Du flux de matière au flux d’information. De l’économie réelle à l’économie virtuelle.
Nous donnons suite ici à notre article sur la division internationale du travail numérique. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Nous présenterons quatre textes complémentaires pour analyser la nature et les enjeux du capitalisme dit numérique ou informationnel.
Il est peut-être utile de définir ce que l’on entend par "économie numérique". "Souvent le terme économie numérique renvoie d’une manière réductrice au commerce électronique laissant de côté d’autres composantes telles que les services, les infrastructures et la technologie sous-jacente. Plus précisément, le terme devrait renvoyer aux télécommunications, audiovisuel, logiciel, réseaux informatiques, services informatiques, services et contenu en ligne. Selon GfK, le marché numérique regroupe les technologies informatiques (ordinateurs, téléphones, lecteurs, GPS…) et les services de communication (réseaux sociaux, ventes en ligne…) et s’établirait à 681 milliards en 2009
Le numérique regroupe les Technologies de l’Information et de la Communication ainsi que l’ensemble des techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations telles que par exemple les télécommunications, internet ou l’informatique. Le secteur du numérique désigne le secteur d’activité économique relatif aux Technologies de l’Information et de la Communication et à la production et à la vente de produits et services numériques. L’économie numérique au sens scientifique du terme est l’étude des biens immatériels qui sont par définition des biens non rivaux à coût marginal nul. Cette définition induit de nouvelles relations, de nouveaux modèles d’échange/partage, uniquement possible par Internet, un nouveau concept de propriété privée. Il s’agit d’un sous-domaine complet de l’économie, à ne pas confondre avec le secteur du numérique qui relève de l’économie classique, ni avec la numérisation de l’économie, processus inéluctable portant sur tous les biens matériels et sur tous les services. Comme ces biens immatériels sont des créations de l’esprit de nature artistique ou intellectuelle, l’économie numérique apporte de nouveaux modèles et de nouvelles possibilités pour l’économie de la connaissance pour et l’économie de la culture."
Source : Wikipédia Économie numérique
L’industrie numérique s’inscrit à la fois en rupture et en continuité avec l’industrie non numérique : en rupture dans la mesure où la machine à traiter l’information succède à la machine à traiter la matière et l’énergie ; continuité dans la mesure où elle s’inscrit dans le processus de mécanisation et d’automatisation du travail humain manuel puis intellectuel.
1er texte.
« Révolution informationnelle, dépassement du capitalisme et enjeux de civilisation » par Paul Boccara . Mai 2006
Source Internet : http://www.pcf.fr/30616 Informations sur l’auteur : cliquez ici
Dans le cadre des journées d’étude des 19 et 20 mai 2006 sur "Alternatives, émancipation, communisme", un atelier a traité le thème, introduit par Paul Boccara : « révolution informationnelle, dépassement du capitalisme et enjeux de civilisation ».
Introduction
L’atelier sur la révolution informationnelle se situe dans le cadre du colloque « alternatives, émancipation et communisme ». Cependant, selon moi il n’y a pas un « a priori » de société communiste, de façon sectaire, mais des enjeux de civilisation nouvelle de nos jours pour toute la société. Et peut-être, alors, y a-t-il un « a posteriori » de l’analyse des potentiels de partage, de mise en commun jusqu’à chacun, et donc des caractéristiques d’un communisme de liberté pour chacun de cette civilisation qui deviendrait possible, face aux conditions nouvelles de l’humanité, vers laquelle on pourrait avancer avec des transformations démocratiques radicales.
Par civilisation il faut entendre, non seulement l’économie, mais aussi l’anthroponomie, c’est-à-dire toutes les sphères de la vie sociale hors de l’économique. Et aussi la localisation historique et géographique de cet ensemble économique et anthroponomique.
La question serait : comment la révolution informationnelle implique-t-elle des tendances, des exigences et donc des possibilités nouvelles pour la civilisation ?
I - la révolution informationnelle et ses implications de partage.
1 - définition de la révolution informationnelle
On peut partir de l’analyse de Marx de la révolution industrielle, selon laquelle elle a consisté en un remplacement de la main qui manie l’outil par la machine-outil, s’accompagnant d’un développement du machinisme et de l’industrie qui prédominent.
Avec la révolution informationnelle, nous avons le remplacement par des moyens matériels, non pas de la main par la machine-outil, mais de certaines opérations du cerveau, d’opérations informationnelles. Comme tout particulièrement avec les ordinateurs. A la prédominance des activités industrielles succèderait celle des activités informationnelles, comme la recherche, la formation, l’accès aux données, etc.
Cela se distingue de l’ancienne expression « révolution scientifique et technique », scientiste et technocratique, tandis que la science appliquée à l’industrie caractérisait déjà la révolution industrielle. Avec la machine-outil, il y a une objectivation des processus qui s’émancipent des mains de l’homme et donc déjà un développement des sciences appliquées pour l’industrie.
