Parti nazi NSDAP : création, programme, progression, implantation, chefs, action politique

mercredi 6 mars 2024.
 

Le parti nazi a bénéficié dès sa fondation de l’activisme violent de militants d’extrême droite mais aussi de financements, d’appuis, de protections de la part d’éléments influents de l’armée, du patronat et de la droite conservatrice classique.

L’objectif du parti unique correspondait d’une part à l’aspiration de cadres organisateurs et militants qui voyaient là un objectif personnel de carrière, d’autre part à l’intérêt du patronat, des chefs militaires et politiques conservateurs qui voulaient casser les syndicats ouvriers et partis de gauche.

Ceci dit, le parti nazi n’a jamais été un parti unique imposant ses choix à l’Allemagne :

- avant sa percée de 1929 à 1933, il était concurrencé par d’autres forces même à l’extrême droite

- après l’accession de Hitler au pouvoir, il a dû partager la direction réelle du pays avec le patronat d’une part, avec les chefs militaires d’autre part

1) Les débuts du parti nazi (1920 à 1924)

En Allemagne, le grand patronat et l’armée (liée aux fractions sociales héritées de la féodalité) sont confrontées de 1918 à 1923 à une très haute combativité sociale et démocratique, particulièrement en milieu ouvrier. Aussi, elles poussent à la mise en place de forces réactionnaires combattantes (extrême droite et formations paramilitaires).

- > Le Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands représente l’aboutissement en 1919 1921 des efforts consentis par les secteurs durs du patronat germanique (grands propriétaires fonciers, industries exportatrices, finance...) pour casser l’influence syndicale, social-démocrate et communiste en milieu ouvrier. Ainsi ont été successivement créés et financièrement soutenus le DVLP (Parti de la Patrie Allemande), le Comité Libre pour une paix des Ouvriers Allemands, la Société de Thulé, l’Outil Politique des Ouvriers Allemands, le DAP (Parti des Ouvriers Allemands) et enfin le NSDAP qui récupère en grande partie les cadres des formations précédentes.

Allemagne Pourquoi et comment le patronat a fondé le fascisme ?

- > Dès ses débuts, le parti nazi se fixe pour objectif essentiel de "disputer la classe ouvrière au marxisme". Est principalement chargée de ce travail, la NSBO (Organisation des cellules d’entreprise nationales socialistes) qui bénéficie de l’appui de nombreux cadres locaux. Les SA (Sections d’Assaut) prennent à charge la présence et, si nécessaire, l’affrontement physique devant les entreprises, dans les quartiers populaires, dans des cafés, dans la rue, sur des marchés face aux militants de la social-démocratie et du parti communiste.

- > L’armée joue durant plusieurs années un rôle décisif dans le développement du parti nazi, son financement, son appui politique.

12 septembre 1919 : l’armée charge Hitler de construire le parti nazi

Durant la guerre, Erich Ludendorff, adjoint du chef d’état-major allemand, avait acquis plus de poids politique et militaire réel que le Kaiser. Après guerre, il joue un rôle important au sein des milieux de la révolution conservatrice, participe à la tentative de coup d’état de Kapp, adhère au parti nazi. IL s’implique aux côtés d’Hitler dans le putsch de la Brasserie en 1923, est élu député au Reichstag avec l’étiquette du NSDAP en 1924 dans le cadre d’un front Völkisch (populaire populiste).

2) Hitler, dirigeant fasciste idéal

Pour l’armée comme pour les autres forces sociales contre-révolutionnaires, Hitler présente l’avantage d’être déjà formé par le pré-fascisme autrichien, pangermaniste, populiste et antisémite, d’avant 1914.

De même, nous avons essayé de clarifier les raisons de la réussite politique d’Hitler :

La couille d’Hitler, les fripouilles et les andouilles

Hitler naît le 20 avril 1889 en Autriche, fief du pré-fascisme

Hitler : Diable, malade mental ou fasciste normal ?

Présenter Hitler comme un faible, un farfelu, un malade... fait passer à côté d’une réalité : ce militant conservateur nationaliste fanatique a été capable d’énormément de travail, de sérieux, de qualités organisationnelles, de savoir-faire dans le choix de ses adjoints. Sans cela, le parti nazi n’aurait pas réussi à s’imposer en Allemagne avant même que la grande crise économique n’entraîne des conséquences sociales catastrophiques.

