Louis de Bonald, philosophe légitimiste précurseur du royalo-fascisme et du fascisme clérical

dimanche 1er décembre 2024.
 

- 1) Qui est ce Louis de Bonald ?
- 2) La société chrétienne vue par Louis de Bonald
- 3) Les idées majeures du vicomte Louis de Bonald

Pourquoi connaître Louis de Bonald (1754 à 1840) ? parce qu’il a influencé les penseurs de droite contre-révolutionnaire anti-démocratique au 19ème comme au 20ème siècles : Juan Donoso Cortès en Espagne, Louis Veuillot, Léon de Montesquiou, Paul Bourget en France, Carl Schmitt en Allemagne...

Dans les années 1950, j’ai été effaré et apeuré par la mode des recherches théologiques et articles de presse le concernant, y compris par exemple dans l’Espagne franquiste.

1) Qui est ce Louis de Bonald ?

-  Le descendant d’un hobereau de la Sainte Ligue, fer de lance local des fanatiques cléricaux durant les Guerres de religion

-  L’héritier d’une famille noble ayant conservé jusqu’en 1789, un statut féodal dans son rapport aux paysans

-  Un seigneur qui perd 91% de ses revenus lors de la suppression des droits féodaux en 1789

-  Un vicomte émigré dans l’Armée des Princes en 1791, puis soumis à la surveillance de la police jusqu’en 1806 après son retour en France

Il prend sa revanche en 1815 grâce au retour de la royauté sur le trône. : membre du Conseil privé du roi et de la Chambre des Pairs, ministre d’Etat, académicien, premier président de l’Assemblée départementale de l’Aveyron, député de ce département sans cesse réélu, vice-président de la Chambre des députés…

A Paris, il s’engage dans des journaux virulents et des salons aussi exaltés que mystiques dans lesquels complotent des Jésuites fanatiques. Il devient le théoricien des légitimistes Ultras, plus royalistes que le roi. Avec eux, il veut profiter de l’occasion favorable pour rétablir une dictature royaliste, l’histoire ne connaissant que la loi des vainqueurs choisis par la Providence, à savoir Dieu le Père (suspension des libertés individuelles, lois érigeant en délits les cris, discours et écrits séditieux, institution de juridictions exceptionnelles et sommaires etc). Son programme éclaire les fondements de l’action politique Légitimiste Ultra : « royauté de fait » et non « de droit », « rétablissement de la religion », ordre hiérarchique dans les familles, sûreté du trône (la loi du 28 mars 1820. permet de détenir en prison les personnes suspectées de comploter contre le roi).

Louis de Bonald combat pour l’union étroite de l’Eglise et de l’Etat : rendre au clergé ses propriétés d’avant la Révolution et la responsabilité de l’état civil, confier à chaque évêque la direction de tous les établissements scolaires de son diocèse, redonner leur ancienne puissance temporelle aux moines des abbayes…

Il obtient l’abolition du divorce, veut une reprise en main monarchique de la justice, pourfend le droit de « penser tout haut » (en avril 1821 la Chambre des députés vote une loi interdisant à un député de prendre la parole s’il a déjà été rappelé deux fois à l’ordre par le président).

Il contribue vaillamment au rétablissement de la peine de mort pour les actes sacrilèges car la religion « est la plus sûre garantie de l’obéissance due aux institutions … La société, en punissant de mort le coupable, ne fait au fond que le renvoyer devant son juge naturel ».

Président du Comité national de censure, il participe au vote de lois qui multiplient les moyens autocratiques : celle du 30 mars 1820.rétablit l’autorisation préalable contraignant les journalistes à présenter leurs textes devant une commission de censure avant toute publication, celle du 25 mars 1822 augmente encore le nombre de délits de presse et durcit les peines encourues.

En politique extérieure, il applaudit « la guerre d’humanité » que constitue l’invasion militaire de l’Espagne afin de défendre royauté absolue et christianisme, ces « deux bases de toute civilisation ; il est vrai que cette campagne permet aussi l’extermination des progressistes dans de nombreuses grandes villes et provinces.