Avec la révolution informationnelle cela dépasse la science, même si la science et la recherche deviennent plus importantes. Le nouveau, c’est le type d’accès aux données et la possibilité pour chacun d’y accéder.
La révolution consiste dans cette possibilité d’accès de tous, avec la télé information à des masses de données. – C’est aussi la possibilité de traitement nouveau de tout ce qui est information, pas seulement des écrits, et notamment le fait que chacun peut, en principe, intervenir sur ces informations. Cela pourrait s’opposer à la scission entre lecteurs et auteurs, avec l’imprimerie qui a accompagné la révolution industrielle.
– La révolution informationnelle, ce n’est pas seulement la connaissance, le cognitif, c’est aussi accéder à tout les types d’informations par un canal universel, avec la numérisation, le multimédia, etc...
– Ce n’est pas non plus seulement ce que l’on appelle la révolution de la communication où l’on met l’accent sur un aspect très important, le vecteur des relations, mais pas sur le contenu : l’information elle-même. Certes il y a une dialectique entre les deux, mais le principal c’est le contenu. L’essentiel c’est la prédominance des informations dans tous les domaines de la vie qui pourrait révolutionner la société. Cela dépasse les seules nouvelles techniques dites de l’information et de la communication (NTIC).
Pour la production, les informations deviennent plus importantes que les machines. Pas seulement la recherche, mais aussi la formation, les études de marché, la connaissance des besoins et autres informations.
C’est la même chose dans la vie sociale et l’anthroponomie. Ainsi, la montée de l’éducation et de la formation, ce n’est pas la science. Et la prédominance de l’éducation et de la formation fait partie de la révolution informationnelle.
Cela veut dire que les activités d’information deviendraient plus importantes que l’activité physique et biologique dans la vie des êtres humains, tandis que les deux dimensions sont bien sûr articulées dès le début de l’hominisation.
2 : Implications fondamentales de partage et leurs ambivalences.
C’est le plus important du point de vue social, économique et anthroponomique. Cela donne à la révolution technologique toute sa portée civilisationnelle. Au plan économique, ce qui est bouleversé avec le passage de la révolution industrielle fondée sur la machine-outil à la révolution informationnelle, c’est que la première est liée à l’échange, au marché, alors que l’autre implique des partages jusqu’à l’échelle de toute l’humanité.
Une machine-outil est ici ou elle est ailleurs, dans un unique endroit. Ce qui est l’une des bases de la propriété privée capitaliste. Mais une information, vous la donnez et vous la gardez encore. Elle peut être partagée indéfiniment, jusqu’à l’échelle de toute l’humanité. Ce serait une des bases d’une société future possible de partage, que l’on pourrait aussi appeler société communiste de liberté de chacun. Cette vision de partage est révolutionnaire. À l’opposé, certaines théories académiques considèrent, à propos de la recherche, ses « effets externes » qui dépassent une seule entreprise, D’où la seule justification de financements étatiques. Ce qui constitue une conception conservatrice.
Cependant, les exigences nouvelles radicales de partage sont récupérées par le système capitaliste de domination des entreprises privées. Ainsi pour partager les coûts de recherche et les informations, à l’échelle du monde entier, cela pousse au développement de sociétés privées multinationales. Une entreprise publique ou privée nationale peut partager beaucoup moins qu’une société mondiale, même privée. Et donc le système capitaliste traite le besoin de partage en le récupérant avec la privatisation des entreprises publiques purement nationales, et la possibilité d’un partage plus étendu avec des privatisations multinationales. C’est la manière capitaliste de traiter le défi d’une autre société de partage à l’échelle de l’humanité,
Il y a donc une récupération, avec une rivalité relancée entre entreprises monopolistes pour la concurrence et non pour le partage généralisé. La société de non partage récupère le partage. La concurrence tend à évincer et même à détruire la multinationale rivale au lieu d’un partage de coopération à l’échelle de l’humanité. Elle tend à mettre en concurrence les salariés du monde entier, avec le chômage massif durable et la prolifération de la précarisation, des délocalisations, au lieu d’un partage avec tous les travailleurs des richesses et des informations, par la formation, la participation à la gestion et à la recherche-développement.
C’est l’exaspération du système par la récupération de la révolution informationnelle pour la mondialisation capitaliste. D’où le défi d’un vrai épanouissement de cette révolution et des partages avec un nouveau système. C’est également les constructions zonales, comme l’Union européenne, pour dépasser les limites nationales aussi, mais, là encore, avec une hyperdélégation étatique, au lieu du partage des pouvoirs décentralisés jusqu’à chacun et chacune ainsi que des concertations. Et cela jusqu’à l’échelle mondiale avec des institutions multinationales et avec l’hégémonie des États-Unis sur toute la planète, à l’opposé de véritables partages pour toute l’humanité.
Mais c’est quand même la montée du besoin de faire ensemble pour toute l’humanité. C’est une façon réactionnaire de traiter la nouveauté. Cela renvoie aussi aux dominations monopolistes sur la culture, notamment sur l’internet, à l’opposé de véritables partages maîtrisés jusqu’aux interventions créatrices de chacun.
