Hollande Valls... bâtisseurs de villes fantômes

lundi 28 septembre 2020.
 

La démesure des demi–mesures des gouvernements Hollande

Cet article constitue une illustration concrète du paragraphe 2. 3 (intitulé Le pôle organisation – compétence de la classe capitaliste dominante) de notre étude : Partis politiques et classes sociales. Gauche élitaire et gauche populaire. (article ici)

Nous utiliserons comme exemples des situations et analyses rapportées par le journal en ligne Mediapart.

Résumons brièvement l’article précédent : la classe dominante capitaliste est constituée de deux pôles indissociables : le pôle de la propriété– marché et le pôle de la compétence – organisation.

L’organisation du système capitaliste dans ses différentes dimensions (économique, politique, culturelle, etc.) est gérée par des cadres généralement issus des grandes écoles (mais pas seulement) et provenant des partis politiques dominants (essentiellement UMP et PS). Ils opèrent : dans les différents appareils d’État nationaux et locaux, le conseil d’administration des grandes entreprises et des banques, les différentes assemblées parlementaires (où les classes populaires ne sont sociologiquement quasiment pas représentées) et évidemment dans les ministères.

L’appartenance de ces cadres au pôle organisationnel de la classe dominante dépend de leur haut niveau de responsabilité (par exemple le ministre des finances, un responsable à la direction du trésor ou de la Banque de France). Les petits cadres d’exécution (contrôleurs ou inspecteurs des impôts par exemple) n’en font pas partie.

Remarquons que le niveau de dépendance de l’appareil judiciaire de la puissance économique et financière dépend de plusieurs facteurs.

Du point de vue structurel :

– la justice reste sous la tutelle du pouvoir politique exécutif du fait que la tentative de réforme du CSM (que nous avons analysé en détail ailleurs) a échoué compte tenu du vote du Sénat

– de la nature des lois elles-mêmes qui, pour certaines d’entre elles, sont favorables aux puissants. Ceux-ci disposent en outre d’une armée de juristes spécialisés pour faire valoir leurs droits.

Du point de vue conjoncturel : des liens qui ont pu se nouer entre certains hauts magistrats et des représentants du pouvoir économique ou politique et des pressions qui peuvent s’exercer ou non émanant du gouvernement en place.

Mais ceci ne veut pas dire que les magistrats – notamment celui du siège – soient des petits soldats marchant du même pas aux ordres de l’oligarchie financière et du pouvoir politique, comme le démontre un grand nombre d’affaires judiciaires passées et en cours mettant en cause des élus politiques et des décideurs du monde des affaires.

D’autre part, comme nous l’avons montré dans notre article : Sixième République pour l’intérêt général défini et contrôlé par les citoyens. (article ici) les hautes juridictions peuvent se montrer particulièrement soucieuses de l’intérêt général comme nous l’avons montré dans le paragraphe 6 – Réflexions sur l’intérêt général - Rapport public du Conseil d’État 1999.

De même, le paragraphe 7 mentionne une étude du conseil constitutionnel : L’intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux ?

Mais entre ces principes affirmés de la défense de l’intérêt général et la réalité pratique de la mise en œuvre des lois, il peut exister un écart important qui est précisément dû à ce que Jacques Bidet appelle une contrainte métastructurelle : celle de l’existence de classes sociales aux intérêts antagoniques.

Cela signifie simplement, que les appareils d’État et l’appareil judiciaire n’échappent pas à la lutte de classe. La lutte des classes ne se réduit pas aux actions de grève et de manifestations car elle peut prendre des formes extrêmement variées dont la bataille juridique, tant dans l’élaboration que dans l’application des lois, au sein des différentes institutions ou plus généralement dans la société, n’est qu’une forme particulière.

Cela signifie donc que le pôle organisation – compétence de la classe dominante n’est pas un havre de paix mais est soumis à des tensions dues aux lignes de force du champ de la lutte des classes.

Intérêt général et intérêts des puissants

Nous allons donc mettre en évidence, grâce à Mediapart, toujours vigilant sur le fonctionnement démocratique de notre société, le fonctionnement qui devrait se faire au service de l’intérêt général et non à celui des intérêts des puissants.

