31 août 1871 : Adolphe Thiers, le massacreur du peuple, élu premier président de la 3ème République bourgeoise de France

mercredi 30 octobre 2024.
 

A) Adolphe Thiers, homme de la caste riche dominante

Né en 1797, il symbolise bien les personnalités politiques du milieu "libéral" :

- essentiellement attachées à leur réussite personnelle par tous les moyens. Elevé en Provence (Marseille, Aix) durant son enfance, il rejoint Paris en 1821. Là, pour réussir, il fréquente à la fois le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, un député d’extrême gauche (Manuel), un banquier (Jacques Lafitte)... Honoré de Balzac a parfaitement dégagé son portrait « Mr THIERS est une girouette qui malgré son incessante mobilité reste sur le même bâtiment… Mr THIERS a toujours voulu la même chose, il n’a jamais eu une seule pensée, un seul système, un seul but. Tous ses efforts y ont constamment tendu : il a toujours songé à Mr THIERS. ( Chronique de Paris, 12 mai 1836) »

- capables d’intelligence et de bonnes manières mais fondamentalement assassins si le peuple demande à manger à sa faim. Adolphe Thiers fait partie des grands salauds de l’histoire humaine.

A1) Jusqu’en 1830, un ambitieux, traître à toutes les causes

Il serait vain de chercher quelles étaient les idées politiques profondes d’Adolphe Thiers, à cette époque.

- > Il s’agit surtout d’un ambitieux qu’ Honoré de Balzac dépeint magnifiquement dans ses romans sous le nom de Rastignac

- > Il n’est étouffé par aucun scrupule, jouant aussi bien l’ami empressé auprès de Béranger ou du député de gauche Manuel que du banquier Lafitte, CHATEAUBRIAND : « je reconnais dans Mr THIERS, un esprit souple, prompt, malléable, comprenant tout, hormis la grandeur..., ce qui ne l’empêcherait pas de nous faire étrangler le cas échéant ».

- > Il se drape dans les plis de l’ordre moral bourgeois du 19ème pour faire tirer sur les ouvriers en lutte mais fournit le "sérail des dames" lors de fêtes organisées entre amis

- > Adhérent de la Charbonnerie (franc-maçonnerie) qui lui apporte des relations, il se fait bien voir par son travail d’historien de la Révolution et de l’Empire. Cet ouvrage lui rapporte 500000 francs quant un ouvrier en gagne six dans l’année.

- > Son attachement au milieu possédant (à la royauté même) et sa haine du peuple s’expliquent partiellement par ses origines familiales. Son père descendait d’un intendant royal, d’un conseiller à la Cour des Comptes, d’un inspecteur des monnaies. En 1734, son grand-père Louis Charles THIERS était avocat à la Cour du Parlement de Provence ; il possède un navire de commerce, armé de 4 canons et dont les dépenses d’ armement pour un voyage en Martinique s’élèvent à 5 000 livres, sans compter la valeur de la cargaison environ 20 000 livres. Son patrimoine immobilier comporte 3 maisons bourgeoises à Marseille, une propriété de campagne à Château Gombert.

La Révolution française casse l’ascension sociale des Thiers comme de la famille de sa mère (les Amic, grands négociants). Le grand-père Louis-Charles perd sa fonction d’"archivaire" de la ville de Marseille (secrétaire général des services aujourd’hui) et voit ses biens confisqués pour cause d’émigration.

A2) Après 1830

Dès 1927, Adolphe Thiers devient l’amant de Sophie Dosne, épouse du propriétaire des mines d’Anzin et autres investissements fructueux qui se montre fort conciliant. Grâce au patrimoine immobilier et aux revenus d’Alexis Dosne (mari de Sophie), Thiers peut se présenter en 1830, être élu député et gravir les marches du pouvoir.

Il devient donc un "bon parti" pour une fille du grand patronat de l’époque et les Dosne donnent en mariage à Adolphe Thiers leur fille Elise âgée alors de 15 ans.

