L’épouvantail de la fuite des capitaux pour faire barrage au vote Mélenchon (7 mars 2022)

mardi 12 mars 2024.
 

A) La presse de droite en campagne sur la menace d’une fuite des capitaux si Jean-Luc Mélenchon était élu

Si la preuve du pudding c’est qu’on le mange, la preuve d’une possible victoire de Jean-Luc Mélenchon lors des présidentielles 2022, c’est la campagne des journaux du capital reprenant le chantage habituel à la fuite des capitaux.

Voici un court extrait d’un article du Figaro ce 18 février signé Anne de Guigné.

Mélenchon à l’Élysée : la promesse d’une fuite immédiate des capitaux

https://www.lefigaro.fr/elections/p...

Candidat pour la troisième fois, à la présidentielle, déclaré depuis novembre 2020, Jean-Luc Mélenchon a eu le temps de plancher sur ses propositions. Il assume présenter le seul programme capable « de rendre crédible en France un changement radical de cap ». Son élection ferait en effet souffler un vent de bouleversement sur le pays. Planification de la production, encadrement des salaires, réquisition par l’État des bénéfices réalisés en 2020 par les groupes du CAC 40, coup de massue fiscal pour les plus riches, réduction du temps de travail.... L’auteur de L’Ère du peuple sait jouer de sa grammaire marxiste. Au risque, dans une économie ouverte, de provoquer en quelques semaines une fuite massive de capitaux et de talents.

B) L’argument barrage de la fuite des capitaux (Hervé Debonrivage 2017)

Mars 2017 : La fuite des capitaux dans …le monde insaisissable de la mondialisation constitue un argument– épouvantail ou argument–barrage pour neutraliser les argumentaires du programme de Mélenchon.

L’idée principale est de faire croire qu’il serait impossible d’appliquer les mesures du programme, les investisseurs potentiels déplaçant leurs capitaux à l’étranger.

L’article suivant a pour objet d’éclairer ce que l’on appelle fuite des capitaux est de montrer comment il est possible de la neutraliser.

Définition

Source : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Fuite...

La fuite des capitaux, ou tout simplement la fuite désigne la partie du revenu sortant du circuit économique en raison de l’épargne, de prélèvements obligatoires ou d’importations1. On distingue deux types de fuite des capitaux :

– La fuite brutale de capitaux à la suite d’une crise financière dans un pays ou une zone économique : les investisseurs craignent de perdre une partie du capital investi et retirent leurs investissements.

– La fuite de capitaux liées à l’expatriation volontaire de contribuables jugeant qu’ils n’ont pas à s’acquitter du paiement de leurs impôts dans le pays quitté.

Le problème de la définition est aussi examiné au paragraphe 3, exemple 3.

1 – Une analyse de Jacques Généreux

Voici un extrait du livre de Jacques Généreux "Les bonnes raisons de voter Jean-Luc Mélenchon" (Édition Les liens qui libèrent. Mars 2017) pages 77 à 79

Il s’agit ici d’un extrait du livre fort lumineux mais qui ne serait rendre compte de l’ensemble des arguments du livre sur cette question.

Les entrepreneurs s’exileraient à l’étranger.

Si l’on plafonne les profits et les plus hauts salaires, les entrepreneurs et les managers les plus performants ne vont-ils pas s’expatrier ?

Cela dépend de ce que l’on entend par "manager performant". Performant en quoi et pour qui ? Si L’on entend par là les managers les plus doués pour maximiser le rendement du capital grâce à l’intensification du travail, à l’optimisation fiscale, aux jeux de Meccano financier et aux compressions de personnel, leur éventuel départ est une excellente nouvelle pour l’économie française ! Ceux-là ne font que servir des intérêts très très particuliers ; ; leurs méthodes de management sont toujours désastreuses pour l’investissement, la santé des travailleurs, les finances publiques et même trop souvent, pour leur propre entreprise !

Précisons à leur intention que, s’ils veulent vraiment s’exiler, ils devront néanmoins payer en France toute différence négative entre le montant des impôts qu’ils paient sur leurs revenus à l’étranger et le montant qu’ils devraient acquitter s’ils percevaient ces revenus en France*’ Ils n échapperont donc pas au plafonnement des rémunérations à moins de changer de nationalité’ ce qui, le cas échéant, confirmerait que leur départ ne constituait pas une grande perte pour la Patrie !