II - Une révolution rendant possible des dépassements en économie et en anthroponomie, pour une autre civilisation de partage et d’inter-activité.
A) En économie, il y aurait la possibilité de maîtriser et de commencer à dépasser les marchés et donc la domination du capital. Dans les marchés, avec la scission offre/demande, on achète, on vend ou non, au lieu de partager. D’où l’insécurité, et les rejets possibles au lieu de partages. Déjà, on ne vend pas, on n’achète pas à l’intérieur d’une multinationale, mais on y partage, par exemple les coûts de recherche. Mais on n’y partage pas avec les travailleurs ni avec les autres firmes.
B) De même, en anthroponomie, on pourrait maîtriser et commencer à dépasser les délégations représentatives, où il y a la scission entre déléguant et délégué, entre représentation et représentés. Dans la délégation représentative, il y a la dualité des personnes, mais il y a aussi une dualité de l’information, avec celui qui élabore, par exemple un programme politique et celui à qui il est adressé. Il y a la scission entre les auteurs et ceux qui lisent. Au contraire, à l’opposé de cela, pourrait avancer le partage des pouvoirs avec des interventions directes décentralisées et aussi de la créativité des informations, pour l’intervention de chacun.
La délégation représentative ne concerne pas que le politique. Il y a aussi délégation de la direction du travail par le contrat de travail aux chefs d’entreprise ; délégation dans la famille aux chefs de famille. Il y a encore la délégation à des directeurs de conscience, à des auteurs, à des écoles de pensée, etc. En fait, il y a des délégations représentatives partout, comme il y a le marché capitaliste partout.
La question posée c’est le dépassements pour les marchés, comme pour les délégations. Dépasser, cela veut dire à la fois détruire et conserver : réussir à supprimer parce qu’on garde les points forts, et même on fait mieux que les points forts. On garde plus exactement le problème avec une autre solution, marquant un progrès fondamental. Par exemple c’est cette démarche qui est recherchée dans la proposition d’un système de sécurité d’emploi ou de formation pour maîtriser et dépasser le marché du travail.
C) Le chômage est un mal social, économique, moral avec des gâchis et des souffrances énormes. Mais c’est aussi une force considérable du capitalisme, qui oblige à changer les activités, les techniques, à l’opposé des garanties étatistes d’emplois comme en Union soviétique avec leur rigidité. On peut garder la force de pousser au changement lié au mouvement, mais sans le mal du chômage, en passant d’un emploi à une activité de formation bien rémunérée et choisie, pour repasser ensuite à un autre emploi. En même temps ce n’est pas seulement faire mieux que les points forts, mais c’est aussi renverser les principes. Sécurité au lieu de précarité du contrat sur le marché (on achète des forces de travail ou pas). Un accès garanti à tous à l’activité et aux revenus, avec un partage des activités, des ressources et des pouvoirs.
Mais pour cela il faut qu’avancent également un autre type de croissance de l’industrie et des services, d’autres types de financement, avec de nouveaux pouvoirs pour les salariés. Cela renvoie aux autres marchés, ainsi qu’aux pouvoirs politiques et sociaux, à l’anthroponomie.
● Le marché des productions : de nouveaux critères de gestion d’efficacité sociale et des pouvoirs d’intervention des travailleurs, pour dépasser les critères de rentabilité capitaliste, avec une économie des coûts fondée non sur la pression sur les salaires et l’emploi, mais sur le développement maximum des capacités des travailleurs, en liaison avec les recherches et leur utilisation. L’avancée d’entreprises publiques nouvelles coopérant intimement au plan national et au plan international.
● Le marché de la monnaie et de la finance, avec une autre utilisation de la création de monnaie partagée. Cela concerne un nouveau crédit, à taux très abaissés pour favoriser une sécurisation de l’emploi et de la formation, d’autres critères de gestion, etc. Une autre utilisation de la BCE et de l’euro pour refinancer les crédits des banques aux investissements, avec des taux d’intérêt d’autant plus abaissés que sont programmés de l’emploi et de la formation. Un autre FMI et une monnaie commune mondiale, pour nous émanciper du dollar et pour agir dans le même sens d’un nouveau crédit à l’échelle mondiale.
● Le marché mondial : d’autres règles pour promouvoir la coopération et le co-développement, maîtriser le commerce, avec l’institution de biens et services communs pour toute l’humanité, comme l’alimentation, le transport, l’eau, l’énergie, la santé, l’environnement, la communication, la recherche, la culture. Enfin les implications de partage peuvent toucher aussi les domaines de l’anthroponomie :
● Le partage des rôles et activités parentales. Cela concerne l’égalité des parents, y compris pour les familles recomposées etc., l’émancipation des femmes, des jeunes, des personnes âgées.
