Législatives : portraits croisés de 10 candidats de la Nupes

mardi 31 mai 2022.
 

Ils seront peut-être, le 19 juin prochain, élus députés sous l’étiquette de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Nous sommes allés à la rencontre de dix de ces candidats, inconnus du grand public, pour comprendre le sens de leur engagement.

Sabine Cristofani-Viglione

4ème circonscription du Var

(Résultats du premier tour de la présidentielle : Le Pen 32,16%, Macron 24,07%, Gauche 18,49%)

C’est la candidate de gauche qui sera face à Éric Zemmour. Et depuis cette annonce, le rythme de campagne de cette enseignante d’une classe de CM2 s’est accéléré : « Les caméras se sont braquées sur la circo et désormais cela n’arrête pas », témoigne la candidate. Rien pour lui faire peur, Sabine Cristofani-Viglione est habituée au militantisme. D’une famille communiste, elle a très tôt participé à la vie politique, « et je me suis toujours dit que dès que mes enfants seraient grands, je m’engagerais dans la politique plus sérieusement. Me voilà donc candidate ». Avec Blanquer à l’Éducation depuis cinq ans, dit-elle, ses cinquantaines de protocoles, l’absence d’augmentation salariale et le mépris continu pour la profession, la candidate sait bien ce que la lutte politique a de plus difficile. Le mépris constant des dominants. Dès lors, elle nous raconte le parcours scolaire de son fils. Il a eu besoin d’une AESH pour étudier dans de bonnes conditions : « Les professeurs ne sont pas formés pour l’inclusion. D’autre part, les heures allouées pour les AESH sont insuffisantes, mon fils ne bénéficiait que de sept heures par semaine ». Et dans beaucoup de cas, il y a une mutualisation : l’AESH s’occupe de plusieurs élèves, ce qui ne répond évidemment pas aux besoins individuels. De ces expériences, Sabine Cristofani-Viglione remarque un grand écart entre la couverture médiatique de la circonscription, montrant Éric Zemmour à la rencontre des habitants du Golfe de Saint Tropez et la réalité du terrain. « Dans les terres, je vois personnellement des habitants à qui on ne donne pas les moyens de vivre décemment. Des gens qui touchent 1000 euros de retraites survivent malgré tout, mais il faut leur permettre de vivre. C’est pourquoi je représente la Nupes ».

Nathalie Krawezynski

3ème circonscription de la Savoie (Gauche 29,87%, Le Pen 26,24%, Macron 24,85%)

Originaire du quartier des Izards à Toulouse, la candidate Nupes a fait des « dizaines et dizaines » de métiers : femme de ménage, animatrice de rue, aide à domicile, remplaçante en maison d’accueil spécialisée polyhandicap, AESH, puis artisane d’art, avant de devenir agente administrative dans un lycée professionnel à Chambéry. De ses multiples expériences, elle en a tiré une volonté de s’engager dans le lien social, et veut caractériser son action par l’ouverture, maître mot de sa campagne. Par exemple, ce fut une militante engagée dans le mouvement des gilets jaunes : « Cela est resté pour moi comme un lieu formidable d’échange. À force de discuter avec des gens qui ne partageaient pas mes opinions politiques, les idées infusent et les choses évoluent ». Justement sur les idées : selon la candidate, l’éducation est le pilier de tout bien commun. Elle a vu de son poste actuel, et depuis la réforme de l’apprentissage en 2018, les lycéens devenir une main d’oeuvre de substitution. « On apprend à nos enfants à être un bon employé, à dire oui au patron et à se taire, cela m’est insupportable ». Car concrètement en Savoie, les apprentis font de la concurrence aux saisonniers : « Il y a un dumping social dans notre région, les saisonniers qui avaient réussi à obtenir un statut, se retrouvent maintenant en difficulté pour trouver un emploi ». Autre problème majeur auquel est confronté la Savoie : l’eau. « Le changement climatique pousse les collectivités à faire reculer en altitude les stations. Et le problème est que la montagne s’urbanise ». L’hiver, les stations multiplient par dix leur consommation d’eau. « On va même jusqu’à creuser à l’aplomb des sources d’eau potables du fait des projets d’aération pour le tunnel Lyon-Turin. Ce creusement est autorisé par dérogation locale du préfet, malgré qu’il entraîne une pollution de l’eau potable ».

