Préhistoire : les premiers européens seraient morts de froid !

samedi 24 février 2024.
 

Il y a 1,1 million d’années, les habitants du Vieux Continent auraient subi une glaciation particulièrement intense. Ce changement climatique leur aurait été fatal.

Les plus vieux Européens de l’Ouest connus sont à ce jour espagnols. C’est en effet sur deux sites de la péninsule ibérique qu’ont été exhumés les restes de ces humains. Des fossiles très modestes, il faut bien l’avouer. Une mandibule et une phalange, vieilles de 1,3 million d’années, exhumées dans la sierra d’Atapuerca, au nord du pays. Et une simple dent de lait, découverte dans le bassin méridional de Guadix-Baza, dont l’âge est estimé entre 1,3 et 1,4 million d’années. La rareté des fossiles est un obstacle à l’identification de ces ancêtres. S’agissait-il d’Homo erectus, première espèce à sortir d’Afrique pour oser s’aventurer en Asie ? "Il n’y a pas vraiment d’Erectus en Europe, répond Amélie Vialet, maîtresse de conférences au Muséum national d’histoire naturelle. Les fossiles espagnols n’ont pas été attribués à une espèce parce qu’ils ne présentent pas de caractères typiques."

Si leur identité est discutée, il est néanmoins possible d’affirmer que ces Paléo-Européens connaissaient un climat plutôt agréable. Les restes animaux et végétaux découverts sur les deux sites archéologiques espagnols attestent d’un environnement de forêts méditerranéennes et tempérées, en présence de vastes zones humides. Les températures moyennes étaient comparables aux nôtres, avec des précipitations plus abondantes. Mais, selon une étude publiée dans la revue Science, leur séjour aurait été interrompu par un invité surprise : le froid.

Intensification des cycles glaciaires

Tout change il y a 1,2 million d’années avec ce que les spécialistes nomment la "transition mi-Pléistocène", comme la nomment les spécialistes. Les cycles glaciaires-interglaciaires que connaissait la Terre s’allongent, passant d’une durée de 41 000 ans à parfois plus de 100 000 ans – un phénomène qui s’explique par le changement d’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre. Pour comprendre comment cela a affecté nos ancêtres, les scientifiques sont partis d’un carottage du fond de l’océan effectué au large du Portugal et couvrant 1,45 million d’années. L’analyse des sédiments a montré qu’il y a 1,127 million d’années, les eaux de surface se sont refroidies de 7 °C. L’examen au microscope des pollens charriés par les rivières et le vent jusqu’au fond de la mer a trahi un net changement de paysage. Les forêts ont disparu, une steppe semi-désertique s’est imposée. Et si l’existence d’une période de glaciation – durant laquelle d’épaisses calottes de glace recouvraient une partie de l’hémisphère nord – longue de 4 000 ans était déjà connue, on n’en savait pas forcément davantage.

Un climat devenu glacial

Quand la déglaciation a commencé, le climat est devenu… glacial, révèle l’étude. La raison ? La fonte des glaces. Elle a libéré d’énormes quantités d’eau froide dans l’océan, ce qui a perturbé le système des courants marins de l’Atlantique nord. En particulier, un puissant mouvement nommé "circulation de retournement" qui charrie les eaux tropicales chaudes le long des côtes européennes et, en réchauffant les vents, adoucit nos hivers. Cette hypothèse a été testée informatiquement par les chercheurs. Bingo !

D’après le modèle climatique CESM (mis à disposition par la communauté scientifique internationale pour effectuer des simulations sur le climat passé, présent et futur de la Terre), un apport aussi massif d’eau de fonte aurait pu conduire à un affaiblissement de 95 % de la circulation de retournement. Une autre simulation, portant sur les ressources disponibles dans ce climat devenu froid et sec, conclut qu’il est devenu impossible de se nourrir. En quelques générations sans doute, l’alternative aura été : partir ou périr. De fait, aucun autre vestige humain n’a été découvert dans la région avant la recolonisation, il y a 800 000 à 900 000 ans, par Homo antecessor, une espèce sans doute mieux outillée pour affronter la rudesse du climat européen.

Comment détermine-t-on les "paléotempératures" ?

Les sédiments récoltés dans les carottes de plancher océanique sont constitués de "coquilles" calcaires de micro-organismes morts. Parmi eux, une famille d’algues : les coccolithophores, qui vivent près de la surface. Durant leur existence, elles produisent des molécules de lipides, les alcénones, dont les caractéristiques chimiques dépendent étroitement de la température du milieu. Parce qu’elles ne sont pas solubles dans l’eau de mer, les alcénones, une fois sédimentées, ne sont pas détruites. En laboratoire, on peut les extraire à l’aide de solvants, et après analyse, calculer leur température de croissance. D’autres organismes marins servent de repères temporels comme les unicellulaires nommés foraminifères. En mesurant dans leurs coquilles fossilisées les proportions de deux isotopes stables de l’oxygène (l’oxygène 16 et l’oxygène 18), on peut aussi tirer des enseignements sur la température de l’eau durant leur vie.

Article de Olivier Voizeux


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