Battre le désespoir

jeudi 27 octobre 2022.
 

Pour Machiavel, on ne joue pas impunément avec les humeurs des peuples. On ne doit surtout pas le pousser au désespoir, car « Rien n’est aussi désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer ». Depuis quelques mois un avenir de plus en plus sombre se dessine.

La guerre est de nouveau aux portes de l’Europe, cette fois-ci avec l’image terrifiante de la menace nucléaire, qu’elle soit celle des bombes ou des accidents pouvant toucher une centrale. Si Vladimir Poutine en fait état pour jouer sur les opinions publiques, les relais médiatiques s’en emparent. Le discours distillé par le gouvernement concernant la fin de l’abondance joue le même rôle. Il reste bien évidemment mensonger, car cette dernière ne concerne pas les plus riches qui se gavent. La grève des raffineries nous a appris qu’outre les profits colossaux de Total, son patron s’était augmenté de 50% quand les salaires des plus nombreux ne suivent pas l’inflation. Le gouvernement d’Emmanuel Macron dramatise ridiculement la situation à coup de doudounes et de cols roulés ministériels, quand on s’interroge pour savoir s’il y aura de l’eau chaude pour se laver les mains et si les salles de classe seront chauffées cet hiver.

On pourrait y trouver une occasion de faire sentir les nécessaires transformations pour la transition climatique, mais le message en fait distille un sentiment de sobriété subie et imposée au peuple. Les riches pourront continuer à rouler en Ferrari et à voler en Jets quand on envisage de réduire les heures d’utilisation des chauffe-eau. Le désespoir comme la colère sont mauvais conseillers. L’extrême droite partout en Europe et en France en fait son lit : si la situation est terrifiante, alors les logiques de repli passeront pour charité bien ordonnée. Face aux menaces de déstabilisation le discours de l’ordre n’en a pas fini d’alimenter les imaginations. Quand le chaos s’annonce les réflexes sécuritaires fleurissent.

On ne combat pas les passions tristes par d’autres passions tristes, disait Spinoza. Dans l’obscurité une lumière doit s’allumer. Inutile de tout réinventer. A gauche, nous avons une histoire solide, multiple : la revendication de l’égalité et de la liberté, la prise en compte de l’intérêt général qui suppose celle d’un environnement viable. Depuis que le mouvement ouvrier s’est levé, au XIX° siècle, donnant un corps social aux idéaux des Lumières, tout, ou presque, a été exploré. Il reste à en forger un progrès commun, qui rassemble en donnant envie. Donnant envie par le contenu des propositions, par la détermination stratégique qui offre la possibilité d’une victoire, il faut combattre la résignation par la revendication. Les luttes nombreuses qui se mènent actuellement contre la vie chère, pour l’écologie, pour une vie digne et plaisante ne sont pas seulement réactives. Elles dessinent le contour du monde à bâtir : un monde solidaire, écologique et démocratique constitue la seule réponse à la folie prédatrice du capitalisme ou du fascisme.

Benoît Schneckenburger


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