● Cela concerne aussi les services publics aux personnes : le partage des pouvoirs et activités dans l’école, la santé, etc. Cela renvoie au partage dans les services publics, entre tous les usagers et tous les personnels, avec une révolution des opérations pour la prévention et pour la créativité de chacun, alors que les personnels sont actuellement dominés par l’État, la rentabilité, leur hiérarchie.
● Le partage des pouvoirs politiques avec des décentralisations jusqu’à chacun et des concertations aux différents niveaux, local, régional, national, zonal, mondial.
● Le partage des pouvoirs, des informations, de la gestion, de la créativité dans les activités de production.
● Le partage au plan culturel, avec une culture de toute l’humanité à la fois diverse et commune. Cela viserait aussi le dépassement des oppositions entre Orient et Occident et de leurs apports propres de liberté individuelle et de solidarité, un nouvel humanisme pour une civilisation « d’intercréativité », c’est-à-dire de partage des rôles de créativité, la rotation des réceptions et des apports culturels entre tous les peuples et toutes les aires culturelles et jusqu’à chacune et chacun.
Cela renvoie à une nouvelle construction mondiale, à l’opposé de l’hégémonie des États-Unis, avec notamment un rapprochement décisif entre les pays de l’union européenne et les pays en voie de développement ou émergents. Et surtout cela renvoie à des avancées sociales, politiques, culturelles immédiates, allant en direction de ces transformations profondes d’une nouvelle civilisation. C’est ce que nous pourrions faire dans le cadre d’un projet politique et social pour la France, pour les élections présidentielles et législatives. Cela concerne notamment la proposition d’une loi de sécurisation sociale de l’emploi et de la formation, instituant de nouveaux droits et pouvoirs d’intervention des travailleurs et des citoyens et non seulement une autre politique gouvernementale, pour faire avancer de nouvelles coopérations, d’autres gestions, d’autres financements, une autre croissance des entreprises industrielles ou de service et des services publics.
Débat :
Pour Yvette Lucas, sociologue, la révolution informationnelle pose la question du changement des rapports entre les hommes et les machines. Ces évolutions effacent-elles tout ce que les hommes avaient acquis dans le maniement des outils ? N’y a-t-il pas une nouvelle « combinatoire » optimum à chercher dans les relations hommes-machine pour les rendre plus efficaces et plus épanouissantes alors que le capitalisme utilise la révolution informationnelle pour hiérarchiser la société et fragmenter les opérations de travail ?
Pour Paul Boccara, il y a eu plusieurs étapes avant la révolution informationnelle. Cette évolution n’est pas finie. Dans l’analyse de ces évolutions, il y a une dialectique entre hommes et moyens artificiels avec une transformation de la nature humaine (l’anthroponomie) et une transformation de la nature extérieure (l’économie). Dans la révolution industrielle, quand la main est remplacée par la machine-outil, il y a aussi le fait que le salarié sert et commande la machine qui fait mouvoir l’outil, corrige les erreurs, au lieu de manier les outils, c’est-à-dire accroît ses activités informationnelles. Même s’il s’agit d’information d’exécutant, à partir de consignes liées à la science appliquée au machinisme émancipé des mains, il y a un important aspect informationnel. Cela explique que le capitalisme ait eu besoin d’une certaine liberté individuelle, mais dans une société de subordination et non pas dans une société de l’information généralisée avec partage et sans domination sociale.
Plutôt qu’un optimum « homme-machine », il y a donc une dialectique historique : ce qui est transféré à l’objet matériel prend d’autres dimensions, s’objective, donc se développe, d’une part, et d’autre part, les êtres humains eux-mêmes sont obligés de se spécialiser dans ce que la machine ne fait pas, de développer leurs capacités propres.
Avec la révolution informationnelle, et plus précisément l’« automation » (qui va plus loin que le remplacement de la main de l’automatisation), c’est la machine elle-même qui corrige et remplace les fonctions informationnelles de contrôle réalisées par les hommes. Ainsi, pour les êtres humains la créativité peut se développer au lieu du cantonnement dans la fonction d’exécution. Mais bien sûr cela suppose la lutte contre la récupération capitaliste par des nouvelles formes hiérarchiques et de divisions.
Jacques Broda, sociologue, insiste sur le besoin de prendre en compte le sujet, notamment la part inconsciente de la subjectivité, et sur le fait qu’une révolution comme la révolution informationnelle pourrait déboucher, non pas sur une nouvelle civilisation, mais au contraire sur la barbarie. Ce qui nécessite de s’interroger sur la parole et le langage, sur ce que pourrait être une parole communiste, voire une éthique communiste et donc sur les valeurs.
De ce point de vue avec les idées de partage, on avance un système de valeurs, mais celles-ci sont– elles un bien commun de l’humanité ? Car nous assistons à une guerre contre tous et il faut nous interroger sur la haine et le non partage. Être barbare ne signifie-t-il pas tomber hors du langage ? A l’intérieur de la révolution informationnelle, n’y a-t-il pas une désappropriation généralisée des formes de communication et de langage au niveau social d’une gravité extrême ? Dans ce contexte, comment changer le monde ? C’est aussi une question de valeur. La solidarité est un mot galvaudé, pourquoi ne pas parler d’amour comme valeur essentielle dans notre projet ?
