DE L’EPAISSEUR DU CODE DU TRAVAIL

lundi 23 décembre 2019.
 

D’après les capitalistes, autoproclamés "libéraux", et leurs valets politiques et médiatiques, la France souffre d’une trop grande rigidité du droit du travail, surtout par comparaison avec les "paradis" allemand et suisse....

À l’Assemblée - Pour défendre le code du travail (Clémentine Autain, 10 juillet 2017)

https://www.youtube.com/watch?v=8id...

Rassemblement pour défendre le Code du travail à Paris Jean-Luc Mélenchon, juillet 2017)

https://www.lepoint.fr/video/rassem...

A) Il est stupéfiant qu’un gouvernement dit de gauche ait une oreille aussi complaisante pour le MEDEF (Robert Mascarell février 2017)

Pour démontrer leurs dires, nos propagandistes patentés, au hasard François Lenglet, tête d’œuf sur la 2ème chaîne TV, arrive sur l’écran avec le Code du travail français version Dalloz et le Code du travail suisse. Le premier est épais de plus de 3000 pages et le second de 100 pages. Lenglet ajoute que le Code du travail allemand, le nouveau paradis, est lui aussi beaucoup moins épais que le français.

Tout cela procède de plusieurs mensonges. Le Dalloz ne se contente pas de présenter les articles du Code du travail. S’y ajoutent de nombreux commentaires et de nombreux arrêts de la Cour de cassation (jurisprudence). Ainsi constitué, en 2013, le Dalloz faisait 3400 pages. Par comparaison, la même année, le Code du travail allemand était épais de 3000 pages.

En réalité, ramené à ses seuls articles, le Code du travail français est épais de 675 pages.

Tous ces propagandistes, aux ordres du MEDEF, qui évidemment ne veulent que le bien des travailleurs, militent pour alléger le droit du travail et laisser, ainsi, les mains un peu plus libres aux employeurs afin qu’ils exploitent encore mieux les salariés.

Plus frappant encore, sur le lien suivant : http://www.slate.fr/story/74079/inf..., un article intitulé : « Inflation législative : non le Code du travail n’est pas celui qui grossit le plus vite », une comparaison, photos à l’appui, montre que la plupart des codes français : électoral, pénal, des impôts, de la consommation,….. ont vu leur poids augmenter encore plus vite que le poids du Code du travail, au fil des dernières décennies.

Mais, par un hasard totalement fortuit, n’en doutez pas, le seul code qu’il faut séance tenante alléger, voire supprimer, c’est celui qui protège tous les salariés, c’est-à-dire le Code du travail.

Il est stupéfiant qu’un gouvernement dit de gauche ait une oreille aussi complaisante pour le MEDEF et tous les démolisseurs des droits des travailleurs et leur emboîte le pas sur ce point, comme sur d’autres.

Article original : http://robertmascarell.overblog.com...

B) Complément : Une simplification du Code du travail peut-elle être favorable aux salariés ? (dossier de L’Humanité)

- Antoine 
Lyon-Caen Professeur émérite à l’université 
de Paris-X, directeur d’études 
à l’Ehess

- Savine Bernard Avocate, membre fondateur de l’association Loysel-Tiennot Grumbach

- Pascal Lokiec Professeur à l’université de Paris-Ouest Nanterre- La Défense

- ET Jean-Pierre Gabriel Responsable confédéral du service juridique de la CGT

Faire ressortir des principes par Antoine 
Lyon-Caen

Peut-être faut-il un peu de recul pour comprendre ce qu’est devenue, en France, la législation du travail. Et ne pas craindre de dire haut des propos qui par leur vérité gênent.

De cette législation il est dit et redit qu’elle protège les salariés. Et qu’y toucher, en envisager une autre expression, ce serait porter atteinte aux protections de salariés.

Pourtant les salariés, qui entendent s’y référer, trouvent trop souvent qu’elle ne comporte pas ce qu’ils cherchent, et qu’elle ne leur procure pas ce qu’ils peuvent être en droit d’obtenir. Alors protections  ? Ou protections souvent illusoires  ?

Du côté des entrepreneurs, la conviction est souvent autre. Commerçants, médecins libéraux, jeunes diplômés qui se lancent à l’aventure, ou animateurs d’associations entendent et répètent un refrain obsédant  : la législation serait formaliste, compliquée, peu intelligible. Alors protections  ? Ou protections excessives  ?

