Le nouvel âge du capitalisme saccage la planète, méprise le peuple , enferme les consciences (Manifeste PRS 4)

mardi 22 août 2006.
 

Le saccage de la planète

L’accumulation des profits ne se contente pas d’exploiter les peuples. Elle pille sans vergogne les ressources naturelles, dévaste les écosystèmes, épuise les ressources naturelles, engendre des pollutions désormais irréversibles, multiplie le nombre d’événements climatiques extrêmes et bouleverse l’équilibre des espèces naturelles et du climat.

Ainsi la vie de millions de personnes est rendue sans cesse moins vivable. Ce sont les populations les plus dominées qui en souffrent le plus : ouvriers malades de l’amiante et autres produits toxiques, habitants des logements insalubres construits à côté des autoroutes quand ce n’est pas sur les déchetteries, privation d’eau potable, vies emportées en Floride par l’Ouragan Katrina, etc.

La dissolution des peuples et le recul du sentiment collectif

Ainsi, à l’échelle de l’humanité toute entière, le phénomène de paupérisation se renforce, tandis que la planète se dégrade irrémédiablement. L’acceptation de cette situation est l’un des signes majeurs du recul actuel de civilisation. Le fondateur du libéralisme économique, Adam Smith écrivait au 19e siècle : « Aucune société ne peut être florissante et heureuse si une écrasante majorité de ses membres vivent dans la pauvreté et la misère. »

Qui dirait cela au 21e siècle parmi ceux qui se réclament du libéralisme d’Adam Smith ? Les néo-libéraux s’efforcent à l’inverse de faire croire que la pauvreté relève de la fatalité ou de la seule responsabilité de ceux qui la subissent. Car pour que la pauvreté devienne tolérable et n’entraîne pas la remise en cause de l’ordre social qui la produit, il faut à la fois que les pauvres se soumettent et qu’une majorité de satisfaits considère la misère comme un fait acceptable. Ceci se passe sous toutes les latitudes par l’incorporation de la morale du « chacun pour soi ».

Il nous faut donc le réaffirmer avec force. Aucun individu ne peut vivre en personne libre lorsque son projet d’existence se résume à la survie. Mais aucune société ne peut être libre tant que règne une pauvreté massive. La gauche mexicaine a comme slogan « pour le bien de tous, les pauvres d’abord ». Sur tout le continent sud-américain, les nouveaux gouvernements de gauche placent leur action sous ce signe. Nous nous plaçons dans la même perspective et voulons attaquer de front la paupérisation de masse. On ne fera pas régresser cette dernière par de simples politiques sectorielles plus ou moins agrémentées de discours compassionnels. Pour s’attaquer aux racines de la misère, c’est le fonctionnement de la société capitaliste dans son ensemble qu’il faut remettre en cause.

Eradiquer la pauvreté, c’est l’objectif prioritaire pour la gauche au pouvoir, pour redonner la dignité et la liberté à des millions de personnes. C’est aussi une condition de la réunification du peuple que le néo-libéralisme a divisé. C’est conjurer le risque de la guerre sans fin de tous contre celui qui est encore plus pauvre que soi, dont se nourrit le racisme, et qui laisse tranquilles et incontestés ceux qui amassent des fortunes considérables en accaparant l’essentiel des richesses produites. C’est pourquoi, en France aussi, nous disons que ce qui est bon pour les pauvres est bon pour tous.

L’enfermement des consciences

En 2006, l’obscurantisme se porte bien. Partout les communautarismes prospèrent sur la destruction du lien social. Ils se présentent souvent comme des moyens de résister au système, de lui opposer d’autres normes morales, de reconquérir autonomie et dignité contre ce qui est ressenti à juste titre comme une négation des personnes. Mais en réalité, les ethnicismes et les intégrismes de toutes sortes marchent main dans la main avec l’ordre néo-libéral. Ils en sont les meilleurs alliés. C’est d’ailleurs une constante des politiques libérales, du 19e siècle à l’Angleterre de Thatcher, de promouvoir la religion comme pansement caritatif aux dégâts sociaux du capitalisme. Les communautarismes sont ainsi parfaitement compatibles avec le marché, et radicalement hostiles à l’existence d’un intérêt général et d’une communauté légale fondée sur l’égalité des citoyens. Le communautarisme, qui repose avant tout sur la domination des membres de la « communauté » par ses chefs, porte la négation de l’espace public. Il laisse alors la marchandise incarner un semblant d’universel.

