Pour un référendum sur la privatisation de GDF et la libéralisation de l’électricité (intervention de JL Mélenchon dans le débat au Sénat)

jeudi 19 octobre 2006.
 

Le Sénat débat du projet de loi sur la privatisation de GDF et la libéralisation du marché de l’électricité. Face aux graves menaces pour la souveraineté énergétique de notre peuple et de notre pays, toute la gauche sénatoriale a décidé d’utiliser dans le débat une procédure tout à fait exceptionnelle : la présentation d’une motion référendaire qui porterait le texte devant les suffrages des Français. Vous trouverez ci-après le texte de l’intervention de Jean Luc Mélenchon. Thierry Breton vient de s’éclipser.

M. Jean-Luc Mélenchon. J’emprunterai à ces douloureuses circonstances [l’accident ferroviaire en Moselle, le matin] des raisons supplémentaires de souhaiter le bien de nos compatriotes en leur garantissant les meilleures conditions de fonctionnement des services publics.

Monsieur le président, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je veux dire combien nous sommes honorés, sans méconnaître l’importance de la contribution de M. le ministre délégué à l’industrie, que M. Breton soit parmi nous en cet instant...

Notre président de groupe a invoqué les cinq raisons qui justifient en l’occurrence le recours au référendum. Vous en déduisez qu’il faudrait organiser cinq référendums. Mais alors, si l’on doit vous suivre dans cette logique, il aurait fallu 448 consultations pour que le peuple français statue en connaissance de cause sur les 448 articles du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe ! Non, vraiment, les Français sont parfaitement capables de comprendre qu’un seul document contienne plusieurs éléments.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils les prennent pour des idiots !

M. Jean-Luc Mélenchon. À eux, ensuite, de trancher en se prononçant en faveur ou non du texte qui leur est soumis. Cela n’a rien d’extraordinaire.

Vous avez ensuite fait des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être.

Entre l’ouverture du capital de certaines entreprises et la cession pure et simple d’une entreprise stratégique, il y a tout de même une énorme différence !

En outre, nous convenons tous ici que nous connaissons actuellement une situation nouvelle, bien différente de celle qui existait voilà dix ans. À cette époque, excepté quelques-uns qui étaient en avance dans la compréhension de ces problèmes de sécurité d’approvisionnement énergétique, la majorité d’entre nous ne voyaient pas les problèmes de cette façon et ne les auraient pas posés ainsi.

La situation et le contexte sont donc différents, mais également la nature de l’entreprise concernée.

Monsieur Beaumont, vous vous êtes donné du mal pour trouver des arguments et vous les avez exposés avec talent, mais c’est en vain, car ils ne sont pas du tout convaincants.

M. Poniatowski lui-même, qui est allé sans doute un peu trop loin, doit être bien embarrassé, dans le secret de sa conscience, d’avoir tenu des propos aussi extravagants que ceux que nous avons entendus, quand il a affirmé que le sujet était trop compliqué pour que les Français puissent se prononcer par référendum.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Non ! Trop compliqué pour recevoir une réponse binaire !

M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis certain que vous regrettez ces propos, monsieur le rapporteur.

Dans l’histoire récente, je ne vois que le pape Pie X pour s’être opposé au suffrage universel, dans l’encyclique Vehementer Nos, en 1906. Ce cas mis à part, chacun s’accorde à penser depuis longtemps que le peuple est capable de trancher sur les problèmes compliqués.

De la même manière, quand vous nous reprochez de ne pas avoir soumis à référendum le projet de loi sur les 35 heures, je pense que vous vous gaussez ! Car les 35 heures constituaient le coeur du programme de la gauche quand elle était candidate au pouvoir. Par conséquent, personne n’a été pris en traître. Réfléchissez-y, monsieur Poniatowski !

À quel moment avez-vous dit - vous, les membres de votre parti, le Président de la République, ou bien les rédacteurs du programme de l’UMP - que vous alliez privatiser Gaz de France au cours de cette législature ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont dit le contraire !

M. Jean-Luc Mélenchon. Dites-nous où cela est écrit, afin que nous puissions apprécier si vous avez fait preuve de la même transparence politique que nous.