La législation du travail serait donc parvenue à cultiver une éprouvante contradiction  : alors qu’elle protège peu, elle est réputée protéger trop. D’où vient cette contradiction  ? Elle a des sources multiples. Mais il en est une dont il faut absolument souligner l’importance. Depuis quelques décennies, avec une accélération récente, des pans entiers de la législation du travail sont devenus des instruments des politiques de l’emploi. Chacun y va de son couplet, mais l’air est le même  : une règle ou plutôt un dispositif vaut dorénavant par les résultats qu’il procure. La seule question qui mérite d’être posée est la suivante  : ce dispositif facilite-t-il les mises au travail ou, au contraire, les entrave-t-il  ?

Et si la deuxième réponse est avancée, même sans démonstration, eh bien qu’on change de dispositif  !

Ainsi s’est étendue cette épidémie de révisions législatives, limitées ici, majeures là, toujours alimentée par une pensée économique rudimentaire. Le contrat à durée déterminée doit être limité dans son utilisation. Qu’à cela ne tienne  : il y a plus de vingt motifs de recours. Et puis pourquoi ne pas faciliter son renouvellement  ? Ce qui va advenir prochainement.

Arrêtons là. La législation du travail a perdu beaucoup de son crédit. Pire, de sa dignité. Soyons néanmoins juste. Ce n’est pas tout le droit du travail qui est frappé. C’est essentiellement ce qui concerne la condition du salarié.

Faut-il continuer de tenter de critiquer réforme après réforme cette instrumentalisation du droit du travail  ? Ou réfléchir à une autre stratégie  ? Cette stratégie, nous en proposons une avec Robert Badinter  : il s’agit de mettre en lumière les principes qui structurent et ordonnent notre droit du travail. Faire ressortir les repères, les références principales pour que les protections ne soient pas altérées, mais plutôt affirmées et affermies…

Est-ce simplifier  ? Si être simple c’est agir avec droiture, ou dire moins de mots pour être mieux compris  ; alors, il faut oser être simple.

A trop simplifier ; on ne restitue pas la vérité

par Savine Bernard Avocate, membre fondateur de l’association Loysel-Tiennot Grumbach

La simplification du droit du travail, présentée elle-même de manière simplifiée, peut apparaître comme une idée attrayante  : il s’agirait de permettre aux salariés et PME, les non-nantis du droit du travail, d’accéder à un savoir devenu complexe aux fins de les amadouer dans leurs relations réciproques. Le Code, épaissi sous sa couverture trop rouge, serait devenu l’obstacle à la naissance de leur histoire et la cause de la rupture d’une relation… pas encore née. Le régime serait donc le remède du chômage.

Derrière cette communication attractive se cache un projet plus complexe  : le Code, pour pouvoir être allégé, devrait désormais se résumer à quelques articles fondamentaux protecteurs et le reste de la réglementation résulterait de la négociation entre les partenaires sociaux qui deviendraient leurs propres législateurs. Là encore, si l’idée de la négociation a bonne presse, car l’aspiration contemporaine serait à la médiation et non au conflit, c’est compter sans une réalité que le terrain, lui, n’ignore pas, le rapport de forces. Car si les salariés et les PME n’ont peut-être pas accès à une connaissance intégrale du droit, ils connaissent parfaitement ce qu’aucun négociateur n’ignore  : pour négocier, il faut non seulement réclamer mais pouvoir établir un rapport de forces.

Sous couvert d’une utopie au premier abord attirante, un monde consensuel et sans avocats, où la négociation permettrait d’obtenir, par le seul miracle de son existence et du fait de s’asseoir à la même table, un accord équilibré, il s’agit en réalité rien de moins que de laisser le salarié tout nu avant de l’envoyer négocier ses conditions de travail. Car non, tout comme les entreprises ne transforment pas spontanément, sans contraintes, le crédit d’impôt pour la compétitivité en embauches, elles ne seront pas toutes spontanément généreuses et protectrices. Le rapport de forces n’est ni un tabou ni un gros mot mais il est le quotidien. Sans outil pour l’établir, on n’obtient que ce que l’employeur veut bien nous donner, en général pas grand-chose.