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Michèle Roux

2ème circonscription de la Dordogne (Gauche 28,21%, Le Pen 27,63%, Macron 23,8%)

L’eau justement. C’est également un problème constant pour Michèle Roux, paysanne à la retraite, après une carrière croisée entre son exploitation, son poste de professeure dans un lycée agricole et son engagement syndical. « J’ai toujours été proche des luttes. Par exemple, j’ai occupé la ferme des 1000 vaches, une bataille qui a duré dix ans au total ». Un projet mené par un industriel du bâtiment ayant pour but de susciter un rendement financier maximal de l’exploitation du lait, notamment avec des méthaniseurs puissants. Le problème est que cela venait alimenter la crise du lait et abaisser encore d’avantage son prix. Les autres producteurs locaux se retrouvant donc forcés de baisser eux aussi leur prix, alors qu’ils vendaient déjà à perte. « De mon côté, j’ai vu avec le dérèglement climatique, une évaporation de l’eau beaucoup plus rapide. On a dû trouver des solutions alternatives pour nos exploitations mais peu viables d’un point de vue écologique ». Michèle Roux nous raconte alors que le forage des nappes phréatiques, ou l’utilisation de l’eau de mer deviennent les alternatives. « Sauf que l’eau de mer salinise les sols, ce qui atteint fortement la qualité de ceux-ci, jusqu’à affecter la production végétale ». Pour la candidate, la véritable solution est alors de penser la production via une quantité limitée pour ensuite mieux la partager : « C’est l’ambition de l’agriculture paysanne ».

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Karol Kirchner

2ème circonscription du Morbihan (Macron 32,34%, Gauche 30,71%, Le Pen 20,86%)

L’eau toujours. Avant de devenir artisan à Belle-Île-en-Mer, Karol Krichner est sorti d’une école de commerce lyonnaise, et a rejoint dans la foulée le célèbre cabinet d’audit KPMG. Il a finalement suivi une formation pour se convertir dans la maîtrise du bâtiment, et s’est investi avec ces deux employés dans des chantiers de l’île bretonne. 2020 marque alors une nouvelle étape de sa vie, dès lors qu’il décide de s’investir dans la campagne municipale. « Je suis devenu conseiller municipal d’une liste minoritaire et me suis basé dans la commission d’urbanisme. Mais je m’engage avant tout bénévolement, par exemple pour développer une monnaie locale. C’est aussi pourquoi je refuse d’être encarté, je ne veux ne pas appartenir à un camp ». L’enjeu pour lui est de montrer par son action politique « qu’il ne suffit pas nécessairement de changer grand chose pour montrer aux gens qu’on peut faire avancer leurs conditions de vie ». Sa candidature prend alors du sens, « devant les enjeux auxquels fait face le monde ». Seulement, la tâche est difficile car sa circonscription a toujours été de droite depuis 1958. « Mais nous réfléchissons plus loin que cet accord électoral, notre objectif est de le faire vivre au niveau local sur le long terme. Le véritable sujet est comment faire vivre l’union sur le long terme ». Et il y a du travail, car sa circonscription concentre des enjeux très investis par le programme de la Nupes. « Notre circo concentre trois îles où les jeunes du pays ne peuvent plus se loger du fait de la spéculation immobilière. Un cadre légal existerait pour lutter contre cela mais il faut y ajouter de la volonté politique ». Selon lui, les îles devraient être déclarées zones tendues pour le logement, ce qui permettrait par exemple d’encadrer les loyers. Le candidat est donc prêt à mener le combat législatif mais le plus important reste « de prendre à bras le corps les sujets devant nous avec tous les citoyens concernés ». La question de l’eau en priorité, sur une île où les habitants sont dépendants de l’eau de pluie. Dérèglement climatique ce faisant, le risque de pénurie demeure alors constant.

