points du combat, par son savoir-faire militaire, par son courage, il est reconnu par les Communards comme leur meilleur chef militaire (probablement avec Wroblewski) ; les historiens de cette épopée portent le même jugement.
officier polonais, il fait partie de ces milliers d’étrangers (Polonais, Italiens, Hongrois, Belges...) auxquels la Commune a donné la citoyenneté " considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle".
Né le 13 novembre 1836 à Jytomyr, d’une famille noble et pauvre, Jarosław Dombrowski devient très tôt orphelin. De 1845 à 1853, il connaît la vie des Cadets à l’Ecole militaire de Brest-Litovsk. Nommé aspirant en 1855, il combat dans les rangs de l’armée russe (la Pologne n’est alors qu’une province opprimée et exploitée par la Russie tsariste).
En fait, il semble qu’il se soit reconnu très tôt dans les idées démocrates et socialistes. Entré à l’Académie de l’Etat-major en 1859, il intègre un cercle clandestion d’officiers de Saint-Pétersbourg aux idées très avancées ; ses qualités le font choisir très vite comme dirigeant.
En 1861, il est affecté sur sa demande à la 6ème Division stationnée à Varsovie.
grève du servage par de nombreux paysans
grandes manifestations le 11 juin 1860 (enterrement de Józef Sowiński), le 29 novembre 1860 (anniversaire du premier jour de l’insurrection de 1830 1831), le 2 mars 1861 (enterrement de cinq Polonais exécutés par des soldats russes pour avoir manifesté le 27 février).
actions nombreuses (par exemple sabotage des illuminations de la capitale durant le congrès monarchique de Varsovie ; détérioration des fauteuils du Grand théâtre où doit se tenir la conférence...)
étudiants très mobilisés participant à des formations militaires secrètes.
Narcyz Jankowski, construit depuis 1859 l’organisation clandestine des Rouges.
Le tsar Alexandre II réagit surtout par la répression. Le 8 avril 1861, l’armée mitraille sans raison et sans sommation une manifestation pacifique : une centaine de morts, des milliers de blessés. Durant cette année, plusieurs autres défilés sont écrasés dans le sang.
L’Eglise catholique avait pris le parti du pouvoir assassin lors des insurrections polonaises précédentes ; cette fois-ci, la mobilisation populaire est tellement forte qu’elle influe sur la hiérarchie, par exemple dans la décision de faire de 1861, une année de deuil national.
14 octobre 1861 : le pouvoir russe proclama l’état de guerre en prévision de la manifestation du lendemain
15 octobre 1861 : Grande manifestation à Varsovie pour l’anniversaire de la mort du général polonais Tadeusz Kościuszko. L’armée russe arrête des milliers de personnes dont 1878 fidèles catholiques dans la cathédrale Saint Anne
Il se voit rapidement choisi pour prendre la direction des Rouges. Il en poursuit la construction comme force patriotique radicale et comme organisation révolutionnaire pour libérer la Pologne et les Polonais. Dirigeant du Comité national central clandestin, il groupe de 20000 à 25000 conspirateurs sur trois grands objectifs : abolition du servage, réforme agraire, indépendance de la Pologne. Il prépare l’insurrection pour le 14 juillet 1862, soixante treizième anniversaire de la Révolution française. Il est aidé dans ce but par une organisation secrète d’officiers russes partisans de la démocratie.
Le caractère social du mouvement polonais de ces années provoque la mise en place d’une force réactionnaire polonaise qui prend pour nom : les Blancs. Elle comprend essentiellement les couches riches de la population dont propriétaires terriens, aristocratie, officiers conservateurs...
Confronté à l’opposition d’officiers "blancs" polonais qui veulent un dédommagement des propriétaires terriens en cas d’abolition du servage, Dombrowski se voit obligé de retarder l’insurrection. Il est alors dénoncé, jugé, condamné à mort. En attendant, le voilà en prison, aux affûts de toute nouvelle de l’extérieur.
L’insurrection populaire polonaise éclate de façon non organisée en janvier 1863. Le 22 janvier, le Comité central national des ‘’rouges’’ publie un manifeste décrétant en particulier la fin du servage.
Face aux 100 000 soldats russes présents en Pologne, les insurgés constituent des unités locales très peu armées. Cependant, la puissance du mouvement populaire est telle, que malgré les milliers de morts, le dernier groupe insurgé ne sera battu qu’au printemps 1865.
Le 10 novembre 1864, Jarosław Dombrowski est condamné à quinze ans de bagne en Sibérie. Il s’évade alors de sa prison de Moscou et rejoint la Suède.
L’expérience acquise par ce Rouge de 32 ans est alors considérable. Il est marqué pour toujours par l’enthousiasme et la conviction que donnent les grands mouvements sociaux de l’histoire humaine à ceux qui y participent.
A peine arrivé en France, Dombrowski essaie de monter une légion polonaise pour combattre en Italie au service de Garibladi contre l’Autriche (guerre de 1866)
Jusqu’en 1871, le voici à Paris, comme un poisson dans l’eau auprès des grands démocrates, défenseurs de la classe ouvrière et socialistes que sont par exemple :
Eugène Varlin à propos duqel nous avons déjà mis en ligne un article sur ce site 28 mai 1871, Eugène Varlin, l’honneur du prolétariat, battu, éborgné, fusillé, crie sous les balles "Vive la république ! Vive la Commune !"