De même, le mauvais cliché habituel de la direction du NSDAP comme un ramassis de ratés ambitieux doit être revu. Dans les années de construction de leur parti, ses membres ont fait preuve de compétences évidentes, sur leur orientation d’extrême droite évidemment.

3) Programme du parti nazi

Le programme du NSDAP doit être analysé sous l’angle de la fonction de l’extrême droite pour le grand capital et pour la droite libérale :

- construire une audience et même des adhérents de milieu populaire en mettant en avant des mesures sociales que l’extrême droite ne veut surtout pas appliquer mais qui sont nécessaires pour contrecarrer le mouvement socialiste et communiste dans les couches sociales plébéiennes.

- promettre n’importe quoi correspondant à l’attente des ouvriers, paysans, boutiquiers, chômeurs… pour affaiblir le mouvement ouvrier, les anticapitalistes et la gauche en général

- construire des passerelles pour l’adhésion culturelle des personnes touchées en milieu populaire sur une vision conservatrice, nationaliste, xénophobe et sécuritaire

- servir, si nécessaire de force de protection des intérêts capitalistes face aux attentes des ouvriers, paysans, boutiquiers, chômeurs.

Ainsi, le Programme en 25 points, présenté le 24 février par Hitler devant environ 2000 personnes, est fondé sur un nationalisme pangermaniste sécuritaire (avec une forte tonalité anti-immigration et antisémite) auquel s’ajoutent des revendications dont le but est seulement électoraliste en direction de couches populaires : « suppression du revenu de ceux qui ont la vie facile » (point 11), « suppression de l’esclavage de l’intérêt » (point 11), « confiscation des bénéfices de guerre sans exception » (point 12), « nationalisation de toutes les entreprises appartenant à des trusts » (point 13), « participation aux bénéfices des grandes entreprises » (point 14), « augmentation importante des retraites » (point 15), municipalisation des grands magasins loués à bas prix aux petits commerçants (point 16), réforme agraire par l’expropriation, sans indemnité, de terrains d’utilité publique et suppression des impôts fonciers (point 17)…

4) Les années difficiles du parti nazi (1925 à 1928)

Le peuple allemand n’a pas rejoint en masse le parti nazi dès sa création en 1920, loin de là.

La tentative de coup d’état en Bavière (1923) se termine dans le ridicule. Aux élections présidentielles de 1925, le célèbre Erich Ludendorff ne recueille que 1,1% des voix. De 1925 à 1929, la vente de Mein Kampf reste pratiquement confidentielle (23000 pour le premier volume, 13000 pour le second).

Quiconque relève les faibles résultats électoraux du parti nazi durant cette période peut conclure à un échec ( 2,6% en moyenne lors des législatives de 1928).

En fait, la percée future se prépare dès ces années-là.

En 1927, la direction du parti tire un bilan négatif des efforts entrepris dans la classe ouvrière urbaine. Une réorientation systématique est décidée en direction des agriculteurs, des petits commerçants, des employés supérieurs et cadres. Les élections législatives de 1928 confirment la justesse de ce nouveau choix avec :

- un peu plus de 1% à Berlin, pourtant objectif prioritaire

- 18% dans deux circonscriptions rurales du Schleswig-Holstein

Fin 1928, le parti nazi compte environ 90000 adhérents bien organisés, disciplinés, galvanisés, force considérable.

5) La percée de 1929 et 1932

La percée du parti nazi dès 1929 est évidente. Son nombre d’adhérents par exemple, grimpe à 176000. Cinq facteurs expliquent cette progression rapide :

- la crise économique internationale dont les conséquences sociales se font de plus en plus sentir (en particulier à partir de 1931). Fin 1932, il y avait environ 6 millions de chômeurs totaux et près de 8 millions de chômeurs partiels en Allemagne.

