Comprendre Octobre. Cent ans après la révolution de 1917 (par Jean-Christophe Sellin)

jeudi 2 novembre 2017.
 

Jean-Christophe Sellin, conseiller régional d’Occitanie, est l’auteur d’un ouvrage à paraître sous ce titre début novembre 2017. Nous en conseillons fortement l’achat et la lecture.

Il peut être commandé dès maintenant sur le site de l’éditeur (10 euros) http://www.editions-croquant.org/

1) Présentation de l’ouvrage par l’éditeur

Conséquence directe de la barbarie de la première guerre mondiale, la révolution d’Octobre est une réponse pour en finir avec le conflit et ne plus revivre une crise aussi dévastatrice.

Surtout, Octobre va rendre crédible le fait révolutionnaire pour changer le monde.

Son onde de choc va aussi influencer pour les décennies à suivre, la géopolitique mondiale, les forces politiques progressistes ou réactionnaires d’ailleurs.

Il s’agira donc de comprendre sans concession les événements de l’année 1917 jusqu’à la bureaucratisation du pays au milieu des années 1920.

C’est donc un petit manuel, une boîte à outils avec des points théoriques et historiques, des fenêtres thématiques et des pistes de réflexion pour y voir plus clair à la lumière des questions de notre temps. Pour la révolution citoyenne.

L’auteur est professeur des écoles et directeur bénévole d’une importante association d’éducation artistique. Conseiller régional de la région Occitanie, il a été co-fondateur du Parti de gauche et est aujourd’hui impliqué dans le mouvement de la France Insoumise.

2) Préface d’Alexis Corbière : Connaître le passé, écrire une poésie de l’avenir

Avec ce petit livre, volontairement accessible et éclairant pour tous, quel que soit son niveau de connaissance préalable du sujet, Jean-Christophe Sellin nous offre une oeuvre utile pour ce 100E anniversaire de la grande Révolution russe. L’instituteur de métier, et donc le pédagogue, se fait sentir dans chacune des pages de ce manuel à mettre en toutes les mains et particulièrement celles des plus jeunes. C’est essentiellement à eux que s’adresse ce court avant-propos.

Longtemps, les débats et controverses sur la portée des révolutions de Février et Octobre 1917 ont traversé avec passion le mouvement ouvrier international et particulièrement français. Dans le monde entier, dès 1917 et pendant les décennies suivantes, combien de congrès, de meetings et de rassemblements politiques, d’assemblées militantes se sont animées à son évocation ?

Pendant trois quarts de siècle, la Révolution russe fut le passage obligé de l’éducation politique des militants voulant changer le monde. Octobre était une grammaire. Sa maîtrise était indispensable pour quiconque envisageait d’écrire une nouvelle page de l’histoire révolutionnaire de l’humanité. Pour devenir un militant, il fallait connaître, comprendre et, même si on ne l’avouait pas toujours, aimer, la Révolution russe.

La tâche était d’ampleur car la littérature était abondante. Des ateliers aux chambres d’étudiants, des réunions de cercles, de cellules ou de sections jusqu’aux écoles de cadres, des centaines d’ouvrages ont ainsi circulé. Et je me souviens de l’étudiant et jeune militant que j’étais dévorant avec enthousiasme l’Histoire de la révolution russe de Léon Trotsky.

Qui comptera combien d’heures ont été passées durant un siècle, en discussions militantes tumultueuses, enfiévrées, souvent enfumées et, avouons-le aussi, parfois fumeuses à propos de la prise du Palais d’Hiver, du défaitisme révolutionnaire, de Kronstadt, du centralisme démocratique, du communisme de guerre, de la révolution permanente ou du socialisme dans un seul pays ou de tel autre épisode encore de l’histoire des bolcheviks et des premiers moments de la république des soviets.

Depuis la fin de 1917, la lecture d’Octobre servait de ligne de démarcation. A moins que ce ne fut l’inverse, le choix d’une grille d’analyse et le jugement porté sur les actions de Lénine et des dirigeants bolcheviks déterminent alors l’adhésion à un parti, un courant, une chapelle. On devenait ainsi communiste, social-démocrate, libertaire. Et la dispute interprétative n’épargnera pas ceux-là même qui se réclamaient de la Révolution d’Octobre : léninistes, trotskystes, conseillistes, luxemburgistes… Chacun rivalisera d’arguments solidement marxistes pour conforter ou critiquer le cours du développement de la Russie soviétique.

Mais l’auteur de ces lignes ne veut pas ironiser sur ces polémiques. Avec le recul, elles paraîtront demain sans doute de plus en plus obscures. N’oublions cependant pas trop vite qu’elles furent souvent fertiles. Elles attestaient aussi d’une belle vitalité intellectuelle autant que de la générosité des engagements. Et cette éducation politique n’apportait pas qu’un rapport abstrait au combat politique. « La théorie n’est pas un dogme mais un guide pour l’action » apprenait-on dans ces écoles. Bien des femmes et des hommes, les meilleurs sans doute de leur génération, donnèrent leur vie dans l’action révolutionnaire. Dans leur diversité, parfois dans leurs divisions, les héritiers d’Octobre furent toujours au premier rang pour affronter les dictatures fascistes, les coups d’État et les pronunciamentos militaires, les B52 de l’impérialisme américain, ou les matraques des polices de nos « démocraties bourgeoises  ». Sur tous les continents, depuis cent ans, Octobre a brûlé le coeur et trop souvent le corps de millions de militants.

