Un documentaire confirme le bien-fondé de l’assise philosophique et politique du Parti de Gauche.
1 – Une croyance tenace.
La croyance développée depuis la naissance du capitalisme au XVIe siècle selon laquelle par nature l’Homme serait égoïste, un loup pour l’homme et violent est l’un des piliers idéologiques centraux de la philosophie politique libérale légitimant le capitalisme.
Cette croyance de nature métaphysique traverse toutes les productions culturelles du roman jusqu’au cinéma et est profondément incrustée dans une majorité des esprits quel que soit leur niveau culturel.
Elle s’appuie sur l’observation de l’existence des guerres, de l’arrivisme social, de la cupidité, l’existence d’énormes inégalités sociales, etc.. Mais si ces observations s’appuient en effet sur des phénomènes réels, cela ne signifie pas que ceux-ci soient inscrits dans la nature de l’Homme qui serait en quelque sorte frappé par une malédiction qui ne dit pas son nom.
Ces phénomènes sont le résultat d’un conditionnement social s’inscrivant dans des rapports de classe et d’institutions légitimant et servant ces rapports de classe
Ces rapports de classe sont sous-jacents à ces phénomènes et n’apparaissent pas clairement à la conscience de chacun.
Par exemple, à notre époque contemporaine établir le lien existant entre une guerre et le montant des dividendes d’une caste d’actionnaires n’est pas immédiat et peut demander une analyse relativement complexe.
L’observation partagée que le Soleil tourne autour de la Terre ne signifie en rien que ce phénomène corresponde à la réalité. On sait depuis Copernic (et même Aristarque de Samos) et la confirmation par de multiples observations astronomiques ultérieures que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse. Mais pour démontrer cela, il a fallu de nombreux raisonnements, calculs et observations scientifiques. Cette démarche scientifique s’est longtemps heurtée à l’obscurantisme religieux et différentes résistances idéologiques.
De la même manière, pour montrer que l’altruisme et la coopération préexistent au conditionnement social demande de multiples expériences scientifiques faisant appel, en l’occurrence, à la psychologie expérimentale, aux neurosciences et à l’imagerie médicale.
2 – Un documentaire de grande portée idéologique.
C’est justement l’objet d’un documentaire intitulé : Vers un monde altruiste ? que de montrer que l’altruisme et la coopération font partie de la nature de l’Homo sapiens.
Il a été diffusé le 26/02/2016 et est rediffusée le vendredi 04 mars 2016 à 9h55
La vidéo est pour l’instant disponible en cliquant sur le lien suivant : http://www.arte.tv/guide/fr/051656-...
Il est aussi disponible en DVD et VOD.
Présentation du documentaire par Arte
(Il s’agit ici d’un style journalistique assez classique…)
"Et si l’altruisme était un élément essentiel de la nature humaine ? Une piste scientifique aussi passionnante que porteuse d’espoirs suivie par Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade avec, entre autres, la star des neurosciences Richard Davidson et le moine bouddhiste Matthieu Ricard.
« L’homme est un loup pour l’homme » : l’histoire du monde semble écrite pour illustrer cet adage. Pourtant, des voix scientifiques s’élèvent depuis une vingtaine d’années contre cette vision de la nature humaine. Chercheurs en psychologie, primatologie, mathématiques ou neurosciences, ils mènent des expériences novatrices qui contredisent la thèse de l’égoïsme naturel et inventent le vocabulaire d’une autre histoire : l’altruisme et la coopération en sont les maîtres mots. Des États-Unis au Népal en passant par l’Allemagne, Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade (Mâles en péril, Le jeûne, une nouvelle thérapie ?,
Secrets de longévité) sont allés à leur rencontre pour esquisser, sur la base de leurs découvertes, des solutions nouvelles aux maux de la planète, à l’opposé du pessimisme ambiant.
Une enquête scientifique aussi passionnante que prometteuse avec, entre autres, la star des neurosciences Richard Davidson et son non moins célèbre cobaye, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, qui depuis longtemps se sont invités dans le débat public avec un slogan plus révolutionnaire qu’il n’y paraît : "Changez votre cerveau, changez le monde !"