Nous, nous avions prévenu les Français, pas vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Sur un tout autre sujet, je pense que vous n’avez pas plus de raison d’être contents de vous : solliciteriez-vous réellement, aujourd’hui, un référendum sur la peine de mort ? Vous ne le feriez pas. Il n’y a d’ailleurs que M. Le Pen qui le réclame en France. Et tous les Républicains savent pourquoi ils ne le feront pas, ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais.

Mais prenons plutôt le débat à sa racine. Pourquoi le secteur de l’énergie faisait-il l’objet d’un monopole et était-il nationalisé ?

Ce n’est pas parce que notre génération n’a connu que la paix et ses bienfaits que nous devons dédaigner les débats de nos aînés.

Pourquoi ceux-ci avaient-ils nationalisé ?

Il ne s’agissait pas d’une nationalisation de circonstance. Tout à l’heure, quelqu’un a évoqué le cas de Renault. Mais si l’on a nationalisé Renault, c’est pour la punir de sa collaboration avec l’occupant nazi. On aurait d’ailleurs pu en nationaliser beaucoup d’autres car, dans ces milieux, pour ce qui était de la collaboration, ça y allait !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Propos très inutiles !

M. Jean-Luc Mélenchon. Le cas est tout différent pour ce qui concerne l’énergie : ce n’était pas une nationalisation de circonstance, et ce n’était pas non plus une nationalisation idéologique, au sens où la droite et la gauche se seraient opposées sur le fond du dossier car, à cette époque, nous étions tous unis pour vouloir cette mesure. Pourquoi ? Parce que nous pensions tous alors que l’intérêt général était en cause. Quel intérêt général ? Celui dont la défense s’imposait face aux trafics constatés avant-guerre, menés par de grands fournisseurs qui mettaient ainsi en cause la sécurité de l’approvisionnement du pays et son indépendance.

Précisément, que signifie l’indépendance nationale ? Ce n’est pas une marque de nationalisme, mais ce que l’on se doit entre citoyens vivant au sein d’une même communauté légale : la protection mutuelle, donc aussi les moyens de l’assurer.

L’indépendance, que l’on va qualifier de nationale, est donc en réalité la souveraineté civique : les Français décident de se garantir un certain nombre d’avantages et s’en donnent les moyens.

M. Bel et d’autres ont rappelé les dispositions de la Constitution de 1946 concernant les entreprises dont l’exploitation a ou acquiert un caractère de monopole.

Ces dispositions ne constituent pas le seul fondement de la nationalisation. Il en existe un autre. Dans une société civilisée, et au fur et à meure qu’elle se civilise, un certain nombre de droits de base sont garantis par la collectivité.

Si cela ne va pas de soi dans les sociétés qui n’en ont pas les moyens, en revanche, dans un grand pays riche comme le nôtre, c’est possible, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en énergie.

Et pourquoi s’agissant singulièrement du secteur de l’énergie ? Tout simplement parce que, dans ce domaine, il n’y a pas d’alternative possible.

En effet, dans de nombreuses activités qui relèvent de la production privée, il existe une alternative, car on peut se passer du service fourni. Mais comment se passer du service de l’approvisionnement en énergie ? C’est impossible ! Il n’y a pas d’alternative, car personne ne peut se passer d’énergie.

Par conséquent, la garantie apportée par la collectivité est très importante et doit être assurée par l’État, la volonté nationale et dans le respect de la primauté de l’intérêt général.

Voilà pourquoi il a été décidé en 1946 non seulement de garantir au pays son indépendance et la maîtrise de son approvisionnement, mais aussi de les garantir à chaque citoyen.

Or qu’est-ce que la souveraineté si celle-ci est entachée du risque qui menace désormais le secteur dont nous parlons ?

En effet, si ardents partisans que vous soyez de la privatisation, vous ne pouvez pas nier que, dorénavant, un double risque existe et pour les particuliers et pour le pays : pour les particuliers, le risque de ne plus pouvoir accéder au service ; pour le pays, le risque de voir ses approvisionnements remis en cause. Double risque, oui, tout au moins si on laisse la libéralisation produire dans notre pays tous les effets qu’elle a pu produire partout où on lui a laissé libre cours, à savoir notamment des ruptures d’approvisionnement et des interruptions de fourniture.

Mes chers collègues, lors de la canicule qui a frappé l’Europe en 2003, et sans qu’il soit besoin de remonter plus loin, la France a été le seul pays où de telles ruptures n’ont pas été constatées. Il y avait bien une raison à cela !