Pour Antoine Casanova, ce n’est pas la première fois que dans le mouvement des forces productives, celui de l’hominisation qui a commencé par la position verticale, l’outil, des capacités séparées, hors du code génétique, se développent. A chacune de ces grandes étapes, l’humanité invente des forces productives nouvelles dans le terreau des rapports de production. Elles se trouvent par là-même, au centre de batailles et de stratégies de civilisation. Et la classe dirigeante a souvent sa propre version de la mise en acte des capacités productives qu’elle tente de faire intérioriser par chacun. Il est donc besoin de comprendre le mouvement des capacités humaines et comment la bourgeoisie fait par rapport à ce mouvement. On a aujourd’hui une technologie séparée de l’homme, qui permet non seulement de démultiplier les bras comme la machine-outil, mais aussi des capacités d’intelligence. Ce type de système change fondamentalement la société, il implique des mutualisations, mais développées dans le cadre d’une concurrence immense. D’où des contradictions : d’un côté, des êtres humains qui maîtrisent ces transformations, ce qui implique une formation initiale de haute qualité pour tous. De l’autre côté, il s’agit d’utiliser les êtres humains trés formés et en même temps à bas coûts et jetables ? Cela concerne un projet de civilisation.
Pour Paul Boccara, il n’y a pas de fatalité pour passer de l’exigence de partage récupérée par le capitalisme à une civilisation de créativité pour tous et de sécurité dans la mobilité de promotion de chacun. Nous avons vu que les multinationales récupèrent ce partage des informations pour relancer la concurrence mondialisée et ses destructions sociales. Mais il y a des conditions nouvelles qui rendent possibles et favorisent une civilisation de dépassement, y compris par les défis d’exacerbation des dominations capitalistes. C’est aussi le cas, notamment, avec les risques majeurs, mais aussi les potentiels des nouveaux espaces et techniques de la révolution écologique, faisant monter les besoins de coopération avec des aspirations nouvelles à un autre monde.
On va passer à une société où l’informationnel va prédominer. L’informationnel caractérise le développement humain en liaison avec les moyens matériels. Ceux-ci remplacent des fonctions humaines, objectivent et développent la conscience humaine. Mais cet « informationnel » qui est fondamental dans le développement humain, a longtemps été subordonné au physique dans la production, ou au biologique matériel dans l’anthroponomie. C’est-à-dire manger, se vêtir, etc... Nous passerions à une prédominance de l’informationnel, par rapport au physique et au biologique.
Dans cet "informationnel" il peut y avoir la prédominance de la créativité pour chacun, et non de l’exécution, avec la domination élitiste des créateurs et de ceux qui les contrôlent avec un monopole social de la créativité pleinement développée. Cela suppose bien sûr la montée de nouvelles valeurs, éthiques et culturelles, de partage et d’inter-créativité.
Tous les types de domination sociale ont été liés au monopole de la créativité supérieure articulé au monopole sur les moyens matériels. Ce monopole, c’est celui du prêtre de l’Égypte antique à qui il est dit « tu mangeras le pain dans la maison de Dieu ». Cela renvoie au monopole du travail productif pour la masse de ceux qui travaillent la terre pour le pain, tandis que le prêtre, lui, peut se consacrer à l’astronomie, la médecine, la science et la religion. Avec cette prédominance massive des activités physiques sur les activités informationnelles, il y avait un monopole de la créativité pleinement développé détenu par une minorité dans tous les systèmes, aussi bien marchands que non marchands.
L’objet de l’information humaine ce n’est pas seulement la science, c’est toute la créativité. C’est l’art par exemple. C’est l’éthique. Cela renvoie à la conscience est aussi à l’inconscient, avec l’opposition des pulsions d’union et de création aux pulsions de destruction. On a eu un art de la religion parce que la religion dominait avec l’aide de l’art. Mais on peut avoir une sorte de religion de l’art. L’art exprime tout particulièrement la créativité en soi. La tendance de la civilisation c’est de développer la vie humaine avec la créativité, même si cela peut être récupéré par la domination et aussi la destructivité. Plus précisément, plutôt que de créativité au sens strict, il faudrait parler de transformation créatrice, parce que ce n’est pas une créativité à partir de rien comme celle attribuée à un Dieu. Dans ce sens, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme, comme disait Lavoisier. La vraie créativité est une transformation de choses existantes et non une création à partir du néant. C’est l’art, et c’est aussi l’éthique et non seulement la science. C’est le beau, le bien, le vrai de Platon. Et cela renvoie à la coopération, pour la transformation des résultats de la créativité d’autrui.[…]
Lire la suite en cliquant ici Fin du 1er texte.
