A– Les données statistiques
B – Quelques constats et commentaires à partir de ces données.
Tout État et tout système économique assure sa reproduction par l’action d’un appareil idéologique dominant : à notre époque, il s’agit du système médiatique. La première tâche d’un citoyen éclairé conscient est de s’arracher à l’emprise de cet appareil. L’interprétation des données brutes des résultats des élections en l’occurrence européennes ne doit surtout pas être abandonnée aux médias.
Nous allons analyser ici les résultats des élections européennes de 2014 et 2019 sans oublier les élections législatives de 2017. On centrera notre attention sur l’évolution de EELV ; de LFI et du PCF ; du FN et de LREM.
On rapporte ici les données globales sur l’abstention et les votes blancs car ils témoignent d’une crise profonde de la démocratie dite représentative depuis de nombreuses années.
On ne s’intéressera pas ici au sort des LR et PS, partis en décomposition qui ne se remettent pas en cause et donc condamnés à disparaître comme le montre un très bon article du Monde reproduit sur notre site ici : http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
L’examen attentif des chiffres permet de sortir des sentiers battus et des idées reçues pour certaines questions.
Pour une analyse de la sociologie de l’électorat pour les européennes 2019 on peut cliquer sur le lien suivant : http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Le lecteur peut, s’il le désire, passer directement au paragraphe II et se référer si besoin est aux données statistiques du paragraphe I.
Les pourcentages pour les abstentions, votes blancs, votes nuls, votants et suffrages exprimés sont donnés ici en pourcentages des inscrits. Les votes par sensibilité politique sont donnés en pourcentages des suffrages exprimés. Pour les avoir en pourcentage des inscrits, il suffit de multiplier les pourcentages précédents par le coefficient de conversion indiqué pour chaque élection.
A– Les données statistiques
source : Wikipédia : européennes 2014
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8...
Inscrits : 46 544 712
A : Abstentions : 26 796 819 ; 57,57 %
Votants : 19 747 893 ; 42,43 % .
B:Blancs 546 601 1,17 %
Nuls 245 531 0,53 1,24
Exprimés : 18 955 761 ; 4 0, 73 % .
A + B = 58,74 % des inscrits
Coefficient de conversion : exprimés––> inscrits : K = 0,41 (plus précisément 0,4073)
Le premier chiffre est évidemment le nombre de voix obtenues
EELV : 1696 442 ; 8,95 % ; (6 sièges au parlement)
Front de gauche : 1 252 730 ; 6,61% (3 sièges)
FN : 4 712 461 ; 24,86 % (24 sièges) Remarque 1 : ce score du FN représente 10,19 % des inscrits.
Remarque 2 : Une erreur a été commise sur le site du ministère de l’intérieur concernant le calcul du total en % des suffrages exprimés par rapport aux inscrits : ce n’est pas 44,73 % mais 40,73 % qui est le bon résultat comme il figure d’ailleurs dans Wikipédia, élections européennes 2014.
Source 1 : ministère de l’intérieur : les élections européennes de 2019 https://www.interieur.gouv.fr/Actua...
Source 2 : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8...
Inscrits : 47 344 735
A : Abstentions : 23 613 483 ; 49,88 %
Votants : 23 731 252 ; 50,12 %
B : Blancs : 551 235 ; 1,16 %
Nuls : 525 793 ; 1,11 %
Exprimés : 22 654 224 ; 47,85 %
A + Bl = 51,04 % des exprimés
Coefficient de conversion Exprimés— > inscrits : K = 0 48 (0,47 85)
Observation : on constate une augmentation de 800 023 du nombre des inscrits, soit +1,72 % entre les élections européennes de 2014 et de 2019.