En fait, Adolphe devient le mari attitré de la fille aînée ainsi que l’amant de la mère et de la soeur cadette Félicie. Un chansonnier en tire les vers suivants :

- « Je n’ai ni Montespan, ni Fontanges, La Vallière, ni Maintenon

Mais j’ai Madame Thiers, un ange Et Félicie un joli nom »

(Bertrand Meyer-Stabley, Les dames de l’Élysée - Celles d’hier et de demain, Librairie Académique Perrin, Paris)

Pour nous en tenir à l’essentiel, notons que l’établissement de liens personnels avec la Société Dosne fait de Thiers un assassin libéral type au service des grands capitalistes.

A3) Que lui importe les critiques

Les nombreux surnoms d’Alphonse Thiers révèlent le peu de considération dont il bénéficiait auprès de ses contemporains : Foutriquet, infâme vieillard, nain grotesque, Tamerlan, croque-mort de la nation, crapaud venimeux, Adolphe le petit, vieux pandour, bandit sinistre, général boum... La palme du surnom revient à Flaubert qui le traita d’étroniforme.

B) Adolphe Thiers, l’assassin libéral type

Dès 1831, il organise la répression contre les canuts de Lyon qui essaient de se faire entendre pour donner du pain à leurs enfants. Sa phrase célèbre contre tout mouvement social signe son inhumanité fondamentale « il vaut mieux l’arme blanche que l’arme à feu ». Pourquoi pas l’arme à feu ? pour éviter une condamnation de l’utilisation collective de l’armée.

Dès 1832, il devient ministre de l’intérieur du roi Louis-Philippe. A ce poste, il doit gérer les obsèques du général Lamarque. Il fait preuve d’une absence totale de scrupules dans la répression que Victor Hugo décrit parfaitement dans Les Misérables.

5 juin 1832 : Funérailles du général Lamarque. Une insurrection républicaine et révolutionnaire

En 1834, toujours ministre de l’intérieur, il fait exterminer par l’armée les canuts lyonnais qui ont pourtant fait preuve d’une grande discipline et d’un grand respect des propriétés. Il procède de même partout en France dont le massacre de la rue Transnonain à Paris.

Le mouvement ouvrier et républicain de 1830 à 1834

En 1848, il joue à nouveau sa partition d’homme d’ordre attaché à la bourgeoisie d’affaires.

Elu par les députés le 17 février 1871 « chef du pouvoir exécutif de la République française » (à la fois chef de l’État et du gouvernement), c’est lui qui prend la décision de faire massacrer le peuple parisien qui a résisté à l’armée prussienne pendant que lui négociait une reddition. On ne pourra pas passer en pertes et profits les cadavres humiliés par les bourgeoises en goguette, les photos de cercueils ouverts, comme à la foire, les déportés et les proscrits, les enfants arrêtés, les femmes fusillées, souvent après d’expéditifs procès, les prisonniers de Brest et de Cherbourg arrimés à des pontons, on ne pourra pas non plus oublier Louise Michel. On n’oubliera pas les chiffres, les chiffres terribles qui parlent tout seuls, implacables constats de la barbarie de droit : 30 à 50 000 fusillés pendant la « Semaine Sanglante » qui s’achève le 28 mai, 40 000 prisonniers, 4000 déportés dont la plupart ne reviendront pas, des chiffres beaucoup plus impressionnants que ceux de la Terreur de 1793 (3000 exécutions), qui pourtant passe toujours dans les manuels d’Histoire comme l’exemple de la vengeance aveugle.

C) Le contexte de 1870 1871

A l’aube de la 3ème république, les conservateurs (bourgeois "républicains d’ordre", royalistes absolutistes, royalistes constitutionnels et bonapartistes) s’unissent pour écraser les républicains progressistes et le mouvement ouvrier

Le Second empire s’est effondré durant la guerre franco-allemande de 1870. Napoléon 3 capitule avec son armée et part prisonnier en Allemagne.

