A Feurs, dans la Loire, un hôpital public part à la découpe, le privé ramasse les morceaux

samedi 29 avril 2023.
 

Les urgences de Feurs ferment : officiellement, elles ne peuvent plus fonctionner en raison du refus de travailler des intérimaires. C’est en réalité un long démantèlement de l’hôpital public. Sur ces ruines, le privé prospère. La création d’urgences privées est même évoquée.

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2) Loire : 2000 manifestants contre la fermeture des urgences de Feurs

BFM

Les habitants de cette ville de 8000 habitants se sont mobilisés contre la fermeture du service des urgences de l’hôpital local début avril.

Quelque 2000 personnes, selon la gendarmerie, ont de nouveau manifesté ce samedi après-midi à Feurs (Loire) contre la fermeture du service des urgences de l’hôpital de cette ville début avril.

Cette mobilisation exceptionnelle pour une ville d’environ 8000 habitants constitue "un excellent résultat pour le camp de ceux qui veulent le maintien de ce service d’urgences", a déclaré le Dr Olivier Nicolas, président le Comité de défense et de soutien du Centre hospitalier du Forez à Feurs, qui a organisé plusieurs manifestations depuis un mois.

Appel à François Braun

A l’issue de cette nouvelle mobilisation, qui a duré près de trois heures selon la gendarmerie, le praticien a expliqué que "la sécurité sanitaire de tout un territoire commande la réouverture dans les plus brefs délais du service des urgences", de la ville.

Olivier Nicolas a également invité les élus du territoire à demander une réunion avec le ministre de la Santé François Braun. De son côté, Marianne Darfeuille, maire de Feurs, a exigé cette semaine dans un communiqué la réouverture des urgences dans sa ville "dès lors que l’effectif d’urgentistes sera reconstitué".

1) A Feurs, dans la Loire, un hôpital public part à la découpe, le privé ramasse les morceaux

Deuxième essai pour le gouvernement, qui tente d’encadrer les tarifs galopants de l’intérim médical à l’hôpital public en appliquant la loi Rist votée en 2021, mais suspendue en raison du trop grand nombre de services en grande difficulté. Depuis le 3 avril s’impose un plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires à 1 390 euros brut la garde de 24 heures de travail.

Le Syndicat national des médecins remplaçants a appelé ses membres à ne pas travailler pour protester, et recense une quarantaine d’hôpitaux touchés par des fermetures de lits, voire de services, la plupart du temps quelques jours, ou seulement la nuit pour des services d’urgence. La plupart des hôpitaux touchés sont de petite taille et dans des départements ruraux.

En Dordogne, la maternité de Sarlat est fermée depuis la fin du mois de mars. Le directeur général de l’Agence régionale de santé s’est déplacé pour assurer à la population qu’il prendrait « toutes les décisions qui favoriseront la maternité » et qu’elle rouvrirait. Pour cet établissement, le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) a même décidé de passer outre le plafonnement, au motif, rendu possible par un décret, « de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice pour une activité nécessaire à l’offre de soins sur le territoire ».

Les autorités de santé se livrent ainsi à un bras de fer avec les médecins intérimaires, comptant sur leur retour au travail au tarif plafonné. « Sommes-nous des saletés de mercenaires… ou les sauveurs de l’hôpital public ? » L’urgentiste Jacques Devaux s’interroge tout haut : il travaille à mi-temps comme praticien hospitalier aux urgences de l’hôpital de Feurs, dans la Loire, et le reste du temps comme remplaçant, depuis quatre ans.

Les portes de son service sont restées closes, lundi 3 avril au matin, jour de l’application de la loi Rist. Feurs (8 000 habitants) est l’un des deux sites, avec Montbrison (17 000 habitants) du centre hospitalier du Forez.

En réponse à nos questions, le directeur Edmond Mackowiak explique avoir dû regrouper les ressources humaines des urgences sur le seul site de Montbrison, à la suite du « refus des intérimaires de venir travailler ». Le directeur explique que l’équipe de médecins urgentistes à Feurs repose « à près de 50 % » sur des médecins aux contrats de 24 heures.

Illustration 1Agrandir l’image Une chambre d’hôpital vide à l’hôpital de Feurs (Loire). © Photo Caroline Coq-Chodorge / Mediapart L’urgentiste Jacques Devaux confirme : « Nous refusons de travailler pour des tarifs plafonnés. La loi de l’offre et de la demande doit s’appliquer : ce qui est rare est cher, assume-t-il. Nous ne sommes pas responsables de la pénurie de médecins. Et on a longtemps fait les bonnes sœurs et les bons pères du système de santé. » Il rappelle encore que le tarif de 1 390 euros brut les 24 heures équivaut à un salaire de « 40 euros net de l’heure » environ.