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Annick Prévot

2ème circonscription de l’Oise (Le Pen 37,58%, Macron 23,56%, Gauche 22,93%)

« Dans ma vie, j’ai beaucoup travaillé en intérim. D’abord un an dans le nettoyage, puis 12 ans chez Nestlé, 13 ans chez Faurecia, comme ouvrière de production avant de devenir cariste pendant 20 années ». Aujourd’hui sans mission, Annick Prévot nous explique n’avoir jamais fait de politique avant le mouvement des gilets jaunes. Ce qu’il l’a conduite elle aussi à candidater sur liste aux élections municipales de 2020. Car selon elle, « si on ne s’intéresse pas à la politique alors la politique s’intéresse à nous, et de manière violente ». Désormais, elle souhaite améliorer la vie des citoyens : « J’ai discuté avec des gens qui n’arrivent pas à vivre décemment, et là on découvre des choses scandaleuses ». Un exemple : « les artisans subissent une TVA à 20%, alors même que c’est 13% pour de la revente sans modifications ». Prête également pour le combat législatif, la candidate de l’Oise affirme que si les ouvriers ont à apprendre de la politique, la réciproque doit aussi fonctionner : « Les politiques ont à apprendre des ouvriers ». C’est donc slogan en tête qu’elle mènera cette campagne. « Je me dis qu’il faut à l’Assemblée moins de carriéristes et plus de caristes ».

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Cédric Briolais

10ème circonscription des Yvelines (Macron 32,9%, Gauche 30,06%, Le Pen 16,19%)

Cédric Briolais aura à affronter Aurore Bergé, une fidèle macroniste jamais récompensée pour ses bons et loyaux services. Lui est machiniste de formation à la RATP et a mené 50 jours de grève pour lutter contre la réforme des retraites à partir de Décembre 2019. Aujourd’hui devenu agent de station, il travaille de 5h à 13h30, et consacre le reste de son temps à la campagne. « Pendant notre grève, les seuls soutiens politiques que nous avons reçus étaient ceux de la France Insoumise. C’est à ce moment là que j’ai eu la chance de rencontrer Eric Coquerel et Mathilde Panot et me suis investi dans le mouvement ». Cédric Briolais a donc participé au livret thématique sur la question des transports et compte bien continuer à lutter pour promouvoir une autre politique des transports. « Quand je vois qu’il faut plus d’une heure pour faire Rambouillet-Paris, je voudrais que l’on défende mieux ce service public. Une politique des transports permettrait de casser les barrières entre quartiers populaires et centre de la ville ».

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Arnaud Petit

3ème circonscription de la Somme (Le Pen 36,78%, Macron 26,43%, Gauche 21,3%)

Ouvrier métallurgique, président d’un syndicat et maire de sa commune depuis 2014, Arnaud Petit veut répondre au problème de représentativité dans les instances politiques. « Je me sens proche des problématiques des gens, car j’ai un métier qui est celui de la majorité des habitants de ma circonscription ». En réalité, son territoire est assez pauvre – selon ses mots – cumulant les situations de bas salaires. « Les habitants sont souvent obligés de travailler à deux. Et une fois deux Smic dans le foyers, ont du mal à finir le mois. C’est paradoxal du point de vue des patrons qui se plaignent de manquer de main d’œuvre. Seulement au bout d’un temps, les salariés refusent des postes mal payés avec des conditions de travail difficiles et c’est légitime ». Autre problème dans la circonscription : le manque de ressources allouées aux petites communes. « Nos jeunes n’ont aucun moyens de s’émanciper. Et donc les inégalités se reproduisent. La politique est de fermer les petites écoles : la difficile mobilité dans la région fait que les conditions d’accès à l’école de nos jeunes sont ici difficiles ». Alors ce sapeur-pompier volontaire aura pour tâche de venir en aide de ces territoires oubliés.

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Amadou Dème

4ème circonscription de l’Essonne (Gauche 32,03%, Macron 31,08%, Le Pen 19,13%)

« On a commencé cette campagne avec 2000 tracts, puis finalement grâce à la forte mobilisation et la dynamique militante, nous avons fait 60.000 boîtes aux lettres ». Arrivé en France à 17 ans en 1985, depuis Dakar au Sénégal où il a grandi, Amadou Dème est fier d’être devenu aujourd’hui collaborateur politique à Grigny. « Je sens un élan car des gens qui s’étaient éloignés de la politique s’en rapprochent à nouveau. Si les forces ont été affaiblies ces dernières années, la Nupes suscite un espoir ». Avec sa suppléante, Amadou Dème veut donc en profiter pour porter des sujets qui concernent des milliers de familles et dont on ne prend pas le temps de parler. « Le handicap doit par exemple devenir un sujet politique, le législateur ne parvient jamais à s’en saisir ». Lui veut être un député présent auprès de la vie des quartiers, comme il l’a toujours fait en tant que collaborateur politique. « La députée macroniste, personne ne l’a connait, elle est revenue faire la cérémonie du 8-Mai, des élus témoignent ne l’avoir jamais vu ». L’objectif est donc de réinvestir la représentation nationale localement et de faire de la Nupes une force présente au quotidien des habitants de la circonscription.