Le 4 septembre 1870, la République est proclamée pour la troisième fois en France (1792, 1848, 1870).

Depuis les défaites des armées de Napoléon III, la gauche se bat pour la poursuite de la guerre et pour la république. Gambetta, son principal dirigeant, quitte Paris assiégé, en ballon dirigeable, pour constituer à Tours un gouvernement délégué crédible, capable de gagner la guerre à partir de la province ; ministre de la guerre et de l’intérieur, il se dépense sans compter pour constituer les armées de secours et réorganiser l’administration.

Deux faits vont rendre cette stratégie difficile :

- l’armée de Metz (150000hommes) commandée par Bazaine capitule le 30 octobre alors qu’elle aurait pu tenir plus longtemps vu la levée des nouvelles troupes

- La droite pense surtout à maintenir l’ordre social aux dépens du peuple, quitte à passer des compromis avec la Prusse.

Le 26 janvier 1871 Jules Favre signe l’armistice avec l’Empire allemand au nom du Gouvernement de la Défense nationale. Celui-ci prévoit l’élection d’une assemblée nationale pour ratifier un traité de paix.

De fait les Jules (Jules Simon, Jules Favre), politiciens bourgeois classiques, utilisent le contexte d’occupation allemande pour faire élire une majorité de députés opposés à la gauche républicaine.

Depuis plusieurs mois, Léon Gambetta a réorganisé l’administration des départements autour de républicains. Sur sa proposition, le Gouvernement de la Défense nationale décrète l’interdiction de se présenter aux législatives pour les personnalités ayant collaboré à la politique du Second Empire et pour les membres des familles ayant régné sur la France.

Jules Simon annule le décret de façon à faire élire un maximum de conservateurs (y compris bonapartistes et royalistes). De plus :

* la campagne électorale est prévue sur 10 jours seulement pour donner plus de chances aux personnalités déjà connues des régimes précédents.

* dans les 43 départements occupés par l’armée allemande, les réunions sont interdites.

Gambetta démissionne du gouvernement le 6 février.

D) Adolphe Thiers président de la 3ème République

Durant la campagne électorale, la gauche se bat pour la poursuite de la guerre et pour la république. La droite (libéraux, monarchistes) profite de la défaite militaire pour en appeler à un régime autoritaire et une "paix honorable", comme en 1940. Bénéficiant de l’appui décisif en milieu rural de l’Eglise, elle gagne les élections législatives du 8 février 1871. 400 députés sur 645 affichent des convictions royalistes (182 légitimistes et 214 orléanistes) contre seulement 250 républicains (dont quelques socialistes).

Le deux premiers problèmes à régler par cette majorité très conservatrice sont :

- les négociations de paix avec l’Allemagne, en particulier sur le montant des indemnités à payer par la France vaincue

- la mise au pas de Paris puis la répression de La Commune

Les royalistes préfèrent laisser des "républicains" négocier avec le Kaiser pour ne pas renouveler le mauvais effet de 1815 ( la royauté revient dans les fourgons de l’étranger vainqueur). Ils préfèrent aussi laisser des "républicains" assumer l’écrasement sanglant des Parisiens.

Ainsi, le 16 février 1871, Jules Grévy est élu président de la Chambre des députés.

Ainsi, le lendemain, Adolphe Thiers, ancien ministre de l’Intérieur de Louis-Philippe, est nommé Chef du pouvoir Exécutif de la République française à la quasi unanimité.

Le 10 mars 1871, Thiers et les royalistes passent un pacte par lequel le premier s’engage à ne préparer aucune solution institutionnelle sans les seconds majoritaires à l’Assemblée.

Adolphe Thiers représente le plus petit dénominateur commun des "centres" bourgeois, conservateurs et royalistes modérés comme ancien chef du gouvernement sous le roi Louis-Philippe, ancien républicain du "parti de l’ordre" durant la Seconde république, ancien soutien de Louis Napoléon Bonaparte en 1851. Le 17 février 1871, il est élu "chef du pouvoir exécutif de la république française".