- les politiques d’austérité des partis institutionnels (centre droit, sociaux démocrates...) détruisent le tissu social (réduction des allocations chômage et des prestations sociales, blocage des salaires, suppression de crédits d’état). Hitler forme le "Front de Harzbourg" avec d’autres formations de droite et d’extrême droite pour lutter contre ces mesures et y gagne une audience populaire importante.

- le NSDAP réussit à apparaître comme le parti "défenseur du peuple" face aux élites alors qu’il n’est qu’une force parasitaire au service des élites. En septembre 1930, le NSDAP obtient 6,4 Millions de voix (et 107 députés au lieu de 12, essentiellement grâce à un excellent résultat en milieu paysan (près de 20% de l’électorat) et rural. D’où provient politiquement cet afflux d’électeurs ? d’une part des anciens abstentionnistes, souvent de milieu précaire, d’autre part des partis de droite traditionnelle qui voient 75% de leur base glisser vers l’extrême droite.

- le subventionnement phénoménal dont bénéficie le NSDAP de la part des milieux patronaux peut expliquer seul la progression des nazis jusqu’à la prise du pouvoir. C’est l’industrie pétrolière anglo-saxonne qui paie le salaire des deux millions de SA et SS qui cassent systématiquement l’action politique des partis de gauche et anticapitalistes. L’adhésion au parti nazi et le financement par de grands patrons et grands banquiers comme Thyssen, Kirdorf, Flick, Von Strauss, Von Shroeder joue évidemment un rôle également décisif dans la progression et la crédibilité des hitlériens. En 1929, Otto Wagener, industriel et fils d’industriel, général, engagé dans les corps francs d’extrême droite après guerre, influent dans le syndicalisme patronal, adhère au parti nazi dont il intègre immédiatement la direction (chef d’état-major des SA puis secteur économique). Le financier et économiste Hjalmar Schacht, leader idéologique du patronat, rejoint aussi le NSDAP en 1930.

- la dernière cause de la percée nazie, et non la moindre, c’est le soutien de la droite traditionnelle, institutionnelle aux campagnes nationalistes des nazis. Ainsi, le président Hindenbourg lui-même appuie l’action politique d’Hitler contre le plan Young et le finance. Quel est le but du président Hindenburg, de la droite, du patronat ? faire tomber le gouvernement majoritairement social-démocrate (dont le bilan est pourtant assez bon) en utilisant les nazis (voir ci-dessous)

6) La marche au pouvoir (1931 1932)

Le résultat des législatives de 1930 génère une situation politique institutionnelle bloquée. Le président Hindenburg ne veut pas de participation gouvernementale de la social-démocratie (143 députés, plus fort groupe) ; le NSDAP (107 députés,2ème groupe) préfère rester indépendant et violemment critique vis à vis du pouvoir ; le parti communiste (3ème groupe : 77 députés) croit trop longtemps l’heure de la révolution arrivée. Le président s’appuie sur le Parti du Centre (11,8% des suffrages) et quelques petits groupes de droite de plus en plus polarisés par le NSDAP.

11 octobre 1931 Front de Harzburg (nazis, droite, patrons, militaires...)

Le gouvernement Brüning ("chrétien du centre") impose de plus en plus ses politiques d’austérité par décrets, préparant de fait la monopolisation des pouvoirs par les nazis.

La crise économique s’abat sur l’Allemagne et crée environ 6 millions de chômeurs (33% de la population). De nombreuses petites entreprises font faillite. Beaucoup de personnes sont sans revenu, sans logement ; elles vont être fréquemment recrutées par les nazis pour leurs SS et SA. Nombre de petits commerçants et artisans voient leur chiffre d’affaire s’effondrer et apportent leur soutien à Hitler qui paraît capable de remettre l’économie du pays en marche.

Pour l’essentiel, la progression des nazis s’explique cependant surtout par le choix majoritaire du patronat, de l’armée et de la droite.

Allemagne 1931 1932 Patronat, armée et droite marchent au nazisme

Le grand capital anglo-saxon apporte largement sa contribution :

Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir (par William F. Wertz, Jr.)

Dans ces conditions, la nouvelle percée électorale des nazis lors des législatives du 31 juillet 1932 (37%) n’est pas surprenante.