2ème texte
Mondes Sociaux Magazine des sciences humaines et sociales Page d’accueil : http://sms.hypotheses.org/ Source du texte : http://sms.hypotheses.org/1902
Le capitalisme cognitif à l’ère du numérique 25/02/2014 Gabriel Colletis
Nous voudrions ici mettre l’accent sur une série de mutations qui se sont produites à l’échelle mondiale depuis les années 1980, en lien avec ce que l’on appelle souvent « l’ère du numérique » ou « la révolution numérique ».
Ces mutations s’inscrivent dans la perspective d’un capitalisme que l’on qualifiera volontiers de « cognitif ». Ce capitalisme ne fonctionne pas pour l’instant sur une base stable et il n’est pas fondé sur un mode de régulation qui en assure la cohérence.
Ses contradictions internes sont importantes, en particulier entre finance et connaissance, ce qui induit des chocs de temporalité très forts. En effet, la finance (mais également la circulation des informations) s’inscrit dans un temps très court, tandis que la construction des connaissances et des compétences suppose un temps long.
Les mutations en lien avec le numérique ont été appréhendées, notamment par les chiefexec économistes, selon des perspectives dont les termes ont évolué. – Dans les années 1980, l’accent est mis sur l’innovation et le changement technologique, avec l’idée que les économies vivent une perturbation. – Dans les années 1990-2000, est évoqué l’avènement « heureux » et progressif d’une « économie de la connaissance » que nombre de discours économiques « oublient » de mettre en perspective avec les crises du capitalisme. – Et c’est au début des années 2000 que commence à être débattue l’hypothèse d’un « capitalisme cognitif » qui resitue les changements technologiques et la montée des interrogations autour des questions de la connaissance et des compétences, mais aussi du travail, dans le contexte d’une crise structurelle du capitalisme.
De quelques mutations industrielles et techno-organisationnelles
– Dans les années 1980, en proie à une concurrence de plus en plus forte dans l’informatique, IBM décide d’utiliser sa maîtrise de la numérisation du signal pour numériser la voix et « attaquer » ainsi le monopole d’ATT dans les télécommunications. Ce faisant, IBM remet en cause la frontière des deux secteurs et ouvre la voie à ce qui va devenir le domaine des technologies de l’information et de la communication » (cf. Baumol W. J., Panzar J. C., Willig, R. D, 1983, « Contestable Markets : An Uprising in the Theory of Industry Structure : Reply », American Economic Review, vol. 73(3), 491-96.
– A partir des années 1990, une seconde mutation – la combinaison de la finance et de l’informatisation – accélère tout en les réorientant les processus évoqués supra. La finance (ici entendue comme la monnaie) et l’informatisation par la numérisation du signal constituent chacun des équivalents universels dont la combinaison délétère fournit le support au développement d’un capitalisme financiarisé et mondialisé dans lequel on ne s’échange plus seulement des biens et des services, mais aussi et de façon à la fois massive et rapide, du capital financier (dont la mobilité est extrême), du travail et des informations.
Dans ces conditions, les revenus du capital et du travail sont largement liés à la mobilité et à la vitesse de circulation de chaque facteur de production, ce qui génère une explosion des inégalités.
– Pendant plusieurs décennies, les entreprises ne recherchaient pas les compétences pour faire bouger le travail, et donc les travailleurs, d’un pays à un autre. Bien au contraire, le manque ou la faiblesse des qualifications était un critère déterminant. Désormais, on demande de plus en plus à ces travailleurs de rester dans leur pays d’origine et quand ils n’obtempèrent pas, ils se retrouvent dans des situations de grande précarité. Par contre, les entreprises n’hésitent plus à recruter à l’échelle mondiale des salariés formés, porteurs de savoirs et de savoir-faire, capables de s’adapter à de multiples situations de travail… et qu’elles rémunèrent en conséquence.
En fin de compte, l’image du capitalisme contemporain est celle d’une concurrence généralisée, d’une déstabilisation des oligopoles et d’une finance triomphante grâce à sa volatilité. Perspective guère réjouissante…
Musée du Capitalisme
Et pourtant, dans le même temps, d’immenses potentialités et d’immenses besoins existent ! Les potentialités concernent les technologies, l’innovation, les connaissances et les compétences des hommes et des organisations. Les besoins sont ceux de la santé, de la formation, de la nutrition… C’est donc de besoins fondamentaux qu’il s’agit.
Et si l’on prenait l’Agenda de Lisbonne au sérieux ? Autrement dit, si l’on faisait de l’Europe l’espace le plus compétitif du monde par le développement d’une économie et d’une société de la connaissance ? Ou pour dire les choses autrement, si on ouvrait plus résolument la voie à une troisième mutation tournée vers un nouveau modèle de développement ?
Repenser le travail et les activités économiques
Il est à la fois indispensable et urgent de repenser le travail, de passer d’une division technique du travail (DTT) à une organisation cognitive (OGT) de celui-ci, ce qui suppose a minima que l’on se penche de manière critique sur son statut social.
