La primaire défait le PS

mercredi 31 août 2016.
 

Le PS entre dans une crise politique du fait de ses primaires. Deux anciens ministres et des dizaines de parlementaires s’organisent autour de diverses candidatures pour empêcher celle du président sortant, dont ils font tous publiquement un bilan de mandat désastreux. Nous qui avons maintenu allumée la flamme tant de temps sans faiblir en dépit de toutes les pressions et les désertions devons savoir tirer profit de cette situation qui nous donne raison et soulage les efforts qu’il nous reste à faire pour l’emporter.

J’ai écrit sur Facebook : « l’annonce de la candidature de Montebourg et le contenu qu’il y met sont de bonnes nouvelles ». Je le répète ici : mes amis, tenez-vous à distance du sectarisme politique et du meurtre rituel des voisins de palier politique. Montebourg nous sert. Les mots qu’il emploie aident à la propagation de certaines de nos idées. Au bout du compte, les gens qui auront été convaincus par lui pourront quand même voter pour ces idées là en utilisant le bulletin de vote à mon nom. Il faut donc plutôt le pousser à persévérer puisqu’il travaille à démolir le langage officiel et les certitudes aveuglées qui continuent à dominer le PS. Il faut faciliter la désorganisation du PS qu’il propage. En effet, en laissant planer le doute sur sa candidature à la primaire ou en solo hors parti, il délégitime la primaire (et donc son résultat) avant même qu’elle ait lieu. Tirez donc plutôt argument du fait que nos diagnostics sont confirmés par ceux-là même que nous avons combattus. Non pour flétrir et peindre le tableau noir en encore plus noir. Mais parce que cela permet de conclure : « à présent essayons autre chose, essayons le programme de la France insoumise et le mouvement politique ouvert qu’elle impulse ».

Montebourg comme Hamon et Duflot sont trois anciens ministres essentiels de la coalition de 2012. Leur condamnation de Hollande est donc d’autant plus efficace qu’ils ont tous les trois défendu dans le passé le contraire contre moi. Montebourg fut, de plus, l’un de ses soutiens essentiels au deuxième tour de la précédente primaire des socialistes et il assura sa victoire contre Martine Aubry. Elle confirme ainsi la critique que nous en avons fait inlassablement pendant cinq ans : « Le bilan du quinquennat n’est pas défendable » a asséné le nouveau candidat d’entrée de jeu. Ces candidatures fonctionneront donc avant tout comme un affichage permanent de l’échec de François Hollande. Ce n’est pas un point négligeable. Nos chances de succès demandent à la fois que nous progressions mais aussi que conjointement Hollande finisse de s’effondrer.

Pour ce qui est de travailler à progresser nous y sommes attelés et la caravane des insoumis cet été a montré que c’était sans relâche. Pendant ce temps, le PS s’est déchiré et il s’est donc bien disqualifié tout seul. Dorénavant, les candidats de la primaire du PS et ceux des Verts vont devoir justifier leur présence en faisant le procès permanent de la faillite de Hollande. Nous n’avons plus à assumer cette tâche. Ensuite les thèmes choisis élargissent l’audience de notre discours : sixième république, relocalisation industrielle, et surtout dénonciation des traités européens. Avec la candidature Montebourg, après celle de Benoît Hamon et Marie-Noëlle Liennemann, la scène n’est plus uniquement occupée par des libéraux qui se concurrencent dans les surenchères droitières et ethnicistes. Cela vient en renfort de notre travail, cela nourrit notre champ, cela prend à revers la muraille du dénigrement et de l’isolement que le PS avait construit contre nous.

Je sais parfaitement bien les limites de tout cela. Je connais l’ambiguïté des personnages et la limite de la méthode qu’ils déploient. Je vois bien aussi les limites du contenu des propositions comme celles que fait Montebourg.

C’est le moment de dire donc ceci : se tenir à distance du sectarisme ne signifie pas pour autant avoir des œillères. Déjà, on sait qu’Arnaud Montebourg participera malgré tout à la primaire du PS et qu’il soutiendrait François Hollande si celui-ci gagne cette primaire. « Je respecterai toutes les règles de la primaire » a-t-il répondu à Jean-Jacques Bourdin qui lui demandait s’il respecterait le résultat dans le cas où Hollande l’emporterait. C’est précisément parce que je ne veux le faire en aucun cas que je refuse cette primaire. On connait ce sujet. Le livre que publie Alexis Corbière sur le décryptage du fonctionnement des « primaires » confirme mes analyses les plus sévères sur cet exercice totalement tronqué. Mais au-delà du cadre d’action qu’il a choisi, je vois aussi le fond des propositions. Montebourg ne dit pas la même chose que nous. Souvent loin de là.