La raison, c’est que nous étions équipés correctement. Et chaque fois que nous avons été menacés de ne plus l’être, c’est précisément parce que l’on a fait valoir un autre principe que l’intérêt général. Alors ?

Entre public et privé, si l’opposition n’existe pas toujours, elle survient quelquefois, voire souvent. Et tout dépend dans quel domaine elle frappe. En l’occurrence, le domaine particulièrement sensible.

Si vous confiez une activité à une entreprise privée, il est normal que ses actionnaires cherchent à faire fructifier leur investissement. On ne leur demande pas de prendre en charge l’intérêt général.

Je prends un exemple : les États-Unis d’Amérique ne possèdent pas plus de gaz que nous. Pouvez-vous nous garantir que, lorsque les tarifs augmenteront, les méthaniers français n’iront pas servir d’abord le marché américain, car les tarifs y seront plus intéressants qu’en France ? Vous ne pouvez pas le garantir s’agissant d’une entreprise privée chargée de l’exploitation et de la fourniture de gaz !

Mme Bariza Khiari. Bien sûr !

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais, moi, je peux vous garantir le contraire !

Quand les propres dirigeants de cette entreprise annoncent - c’est d’ailleurs tout ce qu’ils ont promis pour l’instant - que leur objectif sera non pas d’assurer une production de meilleure qualité ou un meilleur service, mais d’augmenter de plus de moitié le rapport des dividendes, nous sommes prévenus, nous savons à l’avance quelles seront leurs règles d’action. Et nous ne pouvons pas leur en vouloir.

Les naïfs, ce sont ceux qui croient autre chose ou qui disposent si facilement d’une entreprise qui a tant coûté au pays, comme l’a dit ma collègue communiste, aussi bien en argent, en intelligence humaine qu’en dévouement, pour qu’elle parvienne à un tel niveau de performance.

S’agissant du réseau national de distribution, je ne m’adresserai pas seulement à mes amis de gauche, dont on connaît la conception de l’organisation de la société, mais aussi à tous ceux qui ont à coeur l’intérêt national.

On ne peut pas imaginer, dans un secteur aussi stratégique, de disjoindre la question de la production de celle des réseaux de transport et de distribution. Or vous allez aussi privatiser la filiale qui gère les réseaux, et vous n’avez aucune garantie qu’elle ne sera pas vendue séparément !

M. René Beaumont. Les Allemands ont tous du gaz, et les réseaux n’appartiennent pas à l’État !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes d’accord pour que cela se passe ainsi ? Quelle garantie en attendez-vous ?

Supposons que, par extraordinaire, les dirigeants soient uniquement animés par la volonté d’assurer des approvisionnements corrects. Pouvez-vous garantir ici que les investissements seront réalisés à temps ? Avez-vous un exemple à nous communiquer qui prouve que l’expérience a été faite et que cela s’est bien déjà passé ainsi ? Non, c’est même l’inverse : dans tous les pays qui ont connu la privatisation, celle-ci s’est faite au détriment de l’investissement.

Dans notre propre pays, pour ouvrir au secteur privé le capital d’Électricité de France, on a prolongé la durée d’amortissement des centrales nucléaires de dix ans afin que le rapport financier soit plus intéressant.

Tels sont les débuts auxquels nous avons assisté. Et vous croyez que la suite sera meilleure ? Non, ce n’est pas possible !

Mon intention n’est pas de faire je ne sais quel procès à l’entreprise privée. Je constate simplement que celle-ci agit selon sa propre logique. Et si nous ne voulons pas être assez naïfs pour en attendre autre chose, nous devons regarder cette réalité en face, car notre seul rôle ici est de garantir l’intérêt général.

Telles sont les raisons qui justifient, par leur importance même, une consultation des Français.

Croyez-vous vraiment que nos compatriotes soient incapables de comprendre les défis qui sont les nôtres ? Avez-vous une telle confiance dans les solutions que vous préconisez que vous vous sentiez dispensés de consulter les Français ? Pourtant, nous parviennent de nombreux témoignages du trouble et du doute qui s’emparent de nombre d’entre vous, et pour des raisons qui ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres, sur le plan politique.

Mme Nicole Bricq. Ils ne veulent pas les écouter !

M. Jean-Luc Mélenchon. Non, messieurs les ministres, chers collègues, vous nous demandez d’entrer les yeux fermés dans une logique dont vous ne connaissez même pas l’aboutissement.