En régulant la finance, le rendement du capital et les plus hauts salaires, nous déterminons en fait quel type de managers nous souhaitons retenir et attirer. Il est clair que le nouveau cadre engendré par notre programme fera fuir les prédateurs et les extracteurs de rentes, seulement animés par la cupidité. Bon débarras, non ?

Mais il se trouve que ces spécimens sont minoritaires dans l’espèce humaine, et que la France regorge d’entrepreneurs, d’ingénieurs et de gestionnaires talentueux pour qui entreprendre et réussir leur entreprise dans leur pays vaut bien plus que le supplément de revenu qu’ils pourraient obtenir en partant loin de chez eux.

Or notre programme crée un cadre favorable aux véritables « entrepreneurs » ceux qui travaillent pour la réussite à long terme d’une entreprise ou , d’un projet qui donne sens à leur action, et non pas pour maximiser le rendement abstrait et indifférencié d’un capital.

Ce cadre, ce serait notamment : une économie à l’abri des crises financières et de toute récession durable de l’activité, un système bancaire dédié au financement de l’économie, un État entrepreneur qui réinvestirait dans la formation et la recherche, qui ouvrirait une perspective industrielle à long terme avec la planification écologique, qui protégerait contre la concurrence déloyale, etc.

Ce serait aussi une baisse sensible du coût du capital dans les grandes entreprises - grâce à la réduction de la rente exigible par les actionnaires - et dans les PME - grâce aux crédits du pôle public bancaire et à l’escompte gratuit des factures dues par les donneurs d’ordres. Enfin, comme je le montrerai au chapitre suivant, les recettes pérennes de l’État seront restaurées par la réforme fiscale et par la relance de l’activité.

Notes de bas de page :

* Nous mettrons en effet en place ce mécanisme d’imposition différentielle déjà appliqué aux États-Unis pour les citoyens américains installés à l’étranger’

* Voir "Loi no 18. La loi du gâteau : "plus on le partage, plus il y en a" in Jacques Généreux, Les Vraies Lois de l’économie, op. cit.77

2 – Que prévoit le programme L’avenir en commun concernant la fuite des capitaux ?

Nous utilisons ici le site –logiciel l’AEC dont l’URL est https://laec.fr/ ( LAEC = L’avenir en commun)

Dans la barre de recherche située en haut de la page nous écrivons : "fuite des capitaux". Le logiciel sort alors les pages suivantes du programme numérisé en ligne et les numéros de pages du livre imprimé imprimé.L’avenir en commun. Nous ne reproduisons ici que les liens qui donne accès aux paragraphes concernés du programme.

– Introduction de Jean-Luc Mélenchon https://laec.fr/ci "…contrôle des capitaux sont les meilleurs organisateurs de toutes les activités humaines. Voilà bien……et dans la durée de la vie professionnelle, la limitation du droit du capital en fonction de la durée" Page 11 du livre

– Instaurer un protectionnisme solidaire pour produire en France https://laec.fr/s17

– Prendre les mesures immédiates et unilatérales de sauvegarde des intérêts de la Nation et d’application de notre projet https://laec.fr/s49 Page 81 du livre – 

– Mettre au pas la finance https://laec.fr/s19 Contrôler les mouvements de capitaux Instaurer une taxe réelle sur les transactions financières Page 48 du livre

– Appliquer un « plan B » en cas d’échec des négociations https://laec.fr/s52

–Mettre en place un contrôle des capitaux et des marchandises aux frontières nationales Page 85 du livre

– Plan A. Proposer une refondation démocratique, sociale et écologique des traités européens par la renégociation https://laec.fr/s51

…les transactions financières, contrôler les mouvements de capitaux pour empêcher les attaques spéculatives……de la libre circulation des capitaux et des marchandises entre l’UE et les pays tiers, arrêt des politiques page 83 du livre ris

– Faire la révolution fiscale https://laec.fr/s36 leur affectation distincte Imposer les revenus du capital comme ceux du travail par une assiette large Page 63

On peut compléter la recherche en utilisant la requête "mondialisation" On obtient entre autres : – Refuser le libre-échange, instaurer un protectionnisme solidaire et la coopération économique https://laec.fr/s57

Conclusion : nous constatons que nous ne ne manquons pas d’arguments pour contrer l’argument –épouvantail nous condamnant au soi-disant "irréalisme" des propositions soutenues par Jean-Luc Mélenchon.

