« Salauds de pauvres ! »

lundi 11 mars 2024.
 

La polémique du week-end : la petite phrase attribuée à Macron au sujet du goût des smicards pour les abonnements VOD. À force de mépris gonflé au sentiment d’impunité, et même si la violence institutionnelle déployée pour endiguer la colère profonde qui fait gronder les entrailles du pays augmente et repousse par la peur les contestations, il arrivera toujours un moment où un peuple sentira qu’il n’a plus rien ni à espérer, ni à perdre.

« Les smicards préfèrent des abonnements VOD à une alimentation plus saine », une affirmation, bien évidement, démentie le jour même. Sur le thème classique : « sortir une phrase de son contexte » et le fameux appel à la nuance « il n’a pas dit cela exactement, mais c’était l’idée ».

Doit on vraiment s’appesantir sur cet aspect de l’affaire ?

Non. Ce n’était pas non plus comme si Macron exprimait régulièrement son respect pour les Françaises et les Français. Ce n’était pas non plus comme s’il ne collectionnait pas les déclarations dévalorisantes dès que ces concitoyennes et ces concitoyens n’étaient pas en accord avec lui.

Macron is the new Marie-Antoinette.

Apprenant que le peuple n’avait plus de pain, Marie-Antoinette s’était étonnée de ce courroux populaire bruyant et avait partagé cette astuce pleine de bon sens « hé bien qu’ils mangent de la brioche ».

Le VOD de Macron, c’est un peu la brioche de Marie-Antoinette.

Et ça tombe bien parce qu’on se retrouve un peu dans la même situation qu’en 1789. L’inflation des prix de la nourriture, l’opacité des marges, la précarité alimentaire… pour plus de détails, je vous conseille l’étude de foodwatch sur le sujet.

Pauvres, sales et méchants.

Macron, Marie-Antoinette… en France, on n’aime pas le changement.

Si la royauté a disparu, le classisme a toujours le vent en poupe. Cette discrimination présente partout invoque une vision stratifiée et hiérarchisée de la société. Du mieux (les riches) au pire (les pauvres), en assumant pleinement les avantages indus de la situation des plus favorisé.e.s et les préjudices subis par les plus défavorisé.e.s.

Être pauvre, c’est manquer de volonté, de force. C’est « bien le vouloir ». Une fois encore, non. C’est le résultat logique d’un dysfonctionnement. Dans un système où les ressources sont limitées, s’il y en a trop d’un côté, inévitablement, il n’y en a pas assez de l’autre.

En plus, dans cette société, celles et ceux qui « possèdent » s’arrogent le droit d’avoir un avis sur la façon dont celles et ceux qui n’ont pas assez utilisent leur peu de ressources. Donner 1 euro à une personne dans la rue peut sembler impossible sous le prétexte qu’elle ou il l’utilisera « mal ». Alors que la plupart du temps, la façon dont les ultra riches dépensent leurs millions ne provoque aucun jugement. Si ce n’est de l’admiration.

Etre pauvre, c’est souffrir 24h24, 7j/7.

Donc ça serait un choix ou un manque de volonté ?

Vivre dans la précarité, c’est se réveiller chaque matin en espérant, au mieux, que rien ne viendra ébranler le très fragile équilibre d’un budget qui parvient à peine à dégager en fin de mois quelques dizaines d’euros de réserve. Et au pire, espérer avoir assez de travail pour assurer au moins 15 jours de budget alimentaire. Ce demi mois passé, généralement, un repas par jour saute.

Le cerveau en stress permanent produit en grande quantité du cortisol, une hormone qui inhibe d’importantes capacités cérébrales : compter, se projeter dans le futur, construire des projets. Cortisol qui peut, provisoirement, être chassé par la dopamine. Et ça tombe tellement bien ! Notre société marchande et capitaliste nous a dressé.e.s à confondre bonheur (dopamine) avec consommation et divertissement !

Ah non, c’est vrai quand tu es pauvre, tu dois souffrir et juste souffrir. Puisque le classisme a décidé que c’était immoral d’être dans une pauvreté provoquée pourtant par un système sociétal injuste et prédateur qui permet des enrichissements indécents. C’est bien fait quand même.

Que diable, c’est quand même simple de cuisiner des légumes frais.

Ah et ces injonctions à bien manger !

Une fois encore dans l’étude de foodwatch, vous verrez que les produits de bonne qualité sont les plus chers et ceux dont les apports nutritionnels sont insuffisants sont les plus abordables. Ça commence mal.

Et puis cuisiner, c’est avoir du temps pour le faire. Et quand on enchaine dans la journée plusieurs petits boulots pour à peine parvenir à payer ses factures, ce temps manque. Cuisiner, c’est aussi avoir une cuisine, du gaz, de l’électricité, des ustensiles… tout ce qui paraît évident à celles et ceux qui ont la chance d’avoir un logement décent. Un privilège que les plus précaires n’ont pas.

Mépris de classe, appel à la casse

Décidément, Marie-Antoinette se serait sentie comme chez elle, ici et maintenant. Oh mais attendez… comment ça s’est terminé cette histoire de brioche ?

A force de mépris gonflé au sentiment d’impunité et même si la violence institutionnelle déployée pour endiguer la colère profonde qui fait gronder les entrailles du pays augmente et repousse par la peur les contestations, il arrivera toujours un moment où un peuple sentira qu’il n’a plus rien ni à espérer, ni à perdre.

C’est ça l’objectif Marie-Antoi… pardon, Emmanuel ?

Nathalie Achard


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