Le directeur de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes ne s’est pas déplacé à Feurs pour soutenir ces urgences. Lapidaire, l’ARS renvoie, en réponse à la plupart de nos questions, vers le directeur de l’hôpital. Le 3 avril, la plupart des élus locaux ont également pris acte, en conseil de surveillance de l’hôpital, de la fermeture des urgences : elle est justifiée par « la sécurité sanitaire », laquelle exige de maintenir a minima des urgences sur le site de Montbrison, qui dispose d’une maternité et d’une réanimation. La motion contient un hypothétique engagement : « Dès que le nombre de médecins urgentistes sera suffisant, la réouverture [...] sera légitiment demandée. » Elle est donc loin d’être garantie.

La fermeture est-elle définitive ? La réponse du directeur laisse peu d’espoir : « Depuis trop d’années, le site de Feurs en particulier dépend des intérimaires à près de 50 % de son effectif. À ce jour, aucun d’entre eux ne souhaite revenir. Les effectifs sont insuffisants et la sécurité sanitaire n’est plus assurée. »

Depuis 2007, des fermetures de services en cascade L’urgentiste Jacques Devaux balaie l’argument : « Cet hôpital est dépecé depuis une dizaine d’années. » À Feurs, les fermetures de services se sont en effet succédé : la maternité en 2007, le bloc en 2014, puis toute la chirurgie, la cardiologie, la chimiothérapie, et désormais les urgences.

La cheffe de service des urgences, Sylvie Massacrier, a perdu ses responsabilités le 2 février, au profit de son homologue à Montbrison. Cette praticienne explique avoir multiplié les propositions pour pallier le manque de médecins et sauver les urgences. Malgré l’absence des intérimaires, elle assure avoir proposé un planning de médecins capables de tenir une ligne de garde, pour assurer l’ouverture des urgences, jusqu’au mois de juin.

S’il n’y avait plus assez de médecins pour faire tourner le SAMU, l’urgentiste proposait de déployer l’équipe paramédicale de médecine d’urgence (EPMU) sur un modèle expérimenté dans plusieurs départements, notamment la Sarthe. Lequel a fait la preuve de son efficacité. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a récemment évalué le dispositif et estime qu’il permet de gagner un temps précieux dans la prise en charge des urgences vitales, tout en créant une dynamique de soins. Ce n’est pas une surprise : dans les pays anglo-saxons, les urgences ont toujours été assurées par des paramédicaux.

À Feurs, sept infirmières et aides-soignantes très qualifiées s’étaient engagées dans ce projet. Certaines préparent aujourd’hui leur départ de l’hôpital public.

Illustration 2Agrandir l’image L’urgentiste Sylvie Massacrier devant la porte de ses anciennes urgences, closes. © Photo Caroline Coq-Chodorge / Mediapart L’annonce, brutale, a laissé l’équipe des urgences groggy : sur 44 personnes, « une quinzaine n’a toujours pas de nouveau poste et cinq sont en arrêt maladie », estime l’urgentiste Sylvie Massacrier, elle-même arrêtée jusqu’au 8 mai. Tous les personnels que nous avons rencontrés – la plupart réclament l’anonymat – témoignent du « choc » vécu, d’angoisses et de nuits d’insomnie, ainsi que d’un très lourd sentiment de gâchis humain.

Car cet hôpital, longtemps sans direction, sous administration provisoire, venait enfin d’adapter, le 15 mars, un projet d’établissement qui affirmait le maintien des urgences sur les deux sites de Montbrison et de Feurs. Tout juste adopté, ce projet est donc déjà mort. Et chacun se demande, à Feurs, quel sera le prochain morceau d’hôpital qui tombera.

Le service de radiologie est en très mauvaise posture : il n’y a plus qu’une seule radiologue en poste, et qui approche de la retraite. À Feurs, au centre privé de radiologie travaillent en revanche 15 radiologues, qui pratiquent presque tous des dépassements d’honoraires. L’hôpital s’est déjà associé dans un groupement de coopération sanitaire avec ce groupe privé, Imagerie Loire-Forez, pour financer une machine IRM, en cours de construction à Feurs.