Maintenant nous allons voir que ce qui constituerait un événement exceptionnel,et cataclysmique : la fameuse "fuite des capitaux à l’étranger " est un phénomène relativement banal dans le fonctionnement du monde capitaliste et qu’un certain nombre de gouvernements de régimes très différents ont combattu et essaient toujours de combattre avec une efficacité inversement proportionnelle à leur soumission aux lois du Capital.

3 – Quelques exemples d’études sur la fuite des capitaux.

Exemple 1

Source : économie entreprises août 2012 http://www.economie-entreprises.com...

Chaque année, 1 à 2 milliards de dollars en moyenne quittent clandestinement le Maroc pour aller se réfugier en Suisse ou d’autres paradis fiscaux, selon le Boston Consulting Group. Global Financial Integrity (GFI) va même jusqu’à affirmer que 30% de l’argent détenu par les Marocains nantis est déposé dans des banques étrangères. En termes de volumes, une étude du GFI qui porte sur la période 1970-2008 classe le Maroc en quatrième position avec 25 milliards de dollars, après le géant pétrolier nigérian en tête du classement avec 89,5 milliards de dollars, suivi de l’Egypte (70,7 milliards), de l’Algérie (25,7 milliards), et de l’Afrique du Sud (24,9 milliards). Avec 854 milliards de dollars qui ont fui le Vieux Continent, l’Afrique aurait pu non seulement rembourser sa dette extérieure (250 milliards à fin 2008), mais aussi consacrer 600 milliards de dollars pour des programmes de lutte contre la pauvreté et de développement des infrastructures.

L’Afrique subsaharienne est même « créditrice » nette vis-à-vis du reste du monde, dans la mesure où le stock des capitaux ayant fui le sous-continent excède de loin le stock de sa dette extérieure. Depuis le début du Printemps arabe, le mouvement se serait accéléré. Le phénomène ne concerne évidemment pas que les pays du Sud. Au rythme de l’aggravation de la crise financière en Europe, les transferts d’argent à l’étranger qui ont affaibli la Grèce ces dernières années touchent cette fois l’Espagne, affaiblie par un système bancaire en faillite, avec un transfert net de 66,2 milliards d’euros à l’étranger en mars dernier selon la Banque d’Espagne. On estime que depuis trois ans, 600 milliards d’euros ont quitté l’Espagne et l’Italie. Au Maroc, il semblerait que la fuite des capitaux marocains à l’étranger commence à inquiéter les autorités. En effet, selon une source médiatique, l’inspection de l’Office des Changes vient de diligenter une enquête pour tenter de détecter les différentes opérations de fuite de devises. Son travail se fait en concertation avec les services de sécurité des aéroports, notamment ceux de Casablanca et Marrakech. Une enquête qui ne toucherait que les « porteurs de valise » ou les bazars de Casablanca n’aurait que peu d’impact sur le phénomène.

Le conduit le plus important de la fuite des capitaux est la manipulation des paiements du commerce extérieur. Les importateurs gonflent la facture des importations afin de récupérer un excédent de change, alors que les exportateurs sous-déclarent la valeur des marchandises vendues et dissimulent la différence dans les comptes bancaires à l’extérieur.

Les pertes par le biais de ces manipulations du commerce extérieur sont plus manifestes dans les secteurs où opèrent les entreprises dont l’activité est orientée vers l’étranger et les multinationales. Celles-ci profitent de la complexité des opérations et du grand volume des transactions dans leur secteur d’activité pour minimiser leur facture d’impôt. Lorsque les échanges s’effectuent entre structures d’un même groupe multinational (filiales, fournisseurs, distributeurs…), le risque de manipulation des prix, des cours et de la facturation est naturellement multiplié. La surfacturation ne consiste pas seulement à gonfler artificiellement les prix des produits ou des infrastructures « clés en main » que l’on importe (autoroutes, infrastructures portuaires, etc.). Traditionnellement, la technique la plus usitée consiste à respecter un prix formel en jouant sur la qualité de la marchandise importée pour transférer des capitaux en toute tranquillité. La fuite des capitaux est un obstacle à la mobilisation de l’épargne et des ressources destinées à l’investissement. En utilisant les données de la Banque mondiale, certaines études estiment que chaque réduction de 40.000 dollars en fuite de capitaux se traduit par un décès infantile supplémentaire en Afrique. Ainsi, cette hémorragie d’argent occasionnerait plus de 77.000 décès de nourrissons supplémentaires par an.