7) L’accession au pouvoir (janvier 1933)

La promotion incroyable de l’ancien SDF Hitler à la tête du gouvernement allemand peut s’expliquer par différentes raisons dont la crise économique, l’astuce tactique du chef nazi... Une ne doit pas être passée sous silence : le fond idéologique commun important entre la droite allemande "révolution conservatrice" et le nazisme.

Les trois gouvernements précédents (Brüning, Papen et Schleicher) n’ont plus rien à voir avec un régime parlementaire ; ils agissent par décrets que ratifie le vieux maréchal Hindenbourg (lui-même monarchiste autoritaire entouré de conseillers décidés à écraser la gauche)

Konstantin von Neurath, occupait la fonction décisive de ministre des affaires étrangères dans les cabinets Von Papen puis Von Schleicher ; il le restera aux côtés d’Adolf Hitler jusqu’en 1938.

30 janvier 1933 : Hitler devient le chancelier allemand. Responsabilités de Von Papen, dirigeant du Centre catholique, proche du futur Pie XII

8) 1933 Main mise sur le pouvoir politique et terreur sociale

En intégrant les SA et SS dans la police d’Etat comme force auxiliaire puis en confiant le ministère de l’intérieur aux nazis la droite allemande avait déjà largement créé un rapport de force permettant une main mise des nazis sur la société.

28 février 1933 L’Allemagne devient un immense camp de concentration

Le génocide de la gauche anticapitaliste et antifasciste commence dès l’accession d’Hitler à la chancellerie avec le soutien de tous les partis de droite et du centre. Goebbels annonce « les grandes lignes de la lutte armée contre la terreur rouge » ; 51 premiers assassinats s’ensuivent en un mois puis le rythme s’accélère.

Génocide de la gauche allemande et des Juifs par les nazis : Nuit de Noël 1933 au camp de concentration extermination de Fuhlsbuettel

La maîtrise des services de police permet aux nazis le montage d’opérations permettant de justifier "la terreur contre les rouges"

27 février 1933 Incendie du Reichstag

Partout, les nazis sèment la terreur, y compris contre des députés de la social-démocratie.

Les camps de concentration sont mis en place aussitôt :

Dachau : Premier camp de concentration nazi 20 mars 1933

Le racisme d’Etat nazi commence aussi dès 1933 ; le 7 août, une loi interdit les mariages non-aryens des personnels (civils et militaires) de l’Etat.

Peu à peu, Hitler rapproche la structure étatique théorique du rapport de forces militaire et policier imposé à la population. Ainsi, intègrent le gouvernement :

- dès le 30 janvier 1933 : Göring, responsable en particulier de la Prusse puis ministre de l’Air, et Wilhelm Frick, au ministère de l’Intérieur.

- le 1er mai 1933, Bernhard Rust se voit confier le ministère de l’éducation

- en juin 1933, Richard Walther Darré, théoricien raciste du "Sang et du Sol",chef du bureau de la race et du peuplement dans la SS (Schutzstaffel) devient ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation

- le 1er décembre 1933, Hess et Röhm deviennent ministres sans portefeuille, de même pour Hanns Kerrl, bientôt « ministre du Reich pour les questions religieuses »

La loi du 1er décembre 1933 place le parti nazi au coeur des institutions du pays "le parti ouvrier allemand national-socialiste est le représentant de l’idée d’État allemand et lié indissolublement à l’État".

1er décembre 1933 Le parti nazi accapare le pouvoir en Allemagne

9) Nuit des longs couteaux (du 29 au 30 juin 1934)

L’assassinat d’environ deux cents dirigeants des SA ( Sturmabteilung : sections d’assaut) marque un tournant important dans l’histoire du parti nazi. Deux axes d’explication peuvent être avancés

9a) L’autonomie des groupes activistes violents contre la gauche n’avaient plus d’utilité une fois celle-ci écrasée

Jamais une extrême droite n’est parvenue au pouvoir sans bénéficier d’un énorme financement de la part du patronat. Dans quel but ? disputer l’hégémonie idéologique aux syndicats ouvriers et à la gauche anticapitaliste en déviant les aspirations sociales vers une mobilisation raciste, xénophobe. Comment ? en utilisant d’une part des mots de l’anticapitalisme comme ouvrier, socialiste, d’autre part un récit national hystérisé.

