La troisième République réhabilitée

mercredi 24 novembre 2010.
 

La République imaginée, 1870-1914,

de Vincent Duclert. Éditions Belin,

2010, 864 pages, 42 euros (1).

Aborder l’histoire de la troisième République dans sa période la plus faste, celle qui va de ses débuts à la guerre de 1914, est un défi majeur tant on a écrit d’ouvrages sur les aspects si divers de cette période. Vincent Duclert, le savant historien de l’Affaire Dreyfus, l’a relevé avec brio et l’on doit saluer d’abord la richesse considérable de ce volume qui s’appuie, avec modestie d’ailleurs, sur les travaux de nombreux chercheurs, qu’ils aient traité de la vie politique, intellectuelle et artistique, des mœurs, de l’Empire français, etc. Nous n’avons pas là cependant une simple synthèse, même brillante, des travaux sur la période car le livre est sous-tendu par un projet précis, montrer comment, à partir de 1870, commence « un âge politique qui dure encore », celui où l’idée républicaine devient « une pensée collective pour une démocratie moderne ».

Le régime républicain a doté la société française d’une identité démocratique et la troisième République est le régime qui a transformé le lien politique en lien social. C’est donc « à l’horizon de la politique » que l’auteur a envisagé l’histoire de cette période et il faut donner son sens fort au titre de l’ouvrage, la République imaginée. L’ouvrage s’inscrit ainsi dans un courant à présent dominant qui réhabilite la IIIe République comme un régime à la fois démocratique et libéral, et dont on met en valeur désormais plutôt les mérites que les manques. Les incomplétudes de la démocratie républicaine sont cependant soulignées, comme la subordination politique et civile des femmes, la faible intégration du monde du travail et une politique coloniale d’une dureté sans complexe.

Vincent Duclert retrace les principaux moments de la période et attribue à l’Affaire Dreyfus une place considérable (130 pages avec ses prolongements) dans le ressourcement et le triomphe final de cette « république imaginée ». Il met en lumière aussi les dangers qui la guettent, en particulier le nationalisme et un certain essoufflement de la politique républicaine en fin de période, dangers en partie occultés par une vie intellectuelle extrêmement brillante. Comme dans les autres volumes de cette collection, une dernière partie, intitulée l’Atelier de l’historien, est ici consacrée surtout à l’historiographie tant française qu’étrangère de ce moment historique.

De nombreux textes émanant des principaux leaders républicains, de Gambetta à Jaurès, des cartes électorales ou autres, de belles illustrations originales et bien commentées rendent la lecture du volume plus attrayante. Quelques réserves  ? Il nous a semblé que la présentation de la société française pendant cette période était bien rapide et que la diversité des régions françaises était par trop absente. Il n’en reste pas moins que ce livre prend place désormais à un très bon rang dans la série des ouvrages qui ont retracé l’histoire de cette première phase de la troisième République.

(1) L’ouvrage constitue le tome XI de l’Histoire de France 
sous la direction de Joël Cornette.

Histoire

Raymond Huard, historien


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