La fuite des capitaux n’est donc pas seulement de l’escroquerie financière ; elle occasionne des pertes en vies humaines. La lutte contre cette pratique est rendue particulièrement difficile par la faible capacité de supervision technique et administrative des autorités étatiques, la limite des contrôles bancaires qui ne s’opèrent souvent que sur documents, la faiblesse des capacités de contrôles des services douaniers et fiscaux et la corruption qui gangrène encore certaines administrations. A l’évidence, les services douaniers et fiscaux ne peuvent à eux seuls, et quelle que soit leur volonté, réduire ce fléau. Pour tenter d’enrayer le phénomène, il faut s’attaquer à ses origines. « Capital is a coward » (le capital est un lâche) ; il va là où il est le bienvenu et il reste là où il est bien traité. L’argent fuit l’insécurité, la mauvaise gouvernance, la taxation excessive, la corruption, et l’instabilité en général. Autant de chantiers qui nécessitent bien plus qu’une simple enquête des inspecteurs de l’Office des Changes.

Exemple 2

Chine : Pékin durcit la lutte contre la fuite des capitaux

Source : RPFI Le 01/01/2017

La Chine renforce son dispositif de contrôle des changes afin de lutter contre la fuite des capitaux devenue très importante. Face à l’essoufflement de l’économie chinoise les épargnants tentent de placer leurs fonds à l’étranger.

Les particuliers chinois peuvent convertir chaque année leurs yuans contre l’équivalent de 50 000 dollars au maximum. Pour éviter que ce plafond soit dépassé par le recours à des transactions illégales, les contrôles vont être renforcés et l’origine des fonds sera mieux vérifiée. Tout transfert supérieur à 29 000 dollars devra par ailleurs être signalé à la banque centrale. La Chine est confrontée à un vaste mouvement de fuite des capitaux qui a atteint mille milliards de dollars en 2015 et près de 700 milliards de dollars sur les 10 premiers mois de 2016.

Avec l’essoufflement de l’économie chinoise, la faiblesse du yuan qui dégringole face au dollar depuis l’élection de Donald Trump et des placements plus attractifs à l’étranger les épargnants chinois convertissent leurs économies en devises étrangères. Ce qui affaiblit encore le yuan alimentant un cercle vicieux.

Pour tenter de soutenir la monnaie nationale la banque centrale rachète des yuans en puisant dans ses propres réserves en devises qui ont en conséquence reculé de près de 70 milliards de dollars rien qu’au mois de novembre.

Exemple 3

La lutte contre l’evasion des capitaux. Document de cadrage

Source http://www.izf.net/upload/2009/ZF/L...

Réunion des ministres de l’économie et des finances des pays membres de la zone franc secrétariat Paris, les 28 et 29 septembre 2009 (Il s’agit ici naturellement du franc CFA)

De nombreuses études sur l’évasion des capitaux ont été réalisées dans les années 80, puis à la fin des années 90 suite aux crises économiques et financières subies par les pays d’Amérique Latine et d’Asie. Aujourd’hui, la crise financière et économique internationale remet le sujet au premier plan des préoccupations. Ce contexte risque de placer les pays en développement dans un cercle vicieux où l’évasion des capitaux et le risque de crise s’autoalimentent et s’accroissent. En outre, le paradoxe de pays en développement devenus des prêteurs nets du reste du monde dans un contexte de manque de financements criants pour le développement, rend cette problématique prioritaire.