Bonnes natures
Les habitants de La Nouvelle-Orléans post-Katrina font sagement la queue sous le soleil pour se partager l’eau potable. Des anonymes, filmés par des caméras de surveillance, risquent spontanément leurs vies pour sauver celles d’inconnus. À travers des tests répétés des centaines de fois, des bébés américains de quelques mois témoignent d’un sens inné de la justice tandis que leurs homologues allemands, un peu plus âgés, manifestent une tendance naturelle à aider autrui... Entre expériences scientifiques et innovation sociale, entretiens et observation documentaire, Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade montrent que la coopération, si elle a été oubliée par les héritiers de Darwin, constitue dans l’évolution un élément au moins aussi important que la compétition. Et c’est le pari des chercheurs qui s’expriment dans le film : si l’altruisme existe, on peut le cultiver, à l’heure où la survie de l’humanité en dépend probablement.
Commentaires sur ce documentaire par Télérama
http://television.telerama.fr/telev...
3 – Une croyance très utile pour la classe dominante.
L’un des clivages idéologiques fondamentaux entre la droite et la gauche repose sur cette croyance ou non croyance à un égoïsme originel.
Un bon nombre d’argumentaires politiques de gauche se brisent sur cette croyance que l’Homme est fondamentalement égoïste et n’est pas coopératif.
Prenons un exemple parmi des dizaines : un militant de gauche s’acharne à convaincre l’un de ses concitoyens que les inégalités colossales existant entre certains groupes sociaux sont inadmissibles et scandaleuses. Son interlocuteur croyant peut répondre : "pourquoi inadmissibles ? Les humains ont une propension naturelle à accumuler, à s’accaparer un maximum de biens. Aucun système politique ne peut s’opposer à une telle tendance naturelle. En outre, ces inégalités favorisent le progrès par la compétition chacun voulant surpasser les autres. Le partage ou la coopération étant une plus une utopie qu’une réalité ne peuvent mener qu’à l’appauvrissement puis la ruine."
On doit donc toujours s’interroger pour savoir sur quelles bases de philosophie politique s’appuient tant les argumentaires savamment et pédagogiquement élaborés que les préjugés les plus simplistes.
4 – Changer la société pour changer l’individu ou changer l’individu pour changer la société ?
Le documentaire précédent montre à la lumière de nombreux exemples, dans différents milieux sociaux, que mettre en place des techniques d’éducation et de contrôle mental peut influencer largement et positivement la nature des rapports sociaux. Il résulte de nombreuses observations rigoureusement menées que les comportements altruistes sont contagieux.
Mais Matthieu Ricard, (Bouddhiste et aussi docteur en neurobiologie) auteur du fameux livre "Plaidoyer pour l’altruisme" (une véritable compilation des données scientifiques sur la question) est suffisamment averti des réalités de ce monde pour savoir qu’il sera extrêmement difficile pour ne pas dire impossible de convertir les grands dirigeants de l’industrie et de la finance à un altruisme pouvant mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme comme pourrait le suggérer naïvement le documentaire !
Si l’altruisme et la coopération sont des données naturelles inscrites dans l’Homo sapiens pour assurer probablement sa survie, comme pour d’autres espèces, ils peuvent constituer ainsi un support solide pour le développement d’une culture et d’une éducation altruistes et coopératives. Mais il n’en reste pas moins vrai que chaque individu est une construction sociale prenant racine dans une histoire.
Il faut donc imaginer des structures économiques et institutionnelles compatibles avec le comportements altruiste, ce qui n’est évidemment pas le cas pour les sociétés capitalistes.
Penser une sixième république, c’est redonner du sens au Bien commun, aux Communs, à l’intérêt général en s’appuyant sur une conception altruiste et coopérative de l’humain
Pour reprendre l’expression de Jacques Généreux :il convient de construire ni une société individualiste, ni une société holistique mais une "société de développement humain" ou "être pour soi" ne s’oppose pas mais coexistent symbiotiquement avec "être pour les autres".
L’être humain faisant corps avec son écosystème, cette société altruiste d’un type nouveau porte un nom : c’est une société éco socialiste.
