Le néonazi à la tête du GUD est employé par Vincent Bolloré

samedi 10 août 2024.
 

Icône de l’extrême droite la plus radicale, Marc de Cacqueray-Valménier assure, selon le média La Lettre, la sécurité d’une île bretonne, propriété du milliardaire d’extrême droite.

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Après des études supérieures (hypokhâgne, khâgne, école de commerce dont il est sorti en 2021 diplômé en management et ressources humaines), Marc de Cacqueray-Valménier est « sans profession » et n’a « aucune ressource », comme il l’affirme aux policiers qui l’interrogent en garde à vue. Il est un peu plus de 15 heures ce 15 décembre 2022, et l’année s’achève sous de mauvais auspices pour le jeune homme alors âgé de 24 ans.

Cacqueray-Valménier est soupçonné d’être l’organisateur d’un rassemblement d’une quarantaine de néonazis qui s’étaient donné rendez-vous pour passer à tabac les supporteurs marocains après la défaite des Lions de l’Atlas face à la France en demi-finale de la Coupe du monde de football.

Plus tard, le tribunal correctionnel prononcera la nullité « de toute la procédure », il est donc présumé innocent même si le parquet a fait appel.

Mais, pour l’heure, cet énième déboire de la nouvelle icône de l’extrême droite la plus radicale ne fait pas ses affaires, lui qui peine à retrouver du travail en raison de ses engagements militants et de sa mise en cause dans plusieurs dossiers de violences. « En ressources humaines, quand on recrute, on va sur Google et ça ne pardonne pas », expliquera-t-il à la juge d’instruction.

Pourtant, malgré la nouvelle tempête médiatique suscitée par son interpellation, le jeune néonazi a trouvé un emploi quelques semaines plus tard. En effet, selon une enquête de La Lettre, Marc de Cacqueray-Valménier est employé depuis janvier 2023 dans l’équipe de gardiennage d’une île de l’archipel des Glénan, en Bretagne. L’île en question, privée, appartient à… Vincent Bolloré.

Le chef du Groupe union défense (GUD), ce groupuscule violent dissous par l’État en juin, a discrètement été recruté, révèle La Lettre, dans l’équipe de gardiens chargée de la surveillance de l’île du Loc’h, au large de de Concarneau, dans le Finistère.

Sollicité par l’intermédiaire d’un de ses avocats, Me Clément Diakonoff, Marc de Cacqueray n’a pas répondu à nos questions. Vincent Bolloré, contacté par le biais d’un de ses communicants, non plus.

Toujours selon La Lettre, quatre agents de sécurité veillent toute l’année sur l’île où le milliardaire aime à se retirer, travaillant en binôme par cycles de quinze jours suivis de deux semaines de repos. Ces gardes marins effectuent des rondes mais aussi des tâches d’entretien et d’approvisionnement.

Une activité en plein air qui semble convenir au jeune homme, à en croire la photo qui illustre le profil Instagram de « Marc Hassin » (son pseudo). On l’y voit, tous muscles saillants, sur une embarcation voguant au milieu des Glénan.

L’appel du large doit le changer de l’air, que l’on pourrait qualifier de rance, de la chambre qu’il occupe dans la maison familiale de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Comme Mediapart l’avait raconté, Marc de Cacqueray a fait encadrer la photo d’un soldat de la Wehrmacht et l’a posée dans la bibliothèque de sa chambre. À côté du cadre, Mondes juifs, l’envers et l’endroit, du chercheur Alain Médam, le manifeste Dictateur et Roi de l’écrivain d’extrême droite et antisémite Charles Maurras, La Dernière Année de Vichy de l’historien André Brissaud et, sur son bureau, un livre dédicacé à son nom, Ordre nouveau 1969-1973, raconté par ses militants, sur le mouvement à l’origine du Front national.

