Au RN, deux candidatures pour une seule ligne : celle de Marine Le Pen

dimanche 11 septembre 2022.
 

Après le maire de Perpignan Louis Aliot fin juillet, le président par intérim du RN, Jordan Bardella, a officialisé sa candidature à la tête du parti d’extrême droite. Quel que soit le résultat du scrutin interne de novembre, le mouvement restera à la main de Marine Le Pen.

Et de deux. Sans surprise, Jordan Bardella, le président par intérim du Rassemblement national (RN), a officialisé mercredi 31 août sa candidature pour conserver la présidence du mouvement d’extrême droite, dont il assurait l’intérim depuis le début de la campagne présidentielle de Marine Le Pen.

D’ici au 5 novembre, date du prochain congrès, les adhérents de la formation devront se prononcer entre cette candidature et celle du maire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), Louis Aliot. Une candidature annoncée au cœur de l’été, dans une tribune à L’Opinion, et confirmée samedi dernier lors d’une réunion de ses soutiens à Baixas, dans son département.

Sur le papier, l’élection de Jordan Bardella, 27 ans, est quasi assurée. L’eurodéputé a reçu ces derniers jours le soutien d’une très large partie des cadres du RN, notamment des député·es (Julien Odoul, Laure Lavalette, Caroline Parmentier...), mais aussi du parti l’Avenir français, dirigé par les figures montantes de l’extrême droite, les députés Jean-Philippe Tanguy et Thomas Ménagé, tous deux issus des anciens rangs du parti de Nicolas Dupont-Aignan.

Face à lui, Louis Aliot entend être davantage qu’une candidature de témoignage. À 52 ans, l’ancien compagnon de Marine Le Pen peut se targuer de diriger depuis 2020 la plus grande ville détenue par le RN. Conséquence logique de cette baronnie, il peut compter sur les soutiens des quatre nouvelles députées des Pyrénées-Orientales, mais aussi des trois députés de l’Aude voisine, et d’une bonne partie des cadres RN de la région Occitanie.

Surtout, Louis Aliot revendique sa part dans l’exercice de dédiabolisation du parti sous l’ère Marine Le Pen : adhérent au Front national (FN) en 1990, il en a été le secrétaire général entre 2005 et 2010, notamment.

Dans sa tribune à L’Opinion, il souligne avoir contribué, « avec Marine Le Pen et quelques autres », « à l’élaboration d’une ligne nationale populaire qui a été validée dans les urnes par une grande partie des Français, permettant une clarification au sein du camp national, et poursuivant le processus de normalisation » du parti. « Je souhaite désormais approfondir et solidifier cette ligne afin que chacun d’entre nous puisse jouer son rôle dans la candidature de Marine Le Pen en 2027 », écrit-il encore.

À Baixas, Louis Aliot a été encore plus explicite : « Nous avons la chance d’avoir une candidate, donc la question ne se pose pas », a-t-il déclaré. Non sans envoyer une petite pique à son concurrent, que certains au RN soupçonnent d’avoir des ambitions pour 2027 : « Je ne me pose pas la question, et je ne veux pas savoir si notre ami Jordan a ce genre de question. »

À mariniste, mariniste et demi chez Jordan Bardella. Dans son communiqué de candidature, le président par intérim du RN entend « poursuivre le chemin victorieux qu[’ils ont] emprunté derrière Marine Le Pen ». À son crédit : les campagnes de la présidentielle et des législatives, qui ont vu Marine Le Pen arriver au second tour et recueillir plus de 13 millions de voix, mais surtout l’élection à l’Assemblée nationale de 89 député·es. Du jamais-vu pour le parti.

Jordan Bardella conclut son courrier de candidature par un appel « au sursaut et à l’engagement : rejoignez-nous, participez, agissez, votez. Pour que nous continuions ensemble et avec Marine Le Pen à aller de l’avant ».

Officiellement donc, la compétition devrait être des plus respectueuses et ne laisser que peu de place à l’affrontement. « Une campagne apaisée, c’est une demande de Marine Le Pen », souligne auprès de Mediapart la députée Edwige Diaz. Le choix de l’élue de Gironde se porte sur « Jordan », mais « les deux sont profondément marinistes, donc ça me va très bien », dit-elle.

En quoi les deux candidats sont-ils différents ? C’est « une question de profil, de personnalité », estime Edwige Diaz, avant d’ajouter : « Mais je ne pense pas qu’on puisse dire anciens contre modernes. » « Louis Aliot est très moderne, ce serait réducteur de dire que c’est une question d’âge. » « Ils sont sur la même ligne et c’est bien normal, ajoute le député de l’Oise Philippe Ballard, c’est la même chose dans tous les partis : vous imaginez un peu un candidat à la tête du Parti communiste et qui soit pour l’ultralibéralisme ? »

Toujours selon le même élu, les deux candidats sont donc sur la même ligne : immigration, insécurité, « mondialisation qu’on nous promettait heureuse et qui s’avère une catastrophe », échec des sanctions contre la Russie… Le député soutient néanmoins Jordan Bardella, notamment parce que « les Français le connaissent, le reconnaissent », même s’il juge que Louis Aliot est quelqu’un « d’humain, de très bien ».

Louis Aliot et Jordan Bardella ont jusqu’au 9 septembre pour réunir les quelque 70 parrainages nécessaires à valider leur candidature, auprès des membres du Conseil national et des délégués départementaux du RN, ainsi que des conseillers départementaux, parlementaires et grands maires du parti.

Quel que soit le vainqueur du 5 novembre, Marine Le Pen devrait conserver la mainmise sur le parti fondé par son père il y a 50 ans tout juste cette année. Début juillet, lors d’une conférence de presse, l’ex-candidate à la présidentielle avait souligné qu’elle laisserait « se dérouler cette compétition démocratique » sans intervenir.

« Au passage, avait-elle insisté, tous ceux des journalistes qui expliquaient que Marine Le Pen ne quitterait jamais la tête du Rassemblement national, qu’elle va s’y accrocher comme la moule à son rocher, que les Le Pen n’accepteraient jamais que quelqu’un d’autre puisse être à la tête, en sont pour leurs frais. » En cédant sa place à un « mariniste », le geste apparaît cependant surtout symbolique.

Christophe Gueugneau


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