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May Bouhada

6ème circonscription du Val de Marne (Macron 35,08%, Gauche 39,49%, Le Pen 7,21%)

Sortie du Conservatoire nationale supérieure d’art dramatique, il y a de cela 25 ans, May Bouhada se définit comme une femme de théâtre. À la fois artiste et réalisatrice, toujours liée par un engagement politique, elle s’engage dans la transmission de son art via les territoires. Au-delà de cela, elle a aussi porté la question de la place des femmes dans l’art. « Dans notre histoire, c’est comme si les femmes n’existaient pas. Je suis fier donc de travailler sur la question du matrimoine. De faire connaître des femmes comme Alice Guy, la première réalisatrice de l’histoire du cinéma ». Et en fin de compte, cet engagement historique dans le secteur de la culture couvre beaucoup d’autres questions. « Car l’intelligence, la créativité ne se pensent pas sans le corps ». La candidate se dit alors enthousiaste des dynamiques d’union de la gauche. « À Fontenay-sous-Bois nous avons réussi grâce à l’union de mieux nourrir nos enfants. Nous sommes à 60% de bio dans les cantines et voulons aller vers 100% ». Elle aimerait alors porter le sujet de l’écologie auprès des classes populaires. « Les enfants ont aujourd’hui une moins bonne espérance de vie qu’auparavant, dire qu’on va promouvoir 30 minutes de sport par jour est insuffisant. Il faut porter des politiques publiques globalisantes mêlant santé, écologie, le tout bien sûr accessible à tous ». Dans sa dernière pièce, May Bouhada retrace l’histoire d’une « gamine » dont le grand-père vient de mourir. Elle part alors à la rencontre des terres où il a vécu, sur un fond de réalisme climatique. Plus que jamais, le théâtre devient alors politique et philosophique. Et la candidate compte bien se saisir de son art pour mener cette campagne.

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Damien Maudet

1ère circonscription de Haute-Vienne (Gauche 35,87%, Macron 26,61%, Le Pen 21,73%)

Militant depuis 10 ans, désormais collaborateur parlementaire de François Ruffin, Damien Maudet, c’est ce citoyen « politisé » qui avait interpellé Emmanuel Macron sur la situation de l’hôpital public en ce début d’année 2022. « J’ai commencé à lutter dans ma cité universitaire de Limoges. À un moment où celle-ci était en travaux, tous les étudiants se sont retrouvés sur le marché immobilier. Et cela fait que Limoge est devenue une zone tendue pour se loger ». Dès lors, il fallait trouver une solution pour que tout le monde puisse se reloger à des prix acceptables. Son premier combat s’est alors soldé par une réussite, puisque Limoges Habitat a mis à disposition des logements pour compenser la perte de ceux de la cité universitaire. Puis, il s’est battu contre la loi Travail en 2016. Puis, il a mené la plus longue occupation universitaire contre la sélection à l’Université et la réforme du statut des cheminots. Arrivé à Lyon puis à Paris pour finir ses études, il raconte avoir conscientisé la violence sociale tout au long de son parcours. « Je n’ai pas eu l’impression de subir plus qu’un autre la violence symbolique que l’on inflige à un étudiant faisant son chemin de Limoges jusqu’à Paris. Par contre le fait que je suis l’un des seuls de mes classes d’école à avoir fait ce parcours, raconte ce que la société a de violent ». Une fois son diplôme en poche, Damien Maudet a rencontré Francois Ruffin et longuement travaillé sur la thématique du film « Debout les femmes ». « Je retire une fierté de ce que l’on a fait sur ce sujet. On a mis en lumière la triple sanction auxquelles étaient confrontés les auxiliaires de vie sociale, les AESH ou les femmes de ménages. La sanction économique avec des salaires souvent autour de 800€, la sanction symbolique d’être considérée comme ‘celles qui torchent des culs’. Et puis, la sanction du temps libre indisponible, ces femmes là travaillent de 8h à 20h tous les jours ». C’est de ces sujets que le candidat veut se saisir pour mener campagne, mais toujours dans une ambiance festive. « On organise des matchs de foot ou des concerts, on a besoin d’introduire de la joie dans cette élection, à l’heure où les gens ont de l’amertume face à la politique ».

Clément Gros


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