On peut également s’interroger sur cette idéologie selon laquelle un bon droit serait un droit accessible sans avocat. Qu’y a-t-il de choquant à ce que même une PME, quand il s’agit notamment de la commission d’un acte violent comme un licenciement, ait besoin avant le passage à l’acte de prendre conseil auprès d’un avocat ou du service juridique de son syndicat. Consulter en amont n’a qu’un coût modéré. Pourquoi, pour des techniques qui ne touchent pas à l’humain (la comptabilité, la fiscalité), on trouverait légitime de recourir à des professionnels mais on contesterait leur nécessité quand il s’agit de la vie d’un homme  ?

La simplification s’inscrit dans le processus initié par la loi de sécurisation de l’emploi  : sous couvert de favoriser le consensus en créant une possibilité de négocier (même pas obligatoire et on négociait avant même que la loi ne nous y invite), la loi a en réalité instauré un verrouillage de la procédure, le juge ne devenant désormais accessible qu’une fois la procédure finie et… les licenciements notifiés.

Loi habile qui, en même temps qu’elle disait donner une négociation, privait des moyens de négocier dans un rapport de forces un peu moins déséquilibré. On peut se demander si un droit sans juge et sans avocat est encore un droit. Le consensus n’est ni un tabou ni un gros mot mais il n’est pas une finalité en soit  : la finalité, ce n’est pas qu’un accord soit signé, c’est qu’il soit protecteur pour les salariés. Si on souhaite renforcer la négociation, il faut donner aux syndicats les outils du rapport de forces, pas les supprimer.

La simplification, une jolie illustration de ce qu’à trop simplifier on ne restitue pas la vérité.

Simplifier sans remettre à plat le Code du travail

par Pascal Lokiec Professeur à l’université de Paris-Ouest Nanterre- La Défense

Simplifier n’est pas un gros mot. Nul ne peut raisonnablement soutenir que le Code du travail est une œuvre parfaite et qu’il n’y a pas lieu de corriger, à intervalles réguliers, les complexités inutiles, notamment celles provoquées par de trop fréquentes modifications législatives. Le problème, c’est que la simplification dont tout le monde parle, c’est-à-dire celle qui prend pour argument le surpoids du Code du travail, n’en a que le nom  ! Elle ne s’appuie pas sur une vérité objective, mais sur des idéologies, des sentiments, des totems, tel le lien supposé entre complexité du droit du travail et chômage. Avec pour conséquence que simplifier est devenu un argument pour déréguler. «  La loi doit désormais se concentrer sur la fixation d’un cadre général, se simplifier drastiquement, et laisser les détails se définir au niveau des entreprises ou des branches pour les plus petites d’entre elles  », soutient par exemple le Medef. Cette idée, très en vogue, selon laquelle le Code du travail pourrait être réduit à l’énoncé de règles générales, ne saurait convaincre.

D’abord, il faudra bien, si l’on fait subir une cure d’amaigrissement au Code du travail, que les règles se retrouvent quelque part. La solution la plus probable consistera à renvoyer au dialogue social, alimentant un lien trouble entre la problématique de la simplification et le développement de la négociation collective. Qui peut croire que le passage d’un droit légiféré à un droit négocié simplifiera quoi que ce soit  ? Un accord collectif, qui résulte du compromis, du rapport de forces, n’est pas plus simple qu’une loi. Cela est d’autant plus vrai que l’appel au dialogue social est avant tout, aujourd’hui, un appel à la négociation d’entreprise, et risque de l’être encore plus demain si l’on suit la lettre de mission de la commission Combrexelle  : «  Faire une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise.  » Il est pour le moins paradoxal, d’un côté de prôner la fluidité du marché du travail en facilitant les ruptures (rupture conventionnelle  ; barémisation des indemnités de licenciement), de l’autre de faire que le salarié qui change d’entreprise changera en même temps de droit applicable, comme s’il partait travailler à l’étranger  !

Enfin, il faut être très prudent vis-à-vis de cette aspiration à un Code du travail qui serait compris de tous, aussi bien salariés que patrons de TPE, dépourvus de ressources juridiques en interne. Un droit du travail suffisamment simple pour être maîtrisé de tous n’est une hypothèse ni réaliste ni souhaitable. Prévoir que les salariés des petites entreprises seront régis par un droit allégé, composé pour l’essentiel de principes, c’est comme annoncer à un patient qu’il n’aura pas droit à tel médicament au motif que la notice est trop complexe  ! Il est une autre voie pour simplifier, qui ne nécessite pas une remise à plat du Code du travail  : garantir à tous l’accès au droit (pas seulement au juge), avec un rôle pédagogique majeur à jouer pour les organisations syndicales et patronales ainsi que l’administration du travail… Manuel Valls aurait été bien inspiré, une fois n’est pas coutume, de prendre exemple sur le Small Business Act des États-Unis, qui contient un dispositif élaboré (guichets, centres d’information, etc.) d’accès des petites entreprises à l’information, sous la responsabilité de l’administration. L’adoption d’un tel dispositif aurait été plus opportune que la création d’un barème d’indemnisation obligatoire, mesure désastreuse pour les droits des salariés dont on est loin d’avoir mesuré tous les effets. Elle permettrait, en outre, par contraste avec les projets de simplifications qui inondent actuellement la scène médiatique, de simplifier à droit constant.