2) La société chrétienne vue par Louis de Bonald (hiérarchie, père de famille, Roi, Eglise)

2a) Dieu a créé un monde hiérarchique

Son oeuvre peut se résumer en quelques phrases : Dieu a tout créé, révélé, voulu selon "une seule constitution" reposant à chaque niveau hiérarchique sur le pouvoir absolu d’un homme qui choisit ses ministres pour diriger des sujets instruments. Tel est le cas pour l’Eglise (pape, clergé, fidèles), l’Etat (roi, nobles, sujets), la famille (père, mère, enfants), le travail (maître, contremaître, domestiques), les pays (France, Europe, monde) et même le corps humain (tête, organes, outils) et même la syntaxe (sujet, verbe, compléments). Ces triangles s’emboîtent les uns dans les autres dans la tradition de Saint Augustin.

2b) La famille

La société repose sur la famille propriétaire dont le père constitue le pouvoir « un, indépendant (des autres membres de la famille), immuable, perpétuel (même majeur civilement l’enfant reste mineur dans la famille), et émanant de Dieu » (H. Moulinié). La mère n’est qu’un homme-enfant, physiquement fragiles, nerveusement et sentimentalement instable. On ne peut tolérer le divorce, entre autres parce qu’il attribue à la femme le droit sacrilège de juger son mari ; d’ailleurs De Bonald préfère au divorce le droit à la répudiation de la femme par le mari afin de ne pas séparer les enfants de leur père. Le but réel du mariage n’est pas le bonheur mais l’assurance d’avantages pour le fils aîné dans l’héritage paternel. Ainsi, l’intégrité de la propriété familiale reste entre les mains du mâle dominant, pilier perpétuel de la famille comme cellule de base de la société. Les enfants plus jeunes doivent au contraire quitter la maison paternelle dès que l’âge le leur permet.

2c) Le Roi

Avec le Père de famille, le Roi est le second élément de base de la société. Le pouvoir de cet homme-Dieu doit être également unique, absolu, définitif, héréditaire, indépendant des hommes, propriétaire du sol. Les fonctions législative, exécutive, judiciaire sont au service de ce pouvoir et résevée à la noblesse née des hommes forts des premiers temps féodaux. Dans ce système fondé sur des classes sociales héréditaires, les habitudes prennent le dessus sur les opinions ; on y défend les traditions sur tous les sujets, y compris en littérature et en art ; on s’y méfie des nouveautés et des modes ; le caractère national se maintient dans sa pureté.

2d) Rôle majeur de l’Eglise catholique

Elle s’est élevée au-dessus des familles et des pays. Son chef en est le souverain pontife ; les prêtres en forment la noblesse appelée elle aussi à combattre (contre l’Erreur). A quoi sert cette troisième institution ? à faire obéir le peuple ( « l’Eglise a pleine autorité pour dicter des lois à l’individu ») en plaçant le pouvoir féodal dans un nuage de dogmes religieux, « dans un ordre de choses définitif et inaccessible à nos passions. »

Elle joue un rôle de chevalier de l’intolérance contre toute pensée contraire à la Vérité catholique. Depuis que le Fils de Dieu a réaffirmé sur terre la Vérité, toute pensée humaine doit s’inscrire dans ce cadre. Sinon, elle doit se briser sur le mur de l’intolérance « Dieu est intolérant de l’erreur par la nécessité de sa nature ». La seule philosophie acceptable est d’autorité, comme le catholicisme, et non de raisonnement. Le Berger y est tout ; les brebis ne sont rien.