EELV : 3 052 406 ; 13,47 %
LFI :1 428 386 ; 6,31 % (6 sièges)
Pour l’Europe des gens : PCF : 564 717 ; 2 ,49 % (0 siège)
LFI + PCF : 1993103 soit 8,8 %
Liste de Benoît Hamon : 741 212 ; 3, 27% (0 siège)
Total LFI + PCF + Hamon = 12,07 %
Autres listes progressistes : :
Parti animaliste : 490 570 ; 2,17 %
Urgence écologique : 411 793 ; 1,82 %
Alliance jaune : 122 573 ; 0,54 %
Si ces listes s’étaient présentées ensemble autour de LFI, outre les six sièges de LFI on arriverait à :
Hamon 3
PCF : 3
partie animaliste : 2
urgence écologiste : 2
Listes jaunes : 1
Au total : 16 ou 17 sièges au lieu de 6 et 0 pour chacune de ces petites listes.
Total sans dispersion autour de LFI : 16,6 %
Remarque : la liste Décroissance 2019 pour le parti de la décroissance ne réunit que 10 479 voix, soit 0,05 % des exprimés. C’est moins que le parti Démocratie Espéranto qui réunit plus de 18 000 voit et 0,08 % des exprimés.
Observons qu’en ajoutant la liste EELV, on obtiendrait donc le total : 13,4 % +16,6 % = 30 %, c’est-à-dire un score largement supérieur à celui de Le Pen et de Macron. Dans ce total, on n’a pas inclus les voix du parti socialiste.
Liste RN : 5 281576 ; 23,31 % ; (23 sièges) Remarque : cela correspond à 11,19 % des inscrits
Liste LREM : 5 078 068 ; 22,41 ; 23 sièges Remarque : cela correspond à 10,76 % des inscrits.
Source : ministère de l’intérieur https://www.interieur.gouv.fr/Elect...)/legislatives-2017/FE.html
Inscrits : 47 293 103
A : Abstentions : 27 128 488 ; 57,36 %
Votants : 20 164 615 ; 42,64 %
B : Blancs : 1 409 784 ; 2,98 %
Nuls : 578 765 ; 1,22 %
Exprimés : 18 176 066 ; 38,43%
A + B = 60,34 % des inscrits.
Coefficient de conversion exprimés — > inscrits k = 0,38
EELV : 973 527 ; 4,30 %
LFI : 2 497 622 ; 11,03 %
PCF : 615 487 ; 2,72 %
LFI + PCF : 3113109 ; 13,75 % des exprimés.
LREM. : 6 391 269 ; 28,21 % ; Remarque : ce score représente 13,44 % des inscrits
FN : 2 990 454 ; 13,20 % (5,02 % des inscrits)
B – Quelques constats et commentaires à partir de ces données.
B 1 : On constate une plus grande participation au vote pour les élections européennes de 2019 qui résultent : 1) d’une augmentation du nombre d’inscrits : environ 800 000 ; 2) d’une diminution du taux d’abstention et des votes blancs : -7 points.
B2 :le FN/RN augmente légèrement son score en pourcentage des exprimés et de plus de 600 000 son nombre de voix entre les européennes de 2014 et de 2019. Mais ce n’est pas considérable compte-tenu du constat précédent : en fait, son score augmente de 1 % des inscrits entre les deux élections européennes. C’est néanmoins un progrès net par rapport aux législatives de 2017 ou le FN ne dépasse pas les 3 millions de voix au premier tour.
B 3 : Macron a voulu personnaliser l’élection entre lui et Le Pen. Non seulement il n’arrive pas en tête malgré tous les moyens médiatiques déployés mais il perd des voix par rapport au premier tour des élections législatives de 2017 : il perd 1313201 suffrages alors que le taux d’abstention et de votes blancs a considérablement diminué entre ces deux élections : -9% (51 % au lieu de 60 %). Pour être encore plus précis, son score par rapport aux inscrits passe de 13, 5% à 10,7 %.
La baisse du nombre de suffrages n’est certes pas aussi importante que certains Gilets jaunes pouvaient l’espérer, mais n’en est pas moins réelle. Il est donc possible d’interpréter ce surcroît de mobilisation électorale pour infliger une sanction à Macron. Néanmoins, on peut être inquiet que l’extrême violence de la répression du gouvernement n’ait pas provoqué une plus forte mobilisation de réprobation de cette violence par les urnes. La confusion ou l’amalgame casseurs/Gilets jaunes a masqué et justifié la violences policière sur des manifestant (e)s pacifiques.
