La rémunération du travail s’amenuise au profit du capital (Jean-Luc Mélenchon)

jeudi 6 octobre 2022.
 

Vous avez dit « Lutte des classes ». Nous savions déjà que nous vivons dans un pays où 5 personnes possèdent autant que 27 millions d’autres. Mais nous en savons dorénavant davantage sur l’état de pillerie auquel nous sommes livrés. Le journal « Marianne » a fait sur ce sujet une révélation tout à fait extraordinaire, à partir d’un calcul simple. Le 22 septembre jour de la date anniversaire de la naissance de la République française, ce jour du « Liberté- Egalité-Fraternité » c’est aussi le jour à partir duquel les salariés ne travaillent plus que pour payer les dividendes des actionnaires ! Extraordinaire calcul. Je cite donc pour rendre le mérite de ce calcul à ceux qui l’ont fait. « Comme tous les ans, le 22 septembre marque l’anniversaire de la proclamation, en 1792, de la République. Elle n’est alors pas encore « sociale », mais la Fraternité s’apprête à rejoindre l’Égalité et la Liberté dans la trinité républicaine. Ironie du calendrier, cette année, la date coïncide avec le jour du dépassement capitaliste pour les salariés. À partir de ce jour d’équinoxe, les salariés des multinationales françaises bosseront uniquement pour rémunérer leurs actionnaires. Plus précisément ceux des sociétés du CAC 40.

Pour chacune d’elles, Marianne a comparé le montant de la masse salariale distribuée en 2021 avec les sommes versées au cours de la même année aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions (petites ou grosses gratifications destinées à faire monter le cours de Bourse). Donc, deux chèques à comparer  : l’un au travail (266 milliards d’euros, charges comprises), l’autre au capital (101 milliards). Et une conclusion à tirer  : les investisseurs dormants touchent moins (heureusement  !) mais leur part représente 27 % de la somme globale distribuée. Ce ratio appliqué à une année calendaire équivaut au 265e jour de l’année. Du 22 septembre au 31 décembre, les salariés au turbin du matin au soir travaillent pour rémunérer le seul capital. Alors, évidemment, les bailleurs de fonds prennent des risques et doivent en percevoir les fruits, mais dans quelle proportion  ? Que représente le juste gain du capital comparé à celui du travail  ? Un numéro entier de Marianne ne suffirait pas à répondre à ces questions, mais une chose apparaît clairement à la faveur de ce calcul  : dans les multinationales, la rémunération du travail s’amenuise en faveur du capital, et ce déséquilibre social menace même l’économie de marché. » Tel est le bilan du modèle libéral. Tel est le bilan du président des riches. Tel est la meilleure démonstration des raisons pour lesquelles il faut être dans la rue le 16 octobre contre la vie chère qui permet à ces gens de se gaver.

A cette violence vient s’en ajouter une autre. Le capital financier a choisi de déployer une stratégie délibérée pour qu’il y ait un chômage de masse. Exagération ? Interprétation ? Non. C’est au mot près ce que dit le président de la banque centrale des USA. En effet, comme je vous l’avais montré dans mon précédent post, la stratégie de réplique des néo-libéraux contre l’inflation qui ronge la rente du capital est déclenchée. C’est bien le chômage pour faire baisser le prix du travail. Quelques-uns avaient trouvé que ce propos sentait trop la « lutte des classes ». Pourtant c’est ce qu’avoue le banquier central américain au moment où il décide de faire grimper comme jamais le taux d’intérêt auquel l’argent est prêté au banques privées. Et celles-ci l’augmenteront ensuite à leur tour pour prêter aux particuliers. Dans un pays comme les USA où tout le monde vit à crédit pour sa vie de tous les jours, ça va faire très mal. Le patron de la FED, Jérôme Powell déclare froidement en effet : « Nous pensons que pour faire baisser l’inflation, il faudra un ralentissement du marché du travail et une croissance sous le potentiel ». Puis, il ajoute : « il est très probable que nous aurons une période de croissance bien plus faible. » Et il avoue sans fard enfin : « Nous avons besoin d’une augmentation du chômage, d’un ralentissement du marché ».

Une telle politique est évidemment très contaminante. Car les autres banques centrales des pays centres de la finance doivent s’aligner pour ne pas craindre des écarts de taux de change qui rongeraient encore plus les rentes dans leur monnaie. Le choc sur l’activité va donc être terrible. Aux USA et aussitôt en Europe. Cela non seulement à cause de l’importance des échanges commerciaux entre les deux rives de l’Atlantique mais à cause du resserrement drastique du crédit. Un homme très franc a dit comme d’habitude sans détour ce qui se passe et qu’il approuve. C’est Patrick Artus, conseiller économique de Natixis. Je le cite souvent pour sa clarté. « Pour faire baisser l’inflation, il faut plus de chômage et moins de croissance. C’est la méthode qui a été adoptée avec succès entre les années 1980 et 2010. Une situation où la hausse des prix ralentit sans conséquences sur l’emploi, ça n’existe pas ! Encore une fois, soit la banque centrale renonce à combattre l’inflation pour de bonnes raisons (guerre en Ukraine, besoin de financer la transition énergétique…), soit elle lutte. Et elle est obligée de déclencher une récession. »

Une fois de plus on voit comment dans le capitalisme financier qui domine le monde l’essentiel n’est pas la production mais la sauvegarde de la rente. À n’importe quel prix. Et même au risque de faire sauter le couvercle social que les médias maintiennent sur le crâne des gens. Et cela jusqu’à la caricature. Hier quelqu’un en témoignait encore auprès de moi. Dans les cimenteries de sa connaissance on achète des quantités d’électricité par contrat global. Il arrive qu’il soit plus intéressant de stopper la production de ciment pour revendre à d’autres les quantités d’électricité achetées. Compte tenu de leur prix sur le marché qui permet alors de plus gros profit qu’à produire et vendre du ciment. Tel est ce monde en ce moment. Le choc social est engagé du côté capital versus travail. Quelle va être la capacité de mobilisation populaire ? Il est essentiel qu’il y en ait une. Il faut la construire. C’est cela le sens de la marche du 16 octobre. Son urgence. Sa nécessité.


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