Parmi les extrêmes droites du monde entier, c’est le parti nazi qui a reçu, de loin, les sommes les plus importantes, de la part des industriels et banquiers allemands mais aussi de la part du grand capital international ; c’est l’industrie pétrolière anglo-saxonne qui a payé les deux millions de SA et SS sans lesquels Hitler ne serait jamais devenu chancelier.

Le nom du parti nazi "Parti national-socialiste des travailleurs allemands (en allemand : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) résume bien la propagande mensongère dont le but consiste à tromper les milieux populaires en leur faisant croire que l’extrême droite défend mieux leurs intérêts que la gauche anticapitaliste.

Bénéficiant d’un financement patronal phénoménal au moment décisif (1929 à 1933), le parti nazi a recruté des truands sans foi ni loi ainsi que des marginaux aptes à tout assassinat à condition d’être payés. Mais il a aussi été rejoint par des personnes de milieu populaire, (en particulier de la petite bourgeoisie appauvrie par la crise) effectivement convaincues des objectifs hitlériens en faveur des milieux populaires contre la ploutocratie mondialisée.

Tant que les forces progressistes n’ont pas été écrasées, les forces paramilitaires liées au NSDAP étaient utiles au patronat et à la droite allemande :

- pour terroriser la gauche et les syndicats ouvriers lors des campagnes électorales, lors des dates symboliques du mouvement ouvrier (1er mai), lors de grèves etc. (en juin 1932 par exemple, les activistes nazis provoquent plus de 400 batailles de rue faisant 82 morts et 400 blessés graves)

- pour intimider, ridiculiser, parfois tuer des personnalités antifascistes (plusieurs centaines d’assassinats)

9 mars 1933 Les bourreaux SA et SS nazis s’amusent du député social-démocrate Bernard Kuhnt

- pour réussir des opérations punitives sur les quartiers et villes votant majoritairement à gauche comme lors de la semaine de Köpenick

21 au 26 juin 1933 Semaine sanglante de Köpenick en Allemagne nazie

Lorsque le pouvoir des dirigeants nazis et de leurs financiers a été bien installé, toute l’aile populiste du parti nazi n’avait plus d’utilité et devenait même dangereuse. Il fallait d’autant plus casser sa dynamique qu’elle trouvait en Ernst Rohm un chef actif et ambitieux.

9b) Casser l’aile populaire populiste portant des aspirations en partie dangereuses pour la bourgeoisie

Je considère l’anticapitalisme du parti nazi comme une manoeuvre sans consistance, seulement destinée à attirer des ouvriers. Certains historiens considèrent que le parti nazi a longtemps développé une thématique anticapitaliste « À l’origine, les nationaux-socialistes ont été un parti radicalement anticapitaliste, et cet aspect du programme national-socialiste n’était pas seulement pris au sérieux par de nombreux loyaux membres du parti, mais il était d’une importance croissante dans une période de dépression économique. La manière dont Hitler prend en compte le caractère socialiste du national-socialisme reste l’une des principales sources de désaccord et de division au sein du parti nazi jusqu’à l’été 1934 » (« Hitler, ou les mécanismes de la tyrannie », Bullock 1958, p. 80). Que cet anticapitalisme ait correspondu à une tactique mensongère habituelle à l’extrême droite ou qu’elle ait été sincère chez certains nazis, il est vrai que :

- en 1932, le rapprochement entre d’une part Hitler, d’autre part les milieux d’affaires et les forces conservatrices a été critiqué par une aile populiste du parti nazi dont Ernst Röhm

- en 1933 et 1934, l’absence totale de réforme sociale de type anticapitaliste après l’accession d’Hitler au pouvoir a provoqué des tensions dans le NSDAP et particulièrement parmi les activistes des SA.

Le 30 mai 1933, Ernst Röhm déclare que l’objectif d’une révolution national-socialiste (en partie sociale) "restait à remplir".