Ce déferlement obscurantiste s’enracine dans l’idéologie dominante de notre époque. Celle-ci procède en effet à un profond remodelage des identités sociales disponibles et entretient un glissement permanent vers les modèles communautaires. L’idéologie dominante agit en particulier pour invalider l’identité ouvrière qui a constitué pendant des décennies la figure de référence centrale du peuple de gauche. L’ouvrier, et au-delà le peuple populaire, est à la fois rendu invisible et ouvertement méprisé. Dans les médias de la culture de masse, journaux, publicités, séries télévisuelles, les travailleurs n’existent pas ou alors comme des survivances exotiques d’un monde révolu.

Dans un pays comme la France, les ouvriers et les employés constituent pourtant la majorité de la population active ! Lorsqu’ils admettent leur existence, les médias les présentent comme une masse sans visages obéissant à des instincts primaires et à des peurs irrationnelles, qui se manifeste de temps en temps par des colères immatures et aberrantes. C’est sous cet angle, qui rappelle la vision que les bien-pensants du 19e siècle avaient des « classes dangereuses », que le récent référendum sur la Constitution européenne a été pensé par les médias dominants français et qu’il continue à l’être depuis la victoire du « non ».

C’est ce mépris de classe que diffusent sans même se cacher tous ceux qui préparent le retour de la Constitution européenne et expliquent que la volonté populaire du 29 mai compte pour du beurre. La réalité de l’intelligence populaire et du mouvement de réappropriation civique qui s’est produit lors de la campagne référendaire est soigneusement niée. Tous les jours, des commentateurs politiques et médiatiques, qui se présentent comme l’avant-garde de la démocratie, expliquent sans sourciller que le peuple s’est montré indigne des élites qui lui ont fait l’honneur de le consulter.

La disqualification du peuple décourage le sentiment d’appartenance aux classes populaires. En revanche, les médias dominants et la culture de masse mettent abondamment en scène et en valeur les innombrables identités communautaires à travers lesquelles chacun est sommé de se définir. La négation des identités collectives fondées sur les appartenances sociales ou les valeurs universelles accompagne l’exaltation des particularités individuelles les plus étroites.

Cette disqualification du peuple et de sa réalité travailleuse est aggravée par l’individualisme exacerbé et le mépris du collectif entretenus par la bobocratie. Une partie croissante des élites médiatiques, économiques et politiques impose une vision du monde où seuls comptent la réussite et la satisfaction individuelles. En attestent les innombrables dossiers sur « Ces immigrés qui s’en sortent », « Ces femmes qui gagnent » ou encore « Ces Français qui réussissent à l’étranger ». Nouvel avatar de la mentalité petite-bourgeoise, cette bobocratie se donne bonne conscience en exaltant l’égalité des chances et l’ascenseur social, c’est-à-dire l’exfiltration de leur groupe social pour quelques veinards des classes populaires, qui servent d’arguments pour justifier l’état de la société telle qu’elle est. Se construit ainsi une classe moyenne idéologique, mirage social savamment entretenu par les puissants pour culpabiliser les plus modestes et leur faire honte de leur appartenance sociale. Largement relayée par les médias, cette mentalité conduit une portion croissante de la population à entretenir des relations imaginaires avec ses propres conditions d’existence et à voir dans ses semblables des obstacles dans la course à la réussite individuelle plutôt que des alliés pour améliorer collectivement le sort de ceux qui partagent la même galère. Ainsi, tout devient bon pour marquer sa distance avec le peuple, surtout lorsque l’on partage en réalité ses conditions d’existence.

Divisé à un bout par le développement de la pauvreté, le peuple l’est à un autre par la domination d’élites satisfaites d’elles-mêmes et convaincues l’indignité populaire, qui trouvent en conséquence plus valorisant de penser et voter comme l’éditorialiste du Monde que comme son voisin de palier. On comprend la nouvelle fortune dont bénéficie l’accusation de populisme...


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