Adorateur du collaborateur Robert Brasillach – à qui il rend hommage devant sa tombe, à Paris, chaque 6 février (le jour où l’écrivain a été fusillé) –, Marc de Cacqueray-Valménier a ressuscité le GUD Paris après la dissolution du groupuscule Les Zouaves, qu’il avait fondé et conduit à quelques actions qui se sont terminées au tribunal ou, à tout le moins, à la une des médias. Que ce soit l’attaque, en juin 2020, du bar antifasciste parisien Le Saint-Sauveur ou l’agression de militants de SOS Racisme à laquelle il est accusé d’avoir pris part au meeting d’Éric Zemmour à Villepinte (Seine-Saint-Denis) en décembre 2021 (l’affaire n’a pas encore été jugée, Marc de Cacqueray-Valménier est donc présumé innocent).

À l’automne 2020, il s’affiche sur Instagram vêtu d’un treillis, une kalachnikov à la main, un patch de totenkopf (l’emblème d’une division de la Waffen-SS notamment affectée à la garde des camps de concentration et d’extermination nazis) sur le torse.

Une passion pour les écrivains collabos

À sa tête, le GUD « exalte le souvenir de la collaboration avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale », selon les mots du décret de dissolution du groupuscule rendu le 26 juin dernier.

Pour preuve de la « proximité idéologique avec le régime de Vichy », le décret évoque ce tweet du compte « GUD Paris » en hommage à Pierre-Antoine Cousteau, rédacteur en chef en 1943 de l’hebdomadaire antisémite Je suis partout, condamné aux travaux forcés pour ses activités sous l’occupation. Il y est présenté comme un « défenseur farouche de la paix entre les nations européennes [qui] connut les prisons de la République ». Un autre message cite Marc Augier, alias « Saint-Loup », écrivain français collaborateur engagé dans la Waffen-SS et condamné à mort par contumace en octobre 1948.

Le décret de dissolution considère également que le GUD Paris promeut « une idéologie antisémite à travers ses références au nazisme et au fascisme ou [à travers] l’usage et la diffusion de symboles nazis ». Enfin, le décret de dissolution rappelle que le GUD Paris présente Israël comme un ennemi du christianisme, a également fait la promotion à diverses reprises du Hezbollah et, le 7 octobre 2023, quelques heures après les attentats du Hamas contre Israël, a publié le message suivant : « ni kippa, ni kippa »…

Ses convictions néonazies, Marc de Cacqueray-Valménier les affiche même sur son corps. Des photos récentes des entraînements aux sports de combat organisés par le GUD Paris laissent entrevoir certains de ses tatouages. Sur sa jambe, une totenkopf et une référence à la devise de la SS, comme relevé par StreetPress. Sur ses deux coudes, une croix celtique et un soleil noir, symbole populaire dans les mouvances néonazies aux accents de mysticisme et d’ésotérisme, qui figurait sur la couverture du manifeste de Brenton Tarrant, le terroriste australien auteur de la tuerie qui a fait 51 morts dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande.

Que ce soit dans les médias, sur internet ou sur son corps, le caractère néonazi du jeune homme, aujourd’hui âgé de 25 ans, est facilement accessible à tout à chacun. Mais cela ne suffit vraisemblablement pas à Vincent Bolloré pour s’opposer à son embauche.

Toujours selon La Lettre, le milliardaire breton fait confiance, depuis 2013 au moins, à une société liée à la « GUD Connection » pour protéger son île du Loc’h : Checkport. Ce serait cette entreprise qui emploierait Caqueray. Derrière ce groupe de sécurité privée, on retrouve la famille Loustau. L’entreprise est dirigée par Philippe Loustau, candidat FN aux cantonales de 2004 dans les Bouches-du-Rhône, et surtout frère d’Axel Loustau.

Cet ex-pilier du GUD est un proche de Marine Le Pen, longtemps trésorier de son microparti Jeanne, et prestataire historique pour la communication du parti d’extrême droite. Il n’a plus de parts dans l’entreprise depuis 2008, mais il officie lui aussi dans la sécurité privée. Contacté par e-mail, Axel Loustau n’a pas répondu à nos questions. Son avocat n’a pas pu être joint.

Quoi qu’il en soit, le recrutement du néonazi le plus célèbre de France fait tache pour Vincent Bolloré, toujours prompt à brandir l’engagement de sa famille dans la Résistance.

Matthieu Suc


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