Le 18 avril 1934, Röhm va encore plus loin déclarant à des représentants de la presse étrangère que « la révolution que nous avons faite n’est pas une révolution nationaliste, mais une révolution nationale-socialiste. Nous tenons même à souligner ce dernier mot : socialiste ». Il poursuit : « le combat de ces longues années jusqu’à la Révolution allemande, l’étape du parcours que nous franchissons en ce moment nous a enseigné la vigilance. Une longue expérience et souvent une expérience fort amère, nous a appris à reconnaître les ennemis déclarés et les ennemis secrets de la nouvelle Allemagne sous tous les masques » puis s’écrie « Réactionnaires, conformistes, bourgeois... Nous avons envie de vomir lorsque nous pensons à eux »

Fin mai, l’adjoint direct de Rohm, Edmund Heines, se prononce dans le même sens que son chef : « Nous avons assumé le devoir de rester révolutionnaires. Nous ne sommes qu’au commencement. Nous ne nous reposerons que lorsque la Révolution allemande sera achevée ».

9c) La nuit des longs couteaux

En juin 1934, un arc de forces est décidé à en finir avec le courant Röhm dans le parti nazi et particulièrement parmi les SA.

* Hitler avait besoin de relations cordiales avec l’armée :

- d’une part, elle dépendait du président Hindenbourg, instrument décisif pour qu’Hitler parvienne au pouvoir

- d’autre part pour réussir la transition après la fin du mandat de celui-ci.

Or, les tensions se sont multipliées entre d’une part les SA, d’autre part l’armée et autres forces traditionalistes de la fin janvier 1933 au printemps 1934. Le führer comme les autres dirigeants nazis nationaux ont opté alors contre les SA et planifié l’assassinat de leurs chefs.

En juin 1934, l’armée soutient l’écrasement des SA.

* Les forces patronales alliées d’Hitler voulait évidemment la fin de la "révolution populaire violente de droite" qui risquait de faire peur à la finance anglo-saxonne liée à l’économie allemande, qui risquait aussi de se radicaliser contre eux.

* La droite conservatrice risquait de perdre son rôle politique si les SA poursuivait sur leur dynamique. Le vice-chancelier Von Papen lance l’offensive le 17 juin 1934 « Aucune nation ne peut vivre dans un état de révolution continue. […] L’Allemagne ne saurait vivre dans un état de troubles perpétuels, dont nul ne voit la fin »

Prétendant que les chefs des SA préparent un coup d’état contre lui, Hitler fait assassiner du 29 juin au 2 juillet entre 150 et 1000 activistes du parti nazi faisant partie du réseau réel ou supposé de Röhm.

10) Le parti nazi était-il le parti unique du Troisième Reich ?

10a) Le parti nazi n’était pas vraiment un parti

Ses congrès ne comptaient pas de débats ou de votes dans leur ordre du jour mais des défilés, des discours du führer, des sujets à communication et à valorisation ( journée des SS, journée du service du travail pour le Reich, journée des Jeunesses hitlériennes, journée de la Wehrmacht...).

« Ce parti était au fond une grande entreprise capitaliste grandiose. En dehors des cotisations de ses membres et des dons somptueux des industriels et banquiers allemands, la caisse du parti était alimentée provenant de ses différentes entreprises... Pour faire des bénéfices, on alla jusqu’à constituer la chaîne d’hôtels disséminée dans toute l’Allemagne. Elle s’appelait le Groupe d’hötels Färber » (Le dossier Hitler ; Editions France Loisirs).

10b) Le parti nazi n’était pas vraiment un parti unique dirigeant tout

Qui donc dirigeait le Troisième Reich durant ses premières années ? des forces en équilibre instable (patronat, clan Hitler, armée, Eglise catholique et autres groupes religieux...) parmi lesquels les grands chefs d’entreprise de certains secteurs imposaient généralement leur intérêt supérieur. Je me limite à écrire "certains secteurs" car certains choix autarciques portaient évidemment préjudices aux branches exportatrices.

Ceci dit, la-plupart des grands groupes ont rattrapé ici ce qu’ils perdaient ailleurs ; de plus, certains choix politiques hitlériens enthousiasmaient l’ensemble des capitaines d’industrie comme la possibilité pour eux de licencier quiconque leur paraissait auteur "d’activités hostiles à l’Etat", comme la suppression d’un grand nombre de droits sociaux, comme la suspension de toute représentation des salariés, comme la dénonciation de tout "conflit social (comme) fratricide"...