Quelles conditions la Commission posera-t-elle ? Vous n’en savez rien ! Que demandera Suez au moment de la fusion avec GDF ? Vous n’en savez rien ! À moins que vous n’en sachiez plus, mais que vous ne nous l’ayez pas dit, à nous qui représentons pourtant le peuple et qui avons tous les droits à cet instant !

À toutes ces questions, nous ignorons donc les réponses.

Lequel d’entre vous, dans la gestion de ses affaires privées, celles de sa commune ou de la collectivité qu’il préside, accepterait de prendre une décision sans en connaître les paramètres les plus importants, ceux qui vont conditionner sa mise en oeuvre ? C’est pourtant ce que l’on nous demande à cette heure !

M. Roland Courteau. Un chèque en blanc !

M. Jean-Luc Mélenchon. L’intérêt général n’est pas garanti. Or nous sommes chargés de l’intérêt général s’agissant de l’approvisionnement.

Il ne l’est pas davantage pour le pacte social qui, je l’ai dit tout à l’heure, était au coeur de la décision de nationalisation prise en 1946.

L’entreprise privée va devoir arbitrer entre deux exigences, entre les tarifs et les bénéfices.

M. Gérard Longuet. L’entreprise publique aussi, sinon, c’est le contribuable qui paie !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous devriez vous soucier...

M. Gérard Longuet. Vous voulez faire payer indéfiniment le contribuable ! Et pourquoi n’avez-vous pas organisé un référendum sur le nucléaire ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Longuet, ayez la patience de m’écouter !

M. Thierry Breton, ministre. Vous nous avez habitués à mieux, monsieur Mélenchon !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous souhaitez m’interrompre, monsieur le ministre ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Non, bien sûr, ce serait trop dangereux !

Restons-en à l’arbitrage entre tarifs et pouvoir d’achat, question qui, vous en conviendrez, monsieur Longuet, a quelque importance pour l’équilibre général du mode de gouvernement de ce pays.

Vous autorisez que le tarif prenne en compte, outre l’investissement et le prix de revient, les bénéfices, dont la proportion - la question est aussi vieille que le commerce lui-même - se fixe sans contrainte dans un marché où le client, captif, n’a pas le choix. Comment va s’exercer la concurrence ? Partout à la hausse, monsieur Longuet !

M. Gérard Longuet. Les bénéfices permettent d’optimiser l’allocation des ressources !

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Longuet, nous parlons d’expérience,...

M. Gérard Longuet. Nous aussi, hélas !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... sans exprimer un a priori idéologique. Partout, les tarifs ont augmenté sans discontinuer et sans rapport avec les coûts. J’en veux pour preuve l’exemple de GDF même qui, aujourd’hui, sert plus d’argent à ses actionnaires qu’à ses salariés, réussissant à se faire épingler par la Commission de régulation, laquelle a démontré que GDF avait fixé des tarifs excédant, et de très loin, l’augmentation des coûts d’approvisionnement. Croyez-vous que cela va s’arrêter ? Et pour quelles raisons, d’ailleurs, ce mouvement s’arrêterait-t-il ?

L’entreprise, qui doit nécessairement faire appel à ses actionnaires, s’emploie à rendre attractif cet apport de capital. Elle ne fait qu’obéir à sa logique. Par conséquent, entre tarifs et pouvoir d’achat, elle arbitrera toujours dans le même sens.

Alors, vous pourrez bien réunir une table ronde sur l’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs, il suffira qu’une entité que vous ne connaîtrez même pas décide, peut-être depuis l’autre bout de la planète, d’augmenter le tarif d’une fourniture de base pour que, en quelques instants, tout soit renversé, pour que tout ce que vous avez imaginé pour votre patrie et pour vos concitoyens soit ruiné, pour que tous les efforts que vous aurez accomplis au titre du dialogue social soient anéantis. Voilà ! Ce sont les faits que l’on voit partout !

Sans oublier, monsieur Longuet, puisque vous m’avez cherché sur ce plan, qu’il reviendra aux ménages, et à personne d’autre, de mettre la main à la poche pour équilibrer le retour au tarif d’origine ! Cela aussi, c’est une réalité !

M. Gérard Longuet. Ils paient toujours, comme contribuables ou comme consommateurs !

M. Jean-Luc Mélenchon. Messieurs les ministres, chers collègues, j’ai tenté de vous présenter des arguments autres que les simples raisons pour lesquelles un socialiste, un communiste, voire un écologiste, peuvent être contre la privatisation du service de l’énergie.