Mais il serait illusoire de croire qu’en changeant les structures économiques, les institutions et donc le pouvoir politique, que tout serait réglé .De nombreuses expérience historique sur les cinq continents nous montrent le contraire . Par exemple la corruption frappe et a frappé tous les systèmes politiques depuis fort longtemps.
D’autre part une simple observation du fonctionnement des différentes organisations humaines (clans, associations, partis, syndicats, entreprises, etc.) montre combien des facteurs irrationnels et émotionnels (pas forcément d’ailleurs de nature narcissique) ont une grande importance.
Ainsi, il semble nécessaire pour transformer la société que les citoyens se donnent les moyens de se transformer eux-mêmes non seulement évidemment par l’éducation mais aussi par un travail sur soi pour améliorer en particulier leur socialité. Il existe de nombreux outils pour cela. La méditation en est un, comme le démontre le documentaire, I.R.M. à l’appui.
Ce genre de démarche peut sembler bien étrange à un certain nombre de militants de gauche qui considèrent que "l’urgence sociale" commande un investissement dans des "actions concrètes " répondant aux "besoins des classes populaires" en souffrance
Mais que constate-t-on face à cette urgence sociale, cette souffrance sociale ? Un bloc unitaire et combatif occupant tous les terrains ? Non ! Une myriade d’actions dispersées. Rivalités entre petites organisations, concurrence pour la conquête de sièges électoraux, etc.
Il est peut-être urgent pour faire face à "l’urgence sociale " de prendre le temps de méditer 30 minutes par jour pour comprendre ce que signifie en effet l’altruisme et la coopération comme le préconise le documentaire.
Une attitude de rejet par rapport à cet type de démarche qui peut paraître, a priori, autocentrée, peut révéler un ethnocentrisme, une autosuffisance arrogante ou tout simplement l’ignorance. Quoi qu’il en soit, pour pouvoir se prétendre être un agent efficace "de la transformation sociale",l’expérience semble montrer que les individus doivent d’abord se transformer eux-mêmes sous peine de sombrer dans l’atomisation et l’impuissance à transformer le monde.
Le documentaire révèle d’autres découvertes scientifique cette fois-ci plus inquiétantes. Ainsi, l’humain avant tout conditionnement social, témoigne d’un altruisme différencié. Il est plus généreux avec celui qui lui ressemble. D’autre part, un certain sens moral de la justice et de l’équité qui apparaît chez un bébé dès l’âge de trois mois est mis à mal par le fait que le jeune enfant fait une distinction entre celui qui lui ressemble et celui qui ne lui ressemble pas.
Très tôt, il y aurait donc une distinction qui s’établirait chez l’individu humain entre le monde de ceux qui lui ressemblent et ceux qui ne lui ressemblent pas Il faut sans doute trouver ici l’origine du clanisme qui sépare l’espace social entre intérieur et extérieur, entre nous et les autres.
Le documentaire rend compte d’expériences tendant à résoudre ce problème qui n’est rien d’autre qu’une forme d’égocentrisme qui peut devenir grupo centrisme.
Mais il faut se garder, comme le fait le documentaire, de vouloir expliquer tous les phénomènes sociaux de rejet de l’autre à partir de ce seul paramètre. Les causes sociales sont toujours multifactorielles.
En conclusion : On ne peut changer l’un sans l’autre : l’individu est une construction sociale. Il ne peut être changé sans changement de société. La société est façonnée par des individus : elle ne peut être changée que si les individus se transforment. C’est une profonde et dialectique évidence.
Annexe : articles et vidéos connexes
Hobbes, Locke : capitalisme et libéralisme en Angleterre http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
La violence dans l’Histoire est-elle inscrite dans le cœur de l’Homme ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Sur le chemin de la compassion. https://www.youtube.com/watch?v=YxU...
Conférence de Matthieu Ricard au Palais de Tokyo https://www.youtube.com/watch?v=Tpb...
Plaidoyer pour l’altruisme (le livre est plus récent). La vidéo peut-être la plus intéressante https://www.youtube.com/watch?v=KY8...
Hervé Debonrivage
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