Le travail reste encore trop souvent présenté comme un coût, alors qu’il devrait être considéré comme la seule source de création de richesses. L’optique « productiviste » qui a longtemps prévalu, est aujourd’hui condamnée de l’intérieur (crise de la productivité dans les pays capitalistes) comme de l’extérieur (pression des pays dits « émergents » à forte croissance, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde). De même qu’est condamnée l’optique « consumériste », son corollaire inévitable (objets jetables, non réparables, non recyclables).
Adopté en 2000 par les quinze Etats qui composaient alors l’Union Européenne, l’Agenda de Lisbonne avait pour objectif de faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».
En raison de son échec rapidement constaté, cette stratégie a fait l’objet en 2005 d’une réorientation autour d’objectifs moins ambitieux comme la croissance économique et l’emploi… qui ont été à leur tour remis en question par la crise. En 2010, la stratégie Europe 2020 lui a succédé. Axée sur les investissements dans la recherche et l’innovation, la croissance verte et l’emploi, elle veut concilier développement durable et augmentation de la compétitivité de l’Europe.
Dans ses différentes expressions, le travail cognitif a comme dénominateur commun d’être révélé dans des situations inédites qui, par définition, ne sont ni routinières, ni répétitives. L’enjeu est alors de les formaliser et en même temps de les résoudre. Pour cela, le travailleur cognitif puise dans ses connaissances, ses compétences et son expérience. Il recherche également des connaissances et des compétences complémentaires aux siennes, ce qui confère une forte dimension collective à ses activités. Enfin, il cherche des solutions nouvelles en combinant esthétique, sens du travail bien fait, écoute et éthique (valeurs). Il le fait souvent dans une relation de « proximité » spatiale, professionnelle (complémentarité de compétences), des représentations et des valeurs. Le travailleur cognitif est donc éloigné du travailleur taylorien, isolé derrière la machine, simple appendice de celle-ci, prié ou sommé de laisser sa cervelle et ses affects au vestiaire.
Contraintes d’innover, les entreprises ne peuvent continuer à considérer le travail comme un coût qu’il faut réduire (diminution sensible des charges, pression sur les salaires…) . C’est cette contradiction qui fait échouer nombre d’entreprises et qui enfonce des industries entières dans la crise.
Le véritable pacte social devrait reposer sur un compromis entre capital et travail : d’un côté, des entreprises qui innovent et sont capables de se positionner très rapidement sur des produits à forte valeur ajoutée, de l’autre des travailleurs cognitifs dont les compétences sont recherchées, valorisées, reconnues matériellement et symboliquement. La définition et la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement sont à ce prix.
Un nouveau modèle de développement
Si la conclusion de ce pacte social est un principe (et un enjeu) nécessaire pour la construction d’un nouveau modèle, il n’est toutefois pas suffisant. On en versera quelques autres dans un débat qui ne saurait se limiter aux seuls économistes, même si ces derniers y ont évidemment leur place :
•Promouvoir une autre conception de la compétitivité en reconnaissant le rôle central de l’innovation et, partant, les compétences de ceux qui travaillent ou exercent une activité. •Remettre la finance au service du développement, par exemple, en introduisant des « retardateurs temporels » pour la rendre à nouveau liquide. On pourrait, par exemple, taxer différemment les bénéfices selon qu’ils sont réinvestis dans l’entreprise dans une optique de long terme ou distribués aux actionnaires, instaurer une taxe sur les transactions financières, coefficienter les droits de vote des actionnaires en fonction de la durée de détention de leurs titres… Un tel changement est indispensable car la volatilité de la finance est peu favorable au financement d’investissements durables alors qu’elle lui confère un avantage absolu de rémunération, générateur redoutable de fortes inégalités.
•Réorienter la production vers les besoins de la société, en allégeant le poids des activités productives sur la nature. Les besoins fondamentaux sont, en effet, aujourd’hui mal satisfaits, y compris dans les pays dits « développés ». Il s’agit des besoins de nutrition, de santé, de logement, de mobilité, d’éducation. L’enjeu est de répondre à ces besoins tout évitant de continuer de considérer la nature comme un stock de ressources inépuisables. Le développement de l’agriculture raisonnée ou de l’agriculture biologique correspond à cette perspective.
•Faire de l’entreprise une institution à part entière, reconnue par le droit comme catégorie distincte de la société de capitaux. – Ancrer les activités productives dans les territoires (et abandonner ou limiter fortement les mesures dites d’encouragement à la localisation).
•Mettre en œuvre les protections nécessaires afin de rendre possible un projet national de développement. Ces protections correspondent aux normes sociales, financières et environnementales qui doivent empêcher la concurrence sauvage et toutes les formes de « dumping ».
•Promouvoir la démocratie partout, dans l’entreprise comme dans toutes les institutions de la Cité, et articuler démocratie, travail et renouveau des activités productives. L’industrie doit être considérée comme un « bien commun ».
Si le capitalisme est aujourd’hui en crise, une profonde mutation est engagée vers un nouveau modèle de développement dont les termes clés sont le renouveau de la démocratie, une autre conception du travail et des activités productives, une finance qu’il faut « remettre à sa place » en contraignant sa mobilité, une relation différente aux territoires et à la nature.