La population de Feurs s’inquiète aussi pour l’Ehpad public, qui a été privatisé dans la ville voisine de Montbrison. Dans un tel contexte, y aura-t-il encore assez de médecins pour faire tourner ce qui tient encore : les services de médecine polyvalente, de soins de suite, l’unité mobile de soins palliatifs ?

Depuis 2015, le Comité de défense du centre hospitalier du Forez, fort de 700 membres, tente de défendre ce qu’il reste d’hôpital public à Feurs. Ses membres, comme Marilyne Grivot, dénoncent « la manière brutale et rapide dont la fermeture des urgences a été prise, sans aucune concertation. La loi Rist n’est qu’un prétexte ».

À ceux qui estiment que cette fermeture était voulue en haut lieu, le ministre de la santé François Braun a apporté une confirmation limpide : « Les urgences de Feurs ont des problèmes mais qui ne sont pas liés à l’application de cette loi Rist, qui sont des problèmes anciens », a-t-il expliqué au micro de France Bleu. Il a assuré que « l’engagement territorial » était tenu puisque « Montbrison est à quinze minutes à peine. Les territoires autour sont assurés par des hôpitaux périphériques », a-t-il assuré.

Les monts du Lyonnais et du Forez à plus de 40 minutes des urgences Seulement, François Braun est mal renseigné : Montbrison est en réalité à 25 minutes de route de Feurs. Un véhicule du SAMU peut éventuellement parcourir cette distance en 15 minutes, mais en prenant des risques sur la route. Et surtout, de part et d’autre de la plaine où se situent Feurs et Montbrison, s’élèvent les monts du Forez à l’ouest et les monts du Lyonnais à l’est, qui comptent de nombreuses villes et villages (Noirétable, Saint-Laurent-de-Chamousset) désormais à plus de 40 minutes de tout service d’urgences, par des routes en lacets serrés où même le SAMU peut difficilement dépasser les 60 kilomètres par heure.

Le village de Chambost-Longessaigne, qui compte près de 1 000 habitants dans les monts du Lyonnais, se retrouve par exemple, à 30 minutes, par de toutes petites routes, des urgences de Tarare, alors qu’il est à 15 minutes de Feurs. Sa maire, Marie-Luce Arnoux, craint les conséquences pour l’ensemble de la chaîne de secours, majoritairement assurée par « des pompiers volontaires » : « Leurs employeurs acceptaient de les libérer pour une heure d’intervention. Est-ce qu’ils accepteront encore si les interventions durent deux ou trois heures ? Nos technocrates, nos grands élus ne pensent pas à cela. »

À ses yeux, « la dégradation de l’hôpital a été organisée : on décourage les professionnels, on perd en attractivité, les patients deviennent dubitatifs. Tout cela finit par nourrir le privé et ses actionnaires ».

« À chaque fois que des services ont fermé, les médecins sont majoritairement partis dans le privé, le public ne les a pas retenus », estime Thierry Martin, médecin généraliste à Balbigny (Loire), à 10 kilomètres de Feurs, lui aussi membre du Comité de défense de l’hôpital.

Il énumère toutes les difficultés d’accès aux soins sur les territoires : « Il y a 9 à 12 mois d’attente pour une consultation en cardiologie, uniquement dans le privé ; en pneumologie, il y a des consultations dans le public, mais uniquement pour les malades du cancer ; en endocrinologie, personne ne répond, dans le public ou dans le privé… ; en dermatologie, même pour un cancer de la peau limité, j’envoie vers un chirurgien du privé. » Et obtenir des rendez-vous pour ses patients lui prend « une heure au téléphone, non rémunérée. Mais [il] le fai[t], parce que sinon [s]es patients n’ont aucune chance ». Il ne peut que constater qu’entre les cliniques et les hôpitaux de Roanne, Saint-Étienne ou Lyon, « le privé est bien plus réactif ».

Illustration 3Agrandir l’image Une centaine d’habitants de Feurs et des environs réunis, mercredi 12 avril, à l’appel du comité de défense de l’hôpital. © Photo Caroline Coq-Chodorge / Mediapart Seulement, le privé a un coût pour les patients, raconté par une centaine d’habitants, qui se sont réunis, mercredi 12 avril, dans le centre social de Feurs à l’appel du Comité de défense de l’hôpital, pour témoigner auprès de Mediapart. Une femme, opérée de la hanche dans une clinique, a du débourser 700 euros en dépassement d’honoraires, une autre « deux fois 20 euros pour des radios ».

