Restons cohérent pour être crédible !
1–Le front de gauche comme construction historique d’une unification des forces progressistes.
Nous n’allons pas retracer ici l’histoire du mouvement socialiste et communiste en France depuis le XIXe siècle. Rappelons tout de même que le courant socialiste anticapitaliste s’est fragmenté après la première guerre mondiale et la révolution d’octobre en 1920, au congrès de Tours, pour donner naissance au parti communiste français, créant ainsi deux courants appelés couramment réformiste et révolutionnaire. Le PCF resta très lié à l’URSS jusque la fin des années 1970 pour un certain nombre de raisons historiques bien connues
En réalité une partie du courant socialiste était restée anticapitaliste dans la tradition de Jaurès et l’autre courant n’était communiste que de nom puisqu’aucune société communiste (c’est-à-dire sans État et sans classes) n’a jamais existé (sauf peut-être dans un lointain passé où urait existé un communisme primitif). Il aurait fallu plutôt appeler ce second courant collectiviste ou socialiste étatique jusqu’au milieu des années 1970 pour le PCF.
Mais depuis, la fin des années 1960 une série d’événements historiques majeurs ont changé la donne idéologique : le déploiement du néolibéralisme depuis 1970 avec sa libéralisation totale des échanges et son cortège de désastres sociaux puis le ralliement au libéralisme du parti socialiste à partir de 1983. La composante antilibérale du PS devient très minoritaire dont l’aboutissement est sa scission en 2008 (création du parti de gauche) puis le franchissement de la ligne médiane en 2012, le PS ne faisant alors que poursuivre la ligne libérale et droitière du gouvernement précédent sur le plan économique. On assiste à un processus semblable dans la plupart des pays européens.
L’implosion du système soviétique en 1989 et la réunification de l’Allemagne qui s’en suivit laisse le champ libre au néolibéralisme triomphant. Le danger de la guerre nucléaire qui avait atteint son paroxysme en 1962 s’écarte progressivement avec la fin de la guerre froide, du moins sous sa forme brutale et propagandiste. L’Allemagne devient dorénavant la première puissance économique européenne.
Le développement de l’union européenne et le traité constitutionnel en 2005 renforcent les politiques ultralibérales dans chaque pays.
Le PCF modifie progressivement ses positions idéologiques : en 1976, lors de son 22ème congrès le PCF abandonne la référence à la doctrine de la « dictature du prolétariat », en 1979, lors de son 23ème congrès, il abandonne la référence au « marxisme-léninisme » et en 1994, lors de son 28ème congrès il abandonne la référence au « centralisme démocratique ». Il accepte alors de s’allier au parti socialiste pour former un gouvernement : c’est la fameuse union de la gauche. On connaît ensuite quelle a été l’évolution et l’issue de la gauche plurielle.
De son côté, la CGT adhère à la confédération européenne des syndicats. Avec l’élection de Nicole Notat, la CFDT abandonne l’anti libéralisme.
Parallèlement, en 1972 naît le Front National qui devient une force électorale significative à partir des années 1980. Il puisse sa force dans les dégâts provoqués par l’ultralibéralisme, l’incapacité de la gauche plurielle d’avoir résolu le problème du chômage, l’incapacité du PS à résoudre les problèmes sociaux et construire une alternative à la droite classique dont la crédibilité est très gravement atteinte.
La percée de la conscience environnementale engendre une montée en puissance du mouvement écologiste depuis le milieu des années 1970. Les marées noires successives, les accidents nucléaires en Ukraine et au Japon, le scandale de l’amiante et autres renforcent cette mouvance. Avec les courants de la décroissance, la mouvance écologiste remet en cause profondément les modèles productivistes capitaliste et étatiques socialiste.
Bien que le féminisme remonte au XIXe siècle, il prend une ampleur particulière en France à partir des années 1970 notamment avec les nouvel les possibilité contraceptives et le droit à l’avortement. La salarisation croissante des femmes dans la population active en est aussi un facteur de développement.
Début des années 1990 naît le courant altermondialiste avec ATTAC puis d’autres courants analogues dans plusieurs pays. Ce ne pleut aussi des forums sociaux d’ampleur internationale.
Voilà brièvement brossée une fresque historique qui ne se prétend pas être exhaustive mais qui invite les forces du Front de Gauche à prendre pleinement en compte ces nouvelles configurations historiques.