Il est vrai que le parti nazi assume seul la responsabilité et la réalisation de la saisie des bâtiments syndicaux dans toute l’Allemagne le 2 mai 1933. Une telle opération ne gênant les intérêts ni du grand patronat, ni de l’armée, ni des institutions religieuses conservatrices, ni de toute autre force parie prenante de l’hégémonie hitlérienne, le NSDAP avait carte blanche.

10b) Parti unique et fascisme

Les historiens superficiels qui font du parti unique la principale caractéristique des Etats fascistes (en se basant surtout sur l’exemple allemand) devraient analyser plusieurs points simples :

- > si le parti unique nazi constitue l’ossature de l’Etat hitlérien, pourquoi la possibilité d’y adhérer a-t-elle été stoppée après la main mise hitlérienne sur le pouvoir politique (mai 1933) ?

- > Pourquoi la liberté totale dont avaient disposé les nazis pour terroriser les autres forces politiques a-t-elle connu des restrictions légales, également après la main mise hitlérienne sur le pouvoir politique ?

- > Pourquoi un nombre important d’activistes des SA (4 millions au début 1934) se sont-ils senti trahis après la main mise fasciste sur le pouvoir politique au point que les proches d’Hitler ont planifié leur écrasement militaire lors de la nuit des longs couteaux ?

Le fascisme doit être défini autrement que par l’existence d’un parti unique, à mon avis.

Fascismes de 1918 à 1945 : naissance, caractéristiques, causes, composantes, réalité par pays

10c) Le rôle du parti nazi dans les institutions du 3ème Reich

L’Allemagne nazie était évidemment totalitaire, mais le parti nazi ne manipule pas les ficelles de ses institutions et de ses choix politiques. Les réels initiateurs et financiers du parti nazi (chefs militaires et grands patrons) ont manipulé Hitler pour qu’il décrète la fin de la révolution national-socialiste dès l’été 1934, c’est à dire dès que les partis et syndicats du mouvement ouvrier ont été écrasés.

Le choix d’ Alfred Hugenberg comme ministre de l’économie et de Hjalmar Schacht comme président de la Reichsbank sont significatifs du choix nazi de laisser le grand patronat et la haute finance gérer les choix économiques.

Même lorsque le parti nazi paraît avoir pesé sur une décision et s’en est attribué le mérite, c’est seulement après concertation avec les principaux industriels. Tel est le cas, par exemple, pour le fameux programme Reinhardt de "réduction du chômage"

Martin Broszat a analysé cette question sur 600 pages dans son ouvrage L’Etat hitlérien. J’en citerai seulement quelques phrases :

Le monopole politique établi en juillet 1933 par le NSDAP n’était pas un monopole, dans la mesure où il ne permettait pas une manipulation unitaire du pouvoir.

11) 1934 1938 : Préparation des conditions optimales pour conquérir l’espace vital

7 mars 1936 L’Allemagne nazie réoccupe militairement la Rhénanie

29 et 30 septembre 1938 A Munich les gouvernements anglais et français capitulent devant Hitler

1er septembre 1939 : En attaquant la Pologne, Hitler déclenche la 2ème guerre mondiale. Pourquoi n’a-t-il pas été arrêté avant ?

Fascisme de 1918 à 1945 : causes, caractéristiques, réalité par pays, définition

Bibliographie

Nazisme et révolution. Maurice Bouthillon. Fayard.

Les mouvements fascistes. Ernst Nolte. Texto.

La psychologie de masse du fascisme. Wilhem Reich. Payot.

Le troisième Reich. William Schirer. Poche.

Le fascisme en action. Robert Paxton. Seuil.

Dictionnaire des fascismes et du nazisme. Berstein, Milza. André Versaille.

Le troisième Reich. Richard Evans. Flammarion.

L’Etat hitlérien. L’origine et l’évolution des structures du 3ème Reich. Martin Broszat. Pluriel.

Sitographie

https://books.google.fr/books?id=mO...


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