Gabriel Colletis
Bibliographie indicative
Colletis G., 2010, L’urgence industrielle !, Lormont : Editions Le Bord de l’Eau.
Colletis G., Paulre B., coord., 2008, Connaissance et finance dans le capitalisme cognitif. La recomposition du capital au début du XXIème siècle, Paris : Economica.
Colletis G., 2008, « Mobilité, attractivité et mondialisation », in Laurent C., coord., Secteurs et territoires dans les régulations émergentes, Paris : L’Harmattan, coll. Économique, 181-199.
LEREPS (colletis@univ-tlse1.fr) CapitalismeCriseNumériqueRéseauxTravailleur cognitif
Fin 2ème texte
3ème texte.
Le capitalisme numérique réinvente le XIXe siècle Christian Chavagneux Source : Alternatives Economiques n° 348 - juillet 2015 http://www.alternatives-economiques...
Avec le numérique, notre capitalisme contemporain est en train de vivre l’une de ses transformations historiques majeures. Une véritable révolution, de celles qui bousculent le monde d’avant, bâtissent les nouvelles richesses et laissent les perdants sur le carreau.
Aujourd’hui comme hier, ce capitalisme peut investir, créer des emplois, donner du pouvoir d’achat et servir au plus grand nombre, à condition qu’il soit politiquement régulé. Car ses tendances naturelles le poussent à une forte concentration des pouvoirs et à s’affranchir de toute protection sociale. Tous pour un et rien pour les autres
On connaît la puissance des Apple, Google, Amazon, etc., mais le capitalisme numérique est déjà entré dans une seconde phase avec le développement rapide de plates-formes Internet qui mettent simplement en relation ceux qui veulent faire le taxi avec leur voiture et ceux qui en ont besoin d’un, ceux qui veulent louer leur appartement ou une boîte à outils, rédiger un testament, etc. Leur développement est explosif : née en 2009, la société Uber, qui veut dynamiter le monde des taxis, pèse déjà plus de 40 milliards de dollars, autant qu’Orange !
Ces nouvelles entreprises se veulent les chantres d’une économie "collaborative", où plutôt que de laisser sa voiture au garage 95 % du temps ou de ne se servir de sa perceuse que deux fois par an, on les met à disposition des autres pour un prix modique. Les optimistes y voient la possibilité, très écolo, d’augmenter l’usage de biens sous-utilisés. Les pessimistes pointent plutôt une hypermarchandisation des relations sociales : quel est le dernier idiot qui va prêter sa perceuse quand tout le monde la loue ? Loin de représenter un échange sur un marché libre, ces transactions sont étroitement supervisées par les plates-formes. Celles-ci ne veulent pas supprimer les rentes des chauffeurs de taxi ou des agences immobilières, mais les accaparer dans une quête de monopole absolu dont elles ont besoin : l’expansion du nombre d’utilisateurs est la clé de leur succès. Les autorités de la concurrence ont un rôle crucial à jouer.
Bienvenue au XIXe siècle
Surtout, le capitalisme numérique n’est pas tendre avec ceux qu’il emploie. Il nous renvoie au travail à la tâche, avec ses revenus variables et où les risques liés à l’activité sont portés par l’individu. Les plates-formes travaillent avec des particuliers indépendants, des auto-entrepreneurs, qui ne peuvent compter que sur leur patrimoine en cas de maladie, de grossesse, etc. Pas de cotisations sociales, pas de sécu, pas de retraite…, plus d’assurance collective. La décision récente de la justice du travail californienne de considérer un chauffeur d’Uber comme un salarié et non comme un contractant, avec les contraintes sociales qui vont avec, montre que la bataille n’est pas encore terminée.
Même si toute la population active n’est pas destinée à travailler dans ces conditions, la multiplication des carrières erratiques pousse également dans le sens d’une réflexion visant à attacher les droits sociaux aux individus plutôt qu’aux salariés, afin que nous puissions en bénéficier quelle que soit la nature de notre travail.
Et il faudra y réfléchir vite, car les professionnels des algorithmes pensent déjà à l’étape d’après, celle où ils seront complètement débarrassés de toute contrainte humaine. Un ordinateur pourra traiter demain plus efficacement qu’un médecin une masse de données issues de nos objets connectés et d’une prise de sang pour établir un diagnostic de santé. Plus près de nous, Uber investit déjà dans la voiture sans chauffeur…
Fin du 3ème texte
4ème texte. (à télécharger à l’adresse ci-dessous)
Les deux critiques du capitalisme numérique de Sébastien Broca (17 p)
S. Broca est docteur en sociologie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a publié l’ouvrage Utopie du logiciel libre (Éd. Le passager clandestin, 2013) consacré à la portée sociale du mouvement du logiciel libre. Source Internet du texte : https://halshs.archives-ouvertes.fr...
Hervé Debonrivage
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