A ce titre, Thiers et l’Assemblée royaliste organisent la provocation systématique des Parisiens par le défilé de l’armée prussienne dans la capitale, par le déplacement de l’Assemblée à Versailles, par l’obligation de régler immédiatement les dettes des mois du siège de Paris où toute activité économique avait cessé (150000 personnes sont jetées dans la misère), par la suppression de la solde quotidienne des membres de la Garde nationale, par l’essai de prendre les 227 canons payés par souscription durant le siège face à l’armée allemande...

Les Parisiens se mobilisent ; Thiers refuse toute négociation car il veut profiter d’une répression sanglante pour en finir avec le mouvement ouvrier, pour éliminer définitivement les partisans de la République sociale et du socialisme. Il nomme le royaliste Mac Mahon à la tête des troupes chargées de prendre Paris et réussit un massacre parfait (25000 exécutions).

Après une telle réussite face au peuple et à la gauche républicaine, Thiers apparaît comme l’homme de la situation. Le 31 août 1871, il devient donc Président de la République, même si la majorité de l’Assemblée limite ses pouvoirs (loi Rivet : droit de révocation par l’Assemblée...) pour laisser ouverte la possibilité d’une restauration monarchique.

E) Les royalistes tentent de restaurer la monarchie

Une fois la paix négociée avec l’Allemagne et La Commune écrasée, les royalistes ont les mains libres pour placer à nouveau un souverain sur le "trône de France".

Comme futur roi, la majorité des parlementaires soutient alors Henri de Bourbon, comte de Chambord, petit-fils de Charles X, adoubé par l’Eglise. Mais celui-ci s’avère plus intransigeant, plus passéiste et plus bête qu’ambitieux. Il rêve de rétablir une royauté de droit divin. Dans un manifeste, il daigne accepter le trône à condition que la France abandonne le drapeau tricolore. Les bonapartistes, les républicains conservateurs, une bonne partie de l’armée et de l’administration savent bien qu’une telle décision permettrait à l’extrême gauche républicaine de trouver un soutien populaire considérable.

Aussi, déroutés par les prétentions et fautes politiques du comte de Chambord, les députés légitimistes cléricaux perdent momentanément l’initiative au profit du centre droit (royalistes orléanistes) et du centre gauche (républicains conservateurs).

F) La République de la grande bourgeoisie financière, des orléanistes, des réactionnaires, de la caste politicienne des "républicains d’ordre"

Tous les historiens s’accordent sur le poids déterminant des hommes d’affaire (banquiers, industriels...) dans le groupe parlementaire d’Adolphe Thiers. Il ne s’agit pas de républicains ; "ce sont avant tout de grands bourgeois ralliés par réalisme à une république qui assure la stabilité nécessaire à la bonne marche des affaires" (Jean Garrigues L’Histoire n° 185)

Les hommes d’affaire ont également beaucoup d’importance parmi les royalistes orléanistes, comme cela avait déjà été le cas sous Louis-Philippe de 1830 à 1848.

Cette majorité des débuts de la 3ème République est bouffie d’une outrancière détermination réactionnaire qui la conduit :

* au génocide de la gauche républicaine et populaire de Paris lors de la Commune

* à la convocation infamante de Gambetta devant une commission d’enquête parlementaire pour son action durant la guerre

* à l’invalidation de l’élection de Garibaldi.

* à empêcher Victor Hugo de continuer son discours pour défendre celui-ci le 8 mars 1871. Le vieux poète, mal traité par cette bande de hyènes sans scrupule, signe aussitôt sa démission.

Parmi les "républicains d’ordre" de ce "centre gauche" notons enfin l’importance des hommes de loi et des propriétaires fonciers, origine sociale fréquente dans la caste politicienne du 19ème siècle, s’acclimatant de tous les régimes pourvu qu’ils protègent leurs rentes et leur pouvoir symbolique.

Jacques Serieys

Sitographie :

http://paristimes.net/fr_culture/20...


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