À la lumière de tous ces événements, il lui appartient, comme il a commencé à le faire, de réunifier les forces anticapitalistes qui se sont divisées après la première guerre mondiale : le courant socialiste héritier de Jaurès (dont le PG en est actuellement le moteur), le courant communiste porté par le PCF, le courant communiste trotskiste porté par les petites organisations trotskistes actuelles.
L’écroulement de l’URSS, les échecs de la gauche plurielle et l’affaiblissement du PCF qui en a résulté, l’inefficacité politique passée des courants trotskistes suffisent à justifier cette stratégie d’unité , unité qui a volé en éclats après 1920.
Mais les autres éléments cités conduisent le Front de Gauche à prendre en compte les courants écologistes, décroissants, féministes Cette démarche constructive n’a pas pour objectif l’unité pour l’unité mais l’unité pour construire un projet de société nouvelle alternative à la société capitaliste ultralibérale actuelle et prenant en compte les nouvelles configurations économiques et sociologiques qui se sont affirmées depuis 40 ans.
Le PS s’étant rallié d’une manière forte au néolibéralisme économique, il ne constitue plus une alternative crédible au système économique actuel. Il ne reste donc que le programme porté par le FdG comme seule alternative au système actuel
2– Le bilan électoral du PCF
En appliquant les principes de Marx figurant dans l’ouvrage L’idéologie allemande, considérant ainsi que l’idéologie d’un individu ou d’un groupe est le reflet de ses conditions matérielles d’existence, examinons la base matérielle du PCF
"Ce ne sont pas seulement ses militants qui font la force du PCF mais aussi ses élus. Même si d’année en année, le parti voit ses effectifs baisser, il reste également la seconde force de gauche, après le PS, en terme d’élus. En juin 2012, même si cela n’a pas été facile, le PCF a réussi à former un groupe à l’Assemblée nationale autour de ses sept députés - le groupe compte également deux élus apparentés communistes, un ancien député du Parti de gauche et cinq ultra-marins. Au Sénat, ils sont 19 et au Parlement européen, trois dont une apparenté.
Ce sont les maires et conseillers municipaux qui constituent le très gros de ses troupes. D’où l’enjeu des municipales. Ils sont un peu plus de 8 800 sur les 9 200 élus que compte le parti. 28 maires PCF (dont 4 apparentés) dirigent une ville de plus de 30 000 habitants. Le PCF a la particularité d’être un parti qui vit essentiellement de la contribution financière de ses élus. La règle veut que chaque élu reverse l’intégralité de ses revenus au parti qui le "défraye" en échange selon ses fonctions.
En 2011, selon les chiffres publiés fin décembre par la Commission nationale des comptes de campagnes et de financements politiques, 46% des revenus du PCF, soit plus de 14 millions d’euros, provenaient de ses élus. Les dons représentaient aussi une part non négligeable de son budget (16%) avant le financement public (12%) et les cotisations de ses adhérents (10%)." Source : Article blog Rouge et vert sur les élus du PCF (extraits) http://gauche.blog.lemonde.fr/2013/...
Complément :
Nombre de parlementaires, de conseillers généraux et régionaux : pour le PCF 329, pour le PG 30
Nombre de mairies dirigées par des communistes : 761, par le PG : 29
Source interview de Jean-Luc Mélenchon le 24/02/2013 sur Canal+. Voir la vidéo entre 6 mn 30 et 14 mn 30
Bon nombre de ces élus ont obtenu leur siège grâce à une alliance avec le PS, mais n’oublions pas que celui-ci a constitué une liste contre une liste PCF dans de nombreuses communes sans raison valable sinon une volonté hégémonique.
Ces élus constituent aussi une ressource financière importante pour le PCF.
Il est bien évident que ces données pèsent dans la stratégie adoptée par le PCF.
3– Échec de la politique électoraliste du PCF pour changer la société.
Il y a eu des périodes où le PCF avait un nombre considérable d’élus locaux : certes cela a changé la vie concrète des gens sur une petite période mais en quoi cela a-t-il affaibli le capitalisme ? Fait progresser la conscience de classe ? En quoi cela a-t-il affaibli la puissance idéologique du libéralisme ? En quoi cela a-t-il renforcé le PCF sur une période longue ? Néant !
Le PCF s’est installé dans la routine du professionnalisme de la politique gagne – pain, dans une politique gestionnaire et d’assistanat social (sans donner un sens péjoratif à ce terme).
Il a alors largement délaissé le militantisme de terrain, la formation exigeante de ses militants et de la population. Le PCF reste donc influencé par une idéologie libérale fondée sur la défense des intérêts des individus et sur une pratique parlementaire représentative qui est une construction du libéralisme politique.