Je crois honnête d’assortir mes commentaires amicaux d’observations qui pointent quelques désaccords sérieux. Le premier concerne évidemment la question écologique. Arnaud Montebourg n’a pas intégré la bifurcation climatique et ses conséquences profondes. Dans son discours de Frangy, l’écologie se limite à relocaliser les productions et rénover les bâtiments. C’est un bon début. Mais c’est loin du compte. Le paradigme de l’écologie politique reformate totalement le champ intellectuel de la vieille gauche. Il affirme une pensée et une méthode économique globales. Pourtant, Arnaud Montebourg ne dit rien sur la bifurcation de l’appareil de production industriel ou agricole. Rien sur les mutations à engager de nos modes de consommation. Pas un mot sur la politique de transport. Et silence total sur la transition énergétique. Il en reste donc à son soutien au nucléaire et aux gaz de schiste ?

J’ai aussi été assez sidéré d’apprendre qu’il prévoyait de privatiser les logements HLM en les vendant à leurs occupants. C’est peut-être alléchant vu de loin pour quelques-unes des personnes concernées. Mais c’est la voie la plus directe à la disparition du logement social dans notre pays. À chaque fois qu’un bailleur veut vendre ses logements, les élus locaux progressistes et les associations de locataires s’y opposent. Où Montebourg a-t-il pu trouver pareille idée ?

De même, comment comprendre qu’il ait pu dire que l’URSAFF, l’organisme qui collecte les cotisations sociales des salariés et des employeurs, est un « tueur d’entreprises ». Ni qu’il doit être un créancier « comme les autres », sans priorité par rapport au fournisseur de papier ou de photocopieur. C’est de l’argent des salariés et de la Sécurité sociale dont il est question !

Plus structurellement, je veux pointer deux désaccords de stratégie gouvernementale. En matière européenne, Arnaud Montebourg annonce qu’il veut « dépasser les traités ». Mais dans le même temps, il dit qu’il « payera les amendes » que la Commission européenne infligerait à la France si elle ne respecte pas les règles européennes. Drôle de façon d’engager le bras de fer promis, non ? Je crois au contraire que la ligne de la désobéissance au traités doit s’assumer jusqu’au bout, jusqu’au plan B dont il ne dit hélas pas un mot.

Quant à la réforme des institutions, je regrette que Montebourg ne s’attaque pas à la racine des problèmes de la monarchie présidentielle et de la démocratie représentative. Pour lui, la révision de la Constitution sera en quelque sorte « octroyée » par le futur monarque. Montebourg élu proposerait son projet constitutionnel et le soumettrai à référendum « dès juillet 2017 ». À prendre ou à laisser en vrac. Je crois au contraire que le peuple doit faire le travail lui-même, à la base, par une Assemblée constituante, et ne pas se contenter de dire « oui » ou « non ».

De même, il promet un droit pour les parlementaires de révoquer les ministres. Mais pourquoi ne pas créer aussi un droit pour les citoyens de révoquer les parlementaires ? Enfin, sa réforme du Sénat parait très étrange. Pour le rendre « plus représentatif », il veut faire tirer au sort 100 sénateurs. Pourquoi pas ? Nous avons-nous même expérimenté le tirage au sort pour désigner l’Assemblée représentative du Mouvement pour la 6e République et j’ai bien l’intention de recommencer pour désigner la Convention du mouvement La France insoumise. Mais s’il y a un problème de représentation, pourquoi alors désigner l’autre moitié des sénateurs parmi les membres du Conseil économique, social et environnemental, c’est-à-dire par des gens nommés qui s’éliraient entre eux ! C’est absurde. Mais surtout, cela laisse de côté une question pourtant importante : à quoi bon un Sénat ? La question ne doit pas être éludée quelle que soit la réponse que l’on y apporte.

Mais rien de tout cela ne doit nous empêcher de saluer sa démarche, son audace et son allant qui nous servent si bien en définitive. De même qu’il est intéressant de suivre les propositions programmatiques de Marie-Noëlle Liennemann. Et ainsi de suite pour les autres, notamment Gérard Filoche. Le moment venu, nous en ferons notre miel.

Refusez absolument la polémique dans laquelle d’aucuns seraient si heureux de nous voir sombrer pendant que le monarque et le PS nous regarderaient de haut. Prenez le bon et voyons venir la suite. Car au bout du compte les électeurs des battus de la primaire du PS pourront continuer à défendre leurs idées en agissant et en votant avec nous.


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