B4 : Comparaison de 2014 avec le score LFI de 2019
Commençons tout d’abord pour rectifier une erreur couramment commise pour mesurer la baisse de suffrage obtenu par LFI entre la présidentielle de 2017 et la législatives de 2017.
On entend dire souvent : le score passe de 19 6 % à 11 %. Cette manière de voir est incorrecte car le score de Mélenchon comprend aussi des voix communistes. Au premier tour des législatives de 2017, il faut donc additionner les voix à destination de LFI et celle à destination du PCF.
On obtient donc :
FI + PCF : 3113109 ; 13,75 % des exprimés
Certes, la chute existe, mais elle est moins forte que ce qui est dit à droite et à gauche.
De la même manière, pour apprécier correctement l’évolution de la performance du PG puis de LFI entre les deux européennes, il faut comparer le score du Front de gauche en 2014 et celui de LFI + PCF en 2019. On constate alors que le score passe de 6,61 % à 8,80 % des exprimés avec un gain de près de 500 000 voix entre les deux élections européennes.
Si le PCF avait accepté de s’associer à LFI dans une même liste, il aurait gagné 3 postes à l’assemblée européenne au lieu d’en obtenir 0 puisqu’il faut obtenir au moins 5 % des voix pour prétendre obtenir au moins un siège.
B5 : EELV réalise une bonne performance aux européennes de 2019 : son score passe de 1,7 millions de voix entre parenthèse 9 % des exprimés) à un peu plus de 3 millions de voix (13,5 %). Mieux, il triple son score de législatives ou le nombre d’électeurs n’avait pas dépassé 1 million de voix au premier tour. La forte médiatisation des sujets écologiques grâce notamment aux manifestations sur le climat et la reprise de cette thématique par la quasi-totalité des partis politiques explique en partie cette poussée. On pourrait s’interroger sur la raison pour laquelle cet enjeu écologique n’a pas plus profité à LFI qui a des positions à la fois plus cohérentes et plus radicales que celles de EELV dont la tête de liste avait voté oui au référendum sur le TCE. de 2005.
On peut trouver une explication simple : la plus grande exposition médiatique de Yannick Jadot par rapport à celle de Manon Aubry. Si l’on divise le nombre de voix obtenues par la liste EElV par le nombre de voix obtenues par France Insoumise, on obtient le quotient 2,14. Si l’on divise le nombre d’occurrences Internet sur Google de Yannick Jadot par le nombre d’occurrences de Manon Aubry, on obtient le quotient 2,31.
En utilisant les occurrences du deuxième moteur de recherche Bing, et en faisant le total des occurrences obtenues par chaque moteur de recherche et en effectuant le quotient, on obtient 2,04. Le quotient du nombre de voix obtenues est bien compris entre ces deux chiffres !
Bref, si Yannick Jadot a obtenu deux fois plus de voix que Manon Aubry, c’est que son exposition médiatique a été deux fois plus grande. Mais cela pose un problème de stratégie d’action de LFI que nous examinerons plus tard.
B6 : les listes de dispersion.
Le parti Animaliste, Urgence écologique, la liste Alliance jaune réalisent à eux trois 4,53 % des exprimés et aucune n’avaient quelque chance de franchir la barre des 5 % même si l’on peut considérer que le score du parti animaliste n’est pas négligeable avoisinant même celui du PCF !
Les thématiques centrales pour ces partis existent dans le programme de la France Insoumise qui, rappelons-le, est un mouvement ouvert qui ne demande à personne de rogner ses éventuelles affinités partisanes dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec l’Avenir en commun, ce qui est le cas ici.
Ces petites listes n’obtiennent aucun siège au lieu d’en obtenir 5 pour défendre leurs idées au Parlement européen.
On comprendra qu’il ne s’agit pas ici de défendre une quelconque « Union de la gauche » puisque ces petits partis ne s’en réclament pas mais simplement d’unir des forces qui ne sont pas contradictoires entre elles et qui restent impuissantes lorsqu’elles sont divisées.
