Jacques Prévert, poète anti-conformiste et révolutionnaire

jeudi 20 avril 2023.
 

Jacques Prévert : poèmes inoubliables... 10) Les feuilles mortes - 9) Le cancre - 8) Vive la grève - 7) Le temps perdu - 6) Les clefs de la ville - 5) L’avènement d’Hitler - 4) PATER NOSTER - 3) Inventaire - 2) Etranges étrangers - 1) Chasse à l’enfant

A) Le 11 avril 2007, Jacques Prévert s’en allait suivre les escargots...

Le 11 avril 2007, Jacques Prévert s’en allait suivre les escargots, ceux qui vont à l’enterrement d’une feuille morte. Il dort au creux d’un vallon normand, face à la mer, au bout de la Hague, à Omonville. La maison se visite, son bureau est intact, le jardin est un bonheur. Si vous passez un jour par là-bas, pas bien loin de Cherbourg, faîtes le détour, ça vaut le coup. Juste à côté, dans le petit cimetière, Alexandre Trauner, le magicien des ombres et des lumières, celui qui donna vie aux films de Carné, et aux autres. Une compagnie de doux rêveurs. (Brigitte Blang http://prs57.over-blog.com/)

B) Parole, Jacques Prévert était «  celui qui rouge de cœur  »

par Carole Aurouet Universitaire

Le 11 avril 1977, meurt le poète révolutionnaire. Né en 1900, l’anticonformiste créateur lègue des textes populaires et sonores repris par tous les genres artistiques (théâtre, cinéma, chanson, etc.) et dans toutes les langues.

Jacques Prévert est un braconnier révolutionnaire. Révolté et corrosif, il a bousculé l’ordre établi avec une lucidité cruelle et sensible, créant des œuvres qui exaltent la vie, l’amour et la liberté, contre la religion, la guerre, la famille bourgeoise et le capitalisme. Toute sa vie, il s’est comporté en poète. Au sens étymologique du terme, soit action de faire et création. Au sens aussi où Apollinaire l’entendait  : «  Celui qui découvre de nouvelles joies, fussent-elles pénibles à supporter  », ajoutant que l’«  on peut être poète dans tous les domaines  : il suffit que l’on soit aventureux et que l’on aille à la découverte  ».

Né en 1900, Prévert vit une enfance bercée par l’amour de ses parents et ponctuée par les aléas financiers familiaux qui l’exposent aux dures réalités de la vie. L’enfant n’est pas mauvais élève mais il pratique l’école buissonnière, faisant ainsi ses humanités dans la rue. Durant son service militaire, il rencontre Marcel Duhamel – futur créateur de la collection «  Série noire  », titre d’ailleurs soufflé par Prévert – et le peintre Yves Tanguy. De retour à Paris, ils habitent 54, rue du Château et participent dès 1924 au surréalisme, dont Prévert s’exclut en 1930 en signant le pamphlet contre André Breton, «  Mort d’un Monsieur  » dans Un cadavre. La question de l’engagement politique se pose à lui avec l’adhésion des surréalistes au PCF en 1926. Prévert confie que s’il était «  révolutionnaire à 7 ans  », il a «  toujours été incapable d’ouvrir un livre de Marx  », car cela l’«  emmerde  ». Et d’ajouter  : «  Il serait pour moi facile d’adhérer au Parti communiste mais je crois que cela n’aurait aucun sens.  » Il n’a jamais pris la carte d’un parti mais il est toujours resté clair sur son positionnement  : «  J’aime mieux la gauche, c’est la main de l’ouvrier, c’est celle qui peut le plus, même s’il n’est pas gaucher.  »

