M. Mélenchon (PS) et M. Picquet (LCR) invoquent les valeurs de la République pour refonder la gauche

mercredi 15 janvier 2020.
 

Le cofondateur du courant Nouveau Monde et le dirigeant trotskiste publient chacun un ouvrage sur ce thème. Ils se retrouveront lors d’un débat public, ce 17 janvier 2004.

La passerelle jetée entre une figure du PS et un dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire peut paraître surprenante. Dans un même mouvement, Jean-Luc Mélenchon, cofondateur du courant Nouveau Monde, et Christian Picquet, membre du bureau politique de la LCR - tous deux minoritaires dans leur formation - dressent pourtant aujourd’hui un constat identique : la refondation d’une "gauche de gauche" passe par la République.

Le premier vient de publier un recueil de discours et de tribunes, baptisé Causes républicaines (Seuil). Le second l’a précédé de quelques semaines, avec un essai intitulé La République dans la tourmente (Syllepse). Cette trame républicaine permet aux deux protagonistes de nouer un dialogue...

Mélenchon-Picquet, nouveaux Montagnards républicains de gauche ? Les deux hommes affichent en tous cas leur ambition de reconquérir un terrain qu’ils accusent Jean-Pierre Chevènement d’avoir dévoyé. "Certains ont embourbé -la République- dans la confusion d’un prétendu point de vue situé au-dessus de la droite et de la gauche", écrit M. Mélenchon, et "ont habillé de mots ronflants leur obsessions sécuritaires". "Il faut redonner de l’influence au républicanisme de gauche, explique-t-il ; avant, Chevènement nous étouffait." "Je ne pense pas que la République puisse transcender la lutte des classes, estime pour sa part M. Picquet. Chevènement fait une confusion majeure, il a étranglé et perverti le combat républicain."

"SOUVERAINETÉ POPULAIRE"

De l’aveu même du responsable de la LCR, la marginalisation du maire de Belfort, depuis l’élection présidentielle d’avril 2002, autorise désormais l’expression d’un courant républicain "plus gauche". "Je n’aurai pas pu écrire mon livre en mars 2002", assure-t-il.

Ce n’est pas tout à fait vrai pour M. Mélenchon, qui confie avoir sollicité dès 1995 - en vain - Pierre Joxe pour qu’il se présente à l’élection présidentielle pour défendre cette thématique. Dans son livre, écrit avec verve, l’ancien ministre délégué à l’enseignement professionnel affirme sa conviction que "la République n’est pas un régime neutre", et défend "la notion clé de l’intérêt général" à travers les exemples de l’école, de la question des femmes, de la Corse, de la laïcité. "Un dur mouvement de tenaille est engagé contre l’unité et l’indivisibilité de la Nation républicaine par le style de construction européenne, le modèle libéral de décentralisation et enfin l’ensemble des procédés de délégitimisation du modèle de démocratie représentative", expose-t-il en plaidant pour une République européenne d’essence fédéraliste. Tout en revendiquant haut et fort sa filiation jacobine.

Christian Picquet reprend lui aussi cette référence à la République jacobine, mais se situe surtout dans l’héritage de Marx et des trotskistes français de 1934, qui "citaient la Convention de 1792-1793". Selon lui, la notion de "souveraineté populaire", qu’il place au cœur du patrimoine républicain français, a aujourd’hui une portée d’autant plus " subversive"qu’elle lui semble remise en cause par "la contre-réforme libérale". " Qu’il s’agisse de la défense des services publics, de la Sécu en 1995, ou des mobilisations anti-Le Pen en 2002, les grandes mobilisations populaires se font sur un attachement à un idéal républicain", estime M. Piquet, avant de se prononcer pour un projet de "République sociale et autogérée".

Malgré des divergences importantes - notamment sur la place du PS dans la refondation d’une alternative de gauche -, les deux hommes s’accordent pour voir dans les principes républicains un rempart au modèle libéral."Chacun avec notre rythme et notre propre pensée, nous essayons de reprendre le fil laissé par Jaurès qui tentait de faire la synthèse entre la tradition marxiste et républicaine", souligne M. Mélenchon.

Ce dernier rêve d’un pôle antilibéral de gauche - comme prétend l’être le groupe dit "Ramulaud" - mais qui soit ancré sur un projet républicain. "L’antilibéralisme n’est pas un dénominateur commun suffisant pour refonder la gauche, dit-il. Cela ne construit pas un projet politique."

Isabelle Mandraud et Caroline Monnot

LE MONDE du 14 janvier 2004


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