Le 18 mars 1871, le peuple prend le pouvoir à Paris  ! La Commune commence !

mardi 19 mars 2024.
 

Le 18 mars 1871, 9 heures du matin, champ des Polonais sur la butte Montmartre.

Depuis des heures déjà, les hommes du 88e régiment de ligne et la foule de femmes, d’enfants et de gardes nationaux sont autour des canons de la garde nationale. Les lignards discutent avec les habitants, boivent et mangent les provisions que les femmes leur apportent. Le général Lecomte, qui ne peut supporter cette situation, crie à la foule qu’il va tirer si elle ne s’éloigne pas de trente pas de ses hommes.

La foule ne fuit pas et se jette au-devant des hommes en criant « Ne tirez pas  ! » Le général commande : « Apprêtez-vous  ! » Les lignards obéissent. « En joue  ! » ordonne le général. Les crosses des chassepots montent aux épaules. La foule ne bouge toujours pas. Mais le silence, lourd, se fait, et l’on entend distinctement Lecomte crier « Feu ! » 

Mais un fusil s’abaisse, puis deux, dix, cent. À trois reprises, le général tente de faire tirer. Les hommes refusent. Puis un lignard jette son fusil, d’autres se rallient aux fédérés. Le général Lecomte et ses officiers sont arrêtés par les fédérés. Il sera exécuté, avec un autre général (Thomas, le massacreur de juin 1848), rue des Rosiers. La Commune commence  !

Le 3 mars. Ce jour-là, les Prussiens quittent la capitale sous les huées des Gavroche. Les délégués de 200 bataillons de la garde nationale, (le peuple armé) élisent un comité central de la garde nationale qui, désormais, échappe à l’autorité de l’armée et de Thiers.

Le 10 mars. Thiers, chef du pouvoir exécutif, abolit le moratoire des loyers en place depuis août 1870 (80% des Parisiens sont concernés car les propriétaires menacent d’expulsion les locataires récalcitrants à acquitter les termes). Le même jour, décret sur les échéances  : les effets de commerce deviennent exigibles. Des dizaines de milliers d’artisans, 
150 000 commerçants sont pris à la gorge. Car comment payer alors que l’activité est considérablement réduite ? L’Assemblée nationale, dominée par les monarchistes, vote son transfert de Bordeaux à Versailles. Nouvelle provocation contre le peuple de Paris, massivement républicain.

Le 16 mars. C’est la mi-carême. Le général Vinoy, commandant de l’armée à Paris, interdit aux Parisiens bals et mascarades.

Le 17 mars. Thiers décide de récupérer les 171 canons de la garde nationale entreposés à Montmartre. Un plan d’occupation militaire de Paris tout entier y est associé. Entre 15 000 et 20 000 hommes sont mobilisés pour l’opération (on espérait 50 000 hommes des 40 bataillons de la garde nationale des quartiers bourgeois  ; il n’en vient que 1 000  !).

Le 18 mars, 3 heures du matin. Les premiers lignards arrivent sur la butte. Il y a là l’homme de garde, l’ouvrier maçon Germain Turpin. Il est abattu sans sommation. Le général Lecomte refuse qu’on l’envoie se faire soigner à l’hôpital Lariboisière afin de ne pas éveiller l’attention de la population. Le garde Turpin mourra quelques jours plus tard.

L’évacuation des canons commence, mais se fait lentement, faute d’attelages.

Le 18 mars, Montmartre au 
petit matin. Le comité de vigilance de Montmartre, où Louise Michel est de garde, et le 61e bataillon de la garde nationale font battre la générale. Les femmes de Montmartre, les blanchisseuses, les lingères, les ménagères sont les plus nombreuses. Elles montent sur la butte, apostrophent les lignards. La fraternisation commence. Quelques heures après…

Le 18 mars au matin partout dans Paris. Les événements de Montmartre sont appris par les Parisiens. Les bataillons de la garde nationale se reforment, c’est partout la déconfiture pour les troupes de Versailles. À Pigalle, aux Buttes-Chaumont, à la Bastille, rue de Flandre, dans les 13e et 14e arrondissements, les troupes se débandent rapidement devant les fédérés. Seul l’Hôtel de ville tient.

Le 18 mars, 11heures, école du 11, rue Basfroi. Le comité central de la garde nationale se réunit. L’insurrection a été spontanée. Le comité central, réuni au cœur du populaire quartier de la Roquette, donne l’ordre que Paris se couvre de barricades. Mais reste hésitant  : faut-il occuper les bâtiments publics  ? La préfecture de police  ? L’Hôtel de ville  ?

Le 18 mars, 15 heures. Au Quai d’Orsay, réunion du ministère.

Thiers semble incertain. Des bataillons de la garde nationale du Gros-Caillou passent devant le bâtiment sans s’y arrêter. Le courage de Thiers a des limites  ! Il s’enfuit par une issue du côté de la rue de l’Université et file dans son coupé jusqu’au pont de Sèvres… Il laisse un ordre  : « Évacuez Paris ! »

Le 18 mars, l’après-midi. Paris se couvre de barricades. L’armée – ou ce qu’il en reste – évacue progressivement Paris. Le comité central passe à l’offensive et fait occuper les carrefours stratégiques, les bâtiments publics.

Le 18 mars, 21 h 30. Jules Ferry, le seul versaillais qui fit preuve d’un vrai courage le 18 mars, abandonne l’Hôtel de ville. La garde nationale y rentre et hisse le drapeau rouge sur la façade.

Le 18 mars, 23 heures. Le comité central se réunit à l’Hôtel de ville. Dans la salle des conférences, ces hommes du peuple, des ouvriers majoritairement, siègent dans un décor qui ne leur est pas habituel. Ils sont une vingtaine. La discussion est longue. À minuit, la lumière apparaît, le chemin est tracé. Des vingt poitrines sort ce cri unanime  :

« Vive la Commune  ! » Pendant soixante-douze jours, le peuple de Paris va vivre libéré de ses chaînes. À nous de faire vivre cet immense espoir qui porte les valeurs de justice sociale et de démocratie dans notre monde dominé par le pouvoir de l’argent.

Jean-Louis Robert, historien, professeur émérite 
à l’université Paris-I, président 
des Amis de la Commune.


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