Les paroles de Prévert fredonnées dans le monde entier

À partir de 1932, Prévert écrit pour le groupe Octobre. Dans les usines en grève comme dans la rue, cette troupe de la Fédération du théâtre ouvrier traite de l’actualité. C’est le théâtre de l’agit-prop. À Moscou en 1933, le groupe participe à l’Olympiade internationale du Théâtre révolutionnaire avec une pièce de Prévert, opposé à la guerre, la Bataille de Fontenoy. En 1936, l’auteur écrit le Tableau des merveilles, texte mis en scène par Jean-Louis Barrault. Ses écrits, Prévert les donne à ses proches ou les publie parfois dans des revues. René Bertelé décide de les réunir et de les éditer  : Paroles paraît en 1946 et rencontre un succès fulgurant. Le recueil est détonnant  : antimilitariste et anticlérical, il aborde les thèmes du quotidien et rompt avec les règles de versification classique, rendant hommage au langage populaire et révolutionnant la poésie. Suivront Spectacle (1951), la Pluie et le Beau Temps (1955), Choses et autres (1972)…

Prévert écrit également pour le cinéma, qu’il considère comme un art populaire et anticonformiste. Réalisés par Marcel Carné (le Quai des brumes, les Enfants du paradis…), ses scénarios le sont aussi par son frère Pierre (L’affaire est dans le sac, Voyage surprise…), Jean Renoir (le Crime de monsieur Lange), Jean Grémillon (Remorques, Lumière d’été), Claude Autant-Lara (Ciboulette), André Cayatte (les Amants de Vérone), Paul Grimault (le Roi et l’Oiseau…), Jean Delannoy (Notre-Dame de Paris)… Pour créer, Prévert s’entoure d’amis  : Arletty, Maurice Baquet, Pierre Brasseur ou Jean Gabin, à qui il écrit des rôles, Joseph Kosma à la musique, Mayo aux costumes, Alexandre Trauner au décor.

Théâtre, littérature, cinéma… et chanson  ! Les textes de Prévert sont mis en musique par Christiane Verger, Wal-Berg, Kosma… Femmes et hommes les chantent  : Agnès Capri, Marianne Oswald, Juliette Gréco, Yves Montand, Marcel Mouloudji, Serge Reggiani… Des Feuilles mortes aux Enfants qui s’aiment, en passant par Barbara, les paroles de Prévert s’envolent pour être fredonnées sur les lèvres du monde entier. Abolissant toute notion de genre, Prévert s’illustre aussi par l’image. Outre ses collaborations avec les photographes (Doisneau, Brassaï, Izis…) et les peintres (Picasso, Miró, Braque…), il confectionne des collages qui déstructurent le réel pour recomposer une image hybride pertinente. Il les associe à ses textes de façon novatrice dans Fatras (1966) et Imaginaires (1970). Quittant son appartement surplombant le Moulin-Rouge (où Boris Vian fut son voisin), Prévert rejoint son ami Trauner à Omonville-la-Petite, petit bout du monde normand où les volutes de fumée des cigarettes l’emportent le 11 avril 1977. Il repose désormais dans le cimetière du village, non loin du jardin dans lequel ses amis lui ont rendu hommage  : Barrault a planté une azalée, Mouloudji un eucalyptus, Arletty du lierre, Montand des pins, Doisneau un tilleul, Carné une euphorbe rouge, Gréco un rhododendron rouge… pour «  celui qui rouge de cœur  », comme le qualifiait André Breton.

Critique de la presse aux ordres

La liberté de la presse est l’objet d’une vigilance constante de la part de Jacques Prévert. En 1932, écrite pour le groupe Octobre, sa pièce Vive la presse attaque avec véhémence la presse, accusée de mensonges et de servilité, manipulée par ceux qui ont le pouvoir et l’argent. Le protagoniste principal est le Capitaliste. Les autres personnages sont des journaux de l’époque, en l’occurrence l’Ami du peuple, la Croix, l’Œuvre, le Matin et le Temps. Prévert endosse le rôle de l’Ami du peuple. Un général commande le silence dans les rangs afin que le Capitaliste puisse faire l’appel des journaux… En 1937, prévu pour Jean Grémillon, son scénario non tourné le Grand Matinal propose une satire du journalisme qui met en avant des réseaux qui corrompent les informations pour manipuler l’opinion.


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