Sarah Legrain, une enseignante féministe en route vers l’Assemblée

lundi 6 juin 2022.
 

Quinzième épisode de notre tour de France de l’insoumission. Sarah Legrain, normalienne agrégée de lettre, enseignante à Aulnay-Sous-Bois

Sarah Legrain ouvre les yeux le 17 novembre 1985 à Paris. Elle est aujourd’hui la candidate NUPES dans le 19ème arrondissement de Paris, circonscription la plus jeune et la plus populaire de Paris, où Jean-Luc Mélenchon a enregistré sa plus forte progression dans la capitale. Enseignante à Aulnay-Sous-Bois, cette normalienne agrégée de lettres, compte se battre pour ses collègues à l’Assemblée nationale. Toute jeune maman, Sarah Legrain souhaite également porter un autre combat : le féminisme en politique. Portrait.

Sarah Legrain nous accueille dans un café place Danube, non loin de chez elle, dans le 19ème arrondissement de Paris. Dans cette circonscription, Jean-Luc Mélenchon a failli passer au premier tour (46,51% !). Sa plus forte progression dans le capitale depuis la présidentielle de 2017 (30,70%). Le 19ème arrondissement, circonscription la plus populaire de Paris avec le 18ème arrondissement de Danièle Obono, et la plus jeune. Les nouveaux visages ne cessent d’affluer dans les groupes d’actions locaux, particulièrement féminin, ce qui ne déplait pas à la candidate.

Sarah Legrain nait le 17 novembre 1985, dans le 14ème arrondissement de Paris. En bourdieusienne, elle met en avant le capital culturel et économique de sa famille, qui lui permet de réaliser de brillantes études. Sarah Legrain est reçue à la prestigieuse École normale supérieure (ENS), où elle étudie les lettres et la philosophie. Elle ne s’en vente pas, mais oui Sarah Legrain est normalienne ! Elle décroche même l’agrégation de lettres dans la foulée. Elle est classée 5ème, sur toute la France. Brillante, on vous dit !

Sarah Legrain commence une thèse sur Marivaux, mais elle se rend vite compte que ce qu’elle aime, c’est enseigner. À l’exercice solitaire de la recherche, « un univers saccagé », elle préfère donner des cours. En 2014, stop la thèse, direction le Lycée professionnel et technologique X à Aulnay-sous-Bois. Elle y enseigne depuis 8 ans. Elle est professeure de Français et de culture générale en BTS. Elle nous parlait en mai dernier de la mobilisation des BTS et des lycéens dans tout le pays.

L’engagement politique

Contrairement à beaucoup de militants et militantes politiques, sa politisation ne se fait par lors de sa socialisation primaire, par la famille, « ça ne parlait pas trop politique à la maison », mais lors de sa socialisation secondaire, par les groupes de pairs. Ses rencontres avec des potes « broyés par le système », venant de milieux sociaux différents, saisissent Sarah Legrain.

À cette époque là, début 2010, son cœur balance entre les lettres et la philosophie. Elle aime à la fois Du contrat Social et les Rêveries du promeneur solitaire. Elle rencontre des mélenchonistes à l’ENS. Elle n’a jamais pris sa carte nulle part. Elle a voté non en 2005, elle commence à écouter les discours de Mélenchon. On est en 2011, elle rencontre notamment Paul Vannier, autre enseignant insoumis, elle prend sa carte au parti de gauche (PG), et s’inscrit dans le comité du 10ème avec un certain… Jean-Luc Mélenchon.

L’interaction, avec les élèves pendant les cours, elle aime ça. Elle va s’engager de plus en plus. En 2015, elle devient secrétaire nationale du parti de gauche. En 2017, après le score historique de 19,5% à la présidentielle, elle est candidate aux législatives, déjà dans le 19ème. Elle bat un certain Jean-Christophe Cambadélis, ex premier secrétaire du PS, perché sur sa palette. Au second tour, elle est opposée à Mounir Mahjoubi, alors Président du conseil national du numérique, figure du macronisme. Verdâtre sur le plateau, il passe à 700 voix près. Comme sa camarade Danielle Simonnet dans le 20ème, Sarah Legrain passe à un cheveux de devenir députée.