I. Evasion des capitaux : concepts et définitions

Le concept d’évasion des capitaux n’est pas clairement défini dans la théorie économique et plusieurs définitions sont aujourd’hui avancées

Edsel L. Beja définit en 2006 la fuite des capitaux comme tout mouvement de capital visant à éviter les formes de contrôle social. Le contrôle social est entendu ici comme toute régulation sur le capital, existante ou potentielle, formelle ou informelle ; il couvre également les normes et attentes concernant l’utilisation des devises extérieures, les exactions gouvernementales ou hors gouvernementales ; le système fiscal aussi bien que la capacité des gouvernements à diriger les ressources vers des investissements et comportements productifs destinés à engendrer de la croissance.

Les flux « normaux » de capitaux sont comptabilisés dans deux sens, entrants ou sortants d’un pays, et sont enregistrés dans les statistiques officielles de la balance des paiements1. L’évasion de capitaux constitue un type de flux de capitaux sortants du pays. Elle est à sens unique et n’est pas déclarée. L’évasion des capitaux peut-être alimentée par des flux de capitaux entrants (via l’endettement extérieur) et les capitaux ayant fuit peuvent eux-mêmes revenir dans le pays, sous forme d’investissement étrangers, pour profiter entre autres d’avantages fournis aux investisseurs étrangers ou pour dissimuler l’origine des fonds.

Nous considèrerons plus communément l’évasion des capitaux comme l’exportation clandestine de capitaux pour les soustraire à la fiscalité d’un pays ou à ses conditions économiques et politiques. Plus particulièrement : l’argent de la corruption, l’argent du crime organisé et l’évasion fiscale. Cette dernière comprend également la tarification illégale des transferts qui permet à des multinationales de transférer leurs profits vers les pays à faible fiscalité, notamment en manipulant la réalité des coûts.

1 Les flux sortants de capitaux dans leur ensemble peuvent constituer une réponse à un climat des affaires et des investissements défavorables, à des politiques induisant un traitement discriminant ou encore en réponse à une instabilité économique et politique. Il est à noter d’ailleurs que longtemps l’importance de la sortie de capitaux constituait un critère d’appréciation de l’environnement des affaires et de la confiance des résidents dans leur économie.

Pour l’ensemble de ces capitaux, les paradis fiscaux et judiciaires participent largement du système (voire y sont au coeur), du fait en particulier du secret que leur autorise leur législation et de l’opacité qui les caractérise.

II. Impact et estimations de l’évasion des capitaux dans les pays d’Afrique

Par essence non déclarée, il est très difficile de quantifier de manière précise l’évasion des capitaux des pays en développement. Selon des estimations de la Banque mondiale, en 2006, les flux de capitaux totaux vers les pays en développement s’élevaient à environ 570 Mds $ (dont 70 Mds $ d’aide) ; les flux illégaux de capitaux sortants sont quant à eux estimés entre 640 et 980 Mds $. Même la fourchette basse des estimations suggère que les sorties illégales dépassent les flux nets entrants de capitaux et représenteraient 10 fois le montant de l’APD. La fuite des capitaux d’une manière générale concerne et affecte l’ensemble des pays, développés comme en développement. Elle constitue cependant un problème particulièrement important pour les pays en développement compte tenu de leur fort besoin structurel de capitaux. La fuite des capitaux aggrave ce déficit de capital mais – et plus important encore – restreint la capacité du pays à mobiliser ses ressources tant intérieures (en érodant sa base fiscale) qu’extérieures. En outre, en période de crise et d’incertitude, la fuite des capitaux constitue un signal particulièrement négatif, de sorte qu’un cercle vicieux alimentant l’évasion des capitaux et renforçant d’autant le risque de crise peut être engendré (effet auto-révélateur caractéristique d’une panique financière). L’évasion des capitaux constitue un réel problème en termes d’équité et de justice du fait également de son impact sur la redistribution de l’endettement extérieur, lié au besoin de financement issu de la fuite des capitaux.

Les impacts économiques et sociaux sont élevés et durables. On peut citer en particulier :

• L’impact de la fuite des capitaux sur les systèmes fiscaux : La fuite des capitaux réduit la base fiscale déjà très faiblei des pays d’Afrique, amoindrit les ressources domestiques disponibles et sape la croissance potentielle. Le FMI estime à 15% du PIB le niveau minimum raisonnable pour financer les tâches primaires de l’Etat : état de droit, sécurité, santé et éducation. Dans les pays en développement, les revenus fiscaux moyens représentaient environ 13% du PIB dans les années 2000 (comparés aux pays de l’OCDE qui présentent un taux de 36%). Diverses études semblent montrer qu’il n’est pas rare que plus de la moitié des taxes dues n’arrivent jamais dans les caisses de l’Etat du fait de la corruption et de l’évasion fiscale. Celle-ci constitue par ailleurs un des facteurs qui contribue le plus à la corruption dans le secteur public.