Ce mercredi soir, le centre social débordait de colère. Une infirmière libérale a par exemple parlé de ses « patients sans médecin traitant », des mois d’attente pour avoir accès à un spécialiste, de ces personnes âgées qui décompensent et pour lesquelles il devient « de plus en plus difficile de trouver de l’aide ». « Nos principaux interlocuteurs étaient aux urgences de Feurs, c’était notre bol d’air. Récemment, j’ai appelé le 15 pour une personne âgée de 80 ans qui faisait une hémorragie sous antivitamine K. Le 15 m’a demandé son âge, son niveau de dépendance. J’ai attendu 3 heures l’ambulance... », raconte-t-elle.

Aux yeux de cette infirmière, « en fermant ces urgences, on bafoue notre droit à l’accès aux soins, celui de nos enfants, des personnes âgées ». « Et nos impôts ne baissent pas », s’énerve encore un homme.

Bientôt des urgences privées ? Un autre s’interroge : « Ils ont ouvert il y a quelques mois des urgences privées à Feurs. Parce qu’ils savaient très bien que les urgences publiques allaient fermer ! »

À l’automne 2022 a en effet ouvert, à Feurs, un centre de soins non programmés. Cette nouvelle offre, assurée par des urgentistes qui exercent en libéral, se développe en France. Elle tente de répondre aux patients sans médecin traitant, ou à ceux qui ne parviennent pas à trouver un rendez-vous rapidement.

À Feurs, ce nouveau centre a très vite trouvé son rythme de croisière : dès l’ouverture à 10 heures, les patients se pressent dans deux salles d’attente. Un médecin consulte, jusqu’à 20 heures, sept jours sur sept, au rythme de « 40 à 50 patients par jour, pour des consultations de 5, 10 minutes environ, sans s’arrêter pour manger », explique le docteur Henri Volle, l’un des fondateurs du centre.

Je ne suis pas parti dans le privé pour l’argent, mais pour pouvoir soigner les gens, dans un fonctionnement fluide. L’hôpital public tourne carré.

Docteur Volle, urgentiste La consultation est à 25 euros, comme chez le médecin généraliste, auxquels s’ajoutent 19 euros le week-end. En une seule journée de travail de 12 heures, ces urgentistes s’assurent donc une rémunération entre 1 000 et 2 200 euros brut, auxquels il faut enlever les frais de fonctionnement du centre, c’est-à-dire le loyer et la secrétaire. Tous les médecins urgentistes qui interviennent à Feurs le font ponctuellement, en plus de leur activité dans des cliniques privées alentour.

« On a pu s’installer à Feurs, librement, comme n’importe quel médecin libéral, explique le docteur Volle. Mais on sent une réticence des pouvoirs publics à l’implantation de ce type de structures. Ils craignent une nouvelle fuite des médecins urgentistes des hôpitaux publics. »

Le docteur Volle est l’un de ces médecins : « Je suis originaire de Feurs, j’ai travaillé 6 ans aux urgences de l’hôpital. Leur fermeture est une aberration, humainement parlant : les chances de survie ne sont plus les mêmes sur ce territoire. Mais je ne suis pas du tout surpris. Cela fait 20 ans que sa fermeture était évoquée. »

À ses yeux, au sein de l’hôpital public, « cela fait très longtemps que cela tourne carré » : « Je ne suis pas parti dans le privé pour l’argent, mais pour pouvoir soigner les gens, dans un fonctionnement fluide. Dans le public, c’est la cour des miracles : les papis, les mamies sur des brancards pendant des heures, des jours. Je ne voulais plus participer à ça ».

S’il a créé un centre de soins non programmés, c’est « pour participer à l’effort, parce qu[’il] aime ce territoire ». Il souhaite que le centre « monte en puissance, avec des binômes médecins/infirmiers, pour faire des radios, des sutures. [Ils veulent] aussi développer un partenariat avec le laboratoire de biologie ».

La mairie aimerait que le centre déménage, dans des locaux bien plus vastes, juste à côté de l’hôpital et du laboratoire de biologie. Henri Volle s’interroge : « Est-ce qu’on peut faire plus, assurer 80 % de consultations non urgentes qui étaient prises en charge aux urgences de Feurs ? Je n’en suis pas sûr, nous aussi on a du mal à trouver des médecins. »

À ceux qui reprochent à ce centre d’être un « drive médical », qui répond à un besoin ponctuel, sans assurer aucun suivi des patients, Henri Volle répond : « Nous, on est là pour soigner la cystite d’une personne âgée qui n’a plus de médecin traitant. Sans nous, elle finit trois semaines plus tard avec un choc septique en réanimation. »

Isabelle, 71 ans, consultait justement pour un problème urinaire, le 12 avril dernier. Installée depuis sept ans à Feurs, elle n’a toujours pas de médecin traitant. Le seul qu’elle ait est installé à Écully (Rhône), près de Lyon, à une heure de route. « J’ai encore cherché la semaine dernière, c’est impossible : tous les médecins ne prennent plus de nouveaux patients », explique-t-elle.