Mes arguments, je les ai tous ramenés à l’intérêt général. Quoi que l’on pense par ailleurs du nucléaire, croyez-vous que les décisions prises en la matière, conformes à l’idée que les gouvernements d’alors se faisaient de l’intérêt général et qu’ils étaient légitimement en droit d’imposer s’agissant d’un grand pays comme le nôtre, croyez-vous que ces décisions-là auraient pu être prises par des entreprises privées ? Et, demain, pour répondre à la crise écologique, à qui donnerez-vous des ordres ? Aux actionnaires privés ? Bien sûr que non !

Vous ne pouvez le faire qu’avec un outil public, seul capable de gérer le long terme, d’accumuler, de prévoir, de vouloir avec assez de constance et de durée.

Si nous n’avions pas agi de la sorte, nous n’aurions pas préservé notre indépendance énergétique. Et, pour prendre des sujets peut-être moins délicats, mais qui sont d’actualité, nous n’aurions pas eu la fusée Ariane, qui est une pure décision politique dont on mesure maintenant l’ampleur de l’impact technologique.

L’intérêt général n’est pas garanti pour l’approvisionnement. Il ne l’est pas pour le pacte social. Il ne l’est pas davantage pour la souveraineté civique.

Vous savez comme moi que les grands contrats dans le domaine de l’énergie sont négociés par les États, seuls en mesure de créer des rapports de force intéressants. (M. Roland Courteau fait un signe d’approbation.) Et, demain, nous irions négocier avec tel ou tel pays en demandant au passage, outre les fournitures, la part qui reviendrait aux actionnaires privés, bénéficiaires de ces négociations ? Voilà qui ne serait pas bien nouveau et qui rappellerait des images du passé !

En outre, quoi qu’on nous ait dit tout à l’heure, vous ne pouvez pas nier qu’à l’instar de ce qui s’est passé dans le monde entier sur de tels sujets, la privatisation amènera des restrictions de personnels. Et ces restrictions se feront selon des normes qui vous échapperont, à vous, comme à nous.

Or l’intelligence humaine et le savoir-faire sont cruciaux en ces domaines. Vous savez comme moi que le service qui garantit conjointement, pour l’électricité et le gaz, la maintenance des réseaux est menacé...

Mme Bariza Khiari. EADS !

M. Jean-Luc Mélenchon. ...et pas seulement par un rapport d’une société travaillant pour une autre société et qui se répand dans la presse, comme nous l’a dit M. le ministre délégué à l’industrie. C’est ainsi partout dans le monde.

Tout le reste a déjà été excellemment dit. Nous vous en régalerons bientôt de nouveau, article par article, amendement par amendement.

Pour conclure, je vous demande pourquoi vous ne voulez pas de ce référendum. Supposez que vous soyez assurés d’une réponse positive : mesdames, messieurs, mes chers collègues, tous debout et d’un seul mouvement, vous adopteriez cette motion, car rien ne vous ferait plus chaud au coeur qu’un petit « oui » avant le vote de 2007 ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Il n’y a aucune impossibilité physique à l’organiser. En vérité, si vous n’en voulez pas, c’est parce que vous connaissez la réponse.

M. Roland Courteau. Oui ! Ils la connaissent !

M. Jean-Luc Mélenchon. Les Français répondraient non. Eux, qu’on ne croit pas très malins, comprendraient en deux temps, trois mouvements, ce que je viens de vous expliquer. Il leur suffirait de se pencher sur leur contrat, de lire un journal ou de se tenir vaguement au courant de ce qui se passe dans le monde. Ils verraient bien que tous les autres pays sont en train de reprendre la main sur leurs services de l’énergie. Et nous, les Français, qui cumulons les bizarreries depuis quelques années, ...

M. Paul Blanc. Oui, les 35 heures !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... disons depuis cinq ans, nous sommes les seuls à décider tout à coup que mieux vaut confier nos intérêts à un Belge qu’à un Français ! Voilà ce que nous décidons en ce moment !

Si vous ne voulez pas de ce référendum, c’est parce que vous savez que la réponse serait non. Et si vous le savez, alors, vous êtes déjà en train de violer et l’intérêt général et la souveraineté populaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Trackbacks


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message