NOAM CHOMSKY : « LES DÉMOCRATES DOIVENT CESSER D’ABANDONNER LA CLASSE OUVRIÈRE »

jeudi 28 octobre 2021.
 

Comprendre l’évolution de la politique nord américaine n’est pas inutile pour comprendre la nôtre.

L’abandon des classes populaires par les démocrates n’est pas sans rappeler l’abandon des classes populaires par le PS en France. Les conséquences sont analogues.

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Source : ELUCID nouveau média Internet d’information et d’éducation populaire créé en octobre 2021

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Entretien avec Noam Chomsky 24/10/2021

Glossaire préalable :

Camelot : Terme utilisé aux États-Unis pour désigner la présidence de John Fitzgerald Kennedy (1961-1963) en soulignant le côté épique de cette période.

UAW L’Union internationale des travailleurs unis de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’agriculture d’Amérique est un syndicat qui représente les travailleurs des États-Unis et du Canada.

Robert Pollin Robert Pollin est un économiste américain. Il est professeur d’économie à l’Université du Massachusetts à Amherst et directeur fondateur du Political Economy Research Institute.

Dans cet entretien, Noam Chomsky aborde la question de l’état actuel du Parti démocrate et des défis que doit relever la gauche progressiste dans un pays dirigé par une ploutocratie.

Le système politique américain est en panne, déclarent de nombreux experts. Leur affirmation repose sur l’idée que les Républicains et les Démocrates sont plus divisés que jamais et semblent être animés par des conceptions différentes non seulement du gouvernement, mais aussi de la réalité elle-même.

Cependant, concernant le système politique américain, le problème est plus profond que le simple fait que les Démocrates et les Républicains opèrent dans des univers parallèles. Le problème est que les États-Unis semblent fonctionner comme une démocratie, mais qu’il s’agit en fait principalement d’une ploutocratie, les deux partis étant essentiellement soucieux des mêmes intérêts économiques.

Lors de notre dernière interview, vous avez analysé l’identité politique du Parti républicain d’aujourd’hui et disséqué sa stratégie de retour au pouvoir. J’aimerais savoir ce que vous pensez de la forme actuelle du Parti démocrate et, plus précisément, si ce dernier est en passe de desserrer son étreinte néolibérale à un point tel qu’une métamorphose idéologique pourrait en fait être en cours ?

Noam Chomsky : Pour faire court, la réponse est : Peut-être. Il y a beaucoup d’incertitude. En dépit de toutes les différences majeures, la situation actuelle rappelle un peu le début des années 30, une époque que mon grand âge me permet d’avoir en mémoire, même si c’est de façon très vague.

Nous pouvons nous souvenir de la célèbre observation faite par Antonio Gramsci depuis la prison de Mussolini en 1930, et qui peut s’appliquer à l’état du monde de l’époque, quelle que soit l’idée qu’il s’en faisait : « La crise consiste précisément dans le fait que ce qui est ancien est en train de mourir et que ce qui est nouveau ne peut pas voir le jour ; dans cet interrègne apparaissent une grande variété de symptômes morbides ».

Aujourd’hui, les fondements des doctrines néolibérales, qui ont eu un effet si brutal sur la population et la société, vacillent, et pourraient s’effondrer. Et les symptômes morbides ne manquent pas. Dans les années qui ont suivi le commentaire de Gramsci, deux voies ont émergé pour faire face à la crise profonde des années 1930 : la social-démocratie, portée par le New Deal aux États-Unis, et le fascisme. Nous n’en sommes pas encore là, mais les signaux relatifs à ces deux approches sont perceptibles, notamment au niveau des partis politiques.

Pour évaluer l’état actuel du système politique, il est utile de revenir un peu en arrière. Dans les années 1970, les milieux d’affaires, hautement conscients des différences de classes sociales, ont fortement intensifié leurs efforts pour démanteler la social-démocratie du New Deal et le « capitalisme réglementé » qui avait prévalu tout au long de la période d’après-guerre – la période de croissance la plus rapide du capitalisme d’État américain, égalitaire et marquée par des institutions financières sous contrôle, ce qui explique l’absence de crises telles que celles qui ont ponctué les années néolibérales, et nul besoin de « plans de sauvetage de l’économie » du type de ce que nous avons connu ces dernières années.

L’offensive des entreprises commence à la fin des années 30 avec l’expérimentation de ce qui deviendra plus tard des « méthodes scientifiques de casse de grève ». Elle est mise en veille pendant la guerre et reprend immédiatement après, mais elle reste relativement limitée jusque dans les années 1970. Les partis politiques ont plus ou moins suivi le mouvement ; plus exactement peut-être, les deux factions du parti des affaires qui se partagent le gouvernement dans le système américain à parti unique.

Vers les années 70, en commençant par la « stratégie du Sud » ouvertement raciste de Nixon, les Républicains ont entamé leur cheminement pour s’éloigner de l’échiquier politique, culminant (jusqu’à ce jour) avec l’ère McConnell-Trump marquée par le mépris de la démocratie considérée comme une entrave à la possibilité d’obtenir un pouvoir incontesté.

Pendant ce temps, les Démocrates ont abandonné la classe ouvrière, livrant les travailleurs à leur ennemi de classe le Parti démocrate s’est transformé en un parti de professionnels aisés et Wall Street, avant de devenir « cool » sous Obama, reproduisant en quelque sorte l’engouement des intellectuels libéraux pour une image de camelot façonnée pendant les années Kennedy.

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