Nous dirigerons notre faisceau critique sur tout un ensemble de reculades, demi– mesures, de projets de loi affaiblis ou avortés. Dans un premier temps, nous ferons référence à quelques décisions des hautes juridictions puis nous élargirons le champ.

Conseil constitutionnel

Transparence : les derniers coups de rabot du Conseil constitutionnel (1)

Délits d’initiés : le conseil constitutionnel enterre les sanctions pénales (2)

Le Conseil constitutionnel censure un dispositif de lutte contre l’évasion fiscale (3)

Conseil d’État

Privatisation de l’aéroport de Toulouse : le Conseil d’Etat rejette le recours pour excès de pouvoir (4)

Cour de Justice de la république

Pourquoi il faut supprimer la Cour de justice de la République (5)

Cour des Comptes

Icade : la Cour des comptes édulcore son rapport (6)

Les idées lumineuses de Mr Migaud (président de la Cour des Comptes) (7)

Direction du Trésort (Bercy)

Fraude fiscale : pour en finir avec le « verrou de Bercy » (8)

« Taxe Tobin » européenne : Bercy manœuvre pour un texte a minima (9)

Sous l’embrouille fiscale, l’austérité à perpétuité (10)

On peut aussi mentionner l’article figurant sur ce siteici.

Sénat

Loi Macron : feu vert du Sénat à la privatisation des aéroports de Nice et Lyon (11)

Assemblée nationale

« Taxe Tobin » : les députés plient devant Bercy (12)

Réforme bancaire : quand l’Assemblée institue la séparation « à la française » (13)

Justice

Non, le super procureur annoncé n’en est pas un (14)

Réforme du CSM : l’indépendance de la justice n’est pas au rendez-vous (15)

Politique gouvernementale de François Hollande.

Privatisations

L’aéroport de Toulouse vendu à un consortium sino-canadien (16)

Le gouvernement prêt à brader les réseaux de transport d’énergie (17)

Batho dénonce la privatisation des concessions hydroélectriques (18)

Loi Macron : feu vert du Sénat à la privatisation des aéroports de Nice et Lyon (18 b is)

Vers une privatisation du n°1 du logement social (19)

Vers la privatisation des examens du permis de conduire (20)

Les demi-mesures

Fraude fiscale : la réforme inachevée (21)

Mais où est donc passée la révolution fiscale ? (22)

« Nous sommes les cobayes d’une loi inventée par la gauche » (La loi sur l’emploi qui découle de l’Ani) (23)

Matignon s’attaque à la citadelle de Bercy (24)

La « taxe Tobin » européenne est mise en lambeaux (25)

La France, mauvaise élève du lobbying (26)

Transition énergétique : le lobby bancaire défend son pré carré (27)

Les lanceurs d’alerte ne sont pas encore assez protégés (28)

Protection des sources : à quand le changement ? (29)

Secret des affaires : « La France fait pire que l’Europe » (30)

Devoir de vigilance des multinationales : à la fin, une petite loi (31)

Sécurité au travail : les sous-traitants sont les oubliés d’une réforme a minima (32)

Loi Macron, loi des patrons (33)

Mediator : l’Agence du médicament est mise en examen (34)

Finance

La Banque publique d’investissement, (BPI) une occasion manquée de créer un pôle public financier (35)

Banques : les députés découvrent une réforme minuscule (36)

Banque de France : petits échos de la vie de cour (37)

Industrie

Deux compagnies pétrolières françaises accusées en Amazonie (38)

La vente d’Alstom met à mal la crédibilité industrielle du gouvernement (39)

L’Elysée arbitre la fusion Nokia-Alcatel-Lucent (40)

Jean-Yves Le Drian plastronne à propos des exportations d’armes (41)

Areva : l’addition hors de prix des errements des nucléocrates (42)

Accord transatlantique : François Hollande joue avec le feu (43)

Les plans sociaux ont pesé lourd dans la défaite de maires PS (44)

Le bouquet final

Hollande ou le renoncement perpétuel (45)

Quand les banquiers infiltrent les sommets de l’Etat (46)

Le gouvernement s’aplatit toujours plus devant le patronat (47)

Un livre de Mediapart : « Qu’ont-ils fait de nos espoirs ? » (48)

Les reportages de cash investigation sur France 2 (49) montrent aussi comment la "main invisible" des lobbys financiers et industriels tentent de freiner et freinent les avancées législatives et réglementaires au service de l’intérêt général des populations.