Pouvait-il en aller autrement ? L’évènement et son immense portée ont bouleversé le xxè siècle. Son onde de choc se fit sentir sur toute la planète. Pour des dizaines de millions d’hommes et de femmes, encore englué.e.s depuis 1914 dans les carnages de la guerre mondiale, à compter du 25 octobre 1917 « luisait l’aube de la révolution prolétarienne mondiale. » Durant les vingt années de l’entre-deux-guerres, à l’heure terrible des fascismes et du nazisme, des ravages des crises du capitalisme et des trahisons d’une bourgeoisie qui préférait Hitler au Front populaire, comment ne pas avoir placé ses espoirs dans la « grande lueur à l’Est » ? D’autant que bien peu disposaient alors et des informations, et de la lucidité pour voir le prix réel que payaient les peuples de l’URSS au déploiement du stalinisme. Après 1945 encore, les tensions entre les États-Unis d’ Amérique et l’URSS, la « guerre froide », obligeaient quiconque refusait la violence étasunienne, si ce n’est à choisir son camp, du moins à s’interroger sur la nature de l’URSS et les effets de son acte fondateur.

D’évidence, ces débats ne présentent plus d’enjeux politiques immédiats en ce début du XXIè siècle. Mais, malgré la fin de l’Union soviétique et l’effondrement du « socialisme réellement existant » que l’on ne regrettera pas, une question n’est toujours pas épuisée : les révolutions sont-elles utiles ? Sont-elles des accidents ou des accélérateurs de l’histoire ? Cela ne vaut pas seulement pour la révolution russe. On le sait : les mêmes soupçons pèsent sur la Révolution française et sur toutes les révolutions. En France, des pans entiers de la sphère médiatique mettent encore aujourd’hui en cause 1789 et la rupture avec l’ Ancien régime, pour regretter la cour de Louis XVI et de Marie-Antoinette. En 2017, les mêmes sont nostalgiques des Romanov, masquant la bestiale violence avec laquelle Nicolas II réprimait toute protestation populaire.

Si les jeunes générations ont à connaître l’histoire de la grande révolution russe, je suis convaincu qu’elles n’ont pas à en assumer les choix et disonsle tout net, les erreurs, les impasses et les fautes. La révolution qui reste à faire ne rejouera pas Octobre. Elle sera citoyenne ou ne sera pas. Elle répondra à l’exigence de démocratie, et d’écologie qui accompagne toute grande mobilisation populaire de notre siècle.

D’ailleurs, aucune nostalgie ne saurait être entraînante. C’est tout l’inverse. Bien sûr, la révolution russe s’est inspirée des révolutions précédentes. En mars 1917, on chantait la Marseillaise dans les rues de Petrograd et l’on manifestait au slogan de « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais n’oublions pas la leçon de Marx qui, dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte nous prévenait déjà : « La révolution sociale du xixE siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l’avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle-même avant d’avoir liquidé complètement toute superstition à l’égard du passé ».

Une fois l’étude de cet ouvrage terminé, le lecteur pourra aussi méditer sur le célèbre vers du poète René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». On ne saurait mieux dire. Comme les précédentes, la révolution qui reste à faire devra s’émanciper de tout modèle, se tourner résolument vers l’avenir. Et écrire sa propre poésie insoumise.

Alexis Corbière

3) Table des matières

Préface : Connaître le passé, écrire une poésie de l’avenir, par Alexis Corbière

Introduction

1. Repères historiques

2. Panorama des protagonistes de la Révolution russe

3. Qu’est-ce qu’une révolution ?

4. 1917, une année de révolution permanente

- 1905 : la première révolution russe et la « répétition générale
- Les femmes en première ligne de la Révolution de février 1917
- Extraits du texte « Le wagon plombé » de Stefan Zweig
- Retour de Lénine, les thèses d’avril : « Tout le pouvoir aux Soviets ! »
- L’impatience révolutionnaire à son comble : les journées de juillet
- La contre-révolution s’organise : le putsch de Kornilov
- Septembre-octobre : comment et quand prendre le pouvoir ?
- L’insurrection : les dix jours qui ébranlent le monde

5. Le nouveau pouvoir : prise du palais d’Hiver et deuxième congrès panrusse des soviets

6. Le premier conseil des commissaires du peuple

7. Les premiers acquis d’Octobre

Les droits des femmes

Le développement de l’instruction, de la culture et des sciences

8. Le conseil des commissaires du peuple affronte de nouveaux périls

La paix de Brest-Litovsk

Début de la guerre civile

Échec de la révolution allemande

La troisième internationale est proclamée

La guerre civile continue en Russie

L’Armée rouge et la victoire

9. Points de vue critique. Rosa Luxemburg

10. Mesures d’exceptions, tournants successifs, entraves à la démocratie

11. De la Révolution au changement de régime, en passant par Thermidor

La bureaucratisation

Le bonapartisme

Le stalinisme ou la dictature de la bureaucratie

12. Conclusion ou quelles leçons en tirer ?

Oui, la Révolution est possible

Les bolcheviks ont gagné

Du parti et du mouvement

Alors, parti ou mouvement organique ?

Pour une citoyenneté active

Pour un mouvement constituant, pour une assemblée constituante

Pour l’Écosocialisme, pour un nouvel humanisme

La révolution citoyenne est une nécessité

Petit lexique politique

Le rétroviseur pour faciliter la conduite. À propos de la Grande révolution française, par Léon Trotsky (1903) Références


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message