Certes cette description critique ne s’adresse pas à la totalité des adhérents du PCF, loin s’en faut mais elle s’applique tout de même à une fraction non négligeable de cette organisation.
Les militants du PCF ne devraient pas oublier que le PS comme l’UMP se comportent comme des partis hégémoniques dans la perspective programmée par la grande bourgeoisie armée de ses médias, d’aboutir à une situation politique bipolaire en France comme aux États-Unis avec un très fort taux d’abstention. (Démocrates = PS + centristes ; Républicains = UMP + FN)
En conséquence, comme en témoignent déjà la tendance artistique passée, le PCF a tout à perdre sur le moyen et long terme à s’allier avec le PS (qui n’est d’ailleurs maintenant socialiste que de nom), sa mort étant déjà programmée après sa vassalisation.
4 – L’objectif du FdG est d’apparaître comme une force autonome et alternative cohérente pour accéder au pouvoir.
La force politique du Front de Gauche ne se mesure pas au nombre de sièges obtenus dans les conseils municipaux mais dans sa capacité d’unifier les forces imaginatives alternatives progressistes pour proposer à la population un projet alternatif de transformation sociale, population qui doit en être aussi l’actrice.
Tel est l’intérêt général qui dépasse largement la capacité des élus locaux à défendre les intérêts de leurs citoyens au niveau local alors qu’ils sont prisonniers du carcan budgétaire et idéologique du néolibéralisme. Le problème n’est pas de gérer socialement la pénurie imposée par le pouvoir législatif et exécutif de nature libérale, mais de supprimer les causes de cette pénurie en changeant de système économique et politique. Et la seule force politique puisse réaliser ce changement : c’est le Front de Gauche.
Le PCF devrait donc contribuer, avec le FdG, à constituer une force politique autonome alternative au social libéralisme et au libéralisme, force qui doit être parfaitement cohérente pour être lisible et claire pour l’ensemble des citoyens.
Sachant que le FdG est lui-même constitué de neuf partis, l’absence de stratégie cohérente ne peut le faire percevoir que comme un conglomérat de forces hétéroclites. S’allier avec le PS au premier tour dans les villes de plus de 20 000 habitants est complètement incompréhensible pour des électeurs ancrés à gauche qui ont compris que la politique de PS était dorénavant une politique de droite.
Pour de nombreux électeurs, une telle alliance donne raison alors à Marine Le Pen qui accuse le FdG d’être des rabatteurs de voix pour le PS. Une telle attitude ne peut donc que renforcer le Front National. Pour une autre partie des électeurs, c’est leur faire penser que le PCF instrumentalise le FdG pour sa survie et défendre ses propres intérêts électoraux, leur donner l’image d’un parti dont la préoccupation essentielle est de conférer à ses élus une rente de situation. Cela a évidemment pour effet de renforcer l’abstention.
D’autre part, il ne faut pas oublier que le PS contrôle actuellement tout le champ politique : Exécutif, Assemblée nationale, Sénat, les régions. En cas d’échec de sa politique, tous les échelons du pouvoir seront décrédibilisés. Il faut donc que même, au niveau local, le FdG ait une liste autonome
Remarquons que l’échec de la gauche plurielle à résoudre les problèmes de pouvoir d’achat et de chômage a particulièrement été dommageable pour le PCF qui a alors perdu beaucoup de son influence. Il devrait se rappeler que cette alliance a affaibli son influence idéologique, même si par des artifices d’alliance, il a pu sauvegarder un nombre de sièges qui ne reflète pas complètement cette perte d’influence.
Certes, la création de listes autonomes peut avoir ponctuellement pour effet une perte non négligeable de sièges dans les assemblées locales, voire même au Sénat. Et alors ?
L’affirmation d’une force de gauche alternative au parti socialiste (appelé le plus souvent par les médias : "La gauche" ignorant ainsi l’existence et du front de gauche) autonome, tout à fait distincte, porteuse d’un programme de gouvernement spécifique mérite de telles pertes quand on est capable d’avoir une stratégie offensive de long terme et non assujettie à une vision électoraliste de la politique. L’enjeu n’est pas de défendre les sièges des élus locaux mais la prise du pouvoir.
La présentation d’une liste d’union du PCF et du PS pour les élections municipales de Paris a un fort contenu symbolique puisque cette ville est la plus importante de France et la plus connue en Europe.
Une telle stratégie non seulement décrédibiliserait le Front de Gauche mais le ridiculiserait.
Hervé Debonrivage
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