Laurent Fabius : « Je ferai le maximum pour que la fusion Suez-GDF ne soit pas irréversible »

lundi 11 septembre 2006.
 

Dans une interview aux "Echos", l’ancien Premier ministre socialiste et candidat à l’investiture présidentielle pour 2007 explique qu’en 2001, il était favorable à des partenariats industriels, pas à la privatisation de GDF

Les Echos.Le PS a déposé 43.000 amendements contre la fusion GDF-Suez. C’est de l’obstruction ?

Laurent Fabius : C’est de la détermination. Nous voulons dire aux Français que ce projet est dangereux et nous mobiliser pour qu’il ne soit pas adopté. A l’Assemblée, notre seule arme est de mener le débat avec assez de force pour que tout le pays soit informé du problème. La privatisation de GDF se solderait par des hausses de tarifs ; elle serait contraire aux intérêts de GDF, à ceux d’EDF et finalement de la France : d’où notre opposition.

Les Echos. Comment justifiez-vous de bloquer une opération qui peut donner une taille plus importante à Gaz de France ? C’est même pour permettre à GDF de « nouer des alliances industrielles » que vous défendiez en 2001 une ouverture de son capital.

Laurent Fabius : Les mots ont un sens : en 2001, j’étais favorable à des partenariats industriels mais pas à la privatisation. D’autre part, contrairement à ce que prétend le gouvernement, la taille du groupe Suez-GDF ne pèserait pas de façon suffisante sur nos approvisionnements en gaz. Elle ne mettrait pas le nouveau groupe à l’abri d’une OPA. Au contraire, en privatisant GDF, on l’expose à une prise de contrôle. On menace l’emploi. On crée de surcroît un concurrent à EDF. Belle perspective !

Les Echos. Le PS propose la renationalisation d’EDF et la constitution d’un pôle public EDF-GDF...

Laurent Fabius : La question énergétique sera cruciale dans les prochaines décennies. Y répondre implique de faire primer l’intérêt général - l’indépendance stratégique, l’environnement, la sécurité nucléaire. L’intervention de la puissance publique est légitime dans ce domaine parce que la logique du tout-marché s’y révèle myope.

Les Echos. En 2004, la Commission européenne a posé son veto à un rapprochement entre le gazier et l’électricien portugais. (1)

Laurent Fabius : Il n’est pas du tout certain que la Commission, ou la juridiction européenne, s’opposerait à un rapprochement EDF - GDF, qui a ma forte préférence. Il serait logique qu’électricien et gazier travaillent ensemble afin de constituer un pôle public de l’énergie nouant des partenariats industriels à l’échelle européenne. Il existe une seconde solution : l’opération inverse, avec une prise de contrôle de Suez par Gaz de France. GDF qui n’a pas un endettement massif en a les moyens financiers. Le systématisme idéologique du gouvernement fait obstacle à un tel regroupement, qui préserverait GDF et éviterait des hausses de tarifs.

Les Echos. Les actionnaires belges de Suez pourraient s’y opposer...

Laurent Fabius : Le rôle de l’Etat n’est pas de brader les entreprises publiques, il n’est pas non plus de spolier les actionnaires privés. Ces derniers ne perdraient pas au change.

Les Echos. François Hollande estime que si le Parlement vote la fusion Suez-GDF, il y a « un risque d’irréversibilité ». Et vous ?

Laurent Fabius : Pour les raisons que j’ai dites, cette opération est mauvaise et je la combattrai. Et si, malgré tout, le gouvernement s’obstinait, je ferai le maximum, en cas de victoire à la présidentielle, pour qu’elle ne soit pas irréversible. Nous aurions au moins deux voies possibles. Soit apporter à EDF les actions du groupe Suez-GDF encore détenues par l’Etat et bâtir ainsi une stratégie progressive de contrôle. Soit adopter une loi interdisant aux opérateurs de gaz privés de posséder les réseaux de distribution. Ce sont les réseaux qui sont « juteux ». Et là se trouve une clé de notre indépendance. Ces solutions sont toutes compatibles avec l’Europe. Mais, je le répète, la meilleure solution est le rapprochement EDF-GDF. Avec une vraie politique européenne de l’énergie.


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