Chiffres du chômage : les astuces de l’ANPE dénoncées par des associations

mercredi 27 décembre 2006.
 

Stage bidon en fin du mois, multiplication des sous-catégories de chômeurs : syndicats et chômeurs témoignent des pratiques utilisées pour dégonfler les statistiques officielles du chômage, le jour où une baisse du nombre de demandeurs d’emplois a été annoncée pour novembre. En octobre, le chômage touchait 2,1 millions de personnes en France officiellement. Mais, souligne un tout nouveau collectif baptisé »Les autres chiffres du chômage » (ACDC) qui regroupe des associations et des syndicats, ce chiffre ne recense que les chômeurs de catégorie 1, à savoir les personnes immédiatement disponibles, à la recherche d’un contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein et ayant travaillé moins de 78 heures dans le mois.

La part des sept autres catégories de chômeurs distinguées par l’ANPE - demandeurs d’emploi temporaire ou à temps partiel, non immédiatement disponibles, dispensés de recherche pour raison d’âge, etc. - a quadruplé en 25 ans. Ceux qu’ACDC nomme les »chômeurs invisibles » représentent aujourd’hui 2,3 millions de personnes, soit plus de la moitié de l’ensemble des demandeurs d’emplois (4,4 millions).

Cet écart entre statistiques officielles et réalités du chômage est dénoncé crescendo à mesure qu’approchent les échéances électorales, période où la courbe du chômage devient faiseuse de rois.

Le ministre de l’Emploi Jean-Louis Borloo a rejeté les accusations du collectif jeudi en soulignant que les »règles de comptabilisation sont les mêmes depuis 1995, ce sont celles du BIT ». »Nous avons un thermomètre dont nous communiquons tous les éléments tous les mois de manière transparente. Ce qui compte, c’est l’évolution de ce thermomètre ; or la baisse du chômage de 15% en 18 mois concerne toutes les catégories de chômeurs », a-t-il ajouté.

la direction de l’ANPE a également souligné que »la baisse du chômage concernait actuellement l’ensemble des catégories » et mis en avant sa mission »emploi-quartier » de novembre 2005 qui a incité des jeunes à s’inscrire.

Néanmoins, en mars 2006, une conseillère ANPE, Fabienne Brutus, avait dénoncé l’ »épuration statistique » des chômeurs pratiquée par la direction de l’agence, dans »Chômage, des secrets bien gardés », un livre brulôt qui avait fait sensation. La conseillère y exposait des consignes données pour pratiquer un »+nettoyage+ » des fichiers, notamment celle de »mettre toutes les femmes de ménage en catégorie 3 » (personnes cherchant un CDD).

Membre du collectif ACDC, Philippe Sabater (syndicat Snu ANPE) fustige pour sa part le questionnaire que les conseillers de l’ANPE soumettent aux chômeurs.

 »Le conseiller doit demander au chômeur s’il serait prêt à accepter un emploi CDD ou à temps partiel », explique M. Sabater. »Si le chômeur répond oui, le conseiller peut cocher la case +catégorie 2+ (demandeur d’emploi à temps partiel) ou +catégorie 3+ (emploi temporaire) : Et hop ! le chômeur disparaît de la statistique officielle... ».

Autre pratique : le »peignage de fichiers ». »On relève sur listing informatique les chômeurs inscrits en catégorie 1 qui travaillent à temps partiel, pour les faire basculer en catégorie 2 », décrit-il. »On considère que le demandeur d’emploi qui occupe un temps partiel recherche forcément un travail à temps partiel », précise M. Sabater.

Alexandra Rolland, une Nîmoise de 39 ans au chômage depuis près de deux ans signatrice du blog »journaldunchomeur.midiblogs.com », affirme pour sa part que l’ANPE propose parfois des »stages ou contrats interim de deux-trois jours, voire de quatre heures, en fin de mois », afin de dégonfler les statistiques.


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