Elle a pourtant tous les codes, une connaissance précise du système de santé : « J’étais infirmière, puis cadre de santé dans un Ehpad public près de Feurs. On s’est battus pendant 20 ans pour cet hôpital. Cette fermeture est une histoire de fric, une catastrophe, j’ai vu d’anciennes collègues pleurer. L’ancien maire, Jean-Pierre Taite, ne s’est pas battu. Je suis allé le lui dire, il m’a mise dehors. Selon lui, j’étais trop vindicative. »

Une lutte pour l’hôpital minée par des clivages politiques Une lutte pour un hôpital public devrait normalement associer les habitants et leurs élus. Ce n’est pas le cas à Feurs. Le Comité de défense de l’hôpital ne pardonne pas aux élus locaux d’avoir signé la motion actant la fermeture des urgences.

L’ancien maire de Feurs, actuel député Les Républicains (LR) de la Loire, Jean-Pierre Taite, est l’un de ces signataires. Il a « voulu prendre la parole devant la population. On [l]’en a échappé » : « Je me suis fait siffler par ma population », reconnaît-il. Pour lui, c’est avant tout un « problème politique ». À la tête du Comité de défense du centre hospitalier se trouve le docteur Olivier Nicolas, médecin généraliste à la tête d’une maison de santé dans le village voisin de Panissières. « Aux élections régionales, il était sur la liste PS, moi sur la liste de Laurent Wauquiez. Je lui souhaite d’être maire de Feurs, on verra s’il fait mieux que ce que j’ai fait en 30 ans. »

Le docteur Nicolas se défend de son côté de « faire de la politique politicienne. [Il] fai[t] de la politique citoyenne ».

Le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

Jean-Claude Tissot, sénateur PS de la Loire Au-delà de cette animosité politique personnelle, le député Jean-Pierre Taite ne peut que constater que l’hôpital public sur sa circonscription « se casse la figure et [que] le privé récupère les morceaux. En 30 ans, l’offre du privé a explosé ». Il s’avoue impuissant face à « quelque chose qui [lui] échappe : [il] n’arrive pas à lutter contre la démographie médicale, des décisions prises il y a 30 ans ».

Pour lui, la clé est dans la rémunération des médecins : « Tant qu’on n’aura pas une possibilité de rémunérer dans le public aussi bien que dans le privé. »

Illustration 4Agrandir l’image François Mollon, Anne-Marie Pommier et Marilyne Grivot posent devant l’hôpital de Feurs, dont l’enseigne est en berne. © Photo Caroline Coq-Chodorge / Mediapart La maire LR de Feurs, Marianne Darfeuille, élue en juin 2022, explique découvrir le dossier. Elle renvoie vers son conseiller municipal Claude Mondésert. Ancien chirurgien de l’hôpital, il est aujourd’hui conseiller municipal et président du conseil de surveillance.

Il reconnaît que ces urgences étaient sur la sellette depuis « des années. Pour les gros hôpitaux, c’est une anomalie qu’il y ait un service d’urgences dans une petite ville de 8 000 habitants ». Lui aussi reconnaît aussi la privatisation en marche accélérée de l’offre de soins à Feurs : « J’ai fait toute ma carrière dans le public, mais je pense que le privé peut répondre plus rapidement aux besoins. Le public n’a plus l’agilité qu’il a eue, l’administration est très lourde, très prégnante. »

Face au démembrement d’un hôpital public, les clivages politiques sautent aux yeux. Sur cette terre de droite, il y a un sénateur de gauche, le socialiste Jean-Claude Tissot. Pour lui, « même si l’ARS est l’État dans l’État, les élus ont un vrai rôle à jouer » : « J’ai du mal à comprendre qu’on puisse être maire et ne pas être vent debout. Dans ce département, il y a beaucoup de retraités agricoles, qui vivent avec 800 euros par mois. Il faut absolument se battre contre la privatisation de la santé. Le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. »

Caroline Coq-Chodorge


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