La classe ouvrière dans la Révolution française

lundi 20 janvier 2020.
 

De 1750 à 1799, la classe ouvrière ne présente évidemment pas les mêmes caractéristiques qu’en 1848, 1936, 1968 ou 1995.

Toute société comprenant des salariés connaît des grèves par lesquelles ceux-ci essayaient d’améliorer leur sort :

1) La classe ouvrière en France avant 1789

Dès le décollage du pré-capitalisme au 16ème siècle, les villes comptant un nombre important d’ouvriers voient se développer aussi les premières formes d’organisation et les premiers mouvements sociaux. Tel est le cas de Lyon où les ouvriers imprimeurs ont constitué la ligue des Griffarins. Ses « adhérents cotisent, subissent des rites d’initiation, acceptent la discipline de l’organisation. Ils réussissent à s’intégrer habilement à la milice urbaine et parviennent à constituer, en utilisant les institutions lyonnaises, des groupes d’affidés armés dirigés par des officiers choisis par l’organisation. A partir de 1514, les Griffarins agissent, combinant la négociation et l’épreuve de force. Leur arme préférée est l’interdit. Après trois avertissements, l’atelier du maître récalcitrant se vide au cri de tric, tric... »

18 avril 1529 Grève générale des ouvriers imprimeurs de Lyon

Le nombre d’ouvriers français devient significatif durant le 18ème siècle avec quelques centres importants comme Lyon (30000 canuts de la soie), Le Creusot (1500 ouvriers métallurgistes), Anzin (3000 mineurs de houille), Abbeville (1600 salariés dans la manufacture de draps)...

Les grands ports (Rouen, Nantes, Bordeaux, Marseille...) comptent également plusieurs milliers d’ouvriers.

Dans les années 1780 à 1789, les arrêts de travail et mouvements sociaux se multiplient :

Parmi les plus connus, signalons :

- la grève de deux mois en 1781 dans la papèterie de Vidalon le haut (Annonay) appartenant aux frères Montgolfier. Depuis longtemps, les ouvriers avaient imposé leurs revendications sur la qualité de la nourriture, l’embauche, des temps de repos. L’utilisation d’une nouvelle technique de fabrication permet à l’employeur de remettre en cause ces compromis.

- 7 août 1786 Insurrection ouvrière de Lyon L’émeute des deux sous

- L’émeute Réveillon à Paris les 27 et 28 avril 1789

2) La classe ouvrière française en 1789 : Lyon

« D’une façon générale, dès le début de la Révolution, une volonté revendicative plus intense se manifeste partout, forme d’un certain éveil de la conscience collective des travailleurs. Les tisseurs lyonnais ne sont pas seuls à profiter des circonstances favorables pour s’exprimer. Les ouvriers disent leurs doléances mûries dans les conflits de la fin du siècle : ils font preuve d’une sensibilité de groupe que peu de choses suffisent à révéler tout à coup » (La France ouvrière, Les Editions de l’Atelier, 1995).

C’est encore à Lyon que nous trouvons les formes de lutte les plus conscientes et les plus autonomes.

Après l’émeute de 1786, Denis Monnet a reconstruit le mouvement ouvrier. Il a rédigé un texte de Doléances des maîtres ouvriers qui a circulé dans tous les ateliers de Lyon mais aussi à Nîmes et Saint Etienne. Il nous apparaît comme un vrai militant, cadre organisateur de la classe ouvrière ; ancien employé d’un homme de loi, il dispose de bonnes connaissances juridiques et de facilités importantes d’expression à l’écrit comme à l’oral. En novembre 1786, il est arrêté, accusé "le point de ralliement de la confiance et des intérêts des ouvriers". Enfermé au fond d’un cachot, nous le retrouvons en 1789 lors de l’élection des délégués pour les Etats Généraux.

Le 26 février 1789, le corps de métier lyonnais de la soie se réunit dans la cathédrale Saint Jean. Les maîtres ouvriers commencent par expulser les négociants comme étrangers à leur travail. Les 3300 votants élisent alors leurs 34 délégués.

Denis Monnet se voit élu avec le plus de suffrages. Il rédige aussitôt un Mémoire des électeurs fabricants d’étoffe en soie de la ville de Lyon dans lequel il dénonce la liberté de négociation du salaire de gré à gré par contrat entre travailleur et patron négociant et souhaite le retour d’un tarif général. Pour les « ouvriers en soie, destitués de tous moyens, dont la subsistance journalière dépend toute entière de leur travail journalier, cette liberté les livre totalement à la merci du fabricant qui peut, sans se nuire, suspendre sa fabrication et, par là, réduire l’ouvrier au salaire qu’il lui plaît de fixer, bien instruit que celui-ci, forcé par la loi impérieuse du besoin, sera bientôt obligé de se soumettre à celle qu’il veut lui imposer. »

Durant plusieurs mois la bataille se poursuit. Les négociants contestent auprès de la Cour royale l’argumentation de Monnet . Celui-ci complète ses arguments par un texte de soixante six pages « Doléances des maî­tres-ouvriers, fabri­cants en étoffes d’or, d’argent et de soie de la ville de Lyon, adres­sées au roi et à la nation assem­blée » rédigé en juin 1789, remis aux 16 députés de la sénéchaussée de Lyon puis le 4 août au directeur général des finances à Versailles.

Le 5 septembre 1789, un arrêt signé par Louis XVI rétablit une commission bipartite (6 ouvriers et 6 négociants) chargée d’élaborer un tarif général. Rapidement, les 3500 maîtres ouvriers tisseurs élisent quatre syndics chargés en toute indépendance de veiller à l’application du tarif et des règlements.

L’effervescence populaire de 1789 1791 fait de Denis Monnet un dirigeant révolutionnaire, élu président du district Saint Paul, capitaine d’un bataillon de la Garde nationale. Les négociants adoptent une attitude commune pour qu’aucun travail ne lui soit donné ; heureusement le club Saint Vincent lui accorde une aide. Les lois D’Allarde et Le Chapelier ayant interdit les associations ouvrières en 1791, les ouvriers utilisent à présent le cadre des clubs pour porter leurs combats ; ils réussissent ainsi à obtenir un réunion annuelle de la commission de révision du tarif et une augmentation d’environ un tiers des prix de façon. Notons pour finir la dénonciation de la "libéralisme économique" par la section du Change dans une pétition signée par 4000 citoyens "La liberté ne doit permettre à une partie de la société d’égorger l’autre en lui disant : tu ne mangeras qu’une telle quantité de pain".


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