Pilotage de l’Agora, à l’origine du Parlement de l’Union Populaire

Elle se bat pendant 5 ans sous Macron, ses innombrables éditos pour l’insoumission sont là pour en témoigner. Elle est de toutes les manifs, de toutes les luttes. Lorsque la campagne présidentielle des insoumis se lance, à 18 mois du premier tour, Sarah Legrain pilote un outil particulièrement stratégique : l’Agora insoumise. Un espace de débat ouvert sur l’extérieur du mouvement. L’objectif est à la fois le dialogue avec les partenaires d’autres organisations politiques et militantes, et l’éducation populaire des insoumis.

Le 10 octobre 2020, se tient l’agora de LFI, dans le 19ème arrondissement de Paris. Sarah Lerain organise de A à Z. Le thème : le rôle et la place de l’État face à l’urgence écologique. Les invités : le philosophe écologiste Dominique Bourg, l’ancien maire écologiste de Grande-Synthe et député européen EELV Damien Carême, la présidente des insoumis Mathilde Panot, figure de l’écologie populaire, et une certaine… Aurélie Trouvé, alors porte-parole d’ATTAC, qui deviendra plus tard présidente du Parlement de campagne de Jean-Luc Mélenchon.

Un bébé en pleine campagne présidentielle : un message féministe envoyé au champ politique

À 36 ans, en pleine campagne présidentielle, Sarah Legrain devient maman. Avec un message à envoyer : on peut faire de la politique à haut niveau et avoir un vrai pied dans le réel, une vie personnelle. On peut être députée, et jeune maman. Sans avoir de compte à rendre sur sa disponibilité. Une question de la disponibilité, jamais posée aux députés jeunes papa. La vie personnelle et l’engagement politique doivent pouvoir être compatible. À condition que les tâches soient partagées au sein des couples, d’avoir un vrai service public de la petite enfance, et des congés parentaux égaux. Sujet que Sarah Legrain veut porter haut et fort.

Outre son combat pour l’école, Sarah Legrain veut porter les luttes féministes à l’Assemblée nationale. Elle est en guerre contre l’injustice des « carrières hachées » réservées aux femmes, quand la paternité est à l’inverse valorisé dans les carrières masculines. Raison de l’importance de congés parentaux égaux, et plus globalement de l’importance de la réduction du temps de travail, un combat profondément féministe, pour que les parents puissent apprendre à devenir parents ensemble.

Sarah Legrain veut porter un féminisme marxiste à l’Assemblée nationale

Sarah Legrain veut faire entrer à l’Assemblée un féminisme marxiste, car lutte des classes et féminisme sont intimement liés pour elle. Le capitalisme repose sur le temps de travail des femmes non rémunérés. Le travail caché des femmes est bien un instrument de la reproduction de la force de travail, au profit du capital. Un enfant bien nourri, signifie un nouveau petit ouvrier que l’usine va pouvoir avaler. Toutes les tâches ménagères invisibles, permettent la reproduction de la force de travail de la classe ouvrière. La question de ce travail caché des femmes est fondamental pour Sarah Legrain.

La question de la réduction du temps de travail, de la libération de l’aliénation de vies entières sacrifiées au travail, permettrait aussi aux hommes de se libérer. De voir leurs enfants grandir, de passer du temps avec eux. Pour l’enseignante, une révolution adviendra le jour où la charge parental ne reposera plus uniquement sur les épaules des femmes. Le jour où fait de devenir père ne signifiera plus monter en grade, obtenir plus de responsabilités, augmenter son salaire pour ramener plus d’argent à la maison, et donc ne pas avoir de temps pour ses enfants.

Le jour où une partie de la gauche aura compris que défendre les droits des femmes, c’est se battre contre le capitalisme. Qu’être féministe, signifie porter en soi une exigence radicale d’égalité. L’augmentation des salaires, la baisse du temps de travail, la reconnaissance du travail caché des femmes, autant de combat que Sarah Legrain portera à l’Assemblée nationale, comme députée féministe.

Par Pierre Joigneaux.


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