Il faut évidemment s’interroger sur les causes d’une telle situation totalement absurde. En faisant passer leurs intérêts de parti avant les causes qu’ils défendent, les responsables de ces petits partis, du PCF, de GénérationS n’obtiennent rien et perdent ainsi 10 ou 11 sièges. Puisque en s’alliant avec LFI, le total global attend 16,6 % !
B7 Des mouvement sans écho électoral significatif.
Le mouvement des Gilets jaunes ne s’est pas traduit par un vote pour la liste Alliance jaune dont la tête de liste est apparue probablement comme opportuniste et sans ancrage réel dans le mouvement. Certains journalistes jubilent en affirmant à l’adresse de représentants de LFI : « Vous n’avez pas bénéficié électoralement de la mobilisation des gilets jaunes ».
C’est oublier un fait extrêmement simple : en supposant que le nombre de Gilets jaunes actifs s’élève à 400 000 ou 500 000 personnes, cela ne représente que 1 % du corps électoral ! Même si la totalité des Gilets jaunes avait voté pour LFI, le score de ces derniers n’aurait été majoré que de 1,5 % à 2 % en suffrages exprimés ! De la même manière, la liste jaune ne pouvait guère excéder ce même score. Mais alors que dire des gens qui soutiennent les gilets jaunes ? Rappelons que tous les partis à l’exception du parti du gouvernement soutenaient (de près ou de loin) les Gilets jaunes. Par conséquent, ceux-là dans leur majorité ont voté en accord avec leur affinité politique habituelle.
Le parti de la décroissance, pourtant historiquement l’un des fondateurs de l’écologie politique et qui n’est pas sans influence dans certains milieux intellectuels et le monde associatif a réalisé un score médiocre. Dans un contexte où ont été largement médiatisé les « frigos vides » des Gilets jaunes, l’insuffisance du pouvoir d’achat pour de larges couches de la population, la notion de décroissance a du mal à être comprise !
B 8 : La contre-performance de La France Insoumise
Plus de 400 meetings, opération 471, des centaines de milliers de tracts distribués, des milliers d’affiches collées, des milliers d’euros dépensés, beaucoup d’énergie militante investie et de temps passé… Tout ça pour récolter 6,31 %, à peu près équivalent au score du PS déguisé en quelques « Places publiques » de la dernière heure ! Un score équivalent à la moitié du score de EELV.
Disons-le franchement : « Le retour sur investissement est très faible ». Prisonnier de leur routine politique ou de l’influence médiatique certains invoqueront immédiatement : on a abandonné l’idée de l’union de la gauche : c’est une erreur ! C’est la faute de Mélenchon qui recherche la conflictualité permanente et ne sait pas se contrôler…
Ou encore, explication tout de même plus fiable : EELV a capté une partie de l’électorat notamment chez les jeunes de LFI. Pour une analyse intéressante des transferts de voix, on peut se reporter à l’article : résultats des élections européennes, un miroir déformant ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
De mon point de vue, il faut s’interroger sur :
1) La stratégie politique de LFI : le débat : union des forces de gauche/populisme de gauche n’est-il pas un faux débat ? Ne faut-il pas construire une alternative de gauche, appelons la progressiste et radicale, intégrant toutes les forces progressistes, même si elles ne s’affiche pas comme étant de gauche ? Comment intégrer cette alternative dans la définition d’un « eux » (l’oligarchie dominante) et un « nous » (Les producteurs de richesses exploités ou spoliés) ?
Comment harmoniser cette manière de voir avec celle de la définition d’un peuple socialement ancré dans le besoin collectif d’accéder aux différents réseaux qui irriguent et structurent la société (réseaux d’énergie, de transport, de soins, d’éducation) ? D’un peuple ancré écologiquement sur un territoire une planète impliquant un intérêt général humain ?
2) Les stratégies de l’action pour diffuser, faire connaître les idées de LFI (et de ses forces alliées) et neutraliser les forces hostiles Nous aborderons ces questions de stratégie dans un prochain article. Mieux vaut en la matière ne pas s’égarer dans des conclusions hâtives.
Hervé Debonrivage
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