L’amélioration des systèmes fiscaux et l’élargissement de la base fiscale représentent un des défis les plus importants pour les pays d’Afrique, non seulement parce qu’ils sont indispensables pour mobiliser les ressources nécessaires au développement mais aussi par ce qu’ils constituent un vecteur d’amélioration de la gouvernance, en tant que promoteur de redevabilité et d’appropriation. La fiscalité intérieure exige en effet des gouvernements qu’ils rendent compte à leur population de l’usage des revenus tirés de l’impôt, contrairement par exemple aux revenus tirés de l’aide et des ressources naturelles qui peuvent se substituer à des revenus fiscaux défaillants. Sur les 25 dernières années, en Afrique sub-saharienne, les revenus intérieurs issus de sources non liées à des ressources naturelles se sont accrus de moins de 1% du PIB. Ainsi des Etats coupés de leur population favorisent de fait le comportement de rente, voire même d’affaiblissement volontaire des institutions, afin de préserver la captation des capitaux.

• La corrélation entre la fuite des capitaux et l’endettement : ‐ Un lien direct existerait par lequel la dette extérieure alimente et / ou motive la fuite des capitaux et vice-versa. Les emprunts extérieurs sont transformés, parfois instantanément, en une sortie de capital (généralement sur des comptes privés extérieurs). La dette extérieure et la charge de la dette s’accumulant, le risque de crise de la dette s’accroît et motive d’autant plus la fuite des capitaux. Dans le cas de prêts extérieurs alimentant la fuite des capitaux, les fonds envoyés à l’extérieur peuvent-être réempruntés.

‐ Une explication partielle tient à un environnement économique incertain voire instable qui justifie simultanément la fuite des capitaux et le recours à l’endettement extérieur, sans qu’il y ait nécessairement de lien de causalité direct entre les deux.

III. Quelles mesures pour lutter contre l’évasion des capitaux ?

L’évasion des capitaux, dont nous avons vu que les enjeux financiers sont très importants, concerne et impacte l’ensemble de la communauté internationale. Lutter contre ce phénomène nécessite donc la coopération pleine et entière de tous.

1- Des mesures au niveau international pour accroître la transparence et la responsabilitédes « sociétés multinationales »

􀂪 Le traitement du problème de l’évasion des capitaux dans les enceintes internationales n’est pas nouveau, mais il a trouvé un nouvel élan à la faveur de la crise économique et financière. Dès le 21 octobre 2008, la conférence de Paris faisait de la lutte contre les paradis fiscaux un objectif prioritaire, relayé par les chefs d’Etat du G20 à Londres. Ceux-ci ont ainsi mis l’accent sur la transparence et l’échange d’informations comme moyens d’éviter que ne se reproduisent les excès qui ont conduit à la présente crise financière mondiale. Les travaux et réflexions se poursuivent aujourd’hui, notamment sur les mécanismes de suivi et sur les mesures et sanctions éventuelles à mettre en place. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations fiscales récemment réuni à Los Cabos au Mexique conduira ainsi une revue par les pairs visant à s’assurer de l’effectivité des accords d’échange de renseignements, à travers une évaluation non seulement du cadre conventionnel et légal mais également de la mise en oeuvre pratique de l’accord. Concernant les "sanctions", des pressions à travers les actions et investissements des Banques de développement dans les juridictions non coopératives pourraient constituer un signal important. La communauté des bailleurs, y compris la France, travaille dans ce sens. Une véritable boîte à outil pour les pays en développement, afin qu’ils bénéficient pleinement des mesures décidées au G20 doit être mise en place 􀃎 Quelles sont les propositions concrètes de nos partenaires de la zone Franc dans ce sens ? Les pays de la zone Franc bénéficieront de ces avancées. En effet, même s’ils ne sont pas aujourd’hui membres du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations, celui-ci a convenu, lors de la réunion de Mexico de début septembre, d’étudier les moyens devant permettre aux pays en développement de bénéficier des progrès réalisés en matière de transparence. Ces travaux, qui doivent débuter dès le début de l’année 2010, devront déboucher sur des solutions concrètes. La France sera pleinement impliquée dans cette démarche, notamment dans l’intérêt des Etats de la zone Franc.