Ce rôle majeur de l’Eglise catholique passe fondamentalement par le type d’éducation qu’elle prend en charge. Les garçons des familles aisées doivent recevoir de la part d’un ordre religieux comme les Jésuites un enseignement autoritaire et uniformisant : même catéchisme, mêmes vêtements, même nourriture, mêmes horaires, mêmes livres, mêmes exercices... Les filles appartiennent d’abord à la famille et doivent être élevées pour prendre en charge les travaux domestiques. Il ne sert à rien de dépenser de l’argent pour les enfants du peuple, trop cancres pour que cette dépense soit rentable. Il ne sert à rien non plus d’accepter les enfants juifs à l’école puisqu’il faut les refuser adultes dans les professions nécessitant une instruction.

3) Les idées majeures du vicomte Louis de Bonald

3a La TRADITION constitue un concept fondamental de sa pensée

Dieu a créé Rois, Seigneurs, riches, pauvres, animaux... tout en révélant les mots puis l’écriture correspondant à ces réalités. Les mots étant inséparables de leur sens, ces créations originelles constituent la Vérité morale, politique, religieuse, scientifique même. Cette REVELATION a ensuite été transmise par la TRADITION. Révélation (Bible) et Tradition (Pères de l’Eglise, Saints, papes...) se complètent comme socle solide :

- des pouvoirs absolus (Roi, Propriétaire, Maître (employeur), Père),

- des préjugés ("croyance d’une vérité générale")

- et du Bon sens ("fonds commun d’idées et de sentiments", synonyme de vérité.

D’essence divine, la TRADITION rend inutile la liberté individuelle.

3b) Le POUVOIR est nécessairement PERSONNEL et ABSOLU

Les régimes exemplaires sont l’Egypte antique (Pharaon =chef unique, héréditaire, divin s’appuyant sur des castes fermées et une religion d’Etat), l’Empire romain à certaines époques, la féodalité germaine primitive, la monarchie française du 17ème siècle.

L’idée d’une séparation des pouvoirs chère à Montesquieu est "antireligieuse" ; il faut réprimer sans pitié ce type d’écrit hérétique. "Je vote pour la censure... sur les journaux politiques, littéraires... de province, de Paris".

De Bonald ne peut admettre les notions de souveraineté populaire, de lois faisant évoluer le droit, d’élus jouissant d’un rôle législatif. Pour lui, « la vie des hommes n’est pas soumise au hasard de leurs inventions », mais à un pouvoir dont l’exemple est la Révélation divine « Je suis votre Dieu ».

« L’homme ne peut rien sur l’homme que par Dieu et ne doit rien à l’homme que pour Dieu. »

3c) Les DROITS DE L’HOMME sont une déchéance

Après le règne de Louis XIV, la France est entrée dans une phase de décadence en raison du libertinage, des étrangers ( Law), des hérétiques, des fausses doctrines du 18ème, des villes, d’une économie fondée sur l’argent.

L’apogée de cette décadence, c’est la Révolution française, en particulier la Déclaration des Droits de l’homme « bavardage niaisement absurde ou profondément dangereux » « ne voyant ni pères, ni mères, ni enfants, ni maîtres, ni serviteurs, ni pouvoirs, ni ministres, ni sujets mais seulement des individus ayant des droits. »

« Or, Dieu et la Société ont seuls des droits qui deviennent pour l’individu des règles à observer, des devoirs. » « La révolution finira par la Déclaration des droits de Dieu. »

3d) Louis de Bonald aspire à un retour à un Moyen-Age mythifié

La société cléricale et totalitaire qu’il appelle de ses voeux, dessine en fait les contours d’une féodalité hiérarchisée mais où l’économie, le droit, la vie de la société reposerait sans limité sur la seule propriété terrienne avec le Roi et l’Eglise comme garants.

Il puise d’ailleurs ses valeurs morales dans l’idéologie moyennageuse :

- Sacrifice (de la femme pour son époux, du militaire pour son Roi...)

- Honneur

- Travail (pour le peuple)

- Rôle de la Force dans l’histoire humaine, y compris pour un coup d’Etat royaliste légitimiste.

Jacques Serieys

Le fascisme contre la révolution française (De Bonald, Maurras...)


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