DE L’ÉVOLUTION DU CONCEPT DE VIOLENCE au sein de la famille

dimanche 25 septembre 2022.
 

Mes parents se sont mariés en juin 1941. Ils m’ont aussitôt mis en chantier. Livraison du chantier : avril 1942.

Quel couple ont-ils formé, 60 ans durant ? Exemplaire. Ils ne buvaient, ni ne fumaient. Ils ne se sont jamais tapés dessus. Quelques disputes tout au plus. D’une fidélité sans faille.

Quels parents ont-ils été avec leurs trois enfants : l’aîné que je suis, ma sœur, 2 ans de moins que moi, et mon frère, 13 ans de moins que moi ? Selon les critères d’aujourd’hui, ils ont été des tortionnaires, à qui l’éducation de leurs enfants aurait dû être retirée pour les confier à l’Assistance publique. Eh oui, il est arrivé à mes parents de nous battre. Rarement, mais pas symboliquement. Avec une ceinture sur les fesses et les jambes, pour mon père. Avec un tuyau en caoutchouc pour ma mère, qui avait la main plus leste, mais plus légère que celle de mon père.

Nous sommes-nous considérés comme des enfants battus pendant et depuis ? À aucun moment. Nous n’en avons jamais voulu à nos parents de nous avoir parfois rudoyés.

Je garde le souvenir ému de mon père, longtemps ouvrier, jusqu’à ce qu’il tombe sérieusement malade à cause de ses tâches extrêmement dures de charbonnier, routier moyenne distance, chauffeur-livreur, titulaire de son seul certificat d’études, se mettant à étudier l’algèbre pour m’aider à être moins nul dans cette matière. Tous les soirs quasiment, alors qu’il était crevé, il prenait sur son repos pour, pendant une ou deux heures, me faire faire mes devoirs en algèbre et me refaire le cours de mon professeur. Dans les autres matières je marchais très bien. Surtout en français. Je jonglais avec les mots, comme avec les idées et même, déjà, avec les concepts philosophiques. J’étais même bon en arithmétique. Mais dès que pour solutionner les problèmes il m’a fallu introduire des x et des y au milieu des chiffres, j’y ai perdu mon latin.

Tous les efforts de mon père ont été vains. Je suis resté nul en mathématique. Fini les projets d’études longues. Seul le certificat d’étude couronne ma carrière scolaire. J’affirme pourtant que mon père a été un excellent pédagogue. Mais comment faire boire un âne qui ne voulait pas boire ?

Cher papa et chère maman, qui n’êtes plus de ce monde, toute la suite de votre vie, faite de rectitude morale et d’amour pour vos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ces malheureux coups de ceinture ne font pas de vous des monstres.

Nous nous sommes mariés, Bernadette et moi, en novembre 1963. Nous sommes toujours ensemble et amoureux, 59 ans après.

Selon les critères d’hier et d’aujourd’hui, nous formons un couple exemplaire. Nous n’avons jamais bu, ni fumé, nous ne nous sommes jamais tapé dessus. Bernadette a toujours été exemplaire. Mais je dois à la vérité de dire qu’il y a bien des moments où j’aurais mérité qu’elle me refilât quelques claques bien appliquées. J’ai parfois profité des opportunités et des libertés que mon métier de journaliste m’a ouvertes, pour exploiter mes petits talents de danseur, de beau parleur, de déconneur, de poètereau. En femme intelligente et amoureuse, Bernadette a su discerner que je n’étais pas prêt à lâcher la perle qu’elle est. D’autant plus qu’aucune de mes palinodies ne se réglait dans l’agressivité.

Selon les critères d’aujourd’hui, nous n’avons pas été des parents exemplaires. Il nous est arrivé de balancer une gifle à notre fils et à notre fille. Pire, il m’est arrivé une fois de fesser mon fils suffisamment fort pour que ses fesses soient zébrées de mes doigts. Si ce jour-là et quelques-uns après, alors que Serge se rendait à l’école primaire, il avait dû baisser sa culotte devant un médecin scolaire, j’étais fait comme la romaine. J’aurais eu droit à un signalement pour mauvais traitement, au moins. Ouf ! Il n’y a pas eu de visite médicale ! Je n’étais pas fier de moi, mais je n’étais pas un monstre pour autant. Aujourd’hui, je serais considéré comme tel. Toute la suite de ma vie a démontré que j’étais un père souvent absent pour des raisons professionnelles, mais très aimant et très ouvert.