􀂪 D’autres initiatives comme l’initiative STAR (Stolen asset recovery : restitution des bien volés, visant le gel et la restitution de l’argent de la corruption (environ 3% des flux illégaux estimés)) sont des mesures importantes, même si elles ne s’attaquent qu’à un type de fraude.

􀂪 Les bonnes pratiques, l’exigence de transparence et de responsabilité fiscale des entreprises multinationales sont évidemment encouragées. Des approfondissements sont encore nécessaires sur un certain nombre de sujets comme la compétition fiscale entre les pays d’une manière générale, les "prix de transferts", la publication par les entreprises de rapports de comptes détaillés par pays.

2- Quelles mesures au niveau national et régional ?

􀂪 La lutte contre l’évasion des capitaux nécessite une administration fiscale et un environnement juridique particulièrement performant. L’efficacité, la transparence et le contrôle des systèmes de finances publiques doit constituer une priorité des Etats. Le rendement du système fiscal est affecté par de fréquents problèmes de corruption, faisant obstacle au bon exercice du contrôle fiscal, et par l’existence de nombreux régimes d’incitations et d’exonérations. La difficulté de l’Etat à mettre en oeuvre une dépense publique efficace entraîne un faible consentement à l’impôt. Les pays sont dans ce sens, bien évidemment encouragés à mettre en oeuvre des initiatives telles que l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui ont en outre la particularité d’associer la société civile au mécanisme de suivi.

􀂪 La bonne coordination régionale et internationale constitue également une clé de la réussite dans cette lutte, notamment pour que l’échange d’informations remplisse ses objectifs. A l’instar du forum des administrations fiscales de l’OCDE, le nouveau forum africain sur l’administration fiscale dont la feuille de route prévoit un lancement officiel fin 2009 constitue une opportunité très importante pour concevoir des stratégies et des programmes conjoints en vue de développer des systèmes fiscaux performants et pour échanger entre administrations fiscales. 􀃎 Quelle place pour des mesures régionales au niveau de la zone Franc, concernant par exemple le contrôle fiscal ; les normes comptables ?

􀂪 Des mesures visant à retenir les capitaux sont également essentielles. Un environnement macroéconomique stable et un environnement des affaires sain en constituent des composantes essentielles. Dans ce domaine, le dernier rapport Doing Business 2010 de la Banque mondiale constate qu’il reste encore beaucoup à faire en Afrique subsaharienne mais ouvre tout de même une fenêtre d’espoir, en désignant le Rwanda comme le pays ayant le plus réformé en 2009 (c’est la 1ère fois qu’un pays africain se voit attribuer cette distinction). i L’impôt sur le revenu génère environ 7% du PIB dans les pays développé et est payé par environ 45% de la population ; dans les pays en développement il ne s’agit que de 2% du PIB payé par moins de 5% de la population.

Exemple 4

Nous invitons le lecteur à se rendre sur ce très bon site nommé "Les 7 du Québec". Titre de l’article : Le Capital fuit les États-Unis (Juin 2016) L’article n’est pas long et riche en illustration graphique. URL Source : http://www.les7duquebec.com/7-au-fr...

Rappelons un article du Monde qui titrait le octobre 2007 : "les capitaux étrangers fuient massivement les États-Unis". Il s’agissait évidemment des conséquences de la crise du crédit immobilier. URL source : http://www.lemonde.fr/economie/arti...

Exemple 5

En Russie, la fuite des capitaux divisée par trois. Source : Le Monde 20/0 Suis pas rare dans1/2016 http://www.lemonde.fr/economie/arti...

En guise de conclusion : nous n’avons pas abordé ici la question spécifique de l’évasion fiscale. On peut néanmoins se référer sur ce thème à :Fuite, fuite, fini les capitaux, La chanson de Frédéric https://www.youtube.com/watch?v=RMU...

Hervé Debonrivage


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