Delescluze Charles Delescluze (1809-1871) "Place au peuple ! L’heure de la guerre révolutionnaire a sonné"
Vermorel, journaliste
Avec son frère Théophile, Jarosław Dombrowski promeut les idées garibaldiennes au sein du Club polonais, lui-même en contact régulier avec divers groupes comme le Club de l’Ecole de Médecine et le Club de la Reine Blanche.
En 1870, les armées de Napoléon 3 sont écrasées par celles de Bismarck. La république est proclamée le 4 septembre. Dombrowski se met au service de l’armée française mais se fait arrêter.
Le 18 mars 1871, il s’engage à fond au sein de la Commune de Paris. Le 6 avril il est nommé au commandement de la 11e légion de la Garde nationale avec pour affectation le secteur où se déroulent les combats les plus décisifs. Le 9 avril, il combat avec succès à la tête de cette unité pour défendre Neuilly et colmater ainsi la brèche créée par la défaite de Courbevoie. Il dirige avec succès des contre-attaques les 11 et 12 avril.
Adolphe Thiers, les représentants de la grande bourgeoisie et conservateurs divers qui l’entourent, comprennent que la Commune de Paris a trouvé un chef militaire de valeur. Ils lui proposent 1 million et demi de francs pour qu’il livre une porte de Paris. Dombrowski refuse fermement et fait arrêter leur intermédiaire. "Ses qualités n’étaient point celles d’un traître, il ne pouvait servir la réaction" (Louise Michel).
Dombrowski continue à combattre sans répit. Assez grièvement blessé le 19 avril :
le voici le 29 avril à la tête de toutes les troupes de la rive droite de la Seine
le voici le 5 mai commandant-en-chef de l’armée de la Commune de Paris
Cette nomination arrive malheureusement trop tard. Elle aurait été bien plus utile début avril lorsqu’il avait proposé la création de "détachements volants" disposant d’artillerie plutôt que la tactique (habituelle des armées régulières) de la préparation d’artillerie puis manœuvre des fantassins.
Le 22 mai 1871, la Semaine sanglante commence. Les régiments versaillais sont déjà bien établis à l’Opéra et à l’Arc de Triomphe. Soudain, un bataillon sort de l’Hôtel de Ville toujours aux mains des Communards et remonte la rue de Rivoli. Il entonne Le Chant du départ et fonce sur l’armée des assassins. Les témoins signalent un nombre significatif de femmes en son sein dont une portant son bébé. Qui va, court, vole à la tête de ce bataillon : Jarosław Dombrowski sur son célèbre cheval noir. Le combat et la preuve que leur chef n’est pas mort contrairement à divers bruits, redonnent confiance aux Communards.
Le lendemain 23 mai, Dombrowski parcourt toujours les premières lignes des derniers Communards. En fin d’après-midi, il est présent sur la barricade de la rue Myrrha (à l’est de Montmartre) défendue par ses proches et une brigade cosmopolite. Atteint d’une balle alors qu’il préparait une contre-offensive, il est transporté à l’Hôtel de Ville puis à l’Hôpital Lariboisière où il meurt bientôt.
Le 25 mai, alors que les régiments français finissent d’écraser les Parisiens et exécutent tous les Communards réels ou dénoncés tels, Dombrowski bénéficie d’un enterrement parmi les plus émouvants dans l’histoire du mouvement ouvrier.
Sur le chemin de la Bastille au cimetière, il reçoit l’hommage des courageux dont les barricades barrent encore les rues. Voici le récit de Lissagaray : " Les fédérés de ces barricades avaient arrêté le cortège et placé le cadavre au pied de la colonne de Juillet. Des hommes, la torche au poing, formèrent une chapelle ardente et les fédérés vinrent l’un après l’autre mettre un baiser au front du général".
Au Cimetière du Père-Lachaise, un autre groupe de soldats Communards est présent. Vermorel prononce l’éloge funèbre de Dombrowski dont le brancard mortuaire est dressé pour montrer qu’il ne se couchera jamais devant les canons des généraux, des évêques et des banquiers. Les derniers combattants du Père Lachaise saluent une dernière fois leur général comme s’il était vivant . Les deux jours suivants, ils vont tous mourir, les armes à la main, défendant tombe après tombe.
Enfin, Jarosław Dombrowski est inhumé "revêtu de son uniforme et enveloppé dans un drapeau rouge."
Ni sa tombe rapidement aménagée, ni son corps n’ont jamais été retrouvés après la Commune. Il ont probablement fait les frais de la veulerie crasse des chefs versaillais et des Tom Pouce genre Adolphe Thiers.
Durant la guerre d’Espagne contre le fascisme franquiste, parmi les premiers bataillons des brigades internationales, notons celui des Polonais, Tchèques et Hongrois sous le nom de bataillon Dombrowski (dans la 11ème brigade, unité d’élite placée à Madrid dès le début).
Jacques Serieys
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