La « simplitude » du droit relève de la mystification

​par Jean-Pierre Gabriel Responsable confédéral du service juridique de la CGT

Salué par le Medef, le livre d’Antoine Lyon-Caen et Robert Badinter vient renforcer l’arsenal politico-juridique déployé par Macron et Rebsamen visant à faciliter les licenciements des salariés et à protéger les employeurs de tout risque judiciaire. Ainsi, les auteurs viennent conforter l’argumentation patronale qui accuse le Code du travail d’entraver la création d’emplois, en mettant en relation directe la question de l’emploi, du chômage de masse et celle de la «  complexité  » du Code du travail  !

Comment peut-on considérer que la soi-disant complexité du Code du travail est directement responsable de la décision d’une multinationale de supprimer des milliers d’emplois  ? Le seul lien objectif repose sur le fait que le Code du travail existe pour gérer le désastre social que provoquent les choix libéraux des actionnaires. Il ne faut donc pas mélanger la cause et ses effets  ! La cause du chômage est liée directement aux choix politiques du tout-financier ainsi qu’aux conséquences en matière de licenciements et de précarité  !

Dans la dernière période, les différentes lois sur le travail tendent à inverser le rôle historique du Code du travail  ! Nous sommes ainsi confrontés à une volonté politique de passer du «  Code du travail  » qui protège le salarié, de par le lien de subordination au pouvoir exorbitant de l’employeur, à un «  Code de l’emploi  » d’inspiration libérale, protecteur de l’entreprise. Les auteurs de ce livre achèvent cette mutation en proposant de transférer sur le salarié la responsabilité économique de l’entreprise, qui relève en principe de l’employeur  ! Ils esquissent la rédaction d’un Code du travail évoluant vers un Code de l’emploi qui prenne en compte les conditions économiques de l’entreprise, suivant sa taille, suivant l’affichage d’une «  bonne volonté  » du patronat à redresser l’économie du pays en échange d’une plus grande liberté de licencier  !

Ainsi, d’après les auteurs, il suffirait de quelques articles de loi, une cinquantaine, pour régler le problème de la complexité du Code du travail et de son «  obésité  » responsable de la «  maigreur  » de la relance économique  ! Mais rien sur le Smic, ni sur la santé et la sécurité des salariés, rien sur l’inspection du travail  !

Cette conception de la «  simplitude  » du droit relève de la mystification  ! En effet, si l’on peut considérer que certains articles du Code nécessiteraient d’être retirés ou pour le moins remis en cohérence entre eux, il n’en reste pas moins vrai que la complexité est parfois une garantie pour les salariés. Ainsi, elle est bien souvent le résultat d’une interprétation jurisprudentielle qui clarifie et met en cohérence un article de loi, parfois trop «  simple  », avec l’ensemble du droit du travail.

Enfin, cette façon de procéder interroge sur la place de la démocratie.

Ainsi les organisations syndicales seraient «  reléguées  » à la gestion des règles contractuelles issues des articles du nouveau Code de l’emploi  ! Cela conduirait à sacraliser les accords collectifs dérogatoires à la loi, affaiblissant considérablement la protection légale des salariés  ! Le patronat ne rêve que de ça  !

S’il est vrai que la conception de la négociation en France est à revoir dans le processus de la construction d’une loi du travail, autre chose est de faire table rase du principe même du dialogue social  !

Pour la CGT, la solution réside dans la mise en place d’un nouveau statut du travail salarié avec une Sécurité sociale professionnelle garantissant à tout salarié un socle de droits fondamentaux attachés à sa personne, garantie collectivement tout au long de son parcours professionnel et opposable à tout employeur  !

Voilà la base d’un Code du travail protecteur du salarié que la CGT propose.


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