Front de Gauche, La longue marche vers la victoire 1 (tribune d’Hervé Debonrivage)

mercredi 25 mars 2015.
 

Premier épisode : électoralisme et activisme, les deux maladies infantiles du militantisme.

Electoralisme.

Nous utiliserons le terme électoralisme dans un sens proche de celui qui est défini par les dictionnaires : forme de militantisme qui subordonne à des élections la vie politique d’un pays.

Il n’a pas ici de sens péjoratif mais simplement descriptif.

En voici, selon moi, quelques caractéristiques :

- finalité militante essentiellement axée sur des victoires électorales pour obtenir le maximum de sièges dans les différents assemblées ou le maximum de voix pour accéder à la président de la république.

- action d’information des citoyens uniquement réalisée à proximité des élections : tracts, collages, réunions publiques, etc.

- activités de représentation des élus dans différentes sphères

- participation aux débats dans les différentes assemblées élues : conseil municipal, assemblée nationale , conseil général et régional, et autres institutions

Conséquences possibles : électoroculture (clientélisme), professionnalisation du politique pouvant se transformer en marketing politique, etc.

Activisme

En revanche, nous n’utiliserons pas ici la définition du mot activisme comme il est souvent défini dans les dictionnaires qui est celle d’une conduite d’actions violentes, antidémocratiques. Il n’a ici ni de sens péjoratif, ni de sens d’une utilisation de la violence.

Nous entendons par activisme une activité militante axant l’essentiel de son activité sur des actions de manifestations, de prise de parole dans des lieux publics. En voici quelques caractéristiques principales :

- distribution de tracts, de journaux militants, affichage à l’occasion d’actions ponctuelles.

- participation à des actions de manifestations locales : (fermeture d’entreprises,…), à des protestations thématiques : (gaz de schiste, construction d’un aéroport,…), à des actions catégorielles (grève des cheminots, des infirmières, …). à des manifestations nationales sur des problèmes généraux : (CPE, retraite,…).

Conséquences possibles : égoclanisme de l’avant-garde éclairée, enfermement sectaire,etc.

Après plusieurs dizaines d’années d’expérience que constate-t-on ?

- Le PCF malgré cette double préoccupation a vu son audience électorale s’éroder puis s’effondrer (le nombre de militants a aussi considérablement diminué) et son action n’a rien changé à la puissance du capitalisme. Certes, la politique du PCF dans certaines municipalités a été très profitable pour les couches populaires, son alliance momentanée avec le PS a permis de faire passer quelques lois sociales non négligeables, mais le système reste intact pour ne pas dire renforcé.

- les mouvements dits anticapitalistes ont participé à une multitude de grèves et de manifestations mais ont vu leur audience stagner. Leur action n’a rien changé à la puissance destructrice du capitalisme.

Alors où est l’erreur ? Où est le problème ? Doit-on se contenter des explications dites sociologiques ou économiques externes aux organisations en cause ? La diminution relative du nombre d’ouvriers dans la population active, la segmentation du travail, la peur occasionnée par le chômage et la précarité, l’individualisme, etc. On connaît par cœur la panoplie des explications de ce genre.

Ces organisations se trouveraient ainsi dédouanées de toute responsabilité dans leur affaiblissement. Pas tout à fait : il existe des critiques portant sur la responsabilité interne à ces organisations. Elles sont du type : bureaucratisme, coupure dirigeants – base, embourgeoisement des directions (avec leurs versions explicatives petite-bourgeoises, gauchistes et extrême droitières) ou encore du genre : aventurisme spontanéisme, irréalisme dans une version PCF identitaire ou sociale-démocrate anti gauchiste. (N’oublions tout de même pas que des partis de droite aux structures particulièrement bureaucratiques ont réalisé des scores électoraux considérables.)

Mais toutes ces "explications" restent superficielles et manquent leur cible. Il me semble nécessaire de se poser des questions sur ce manque aggravé d’efficacité politique, d’autant que nous traversons depuis maintenant de nombreuses années une période calamiteuse pour de nombreux salariés et une jeunesse en quête d’emploi et de valeurs.

Depuis longtemps, le capitalisme n’a jamais autant été discrédité. La gauche de la gauche n’a même pas encore récupéré un score électoral du même ordre que celui de Jacques Duclos en 1969 (21,3 % des suffrages exprimés). Mais fort heureusement, depuis les élections présidentielles dernières, une nouvelle dynamique est enfin en train de se mettre en marche.

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de nier l’utilité sociale et politique de la liste non exhaustive mentionnée ci-dessus. Mais il s’agit de prendre conscience du déficit politique majeur de la stratégie des forces composant le Front de gauche et ses alliés politiques et évidemment des divers mouvements se réclamant d’un "anticapitalisme radical" ou d’une "gauche radicale" ou de "gauche de rupture avec" le capitalisme, peu importe le label rouge.

Ces militants et leurs responsables politiques n’ont pas encore compris qu’ils sont dans une situation de guerre totale depuis des dizaines d’années, au sens où elle se développe sur chaque centimètre carré du territoire, et qu’ils doivent faire face à une armée qui les combat de jour comme de nuit avec des armes de plus en plus sophistiquées.

Ils ne la voient pas cette armée ! Ces dévoués et valeureux militants, ces heureux élus, vaquent à leurs occupations routinières électoralistes et activistes, souvent épisodiques et fréquemment plus réactives ou défensives qu’offensives. Ils n’ont pas mis en oeuvre une stratégie politique à la mesure de la force de frappe idéologique de cette armée qu’ils entrevoient sans la voir.

Pourquoi une telle cécité ? Les soldats de cette armée n’apparaissent pas devant eux en uniforme et arme à la main. Et pour cause : ils sont invisibles ! Enfin, pas toujours…

Episode 2 : l’armée invisible et la prison du silence

Episode 3 : Le front de gauche va changer de braquet

Episode 4 : Les clés de la victoire du Front de Gauche : la dynamique PAFO

Hervé Debonrivage


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