Une certaine coulisse de l’inflation

mercredi 2 février 2022.
 

Comme vous l’avez sans doute compris après m’avoir suivi dans quelques émissions, l’économie m’intéresse et j’en analyse les rebonds depuis plusieurs décennies. La formation initiale que m’ont donnée les économistes de la mouvance trotskiste dans ma jeunesse m’a bien servi pour entrer dans un domaine qui n’était pas le mien au départ dans mes études. Grâce à ce qu’on m’a expliqué des analyses d’un homme comme François Chesnay j’ai toujours gardé un œil sur les fondamentaux qui m’avaient été signalés comme décisifs dans l’évolution d’une situation économique globale. Je lis donc avec intensité en ce moment tout ce qui se rapporte à l’évolution de la bulle financière mondiale qui risque d’éclater.

La conjonction entre cet évènement et les dysfonctionnements et blocages de l’économie matérielle « réelle » comme conséquence de la pandémie me semble former un cocktail bien explosif. Le correspondant du « Monde » aux États-Unis estime que depuis New York, le krach est commencé avec la dégringolade des valeurs des entreprises de technologie. C’est dans ce secteur que se faisaient les progressions et les taux de profits d’une part et comme d’autre part les spéculateurs jouent à présent à la baisse ça ne prend pas le bon chemin. Enfin, comme tout le système de la finance a toujours une paille pour pomper dans les verres qui se remplissent vite et se goinfre de titres sur ces « actifs technologiques », la contagion est garantie.

Bien sûr et comme d’habitude les banquiers centraux ouvriront les vannes pour compenser par des injections massives de liquidités les pertes qui pourraient envoyer au tapis tout le système. C’est ce qu’ils ont fait en 2008 après Lehmann Brothers et en 2020 avec l’effondrement des économies dans la crise de la Covid-19. Donc mêmes maux mêmes remèdes. Mais que vaut le remède ? On constate en effet que l’extincteur ne fonctionne plus aussi bien. Et même pire : il n’est pas certain qu’il fonctionne encore. En effet d’une crise à l’autre, d’une injection massive à l’autre les courbes qui constatent les effets montrent que l’on tend vers une situation où elles ne bougent presque plus quand on actionne la pompe à billets pour refinancer les mourants. Des milliards de dollars quasiment jetés par les fenêtres sur les gens par Biden ne produisent pas le décollage durable attendu. Ni dans la production ni de la consommation d’investissements privés des ménages ou des entreprises. Ce phénomène m’avait déjà été signalé dès 2010 par un des créateurs de la banque du sud qui s’en inquiétait. Il n’est donc pas sûr du tout qu’une nouvelle crise puisse se surmonter de nouveau par ce moyen.

Mais alors, comment faire ? D’autres indicateurs contribuent à l’incertitude. Comment l’inflation, notamment celle sur les carburants, va-t-elle se surmonter ? Et celle qui atteint tant de produits de première nécessité pour les familles ? Il n’y a pas tant de moyens : ou bien les salaires augmentent au détriment du capital ou bien rien n’est fait et la consommation se tarira, l’accumulation s’interrompra. Reste le blocage des prix. Le capital n’en veux pas. Plus dure sera pour lui l’ardoise finale entre les chocs sociaux à prévoir et les pertes commerciales assurées de leur fait et de celui du recul de la consommation. La paix achetée au prix du blocage n’aura pas lieu ? Elle coûterait moins de souffrance populaire. Mais l’ardoise finale sera quand même payée par le système.

Et le carburant ? L’affaire s’est amorcée de loin. Il y a eu l’arrêt de consommation soudain à cause de la période des confinements. Alors le pétrole s’est vendu à perte. Des cohortes de navires pleins à craquer étaient paralysés en mer et les cuves à terre débordaient. Les traders se mordaient les doigts d’avoir cru à un placement sécurisé avec l’or noir. Ils ont donc bloqué leurs commandes (« marché à terme ») à 12 mois et à six mois puisque personne n’avait l’air d’en vouloir à brève échéance. Là-dessus l’économie redémarre et la demande de pétrole et d’essence bondit. Du coup les prix en font autant. Mais le pouvoir français, Macron et Lemaire, se disent que ça ne durera pas. Leur raisonnement : les commandes étant reparties, la production de pétrole va suivre et les prix redescendre dans les six mois se disent-ils. C’est pourquoi il misent sur un reflux des prix pour le mois d’avril.

Gloups ! Ce n’est pas ce qui se passe. Au contraire. Mais qui donc a intérêt aux cours élevés ? D’abord les producteurs de pétrole. Et tout au long de la chaine tous ceux qui ont perdu de l’argent dans la phase précédente et qui ont besoin de se refaire une santé. Les producteurs n’agitent pas la pompe. D’ailleurs ils ont peu investi dans leurs équipements de pompage et les machines ne sont plus si performantes ni si flexibles. Ensuite, autre profiteur de crise, l’industrie pétrolière US qui a besoin d’un baril à soixante dollars pour rendre rentables les forages de pétrole de schiste qui ont rendu ce pays autonome à ce prix. Enfin les spéculateurs qui parient à la hausse et attendront comme la dernière fois le cap des cent dollars le baril pour s’inquiéter.

Bref, considérée du point de vue du système, la situation n’est pas si désagréable exception faite pour le consommateur. C’est toujours de là que naissent les crises : tout le monde n’a pas le même intérêt à les maitriser ni à les pousser dans le même sens. Car l’urgence n’est pas la même. Celui qui a du blé à vendre peut attendre le meilleur cours pour le faire. Tandis que celui qui a besoin de pain ne peut faire attendre sa faim avec la même patience. On sait ça depuis la controverse Necker/Turgot et le début de la révolution de 1789.

Dans ce contexte, la guerre d’Ukraine peut jouer son rôle. En fait il s’agit d’une vaste gesticulation destinée à accélérer l’intégration de l’Ukraine dans le giron de l’OTAN. Mais aussi à interrompre le plus grand projet de coopération Russie/Union européenne qu’est le pipeline gazoduc Nord Stream 2 qui amène le gaz russe en Europe. L’Allemagne en est super dépendante. Les USA en sont fort marris. Ils préféraient que leur gaz de schiste soit notre combustible. Imaginez la conséquence d’un choc même « seulement « commercial » avec la Russie sur ordre des USA. Je doute que cela fasse baisser le prix du gaz pendant un bon moment. Je suis donc certain que cette inflation du prix viendra ajouter à l’exaspération des consommateurs. J’en reste là pour cet instant de sorte que mes lecteurs puissent s’en faire une idée le temps de digérer ce plat d’informations et d’analyse. Puissent-ils perdre toute naïveté quand on leur parle de guerre pour la sécurité en Ukraine. Et pourquoi.


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