Fort de mon expérience personnelle, n’attendez pas de moi que je participe à l’hallali contre mon camarade Adrien Quatennens. Je lui garde intacte ma confiance et mon respect, sauf si d’autres révélations aggravantes devaient être faites. Bien sûr qu’il a eu tort de gifler son épouse, d’avoir cherché à explorer la mémoire de son téléphone personnel, de l’avoir harcelé téléphoniquement, même si l’enquête judiciaire faisait apparaître que le contexte des faits pourrait lui valoir des circonstances atténuantes.

De ce qui est paru dans les médias, il m’apparaît que le jeune homme Adrien a surtout agi sous l’emprise d’un amour fou pour sa femme, de qui il ne voulait surtout pas divorcer. Mais il a fait tout l’inverse de ce qu’il fallait faire. Il est devenu fou de douleur au lieu d’être un amoureux seulement éploré. Ses errements ne peuvent en aucun cas le condamner irrémédiablement. Sinon, nous serions des millions de femmes et d’hommes à devoir l’être. Que dis-je des millions, des centaines de millions. Je ne doute pas que l’épreuve qu’il vit va lui servir de leçon. C’est un homme d’une extrême intelligence et d’une grande honnêteté intellectuelle. Je comprends sa décision de se mettre en retrait de ses fonctions politiques au sein de LFI. Je la souhaite provisoire Sa femme Céline a eu raison de déposer une main courante au commissariat de police. Il n’est pas naturel de recevoir une gifle, pour quelque raison que ce soit. Il fallait aussi provoquer un électrochoc dans la tête d’Adrien. La réaction commune du couple, pour l’instant déchiré, protestant contre l’exploitation médiatique de la main courante et contre le gré de Céline, augure bien de l’intelligence des deux protagonistes.

J’en viens maintenant à la curée orchestrée par les médias et relayée par le gouvernement contre Adrien et contre LFI.

Je ne leur accorde aucune qualité à s’ériger en parangon de la lutte contre les violences faites aux femmes. Comme si le fond de ces affaires sordides devait être réduite à une lutte entre les hommes en général et les femmes en général. Pour résumer ma pensée, je dis que les principales violences sont l’œuvre des hommes et femmes capitalistes contre les femmes et hommes victimes du capitalisme.

Borne, la Première ministre n’a aucune leçon de maintien à donner à Mélenchon, à LFI, à tous les travailleurs et travailleuses. Borne et son cornac, Macron, sont les gardiens de l’ordre capitaliste. Celui qui ne se contente pas de donner une gifle à une femme, mais qui contraint un grand nombre d’entre elles à devoir accepter des tâches précaires et des temps partiels, pouvant être éclatés en périodes situées aux extrémités de la journée de travail. Celui qui trouve naturel que, globalement, les femmes soient bien moins rémunérées et bien moins promues que les hommes. Celui qui, toute honte bue, se répand dans les médias pour justifier sa réforme des retraites au nom de la gestion raisonnable, dit Borne, des caisses de retraite. Alors qu’un simple alignement des salaires des femmes sur ceux des hommes permettrait d’équilibrer les comptes des caisses de retraite.

Ces violences-là du capitalisme ne sont pas des coups au visage des femmes. Elles sont des humiliations. Elles sont génératrices de violences dans les couples de ces femmes humiliées. Comme le chômage et la précarité frappant aussi les hommes peut en générer dans leurs couples. C’est de la misère sociale que naissent le plus souvent les disputes dans les couples. Le cas de Céline et d’Adrien n’a évidemment rien à voir avec ces situations de misère sociale, mais si j’avance cette dimension sociale des violences faites aux femmes dans leur vie privée, c’est pour bien marquer mon refus d’accepter des leçons de morale des Macron, Borne et consorts, et des médias. Ceux qui cohabitent au gouvernement avec un ministre qui a reconnu avoir rendu des services à une femme contre des faveurs sexuelles, et l’a donc réduite à consentir à son propre viol, devraient se couvrir de honte. Comme la justice, qui a fermé les yeux sur ce fait gravissime. C’est autre chose que la gifle d’un amoureux fou.

Eh bien oui, comme Mélenchon, je relativise la violence indéniable d’Adrien Quatennens, par rapport à celles subies tout au long de leur vie professionnelle par un grand nombre des salariés femmes comme hommes ! Je ne me laisserai pas détourner de ce combat cardinal. Madame Borne occupez-vous de ces violences-là, avant de vous repaître des secrets d’alcôve !


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