La ville fantôme des espoirs perdus.

Si l’on voulait comparer les lois et les règlements mis en place pendant le gouvernement Hollande à des constructions urbaines, on aurait l’image d’une ville parsemée de tours inachevées, de maisons à peine sorties de terre ou sans toits, de ponts non terminés ne pouvant franchir les rivières, de routes partiellement bitumées et menant nulle part : en quelque sorte une ville fantôme dont une main invisible aurait empêché la fin de sa construction. Cette main est celle du marché et des actionnaires dont l’action est de préserver les intérêts du pôle propriété de la classe dominante, intérêts qui pourraient être remis en cause par des règlements et des lois trop favorables à l’intérêt général.

Cela explique pourquoi Jean-Luc Mélenchon est très sévère dans ses propos à l’égard de la politique du gouvernement et semble ne luireconnaître rien de positif. Ce manque apparent de nuance provoque des réactions critiques de la part de quelques-uns de ses partenaires, des socialistes affligés et des écologistes. Mais lorsque l’on fait un inventaire objectif, force est de reconnaître que le nombre de mesures provoquant l’assentiment des syndicats, des associations diverses de lutte contre le lobbying, la corruption, la pauvreté, etc. est quasi nul. Même lorsque les mesures vont dans le bon sens, on a la désagréable impression qu’il existe un sabotage permanent en arrière plan pour empêcher de les faire aboutir.

Lorsque Mediapart parle d’aplatissement des politiques et des technocrates issus du PS à l’égard des banques et de la finance, cela pourrait laisser supposer que ces politiques et technocrates constitueraient une force en quelque sorte autonome, indépendante du grand patronat. Ils subiraient leurs ordres ou consentiraient volontiers à leurs injonctions Il existerait même parfois un bras de fer entre le gouvernement et les banquiers.

Ce type d’interprétation repose sur une certaine naïveté et une méconnaissance de la nature de classe des partis politiques et en particulier du parti socialiste. En réalité, grand patronat et technocrates ou élus du PS (Idem pour les partis de droite), travaillent ensemble. La feuille de route de la politique économique est mise au point de concert. Le lobbying des entreprises qui ne participent pas directement à ce travail collaboratif est accueilli avec bienveillance et générosité par les agents de la sphère politique et technocratique.

Cette gauche élitaire en responsabilité du pouvoir économique et politique fait donc partie intégrante de la classe dominante et participe directement à la domination multiforme des dominés.

Évidemment, la plupart des électeurs ayant voté pour des représentants du parti socialiste ne sont pas du tout conscients de la nature de classe de ce parti. Un assez long chemin leur reste encore à parcourir pour dépasser le simple constat des reniements voire des trahisons et accéder à une véritable conscience de classe.

Évidemment, ces élus et technocrates qui participent à cette domination de classe ne sont pas conscients de cette structure et fonctionnement de classe. Les poissons qui évoluent dans un bocal ne voient pas l’eau dans laquelle ils nagent et respirent. Les études faites à l’ENA et Polytechnique ne permettent pas d’avoir une telle conscience.

Remarquons que l’approche précédente que l’on pourrait qualifier de radicale n’est pas pour autant manichéenne et dogmatique puisqu’elle tient compte de la diversité, de la complexité des rapports sociaux et des décisions politiques.

Dans notre étude sur la politique de la justice conduite par le gouvernement entre 2012 et 2014, nous avons mis en évidences quelques avancées non négligeables sous l’impulsion de Christiane Taubira (50) mais nous avons montré ici pourquoi bon nombre des dispositifs législatifs n’allaient pas au bout de leur logique et des intentions annoncées.

Hervé Debonrivage


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